La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2003 | SUISSE | N°6S.129/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 mai 2003, 6S.129/2003


{T 0/2}
6S.129/2003 /dxc

Arrêt du 26 mai 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Denys.

A. ________, enfant mineur agissant par ses parents B.________ et
C.________,
recourant, représenté par Me Catherine Rondoni, avocate, 83, rue des
Eaux-Vives, 1207 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3.

Mes

ures éducatives,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton
de Genève
du 14 mars 2003.
...

{T 0/2}
6S.129/2003 /dxc

Arrêt du 26 mai 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Denys.

A. ________, enfant mineur agissant par ses parents B.________ et
C.________,
recourant, représenté par Me Catherine Rondoni, avocate, 83, rue des
Eaux-Vives, 1207 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3.

Mesures éducatives,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton
de Genève
du 14 mars 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 15 octobre 2002, le Tribunal de la jeunesse du canton
de
Genève a reconnu A.________ coupable de lésions corporelles simples
(art. 123
CP) et a institué une assistance éducative à son égard, chargeant le
Service
de protection de la jeunesse de suivre son évolution et de surveiller
son
éducation. Il ressort notamment ce qui suit de ce jugement:

A.________, né le 26 décembre 1987, de nationalité suisse, est
domicilié chez
ses parents; il fréquentait en 2001-2002 le Cycle d'orientation
X.________.
Le 22 mai 2002, il cheminait à proximité dudit Cycle en compagnie de
trois
camarades. Les quatre jeunes gens ont croisé deux garçons de leur âge.
Estimant que ces derniers "le regardaient mal", A.________ leur a
asséné des
coups de pied et de poing, de concert avec ses camarades. Une des
victimes a
subi, outre des éraflures, un hématome crânien; l'autre des contusions
importantes au visage; toutes deux se sont trouvées en état de choc.

B.
Par arrêt du 14 mars 2003, la Cour de cassation genevoise a rejeté le
recours
de A.________.

C.
Agissant par ses parents, A.________ se pourvoit en nullité au
Tribunal
fédéral contre cet arrêt. Il conclut à son annulation et sollicite par
ailleurs l'effet suspensif.

Le 16 avril 2003, le Tribunal fédéral a signalé qu'aucune mesure
d'exécution
ne pourrait être entreprise jusqu'à décision sur la requête d'effet
suspensif.

Le Procureur général genevois conclut au rejet du pourvoi.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait
définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis
al. 1
PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des
faits
retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

2.
2.1Né le 26 décembre 1987, le recourant a commis les actes reprochés
le 22
mai 2002. Il était alors âgé de plus de sept ans, mais de moins de
quinze ans
révolus, et ne conteste pas avoir commis un acte punissable.
Conformément à
l'art. 82 al. 2 CP, il est ainsi exposé aux dispositions du Code pénal
applicables aux enfants.

Le recourant s'en prend à la mesure ordonnée et invoque une violation
des
art. 83 et 84 CP. A propos de l'art. 84 CP, il se prévaut notamment
d'une
application arbitraire de cette disposition et renvoie à l'art. 9
Cst. En
réalité, il ne fait rien d'autre dans sa motivation que de dire en
quoi
consiste la mauvaise application de l'art. 84 CP. Il soulève ainsi une
violation du droit fédéral, sans que la référence à l'art. 9 Cst. y
donne une
autre portée. Une violation de cette norme constitutionnelle ne
pourrait de
toute façon pas être valablement soulevée dans un pourvoi (cf. art.
269 al. 2
PPF).

2.2 L'art. 83 CP prévoit que l'autorité compétente constatera les
faits. En
tant que cela est nécessaire pour la décision à prendre, elle
s'entourera
d'informations sur la conduite, l'éducation et la situation de
l'enfant et
requerra rapports et expertises quant à l'état physique et mental;
elle
pourra aussi ordonner la mise en observation pendant un certain
temps. L'art.
84 CP dispose quant à lui que si l'enfant a besoin de soins éducatifs
particuliers, notamment s'il est très difficile, abandonné ou en
sérieux
danger, l'autorité de jugement ordonnera l'assistance éducative ou le
placement familial ou dans une maison d'éducation (al. 1).
L'assistance
éducative tend à donner les soins, l'éducation et l'instruction dont
l'enfant
a besoin (al. 2).

La violation invoquée de l'art. 83 CP ne saurait constituer un grief
autonome
mais doit être examinée au regard de l'assistance éducative ordonnée
en
application de l'art. 84 CP, que conteste également le recourant.

