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26/05/2003 | SUISSE | N°I.462/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 mai 2003, I.462/02


{T 7}
I 462/02

Arrêt du 26 mai 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Widmer, Ursprung et
Frésard.
Greffier: M. Berthoud

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion,
recourant,

contre

N.________, intimée, représentée par Me Jean-Michel Zufferey, Avocat,
Avenue
du Marché 10, 3960 Sierre

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 3 juin 2002)

Faits:

A.
Née le 14 janvier 1939, N.________ a travaillÃ

© en qualité de
coiffeuse durant
plus de quarante ans. Le 16 janvier 1999, elle a été victime d'une
fracture
de la cheville gau...

{T 7}
I 462/02

Arrêt du 26 mai 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Widmer, Ursprung et
Frésard.
Greffier: M. Berthoud

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion,
recourant,

contre

N.________, intimée, représentée par Me Jean-Michel Zufferey, Avocat,
Avenue
du Marché 10, 3960 Sierre

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 3 juin 2002)

Faits:

A.
Née le 14 janvier 1939, N.________ a travaillé en qualité de
coiffeuse durant
plus de quarante ans. Le 16 janvier 1999, elle a été victime d'une
fracture
de la cheville gauche et a dû cesser temporairement le travail; AXA
Assurances a pris les suites de cet événement à sa charge, en qualité
d'assureur LAA. Par ailleurs, à partir de 1997, l'assurée a présenté
des
allergies (eczéma de contact aux mains) causées par divers produits
utilisés
dans sa profession, ce qui a conduit la Caisse nationale suisse
d'assurance
en cas d'accidents (CNA), par décision du 25 janvier 2000, à la juger
inapte
à l'exercice de ce métier avec effet immédiat. A la suite de cette
décision,
AXA Assurances a versé des indemnités journalières pour changement
d'occupation à partir du 14 février 2000.

Le 15 mai 2000, l'assurée a sollicité le versement d'une rente de
l'assurance-invalidité. Des renseignements médicaux recueillis par
l'Office
cantonal AI du Valais (l'office AI), il est ressorti notamment que la
profession de coiffeuse n'était plus exigible, en raison d'une
allergie à la
paraphénylènediamine et au persulfate d'amonium, mais que la capacité
de
travail de l'assurée serait entière dans une activité qui ne
l'exposerait pas
à d'autres allergènes, tels que les squames de chats et de chiens
ainsi
qu'aux acariens (rapports des docteurs A.________, spécialiste en
médecine
interne, du 6 avril 2001, et B.________, spécialiste en médecine du
travail
et médecine générale, du 14 décembre 2001). Les responsables de la
Division
d'immunologie et d'allergie du Centre Hospitalier X.________, à qui
l'office
AI avait confié un mandat d'expertise, ont partagé cette appréciation
(rapport des docteurs C.________ et D.________, du 27 novembre 2001).

Par décision du 11 février 2002, l'office AI a alloué à l'assurée une
rente
entière d'invalidité pour la période s'étendant du 1er janvier 2000
(soit un
an après l'arrêt de travail survenu en janvier 1999) jusqu'au 31 mai
2000 (la
reprise d'une activité exigible étant réputée survenue le 14 février
2000).

B.
N.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du
canton du
Valais, en concluant à ce que la rente entière lui fût servie
jusqu'au 31
janvier 2002, jour précédant le début du versement de sa rente de
vieillesse
de l'AVS.

Par jugement du 3 juin 2002, la juridiction cantonale a admis le
recours et
fait entièrement droit aux conclusions de l'assurée.

C.
L'office AI interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement
dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa
décision
du 11 février 2002.

L'intimée conclut au rejet du recours, avec suite de dépens. L'Office
fédéral
des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de l'intimée à une rente entière
d'invalidité
pour la période s'étendant du 1er juin 2000 au 31 janvier 2002.

Son droit à une telle rente du 1er janvier au 31 mai 2000 n'est en
revanche
ni contesté ni sujet à discussion.

2.
2.1Les premiers juges ont exposé les règles applicables à la solution
du
litige (cf. art. 4, 28 et 29 LAI), de sorte qu'il suffit de renvoyer
à leurs
considérants. On précisera à cet égard que la loi fédérale sur la
partie
générale du droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000,
entrée
en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, le
juge des
assurances sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du
droit ou
de l'état de fait survenues après que la décision litigieuse (in casu
du 11
février 2002) a été rendue (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366
consid.
1b).

Il faut aussi rappeler qu'une décision par laquelle
l'assurance-invalidité
accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même
temps,
prévoit la réduction de cette rente correspond à une décision de
révision au
sens de l'art. 41 LAI (VSI 2001 p. 157 consid. 2). Aux termes de cette
disposition légale, si l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se
modifie de
manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir,
augmentée, réduite ou supprimée.

2.2 La notion d'invalidité est, en principe, identique en matière
d'assurance-accidents, d'assurance militaire et
d'assurance-invalidité. Dans
ces trois domaines, elle représente la diminution permanente ou de
longue
durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibilités
de gain
sur le marché du travail équilibré qui entre en ligne de compte pour
l'assuré
(ATF 119 V 470 consid. 2b, 116 V 249 consid. 1b et les arrêts cités).

La notion du marché équilibré du travail est une notion théorique et
abstraite, qui sert de critère de distinction entre les cas tombant
sous le
coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de
l'assurance-invalidité,
de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire. Elle implique,
d'une
part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de
main-d'oeuvre et,
d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il
offre un
éventail d'emplois diversifiés. D'après ces critères, on déterminera
si, dans
les circonstances concrètes du cas, l'invalide a la possibilité de
mettre à
profit sa capacité résiduelle de gain, et s'il peut ou non réaliser
un revenu
excluant le droit à une rente (ATF 110 V 276 consid. 4b; RCC 1991 p.
332
consid. 3b).

