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26/05/2003 | SUISSE | N°4C.7/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 mai 2003, 4C.7/2003


{T 0/2}
4C.7/2003 /ech

Arrêt du 26 mai 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les juges Corboz, président, Walter, Klett, Nyffeler et
Favre.
Greffière: Mme de Montmollin

A.________,
demanderesse et recourante, représentée par Maîtres
Michel A. Halperin et Matteo Inaudi, avocats, av. Léon-Gaud 5, 1206
Genève,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Pierre-André Béguin,
avocat, rue
Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12.

société anonyme;

droit à l'information de l'administrateur

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du ...

{T 0/2}
4C.7/2003 /ech

Arrêt du 26 mai 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les juges Corboz, président, Walter, Klett, Nyffeler et
Favre.
Greffière: Mme de Montmollin

A.________,
demanderesse et recourante, représentée par Maîtres
Michel A. Halperin et Matteo Inaudi, avocats, av. Léon-Gaud 5, 1206
Genève,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Pierre-André Béguin,
avocat, rue
Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12.

société anonyme; droit à l'information de l'administrateur

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 15 novembre 2002.

Faits:

A.
X. ________ SA (ci-après: X.________) s'occupe de prises de
participations et
d'investissements dans des sociétés assurant des prestations de
service,
principalement dans le domaine de la surveillance. Elle a son siège à
Genève.

A. ________ est l'une des descendantes du fondateur de X.________,
dont elle
est actionnaire.

En 1982, A.________ est entrée au conseil d'administration de
X.________,
qu'elle a présidé de septembre 1989 au 13 août 1998. D'août 1994 à fin
septembre 1998, elle a également occupé la fonction de présidente de
la
direction générale de la société.

Le 27 mai 1999, l'assemblée générale ordinaire de X.________ a refusé
de
donner décharge pour l'exercice 1998 à A.________, seule membre du
conseil
d'administration à faire l'objet de pareille décision. Par acte du 14
juillet
1999, des actionnaires ont introduit une action tendant
principalement à ce
qu'il soit dit que, lors de l'assemblée générale du 27 mai 1999, la
décharge
avait été octroyée à A.________ et refusée à quatre autres membres du
conseil
d'administration. Cette action est encore pendante devant les
tribunaux
genevois. Lors de l'assemblée générale du 11 mai 2000,
l'administratrice a
cependant reçu la décharge rétroactive pour l'exercice 1998 sur
proposition
du conseil d'administration. Tout le conseil a également obtenu la
décharge
pour l'exercice 1999.

A. ________ recevra encore la décharge pour l'année 2000 lors de
l'assemblée
générale du 10 mai 2001 - assemblée au cours de laquelle elle sera
simultanément révoquée de ses fonctions d'administratrice sur
proposition du
conseil d'administration notamment en raison des actions en justice
intentées
par l'intéressée contre la société (consid. B ci-dessous).

B.
Le 12 octobre 2000, A.________ a assigné X.________ devant le
Tribunal de
première instance de Genève. Se fondant sur les art. 715a et 714 CO,
elle a
pris les conclusions suivantes contre la société:
"1) Constater la nullité de la décision prise par le Conseil
d'administration
de la défenderesse le 15 juillet 1999 refusant la communication aux
administrateurs de toute information relative à l'assemblée générale
ordinaire du 27 mai 1999;
Faire en conséquence obligation à X.________, sous menace des peines
prévues
à l'art. 292 CP, de donner connaissance à l'ensemble des membres du
Conseil
d'administration de tout document relatif à ladite assemblée;
2) Constater la nullité de la décision prise par le Conseil
d'administration
de la défenderesse le 15 juillet 1999 supprimant tout droit à
l'information
en dehors des réunions du Conseil;
3) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé par
le refus injustifié opposé à la demande de Madame A.________ de
consulter le
registre des actionnaires de la société;
Constater en conséquence la nullité de la décision prise par le
Conseil
d'administration de la défenderesse le 22 avril 1999 faisant
interdiction à
Madame A.________ de consulter le registre des actionnaires de la
société ;
4) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé par
le retard avec lequel les principes et critères justifiant la
création ou la
dissolution de provisions comptables ont été présentés au Conseil;
5) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé par
le refus opposé à Madame A.________ de consulter les procès-verbaux de
l'Audit Committee et du Remuneration Committee;
Constater en conséquence la nullité de la décision prise par le
Conseil
d'administration de la défenderesse le 5 mai 1999, refusant aux
administrateurs la possibilité de consulter les procès-verbaux de
l'Audit
Committee et du Remuneration Committee;
Faire en conséquence obligation à X.________, sous menace des peines
prévues
à l'art. 292 CP, de transmettre à la demanderesse et à l'ensemble des
membres
du Conseil d'administration un tirage des procès-verbaux de l'Audit
Committee
et du Remuneration Committee qui ont eu lieu en 1998 et en 1999;
6) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé par
le refus injustifié de permettre à Madame A.________ de rencontrer le
représentant du consultant Z.________;
7) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé par
le refus prolongé de soumettre au Conseil d'administration un rapport
sur les
performances de la direction générale du groupe;
Constater en conséquence la nullité de la décision prise par le
Conseil
d'administration de la défenderesse le 15 juillet 1999 refusant une
information du Conseil d'administration sur les performances de la
direction
générale du groupe;
8) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé par
le retard avec lequel le Conseil d'administration a été informé de
l'interruption des contrats avec le Paraguay et les Philippines;
9) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé par
le retard avec lequel le Conseil d'administration a été informé du
mandat de
vérification confié à Y.________ en relation avec l'activité des
administrateurs de X.________ pour la période 1994-1998;
Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé par le
retard avec lequel le Conseil d'administration a été informé de
l'existence
et du contenu du rapport dressé par Y.________ au mois d'octobre 1999;
10) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé en
relation avec l'établissement du budget de l'exercice 2000 de
X.________, en
raison des renseignements incomplets soumis aux administrateurs avant
la
délibération du Conseil d'administration à ce sujet du 15 décembre
1999;
Constater en conséquence la nullité de la décision prise par le
Conseil
d'administration de la défenderesse le 15 décembre 1999 approuvant le
budget
de l'exercice 2000 de X.________;
11) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé en
relation avec le budget de l'exercice 2000 de X.________ en raison du
retard
avec lequel le nouveau budget révisé a été soumis aux administrateurs;
12) Constater que le droit à l'information de l'administrateur a été
violé
par l'absence de toute information préalable relative à la mise en
place
d'une nouvelle structure au sein du groupe ainsi qu'à la désignation
de
Monsieur B.________ en tant que directeur général et la destitution de
Messieurs C.________ et D.________."
Lors de sa séance du 13 décembre 2000, le conseil d'administration de
X.________ a décidé de restreindre le droit à l'information de
A.________ "eu
égard à la procédure engagée par A.________ contre la société en
relation
avec de prétendues violations de son droit à l'information et compte
tenu de
l'impact négatif de cette procédure sur la direction". Il a en
conséquence
été décidé que:
"i) toute demande d'information de la part de A.________ devra être
adressée
exclusivement au Président et sera examinée par le conseil
d'administration
et la direction à l'occasion de la prochaine réunion du conseil, sauf
si le
Président, à sa seule discrétion, considère qu'il y a urgence;
ii) en dehors des réunions du conseil d'administration, tout contact
entre
A.________ et des membres de la direction de la société ou de
n'importe
laquelle de ses filiales devra faire l'objet d'une requête indiquant
le but
du contact et devra être soumise au Président au moins 10 jours plus
tôt; si
le Président rejette la requête il en référera au conseil
d'administration
réuni en séance plénière.
iii) Le Président et le Chief Executive Officer sont mandatés et
autorisés à
prendre toutes mesures nécessaires ou utiles pour appliquer ces
résolutions."
Le 20 décembre 2000, A.________ a déposé une demande additionnelle
concluant
à ce que le Tribunal constate la nullité de la décision prise par le
conseil
d'administration le 13 décembre 2000, limitant son droit à
l'information.

