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26/05/2003 | SUISSE | N°I.143/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 mai 2003, I.143/03


{T 7}
I 143/03

Arrêt du 26 mai 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Berset

S.________, recourant, représenté par la Fédération suisse pour
l'intégration
des handicapés (FSIH), place Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 2 décembre 2002)

Faits :>
A.
Né en 1967, S.________ a déposé, le 20 septembre 1994, une demande de
prestations de l'assurance-invalidité tendant à l...

{T 7}
I 143/03

Arrêt du 26 mai 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Berset

S.________, recourant, représenté par la Fédération suisse pour
l'intégration
des handicapés (FSIH), place Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 2 décembre 2002)

Faits :

A.
Né en 1967, S.________ a déposé, le 20 septembre 1994, une demande de
prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi
principalement de
mesures professionnelles, subsidiairement d'une rente.

L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (OAI) a
confié une
expertise à la Policlinique médicale X.________, agissant comme centre
d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI). Dans leur
rapport
du 6 mars 2000, les experts ont fixé à 50 % la capacité de travail de
l'assuré dans une activité adaptée.

Par décision du 19 février 2001, l'OAI a refusé d'allouer une rente
d'invalidité à S.________, au motif que son taux d'invalidité -
évalué en
fonction d'un revenu sans invalidité de 54'180 fr. et d'un revenu
d'invalide
de 47'097 fr. - n'excédait pas 13 %.

B.
Par jugement du 2 décembre 2002, le Tribunal des assurances du canton
de Vaud
a rejeté le recours formé par le prénommé contre cette décision.
Considérant,
contrairement aux conclusions de l'expertise, que l'assuré était apte
à
exercer à 100 % une activité légère et sédentaire, le tribunal a
confirmé le
bien-fondé de la comparaison des revenus émanant de l'OAI.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il requiert l'annulation, en concluant au renvoi de la cause à la cour
cantonale pour qu'elle procède à une nouvelle comparaison des
revenus, tenant
compte du fait qu'il présente une capacité de travail de 50 % dans une
activité légère.

L'OAI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a
renoncé à se déterminer.

D.
Par décision du 7 février 2000, confirmée sur opposition le 11 mai
suivant,
la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a
alloué une
rente d'invalidité de 30 % à S.________. Un recours de droit
administratif a
été formé par l'assuré contre cette décision devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud.

Considérant en droit :

1.
Selon l'expertise du COMAI, l'assuré dispose d'une capacité de
travail de 50
pour cent avec diverses limitations (station debout, port de charges
supérieures à 15 kg, absence de travaux lourds, contre-indication de
la
marche répétée sur un périmètre de plus de 100 m).

2.
Les premiers juges se sont écartés des conclusions des experts en ce
qui
concerne le taux de l'incapacité de travail. Selon eux, le recourant
est apte
à exercer une activité lucrative à plein temps dans une activité
sédentaire.
En effet, les experts ne motivent pas leur appréciation selon laquelle
l'assuré ne peut travailler qu'à mi-temps seulement. A cet égard,
l'expertise
est entachée de contradictions manifestes, dans la mesure où les
experts
attribuent à des causes étrangères à la médecine l'échec de mesures de
réadaptation alors qu'ils soulignent par ailleurs les excellentes
facultés
d'adaptation de l'assuré. Les premiers juges notent par ailleurs que
les
affections psychiques attestées par les experts n'ont pas de caractère
invalidant. Il n'existe pas de troubles graves, vu «l'absence
d'anxiété
manifeste et le défaut de tout symptôme de la lignée psychotique».
Sur ce
point également, l'expertise contiendrait une contradiction manifeste
entre
le consilium psychiatrique (la doctoresse A.________ ayant estimé que
les
troubles psychiques diagnostiqués entraînaient une incapacité de
travail
modérée) et le rapport de synthèse qui retient une incapacité de
travail sans
opérer une distinction entre les causes somatiques et les éventuelles
causes
psychiques qui seraient à l'origine de l'incapacité de travail
attestée de 50
pour cent. On peut ainsi raisonnablement exiger de l'assuré qu'il
surmonte
ses traits de personnalité (décrits comme immatures et narcissiques)
ayant
jusqu'ici entravé sa réinsertion et mette en valeur son importante
capacité
résiduelle de travail dans une activité adaptée.

3.
Il s'agit de savoir s'il existe en l'occurrence des motifs de
s'écarter des
conclusions des experts.

3.1 Si le juge entend s'écarter d'une expertise, il doit motiver sa
décision
et il ne saurait, sans motifs déterminants, substituer son
appréciation à
celle de l'expert, sous peine de tomber dans l'arbitraire. Autrement
dit, le
juge qui ne suit pas les conclusions de l'expert n'enfreint pas
l'art. 9 Cst.
lorsque des circonstances bien établies viennent en ébranler
sérieusement la
crédibilité (ATF 122 V 160 consid. 1c, 119 Ib 274 consid. 8a). Selon
la
jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une
expertise le
fait que celle-ci contient des contradictions ou lorsque d'autres
spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre
sérieusement en
doute la pertinence des déductions de l'expert (ATF 125 V 352 consid.
3b/aa).