2.3 L'absence d'une occupation lucrative pour des raisons étrangères à
l'invalidité ne peut donner droit à une rente. Si un assuré ne trouve
pas un
travail approprié en raison de son âge, d'une formation insuffisante
ou de
difficultés linguistiques à se faire comprendre (ou à comprendre les
autres),
l'assurance-invalidité n'a pas à en répondre; l'«incapacité de
travail» qui
en résulte n'est pas due à l'invalidité (ATF 107 V 21 consid. 2c; VSI
1999 p.
247 consid. 1).

Toutefois, lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité d'un assuré qui se
trouve
proche de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse, il faut
procéder à
une analyse globale de la situation et se demander si, de manière
réaliste,
cet assuré est (ou était) en mesure de retrouver un emploi sur un
marché
équilibré du travail. Indépendamment de l'examen de la condition de
l'obligation de réduire le dommage (cf. ATF 123 V 233 consid. 3c et
les
références), cela revient à déterminer, dans le cas concret qui est
soumis à
l'administration ou au juge, si un employeur potentiel consentirait
objectivement à engager l'assuré, compte tenu notamment des activités
qui
restent exigibles de sa part en raison d'affections physiques ou
psychiques,
de l'adaptation éventuelle de son poste de travail à son handicap, de
son
expérience professionnelle et de sa situation sociale, de ses
capacités
d'adaptation à un nouvel emploi, du salaire et des contributions
patronales à
la prévoyance professionnelle obligatoire, ainsi que de la durée
prévisible
des rapports de travail (consid. 4c de l'arrêt W. du 4 avril 2002, I
401/01).

3.
3.1En l'occurrence, les premiers juges ont considéré qu'on ne saurait
raisonnablement exiger de l'intimée qu'elle reprît une activité
professionnelle. En effet, à l'époque où sa capacité de travail avait
été
évaluée par divers experts (en 2001), l'intimée se trouvait à
quelques mois
de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse. Après avoir exercé la
profession de coiffeuse durant plus de quarante ans, elle aurait eu de
grandes difficultés à entreprendre une nouvelle activité légère et
adaptée,
sans formation complémentaire. De plus, aucun employeur ne l'aurait
engagée,
d'autant moins que son état de santé requérait de travailler dans un
milieu
aseptisé et qu'il aurait fallu lui dispenser un minimum de formation
professionnelle pour un emploi d'emblée limité à une durée de
quelques mois.

L'office recourant relève que d'un point de vue purement médical,
rien ne
faisait obstacle à la reprise d'une activité professionnelle adaptée,
à
l'instar de travaux d'emballage ou de contrôle de petites pièces dans
le
secteur industriel, à des travaux de montage simple ou à un emploi de
caissière de parking ou de cinéma. Il ajoute que sous l'angle de
l'obligation
de réduire le dommage, l'intimée savait déjà, en janvier 2000,
qu'elle devait
changer d'activité, ce dont les premiers juges n'ont pourtant pas tenu
compte. Enfin, tout en admettant que la prise d'un nouvel emploi
aurait pu
s'avérer très difficile eu égard à l'âge de l'intimée, l'office
recourant
rappelle que l'AI n'a pas à se substituer à l'assurance-chômage
lorsque la
question de l'âge n'a pas d'incidence, comme dans le cas d'espèce,
sur la
détermination des activités lucratives qui peuvent encore entrer en
ligne de
compte.

3.2 En l'espèce, il s'agit de chercher à savoir si on pouvait encore
raisonnablement exiger de l'intimée qu'elle exerçât une activité
lucrative à
partir du 14 février 2000, au regard de l'ensemble des circonstances
concrètes.

Il ne fait pourtant guère de doute, pour les motifs exposés par les
premiers
juges, que les chances de l'intimée de retrouver un emploi durant les
mois
qui ont précédé l'ouverture du droit à la rente de vieillesse étaient
minimes. En effet, l'intimée a travaillé durant plus de quarante ans
comme
coiffeuse et n'a apparemment acquis aucune expérience professionnelle
dans
d'autres domaines. Les limitations décrites par l'expertise des
docteurs
C.________ et D.________ (du 27 novembre 2001) sont nombreuses. On ne
voit
guère quel type d'emploi pourrait être envisagé et, surtout, quel
employeur
eût accepté d'engager une assurée proche de l'âge de la retraite
ayant fait
l'objet d'une décision d'inaptitude de la part de la CNA en raison
d'allergies diverses et moyennant de surcroît une éventuelle
adaptation du
poste de travail.

Il est vrai, comme le recourant le fait observer, que le docteur
B.________
avait indiqué divers emplois adaptés aux limitations fonctionnelles
auxquelles l'intimée est confrontée. Cependant, le docteur B.________
a pris
soin de préciser que les possibilités de travail qu'il mentionne sont
théoriques. D'ailleurs, dans son rapport du 13 janvier 2000, qui a
abouti à
la décision d'inaptitude du 25 janvier suivant, ce médecin avait
d'emblée
considéré que la décision d'inaptitude correspondait de facto à un
arrêt
d'activité anticipée chez une assurée à deux ans de la retraite pour
laquelle
une véritable reconversion n'entrait guère en ligne de compte.

Au regard des critères énoncés au consid. 2.3 ci-dessus, le recourant
aurait
dû parvenir à la conclusion que l'intimée n'était plus en mesure de
retrouver
un emploi sur un marché équilibré du travail. Il a donc supprimé à
tort la
rente d'invalidité à partir du 1er juin 2000, si bien que son recours
est mal
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2'500 fr. (y compris la
taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton du Valais et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 26 mai 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.462/02
Date de la décision : 26/05/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-26;i.462.02 ?
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