Le 10 mai 2001, le mandat d'administratrice d'A.________ a été
révoqué par
l'assemblée générale de X.________, notamment en raison de la
procédure
qu'elle avait ouverte contre la société. A.________ n'a pas engagé
d'action
visant à contester le vote de l'assemblée générale.

C.
Par jugement du 7 février 2002, le Tribunal de première instance du
canton de
Genève a déclaré irrecevables les demandes principale et
additionnelle de
A.________, faute d'intérêt juridique. La Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève a confirmé cette décision le 15 novembre
2002.

D.
A.________ recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle se plaint de
violations des art. 714 et 715a CO, ainsi que des règles fédérales non
écrites relatives à l'admission d'un intérêt juridique suffisant pour
agir en
constatation de droit. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 15
novembre
2002 ainsi qu'au renvoi du dossier en instance cantonale pour
instruction sur
le fond.

X. ________ invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours et à
confirmer
l'arrêt attaqué.
La cour cantonale ne formule pas d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'existence d'un intérêt juridique à agir en justice est une
condition
générale et indiscutée. La jurisprudence a été dans un premier temps
plutôt
hésitante quant à savoir si elle constituait une question de procédure
relevant du droit cantonal ou un point de droit fédéral. Il est
maintenant
clairement établi que, s'agissant comme en l'espèce de prétentions
fondées
sur le droit privé fédéral, ce dernier régit exhaustivement le sujet
(ATF 110
II 352 consid. 1, confirmé in ATF 123 III 414 consid. 7b; 114 II 253
consid.
2). Le recours en réforme est donc ouvert pour se plaindre de sa
violation
(art. 43 OJ).

Dans la mesure où le dispositif de la décision attaquée la lèse, la
demanderesse a un intérêt à recourir au Tribunal fédéral (ATF 120 II 5
consid. 2a; 126 III 198 consid. 2b). Sous cet angle, le recours est
recevable.