2.3 En référence au jugement de première instance, la Cour de
cassation
genevoise a admis qu'il pouvait être renoncé à une enquête au sens de
l'art.
83 CP dans le cas concret. Elle a justifié la nécessité d'une
assistance
éducative de la manière suivante: l'infraction commise doit être
qualifiée de
grave et il est hors de question de la laisser sans réponse; le Code
pénal
actuel n'offre qu'un choix limité au juge; les quelques punissions
prévues à
l'art. 87 CP apparaissent dérisoires eu égard à la gravité des faits;
le
recourant ne réalise certes aucune des situations énumérées
exemplativement à
l'art. 84 CP (enfant très difficile ou abandonné ou en sérieux
danger); cela
n'exclut cependant pas l'application de l'art. 84 CP pour autant que
la
mesure prononcée respecte les principes de la proportionnalité et de
la
subsidiarité; le recourant n'apparaît pas réellement conscient de la
réalité
de son acte et est conforté dans cette opinion par ses parents qui,
selon
leurs déclarations à l'audience de première instance, semblent
banaliser sa
violence, la mettant sur le compte d'un passage obligé de
l'adolescence. La
Cour de cassation genevoise a ajouté que ce dernier constat ressortait
également des écritures et de la plaidoirie de l'avocate du recourant.

2.4 L'assistance éducative est la mesure la moins incisive prévue à
l'art. 84
CP et permet le maintien de l'enfant dans son milieu familial. Elle
implique
que les parents soient soutenus dans leur éducation, en principe par
un
assistant social (cf. Hansueli Gürber/Christoph Hug, Basler Kommentar
I, art.
84 CP n. 6). Comme le précise l'art. 84 al. 2 CP, l'assistance
éducative tend
à donner les soins, l'éducation et l'instruction dont l'enfant a
besoin.

L'art. 84 CP ne dit rien des conditions qui doivent être réunies pour
permettre au juge de prononcer une assistance éducative. A titre
indicatif,
il mentionne le cas de l'enfant très difficile ou abandonné ou en
sérieux
danger. Le juge dispose d'une grande marge de manoeuvre dans son
appréciation. L'exigence essentielle réside, comme le texte légal
l'indique,
dans la nécessité de soins éducatifs particuliers. De manière
générale,
l'enfant a besoin de tels soins lorsque son comportement permet de
conclure à
une situation éducative déficiente et lorsque lui-même ou son
entourage
n'apparaît pas suffisamment fort pour surmonter cette situation (cf.
Hansueli
Gürber/Christoph Hug, op. cit., art. 84 CP n. 3; Jörg Rehberg,
Strafrecht II,
7ème éd., p. 200/201; Martin Stettler, L'assistance éducative, in RPS
1976 p.
275 ss, 277; Christoph Bürgin, Sanktionen im Schweizerischen
Jugendstrafrecht
heute und morgen, in Entre médiation et perpétuité, Groupe suisse de
travail
de criminologie, vol. 20, p. 123 ss, 127/128). Cela étant, avant de
pouvoir
dire si une assistance éducative se justifie, il est indispensable de
réunir
des renseignements sur la vie de l'enfant, en particulier son
environnement
familial, éducatif et scolaire. L'enquête ne peut en principe pas se
borner à
relever certaines carences éducatives, mais doit aussi comporter un
pronostic
quant aux incidences d'une assistance (cf. Martin Stettler, op.
cit., p.
278).
En l'espèce, la Cour de cassation genevoise a nié que le recourant
réalisât
l'un des cas énumérés à l'art. 84 CP (enfant très difficile ou
abandonné ou
en sérieux danger). Il résulte de sa motivation qu'elle a fondé sa
décision
essentiellement sur l'audition des parents lors de l'audience de
première
instance. A l'instar du Tribunal de la jeunesse, elle a fait
ressortir que
les "parents semblent banaliser totalement la violence de leur fils,
en la
mettant sur le compte d'un passage obligé de l'adolescence". Or, les
propos
d'audience reprochés aux parents ne suffisent en soi pas pour
ordonner une
mesure d'assistance éducative. Les propos en question, qui minimisent
l'infraction, pourraient aussi s'expliquer par un souci de protection
de
l'enfant exposé à une décision judiciaire. Rien dans le cas concret ne
justifiait l'économie d'une enquête au sens de l'art. 83 CP sur
l'environnement social et éducatif du recourant. Contrairement à ce
que
laisse entendre la Cour de cassation genevoise, le fait que
l'assistance
éducative soit la plus légère des mesures possibles selon l'art. 84
CP n'ôte
pas toute portée à l'enquête. En effet, le but de celle-ci est
précisément de
permettre de définir si une mesure, quelle qu'elle soit, est ou non
nécessaire. Il s'ensuit que la Cour de cassation genevoise a violé
les art.
83 et 84 CP.

3.
Le pourvoi doit être admis. Il ne sera pas perçu de frais et une
indemnité
sera allouée au recourant (art. 278 al. 3 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au recourant une indemnité de
3'000
francs à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du
recourant, au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de cassation
genevoise.

Lausanne, le 26 mai 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.129/2003
Date de la décision : 26/05/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-26;6s.129.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award