3.2 On ne saurait tout d'abord voir des contradictions dans le rapport
d'expertise. Les experts constatent que l'on ne peut pas expliquer
médicalement un rendement nul observé durant le stage effectué par
l'assuré
au centre ORIPH. Ils estiment au contraire que les capacités
d'adaptation
dont a fait preuve l'assuré dans le passé permettent d'exiger de lui
qu'il
mette en valeur sa capacité de travail dans une mesure de 50 pour
cent. Cette
appréciation n'est en soi pas contradictoire. Il n'existe pas non
plus de
contradiction entre le consilium psychiatrique et le fait que les
experts
retiennent que l'incapacité de travail a également une origine
psychiatrique.
La doctoresse A.________ atteste un état dépressif et d'anxiété de
modéré à
sévère qui a une incidence sur la capacité de travail. Cette
incidence, bien
que qualifiée de modérée, n'en est pas moins réelle au dire de ce
médecin.

3.3 Le fait que les experts n'ont pas opéré de distinction entre les
causes
psychiques et somatiques de l'incapacité de travail n'est pas
déterminant. Le
taux de l'incapacité de travail ne résulte pas de la simple addition
de deux
taux d'incapacité de travail (d'origine somatique et psychique) mais
procède
bien plutôt d'une évaluation globale. S'agissant, comme en l'espèce,
d'une
expertise pluridisciplinaire (ou interdisciplinaire), les conclusions
ne
procèdent pas d'une juxtaposition de rapports médicaux : les réponses
aux
questions posées font l'objet d'une discussion entre les experts qui
doivent
apporter des réponses communes sur la base d'un consensus (Jacques
Meine,
L'expert et l'expertise - critères de validité de l'expertise
médicale, in
L'expertise médicale Genève 2002, p. 23 sv.; François Paychère, Le
juge et
l'expert - plaidoyer pour une meilleure compréhension, ibidem, p.
147).

3.4 En ce qui concerne le taux de l'incapacité de travail fixé par les
experts, il n'a certes pas fait l'objet, comme tel, d'une motivation
spécifique. Sur ce point l'appréciation des experts prend appui sur
des
examens minutieux et complets (examen clinique, consilium
psychiatrique,
consilium rhumatologique) et l'on est fondé à considérer qu'elle n'a
pas été
émise à la légère. Les experts estiment que ce taux ne s'est pas
modifié
depuis la fin de l'hospitalisation de l'assuré à Z.________ (février
1995),
époque à laquelle les médecins de cet établissement ont fixé de taux
de
l'incapacité de travail à 50 pour cent dès le 9 février 1995 pour des
activités en position assise. Ils réfutent par ailleurs les
conclusions du
rapport du Centre ORIPH, selon lequel l'assuré a un rendement
qualitatif et
quantitatif nul, sans perspective aucune de fournir un travail
rentable dans
les milieux économiques. Les experts soulignent encore que l'absence
de tout
traitement de l'état anxio-dépressif a aggravé la situation et
insistent sur
la nécessité d'un traitement à long terme de cet état. La réponse des
experts
à la question posée par l'office quant au degré de l'incapacité de
travail
(en pour cent) apparaît comme la quintessence logique - et crédible en
l'occurrence - du rapport d'expertise, notamment de sa partie
consacrée à la
discussion (cf. Alfred Bühler, Erwartungen des Richters an den
Sachverständigen, PJA 1999 p. 573).

3.5 Il est vrai que la CNA a retenu pour sa part un degré
d'invalidité de 30
pour cent compte tenu du fait que l'assuré était à même de mettre en
valeur
une «importante capacité résiduelle de gain» (décision sur opposition
du 11
mai 2000). L'uniformité de la notion d'invalidité doit certes aboutir
pour
une même atteinte à la santé à un même taux d'invalidité. Il est à
relever
toutefois que cette décision n'est apparemment pas entrée en force (le
jugement attaqué mentionne qu'un recours contre ladite décision a été
formé).
Au demeurant, la CNA a fait abstraction dans son évaluation des
troubles
psychiques diagnostiqués par le COMAI, considérant qu'il n'étaient
pas en
relation de causalité adéquate avec l'accident (voir au surplus sur la
relation entre les décisions de l'assureur-accidents et de
l'assurance-invalidité, ATF 126 V 288).

4.
Dans ces conditions, les premiers juges n'avaient pas de motif
pertinent de
s'écarter des conclusions du rapport du COMAI. Il convient donc de
renvoyer
la cause à l'office AI pour qu'il procède à une évaluation de
l'invalidité
sur la base de cette expertise et statuent à nouveau sur la
prétention du
recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 2 décembre 2002 du
Tribunal des assurances du canton de Vaud et la décision du 19
février 2001
de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud sont
annulés, la
cause étant renvoyée à l'intimé pour nouvelle décision au sens des
motifs.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la
taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens
de la
procédure de première instance au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 26 mai 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.143/03
Date de la décision : 26/05/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-26;i.143.03 ?
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