1.2 A la différence d'un recours en cassation ou en nullité, le
recours en
réforme tend à la modification de l'arrêt entrepris. A moins qu'il ne
lui
manque des éléments de fait déterminants, le Tribunal fédéral,
lorsqu'il
admet un recours, statue lui-même sur le fond (art. 63, 64 OJ).
L'acte de
recours doit en conséquence contenir l'indication exacte des points
attaqués
de la décision et des modifications demandées (art. 55 al. 1 let. b
OJ). Un
recours sans conclusions au fond dans une cause où les faits sont
clairs est
déclaré d'emblée irrecevable, sauf si les modifications souhaitées
par le
recourant ressortent clairement des motifs de son écriture (ATF 101
II 372).
En l'occurrence, la demanderesse conclut uniquement à l'annulation de
l'arrêt
de la Cour de justice et au renvoi du dossier en instance cantonale
pour
instruction sur le fond. Selon la jurisprudence, de telles
conclusions ne
sont suffisantes que dans la mesure où le Tribunal fédéral, en cas
d'admission du recours, ne serait pas à même de statuer au fond sur
le vu des
faits constatés par les instances cantonales, éventuellement
complétés selon
l'art. 64 al. 2 OJ (ATF 125 III 412 consid. 1b; 110 II 74 consid.
I/1; 106 II
201 consid. 1 p. 203; 103 II 267 consid. 1b). Il est vrai que les
autorités
cantonales, puisqu'elles se sont bornées à nier l'intérêt juridique
de la
demanderesse à obtenir un jugement, ne sont pas entrées en matière
sur le
fond et qu'elles n'ont en particulier pas établi en détail les
circonstances
des différents refus d'informations dont la demanderesse se plaint.
Dans la
mesure où l'ancienne administratrice a en définitive obtenu les
renseignements souhaités, en tout cas en ce qui concerne les
conclusions n°s
3 à 12, et où le litige porte désormais sur son intérêt à voir
constaté en
justice le retard qui a été mis à la renseigner, on peut se demander
si
l'établissement de faits supplémentaires serait nécessaire et si le
Tribunal
fédéral ne serait pas en état de statuer lui-même en cas d'admission
du
recours. Prononcer immédiatement l'irrecevabilité du présent recours
pour ces
questions touchant à la formulation des conclusions serait toutefois
excessif: on comprend clairement à la lecture de l'acte de recours ce
que son
auteur souhaite obtenir; en p. 32, il est d'ailleurs exposé qu'un
retour du
dossier à l'instance cantonale, pour que soit tranché l'incident de la
légitimation active, allongerait à démesure la durée de la procédure,
sans
bénéfice pour aucune des parties. Dans ces circonstances, il convient
d'admettre la recevabilité du recours du chef de l'art. 55 al. 1 let.
b OJ.

1.3 Contrairement à ce que la demanderesse soutient, le litige, s'il
présente
également un aspect non patrimonial puisque les droits de la
personnalité de
l'ex-administratrice sont
maintenant également invoqués à l'appui de
ses
conclusions constatatoires, doit être considéré comme une
contestation civile
de nature pécuniaire au sens de l'art. 46 OJ (ATF 108 II 77 consid.
1a); la
présente procédure a en effet pour but final et prépondérant la
sauvegarde
d'intérêts financiers dans la mesure où elle vise à obtenir la
sanction
judiciaire du droit à l'information des administrateurs et des
actionnaires
selon les art. 714 et 715a CO (ATF 118 II 528 consid. 2c; 120 II 352
consid.
1; 116 II 379 consid. 2a). La demanderesse justifie au reste
elle-même son
action notamment par la crainte du dépôt ultérieur d'une action en
responsabilité dirigée contre elle. Le dossier ne permet certes pas de
chiffrer exactement la hauteur des intérêts en jeu, mais nul doute
qu'ils
sont supérieurs à 8 000 fr., compte tenu de l'importance économique
de la
société anonyme et des fonctions exercées par la demanderesse pour son
compte. Le recours est donc recevable du chef des art. 44 et 46 OJ.

1.4 En règle générale, le recours en réforme ne peut être dirigé que
contre
les décisions finales rendues en dernière instance par les tribunaux
suprêmes
des cantons (art. 48 al. 1 OJ). La Cour de justice déclare cependant
qu'elle
se réfère à l'argumentation des premiers juges, qui doit donc être
considérée
comme partie intégrante de son arrêt. Dans ces conditions, les
critiques que
la demanderesse adresse aux considérants de première instance sont
admissibles.

1.5 Sont en revanche irrecevables les griefs touchant aux
constatations de
fait des juges cantonaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Saisi d'un
recours en
réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits ressortant
de la
décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière
de
preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de
constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2
OJ) ou
qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale
parce que
celle-ci a considéré à tort des faits régulièrement allégués comme
sans
pertinence (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a),
toutes exceptions que la demanderesse n'invoque pas. Si elle entendait
critiquer l'appréciation des preuves ou se prévaloir de circonstances
non
retenues en instance cantonale - comme elle s'y emploie largement
dans la
seconde partie de son écriture - elle aurait dû former parallèlement
un
recours de droit public.

2.
2.1Dans son jugement du 7 février 2002, le Tribunal de première
instance a
déclaré irrecevables les demandes principale et additionnelle faute
d'intérêt
juridique concret, légitime, actuel, personnel et direct à l'action.
Il a
retenu que la demanderesse n'avait ni démontré qu'une action en
responsabilité serait susceptible d'être engagée prochainement à son
égard,
ni que si la présente action était admise, cela permettrait de la
rétablir
dans sa position d'administratrice, puisqu'elle n'avait pas remis en
cause la
décision de révocation, ni qu'elle aurait droit à une consultation
juridique
sur l'étendue de sa responsabilité d'administratrice. Pour le
Tribunal,
l'acte de recours ne comprenait en outre pas de conclusions
suffisantes pour
faire valoir une éventuelle atteinte aux droits de la personnalité au
sens
des art. 28 ss CC. En ce qui concerne les conclusions n°s 3 à 12, le
Tribunal
a considéré que la défenderesse avait fait droit à la demande de
renseignements, de sorte que le droit invoqué n'était plus litigieux.
Le
Tribunal a enfin retenu que la demanderesse avait déclaré que lors de
la
séance du conseil d'administration du 20 octobre 1999, elle avait
obtenu des
réponses satisfaisantes.

2.2 Pour sa part, la Chambre civile ajoute que le droit aux
renseignements de
l'art. 715a CO est réservé à l'administrateur de la société anonyme
uniquement pendant la durée de ses fonctions, sous réserve de
l'hypothèse,
non réalisée en l'occurrence, d'une action en responsabilité. Au
terme de sa
charge, l'ancien administrateur peut faire valoir son droit
d'actionnaire aux
renseignements et à la consultation de l'art. 697 CO. La cour
souligne que la
loi n'offre pas aux administrateurs la possibilité de contester en
justice
les décisions du conseil d'administration des sociétés anonymes,
hormis les
cas de nullité selon l'art. 714 CO. Dans le cadre de cette dernière
disposition, le droit aux renseignements trouve ses limites dans
l'interdiction de l'abus de droit; ce droit a pour seul but de
permettre aux
administrateurs d'exercer correctement leurs charges dans l'intérêt
de la
société, or la demanderesse n'a plus à exercer pareilles fonctions,
si bien
qu'elle n'a plus d'intérêt à agir. Enfin, la cour précise que les
atteintes
dénoncées ne pourront pas se reproduire en tout temps, contrairement
à ce que
la demanderesse prétend. Pour le reste, la cour se rapporte à
l'argumentation
convaincante du premier juge.

3.
3.1De manière générale, la demanderesse reproche aux instances
cantonales de
méconnaître la nature de l'action qu'elle a intentée, à savoir une
action en
constatation et non en prestation. A ses yeux, l'arrêt du 15 novembre
2002
applique mécaniquement les principes jurisprudentiels concernant
l'intérêt
juridique en matière d'action en constatation, sans tenir compte des
particularités du droit à l'information. Dans sa décision, la cour
cantonale
se concentre en outre sur la question de son intérêt juridique à agir
en
relation avec le droit à l'information découlant de l'art. 715a CO,
mais
néglige de s'interroger sur son intérêt juridique à agir en tant
qu'actionnaire au sens de l'art. 714 CO, qui ouvre une action en
nullité à un
cercle beaucoup plus vaste de personnes; en sa qualité d'actionnaire,
la
demanderesse garderait à tout le moins un intérêt à savoir si la
société et
son conseil d'administration fonctionnent correctement.

Pour la demanderesse, cette affaire illustrerait les difficultés
pratiques
auxquelles peut être confronté un administrateur qui souhaite exercer
pleinement ses fonctions. Les tribunaux devraient se prononcer sur les
violations qu'elle invoque de manière à assurer aux administrateurs la
protection qu'ils méritent, corollaire de l'importante responsabilité
rattachée à leurs fonctions, et à éviter qu'à l'avenir pareille
situation ne
se répète.

Ainsi, la demanderesse nie que la perte de sa qualité
d'administratrice,
provoquée par la défenderesse, puisse avoir une influence sur sa
qualité à
agir en constatation de la violation de ses droits à l'information
fondés sur
l'art. 715a CO. Elle soutient que le droit à l'information s'exerce
par
essence dans des délais extrêmement courts, qui sont inconciliables
avec
l'obtention d'une protection judiciaire: tout contrôle de la
légitimité du
refus d'information intervient nécessairement a posteriori, longtemps
après
le moment où le renseignement sollicité aurait été utile pour
délibérer en
connaissance de cause au sein du conseil d'administration. Or non
seulement
l'administrateur concerné, mais la société elle-même ou ses
actionnaires,
auraient intérêt à savoir si les affaires sociales sont ou non
conduites
conformément à la loi, si bien qu'il conviendrait d'apporter une
exception à
l'exigence d'un intérêt juridique actuel dans ce cas, qui implique des
intérêts à la fois individuels et collectifs. La demanderesse estime
que le
fait qu'elle ait reçu finalement les informations requises ne peut
jouer de
rôle dans une action en constatation où la question qui se pose n'est
pas de
savoir si elle a reçu les renseignements sollicités, mais si elle les
a
obtenus en temps utile. A propos de l'art. 714 CO, la demanderesse
rappelle
qu'il institue une action en nullité ouverte en tout temps à un
cercle très
étendu de personnes, notamment aux actionnaires dont elle continue à
faire
partie.

3.2 Dans la deuxième partie de son écriture, la demanderesse
reproduit pour
l'essentiel, mutatis mutandis, le contenu de son recours en appel
devant la
chambre cantonale, dans la mesure où celle-ci n'a fait qu'adopter les
considérants de première instance sans se prononcer en détail sur
chacun des
moyens que la recourante avait soulevés contre eux.

La demanderesse expose donc que l'admission de la présente action lui
permettrait de s'opposer avec succès à une éventuelle action en
dommages-intérêts notamment pour le préjudice que sa demande aurait
occasionné. Elle fait valoir que cette demande aurait également donné
lieu à
une véritable campagne de presse dirigée contre elle; la sauvegarde
de ses
droits de la personnalité, assurés par les art. 28 et 28a CC,
commanderait
également d'admettre la recevabilité de l'action.

3.3 Pour la demanderesse, l'argumentation de la Cour de justice
suivant
laquelle la perte du statut d'administrateur entraîne automatiquement
l'impossibilité d'agir en justice sur la base de l'art. 715a CO donne
à
penser que la cour s'est prononcée sur une question de légitimation
active
bien plus que sur l'existence d'un intérêt juridique. Or renvoyer le
dossier
à l'instance cantonale pour examen de ce point ne ferait que
rallonger à
démesure la procédure. Dans la dernière partie de son recours, la
demanderesse s'emploie donc à démontrer qu'elle a conservé la
légitimation
active en vertu des art. 714 et 715a CO nonobstant sa révocation du
conseil
d'administration durant l'instance.

4.
Le droit à l'information des membres du conseil d'administration a
subi
plusieurs modifications, qui tendent en particulier à son
renforcement, lors
de la révision du droit de la société anonyme, entrée en vigueur le
1er
juillet 1992 (sur la genèse du nouvel art. 715a CO, cf. notamment
Bächtold,
Die Information des Verwaltungsrates, Insbesondere das Recht auf
Auskunft und
Einsicht gemäss OR Art. 715a, thèse Berne 1997, p. 35 ss). Un certain
nombre
de points de la nouvelle réglementation ont suscité des controverses
en
doctrine, singulièrement à propos de la sanction judiciaire du droit à
l'information, que ce soit dans son principe et son fondement ou dans
ses
modalités (pour un aperçu des opinions: Wernli, Commentaire bâlois,
n° 13 ad
art. 715a CO; Bächtold, op. cit., p. 174 ss; Krneta, Praxiskommentar
Verwaltungsrat, Berne 2001, n° 1053 ss ). A ce jour, le Tribunal
fédéral n'a
pas eu à se prononcer sur la question (arrêt 4C.9/2003 du 4 avril
2003,
consid. 3.4). Cette absence de précédent - déjà observable sous
l'ancien
droit, mis à part l'un ou l'autre obiter dictum (ATF 118 III 46
consid. 3b) -
s'explique vraisemblablement par le fait que le refus d'informations
au sein
du conseil d'administration se traduit souvent par la démission de
l'administrateur déçu (cf. Wernli, op. cit., n°s 5 et 13 ad art. 715a
CO; cf.
aussi en ce qui concerne la responsabilité pénale des
administrateurs, arrêt
6S.447/1998 du 7 décembre 1998, consid. 1d). Un auteur se demande
même si,
dans ces circonstances, la démission ne constitue pas un devoir
(Peter V.
Kunz, Die Auskunfts- und Einsichtsrechte des
Verwaltungsratsmitglieds, PJA
5/94, p. 572 ss, p. 578).

En l'occurrence, les instances cantonales non plus ne se sont pas
prononcées
sur l'étendue du droit à l'information de la demanderesse et
l'éventuelle
violation de celui-ci par la défenderesse. Elles ont en effet
considéré que
l'ancienne administratrice n'avait de toute façon pas démontré
l'existence
d'une condition de base, nécessaire pour n'importe quelle action en
justice,
à savoir l'existence d'un intérêt juridique concret, légitime, actuel,
personnel et direct à saisir la justice, de sorte que son action était
irrecevable. Il convient d'examiner cette question en premier lieu.

5.
"Pas d'intérêt, pas d'action". L'adage vaut pour toute demande en
justice.
S'agissant des actions formatrices ou condamnatoires, son respect ne
pose
généralement pas problème. Mais il en va autrement en ce qui concerne
les
procès en constatation de droit.

Les actions en constatation de droit tendent à tirer officiellement
au clair
des situations juridiques. Leur objet est habituellement de faire
constater,
selon le droit fédéral, l'existence ou l'inexistence - actuelle et
prétendue
- d'un "rapport de droit" (cf. art. 25 PCF), notion qui doit être
interprétée
très largement (cf. Bodmer, Die allgemeine Feststellungsklage im
schweizerischen Privatrecht, thèse Bâle 1984, p. 50 ss;
Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, Die Zivilprozessordnung für den
Kanton
Bern, 5e éd., n°s 1b et 2 ad art. 174; Edgar J. Habscheid, Die
allgemeine
Feststellungsklage - dritte Rechtsschutzform des Schweizer
Bundesrechts auf
Grund der Bundesverfassung (effektiver Rechtsschutz, PJA 3/02 p. 269
ss). La
jurisprudence admet aussi des actions constatatoires portant sur des
situations juridiques appartenant au passé (ATF 120 II 20 consid.
2a), pour
autant qu'elles aient des effets qui subsistent au moment du jugement
(ATF
116 II 351 consid. 3c), et qu'un prononcé judiciaire constitue un
moyen
approprié de faire cesser le trouble (par exemple dans le cas des
actions
fondées sur l'art. 28a al. 1 ch. 3 CC, cf. ATF 127 III 481 consid. 1;
123 III
385 consid. 4a; 104 II 225 consid. 5a;
Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, op.
cit., n° 2b ad art. 174 - cas échéant avec des conclusions en
publication du
jugement: ATF 104 II 2 consid. 4a; Bodmer, op. cit., p. 65-68).

Les actions en constatation ont un caractère subsidiaire.
Là où
différentes
actions entrent en concurrence, il convient d'intenter celle qui peut
le plus
efficacement procurer au demandeur l'avantage qu'il recherche, soit
dans la
règle une action exécutoire ou formatrice (ATF 122 III 279 consid.
3a; pour
quelques exceptions au caractère subsidiaire de l'action en
constatation, cf.
par exemple Hohl, Procédure civile, tome I, n° 143)

L'intérêt du demandeur ne doit pas nécessairement être juridique. Il
peut
être de fait, mais il doit être important et immédiat. Il y a intérêt
à la
constatation immédiate lorsque le demandeur est menacé par
l'incertitude
concernant ses droits ou ceux d'un tiers et qu'une constatation
judiciaire
pourrait l'éliminer, une action condamnatoire n'étant pas possible
(ATF 119
II 368 consid. 2a). Une incertitude quelconque ne suffit pas. Il faut
qu'en
se prolongeant elle entrave le demandeur dans sa liberté d'action et
lui soit
insupportable (ATF 120 II 20 consid. 3a et les références). L'intérêt
fait
habituellement défaut si la prétention du demandeur a été entre-temps
satisfaite, ou si l'on ne peut y donner suite. L'action en
constatation a en
principe une fonction d'élimination et non de réparation morale (ATF
122 III
449 consid. 2). L'intérêt n'est pas réalisé si le demandeur cherche à
faire
trancher une question de droit abstraite ou à recevoir une
consultation
juridique (ATF 122 III 279; 101 II 177 consid. 4c in fine;
Leuch/Marbach/
Kellerhals/Sterchi., op cit., n° 2b ad art. 174). L'action en
constatation ne
peut en principe pas porter sur des éléments qui pourraient être
invoqués
dans un procès futur (Poudret, COJ II, n° 1.3.2.8 ad art. 43).

Pour être admis à agir, le demandeur doit avoir un intérêt personnel
à la
constatation qu'il sollicite, même si le Tribunal fédéral a jugé que
celle-ci
pouvait avoir pour objet des rapports juridiques concernant des tiers
(ATF
108 II 475 consid. 1 et l'arrêt cité, critiqués par Leuch/
Marbach/Kellerhals/Sterchi., op. cit., n° 2b ad art. 174 in fine). En
matière
de société anonyme, la jurisprudence admet qu'il convient d'appliquer
une
définition très large de l'intérêt juridique. Ainsi, sous réserve de
l'abus
de droit, l'intention de préserver les intérêts de la société suffit,
mais il
faut toujours que dans un tel cas la situation juridique de
l'actionnaire
demandeur soit effectivement modifiée par un jugement qui admettrait
sa
demande (ATF 122 III 279 consid. 3a et les nombreux arrêts cités).

C'est au demandeur qu'il incombe d'apporter la preuve des faits
démontrant
son intérêt à la constatation (ATF 127 III 481 consid. 1).

6.
L'arrêt attaqué respecte ces principes.

6.1 On l'a vu, l'intérêt juridique fait habituellement défaut si la
prétention du demandeur a été entre-temps satisfaite, ou si l'on ne
peut y
donner suite. Comme le Tribunal de première instance, la Chambre
d'appel a
relevé que les conclusions n°s 3 à 12 se rapportaient toutes à des
questions
auxquelles la défenderesse avait fini par répondre, d'une manière ou
d'une
autre. Les cours cantonales en ont déduit que, pour ces conclusions,
le droit
invoqué n'était plus litigieux.

La demanderesse ne conteste pas avoir reçu les informations qu'elle
exigeait.
Elle ne soutient pas non plus que les renseignements obtenus auraient
été
incomplets ou inexacts. En ce qui concerne les conclusions n°s 1 et
2, ou à
propos de la demande additionnelle, on ne trouve pas dans son recours
de
griefs ou d'observations particulières; notamment, il n'est pas
soutenu que
l'interdiction critiquée sous n° 2 qui n'est pas dirigée seulement
contre
elle - à la différence de l'interdiction disputée dans la demande
additionnelle, qui a perdu toute signification pratique actuelle
après le
départ de la demanderesse du conseil d'administration - continuerait à
valoir, ce qui pourrait effectivement constituer un motif de nullité
(Krneta,
op. cit., n°s 872 et 873).

La demanderesse reproche aux autorités cantonales d'avoir perdu de
vue le
caractère essentiel du facteur temporel dans le droit à
l'information, que
visaient ses conclusions en constatation. En ce sens, ses demandes de
renseignements n'auraient pas été satisfaites, et son action en
constatation
demeurerait valide. La question ne serait pas de savoir si elle a
obtenu les
informations sollicitées, mais si elle les a obtenues en temps utile;
un
renseignement donné tardivement n'aurait plus de valeur, à l'image
d'un
bouquet livré à une époque où les fleurs sont déjà fanées.

Il est vrai que l'élément temporel joue un rôle fondamental dans le
respect
du droit à l'information des administrateurs. Ceux-ci doivent par
exemple
pouvoir prendre connaissance avant les séances du conseil [où s'exerce
normalement leur droit à l'information qui est alors le plus étendu
(Bächtold, op. cit., p. 59 ss)] de l'ordre du jour et de ses annexes,
afin de
pouvoir cas échéant exiger les renseignements complémentaires utiles,
voire
solliciter un report des décisions à une réunion ultérieure (art.
715a al. 2
CO; Wernli, op cit., n° 9b ad art. 715a CO; Krneta, op. cit. n° 990;
cf.
aussi Böckli, Schweizer Aktienrecht, 2e éd., n° 1505a ss). Cela ne
signifie
pas pour autant qu'il y ait là, en soi, un intérêt juridique ou de
fait
suffisant à faire constater judiciairement un éventuel retard dans la
délivrance des informations sollicitées. Donner droit à des
conclusions
constatatoires dans ce cadre ne se justifierait que dans l'optique où
ce
retard aurait causé un dommage qu'une autre action ne serait pas
susceptible
de lever, ou si ce retard était amené à se répéter à l'avenir, avec
le risque
que des décisions prises en l'absence des renseignements utiles
finissent par
entraîner un préjudice. Ces hypothèses ne sont pas réalisées pour les
raisons
qu'on va exposer ci-après.

6.2 Invoquant l'art. 714 CO, en liaison avec l'art. 706b CO, la
demanderesse
soutient qu'elle conserverait en tout cas, malgré la perte de sa
qualité
d'administratrice en cours de procédure, le droit de faire constater
la
nullité de certaines décisions prises par le conseil d'administration
eu
égard à sa qualité d'actionnaire dont l'intérêt serait de savoir si
durant
ces dernières années le conseil d'administration de la société dont
elle
détient une part du capital a ou non fonctionné correctement.
Comme la cour cantonale, le Tribunal fédéral a jugé tout récemment que
l'administrateur sortant n'avait plus les droits à l'information et à
la
consultation de l'art. 715a CO, sous réserve des cas exceptionnels
d'une
action en responsabilité (cf. consid. 6.3 ci-dessous), ou d'un
conflit en
relation avec ses honoraires (arrêt 4C.9/2003 du 4 avril 2003,
consid. 3;
Wernli, op cit., n° 4 ad art. 715a CO; Homburger, Commentaire
zurichois, n°
496 ad art. 715 CO; Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches
Aktienrecht, p. 306, note de pied de page 49a).

Certes, dans l'arrêt précité, l'administrateur sortant avait
également vendu
toutes ses actions, contrairement à la demanderesse. Cette dernière
ne peut
cependant pallier le manque d'intérêt juridique selon l'art. 715a CO
en
invoquant l'art. 714 CO. Les droits à l'information des membres du
conseil
d'administration et des actionnaires ne sont pas identiques (Krneta,
op.
cit., n° 919). Les actionnaires, s'ils ne peuvent obtenir les
renseignements
auxquels la loi leur donne droit, ou s'ils veulent éclaircir le
fonctionnement du conseil d'administration, par exemple dans le but de
déposer une action en responsabilité, ont à leur disposition les
moyens
ancrés aux art. 697 ss CO (sur l'intérêt actuel à la mise en oeuvre
d'un
contrôle spécial: ATF 123 III 261 consid. 2 et 3; sur l'admissibilité
d'une
action déclaratoire de droit pour l'actionnaire sous l'ancien droit:
ATF 81
II 462; voir aussi Felix Horber, Die Informationsrechte des
Aktionärs, thèse
Zurich 1995). L'art. 714 CO, qui déroge à la règle selon laquelle les
décisions du conseil d'administration ne peuvent être déférées devant
les
tribunaux, en offrant la possibilité de faire constater la nullité de
décisions souffrant de vices importants, suppose également que celui
qui s'en
prévaut établisse l'existence d'un intérêt juridique (Wernli, op.
cit., n° 6
ad art. 714 CO). Or en l'occurrence, ayant perdu sa qualité
d'administratrice, la demanderesse n'a plus d'intérêt personnel à
faire
constater, l'existence d'un droit d'information selon l'art. 715a CO
dont
elle ne dispose plus.

En retenant qu'au terme de ses fonctions, l'ancien administrateur
devait
faire valoir son droit d'actionnaire aux renseignements et à la
consultation
de l'art. 697 CO, et non en se prévalant de l'art. 714 CO, la cour
cantonale
n'a donc pas violé le droit fédéral.

6.3 La demanderesse invoque aussi sa crainte d'être à l'avenir
recherchée en
responsabilité selon l'art. 754 CO.
Le droit, ou le devoir, d'information des membres du conseil
d'administration
constitue en effet le pendant de la responsabilité de ces derniers
(Bächtold,
op cit., p. 193 ss). Ceux-ci ne peuvent cependant répondre que de ce
qu'ils
savaient, ou auraient dû savoir. S'ils se heurtent à un refus de
renseignements, ils se prémuniront contre une éventuelle action en
dommages-intérêts en exigeant à tout le moins l'annotation au
procès-verbal
de leur requête de renseignements et du refus qui lui a été opposé
(Wernli,
op. cit., n° 13 ad art. 715a CO). Il est certes envisageable que dans
certaines circonstances la possibilité d'être actionné en
responsabilité,
s'agissant de sommes importantes, représente une incertitude
insupportable
pour celui qui pourrait être sujet à une telle demande de réparation,
si bien
qu'on lui reconnaisse un intérêt à intenter une action en
constatation de
droit négative si celle-ci apparaît comme un moyen approprié de lever
le
doute. En l'espèce toutefois, on n'est pas dans une situation de ce
genre.
Comme cela a été retenu à juste titre en instance cantonale, la
demanderesse
ne serait pas totalement à l'abri d'une action en responsabilité même
si elle
obtenait le plein de ses conclusions dans la présente procédure.
D'abord, sa
responsabilité pourrait être mise en cause pour d'autres faits que
ceux qui
sont l'objet du procès qui nous occupe. Ensuite, un jugement qui
constaterait
la violation de ses droits à l'information ne serait pas opposable
aux tiers
à la présente procédure (ATF 89 II 429 consid. 4), par exemple un
créancier
social, voire un actionnaire - encore que le risque concret d'une
telle
action est considérablement réduit dans la mesure où la demanderesse a
finalement obtenu la décharge pour les années 1998 à 2000 alors que
l'assemblée générale était au courant, selon les constatations de
fait des
instances cantonales, de ses demandes de renseignements et du dépôt
de la
présente action en justice (art. 758 CO).

6.4 La demanderesse allègue encore que ses intérêts d'administratrice
et
d'actionnaire sont aujourd'hui renforcés par l'élément additionnel
relevant
du droit de la personnalité que constitue l'importante campagne de
presse
déclenchée par l'ouverture de la présente procédure. Elle voit là un
intérêt
juridique supplémentaire autonome justifiant la recevabilité de
l'action,
afin de rétablir son image dans le public. La juridiction cantonale
aurait
violé les art. 28 ss CC en n'entrant pas en matière sur sa demande
sous
l'angle des droits de la personnalité pour le motif qu'elle n'avait
pas pris
de conclusions spécifiques de ce chef.
Cet argument n'emporte pas non plus la conviction. Avec raison, le
Tribunal
de première instance a déjà considéré que l'intérêt de
l'administrateur ou
actionnaire à défendre son image publique n'est pas suffisant dans le
cadre
d'une procédure fondée sur le droit des sociétés. Du reste, la
recourante ne
démontre pas, comme cela lui incombe (art. 55 al. 1 let. c OJ),
qu'elle a
allégué à satisfaction de droit dans la procédure cantonale les faits
relevants pour statuer sur une atteinte à ses droits de la
personnalité. On
ne saurait donc reprocher aux instances genevoises de l'avoir
renvoyée à
engager des procédures ad hoc pour agir en vertu des art. 28 ss CC.

6.5 Il résulte de ce qui précède qu'aucun des motifs allégués par la
demanderesse pour justifier son intérêt personnel et actuel à
l'action n'est
suffisant. La prénommée prétend qu'en tout état de cause, les
conditions
permettant de renoncer à l'exigence d'un intérêt actuel seraient en
l'occurrence réunies, compte tenu des particularités du droit à
l'information. Elle se prévaut sur ce point de la jurisprudence
relative à
l'art. 88 OJ concernant l'ouverture du recours de droit public en
matière de
détention préventive ou de manifestation politique, qui selon elle
s'appliquerait à tous les domaines du droit.

Dans la procédure du recours de droit public, le Tribunal fédéral
renonce
exceptionnellement à l'exigence de l'intérêt actuel et pratique
découlant de
l'art. 88 OJ lorsque l'atteinte critiquée pourrait se reproduire en
tout
temps et que l'examen de sa constitutionnalité dans un cas d'espèce ne
pourrait, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans
le temps,
sinon, jamais intervenir à temps et qu'ainsi ladite exigence
empêcherait en
fait tout contrôle constitutionnel. Aussi le Tribunal fédéral
entre-t-il en
matière, malgré l'absence d'intérêt actuel et pratique, lorsque les
questions
soulevées pourraient se poser à nouveau en
tout temps et dans les
mêmes
conditions, qu'en raison de leur importance de principe il y a un
intérêt
public suffisant à ce qu'elles soient résolues et que leur
inconstitutionnalité ne pourrait guère être examinée dans un cas
d'espèce
(ATF 127 I 164 consid. 1a; 110 Ia 140 consid. 2a et b).

Les droits à l'information des membres du conseil d'administration,
s'ils
représentent des garanties fondamentales pour le bon fonctionnement
des
sociétés anonymes, qui elles-mêmes constituent des acteurs essentiels
de
l'économie, ne peuvent être assimilés aux droits de nature
constitutionnelle
dont le respect est soumis au Tribunal fédéral dans le recours de
droit
public (cf. ATF 118 Ia 488 consid. 1c). L'ATF 119 II 271 que la
demanderesse
cite pour appuyer son avis que l'exception qu'elle invoque à
l'exigence à
l'intérêt actuel et pratique s'applique dans tous les domaines du
droit a
d'ailleurs été rendu sur un recours de droit public en matière
d'arbitrage
international à propos de la suspension d'un sportif (N.B.: l'exigence
générale d'un intérêt pratique actuel en matière de sanctions
disciplinaires
a d'ailleurs été réaffirmé récemment dans un ATF 127 III 429 consid.
1b).

Cela étant, il est inexact que seule une entrée en matière dans la
présente
procédure permettrait de soumettre au Tribunal fédéral la possibilité
d'une
éventuelle sanction judiciaire des droits de l'administrateur ancrés
à l'art.
715a CO, et, cas échéant, les modalités de la mise en oeuvre de
celle-ci. Les
limitations infligées au droit à l'information n'ont pas forcément un
caractère très bref: un règlement édicté par le conseil
d'administration qui
restreindrait la faculté pour ses membres d'obtenir des informations
pour une
durée indéterminée pourrait entraîner la saisine des tribunaux. Quant
aux
restrictions circonscrites dans le temps, leur bien-fondé pourra en
tout cas
être examiné par les autorités judiciaires, s'il y a lieu, comme
préalable
nécessaire dans le cadre d'autres actions (par exemple en
responsabilité
selon l'art. 754 CO si elles ont causé un dommage ou dans le cadre
d'une
procédure tendant à l'institution d'un contrôle spécial selon l'art.
697b
CO).

Par ailleurs, les faits de la cause montrent que des facteurs
émotionnels et
personnels ont joué un grand rôle dans le déroulement des événements
et le
refus d'informations auquel la demanderesse s'est heurtée. Il est
douteux
qu'un litige se présente sous un jour semblable à l'avenir et il n'y
a pas
d'intérêt prépondérant à ce que le Tribunal fédéral se prononce ici
sur
toutes les questions théoriques qui touchent l'étendue et la mise en
oeuvre
du droit à l'information de l'administrateur, à l'intérieur de la
société ou
devant les tribunaux. Dès lors que la demanderesse a perdu sa qualité
de
membre du conseil d'administration sans contester sa révocation, on
voit mal
comment elle pourrait être en butte à nouveau aux mêmes refus
d'informations
dans le même contexte.

En jugeant que les atteintes critiquées ne pourraient se reproduire
en tout
temps, la cour cantonale n'a nullement violé le droit fédéral.

7.
Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner si la
demanderesse
possède encore la légitimation active pour agir du chef de l'art.
715a CO
nonobstant sa révocation du conseil d'administration en cours de
procédure,
ni d'entrer en matière sur les autres conditions de fond de son
action.

8.
La demanderesse qui succombe supportera les frais de justice et
versera une
indemnité de dépens à la défenderesse (art. 156 al. 1 et 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 26 mai 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.7/2003
Date de la décision : 26/05/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-26;4c.7.2003 ?
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