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26/05/2003 | SUISSE | N°4C.59/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 mai 2003, 4C.59/2003


{T 0/2}
4C.59/2003 /ech

Arrêt du 26 mai 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et
Nyffeler.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

Fondation X.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Philippe Conod, avocat,
galerie Saint-François A, case postale 3473, 1002 Lausanne,

contre

les époux A.________,
les époux B.________,
demandeurs et intimés, tous les quatre représentés par Me Nicole
Wiebach,
avocate, rue Jean-Jacques Rousseau 9A

, case postale 1263, 1800 Vevey
1.

contrat de bail; nullité de hausses de loyer; répétition de l'indu;
LCAP
...

{T 0/2}
4C.59/2003 /ech

Arrêt du 26 mai 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et
Nyffeler.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

Fondation X.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Philippe Conod, avocat,
galerie Saint-François A, case postale 3473, 1002 Lausanne,

contre

les époux A.________,
les époux B.________,
demandeurs et intimés, tous les quatre représentés par Me Nicole
Wiebach,
avocate, rue Jean-Jacques Rousseau 9A, case postale 1263, 1800 Vevey
1.

contrat de bail; nullité de hausses de loyer; répétition de l'indu;
LCAP

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 14 août 2002).

Faits:

A.
A partir du 1er septembre 1986, la SI Y.________ S.A. (ci-après: la SI
Y.________) a loué aux époux B.________ un appartement se trouvant à
Nyon
pour un loyer mensuel net de 1'350 fr., plus 220 fr. d'acompte pour
les frais
de chauffage et d'eau chaude.

Dès le 1er décembre 1986, elle a remis en location un appartement
dans le
même immeuble aux époux A.________. Le loyer mensuel net s'élevait à
1'400
fr. plus 220 fr. d'acompte pour les frais de chauffage et d'eau
chaude.

Le 18 mai 1989, la SI Y.________ a fait notifier aux époux A.________
une
hausse de loyer devant prendre effet le 1er décembre 1989 sur une
formule de
la gérance Z.________ S.A., qui indiquait notamment que les motifs de
la
hausse se trouvaient sur une feuille annexée. Cette formule a été
approuvée
le 11 juillet 1989 par le Département cantonal vaudois de
l'agriculture, de
l'industrie et du commerce.

Sur la formule agréée, la SI Y.________ a signifié des hausses de
loyer les 6
avril 1990, 9 novembre 1990 et 10 juin 1991 aux époux B.________ et
le 10
juillet 1990 aux époux A.________. Les motifs de la hausse figuraient
chaque
fois sur une lettre séparée.

Le 2 septembre 1991, la SI Y.________ a vendu l'immeuble dans lequel
se
trouvaient les appartements loués à la Fondation X.________ (ci-après
: la
Fondation), dont le but est notamment d'accorder la
location-propriété à des
personnes physiques domiciliées dans le canton de Vaud.

Le 19 août 1993, les époux A.________ et B.________ se sont adressés
à la
Commission de conciliation pour contester la notification par la
Fondation de
nouvelles prétentions. Les parties n'étant pas parvenues à
s'entendre, la
Fondation a saisi le Tribunal des baux, en concluant à ce qu'il
constate la
validité des nouvelles prétentions.

Les époux A.________ et B.________ ont également contesté de nouvelles
hausses de loyer signifiées le 12 avril 1995.

B.
Lors de consultations auprès de l'Asloca qui se sont tenues les 20
juin et 27
juillet 1995, la représentante de cette association s'est aperçue que
les
hausses signifiées auparavant pouvaient être entachées d'un vice de
forme.
Elle en a informé les locataires, qui l'ignoraient.

Le 3 juillet 1995, les époux B.________ ont demandé à la gérance la
restitution du trop-perçu lié aux notifications de hausses de loyer
des 6
avril 1990, 9 novembre 1990 et 10 juin 1991 et le maintien du loyer
antérieur. Le 31 juillet 1995, les époux A.________ ont réclamé à la
bailleresse le remboursement des montants indûment versés en raison
de la
nullité des majorations de loyer.

C.
Le 14 décembre 1995, après l'échec de la conciliation, les époux
A.________
et B.________ ont saisi le Tribunal des baux du canton de Vaud. Les
premiers
ont conclu à la nullité des hausses signifiées les 18 mai 1989 et 10
juillet
1990, à ce que leur loyer reste fixé à 1'400 fr. par mois et à ce que
la
Fondation leur verse la somme de 13'969 fr. avec intérêt à 5 % l'an
dès le
1er septembre 1995. Les époux B.________ ont conclu pour leur part à
la
nullité des hausses signifiées les 6 avril 1990, 9 novembre 1990 et
10 juin
1991, à ce que leur loyer reste fixé à 1'350 fr. et à ce que la
Fondation
leur verse la somme de 16'873 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er
septembre 1995.

Le 10 octobre 1996, les époux A.________ et B.________ ont également
introduit devant le Tribunal des baux une requête dirigée contre la SI
Y.________ tendant à faire constater la nullité de toutes les hausses
de
loyer et demandant le maintien de leurs loyers respectifs, ainsi que
la
restitution des montants versés en trop.

Le 22 novembre 1996, le Tribunal des baux a joint les deux instances.
Les
époux B.________ et A.________ ont modifié leurs conclusions dirigées
contre
la Fondation en demandant que tous les loyers versés en trop en
raison des
hausses nulles leur soient restitués. La Fondation et la SI
Y.________ se
sont prévalues de la prescription.

Par jugement du 30 août 2001, le Tribunal des baux a condamné la SI
Y.________ à payer aux époux A.________ 1'281 fr. avec intérêt à 5 %
l'an dès
le 1er octobre 1990, ainsi que 1'485 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès
le 1er
mai 1991, et aux époux B.________ 1'344 fr. avec intérêt à 5 % l'an
dès le
1er mars 1991, plus 480 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 15 juin
1991.
Quant à la Fondation, elle a été condamnée à verser aux époux
A.________
5'978 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er janvier 1994 et 14'190
fr. avec
intérêt à 5 % l'an dès le 30 juin 1993. Elle a également été tenue de
payer
aux époux B.________ 14'874 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er
mars 1996,
12'000 fr. avec intérêt à 5 % dès le 15 juin 1996 et 9'877 fr. avec
intérêt à
5 % dès le 15 septembre 1996.

Par arrêt du 14 août 2002 dont la motivation a été remise aux parties
le 16
janvier 2003, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a
rejeté
les recours interjetés tant par la SI Y.________ que par la Fondation
et
confirmé le jugement du 30 août 2001.

D.
Contre cet arrêt, la Fondation (la défenderesse) interjette un
recours en
réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut, avec suite de frais et
dépens, à
l'admission du recours et à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens
que le
jugement rendu en première instance soit modifié et que la Fondation
soit
libérée de toute prétention, les conclusions prises à son encontre
par les
locataires A.________ et B.________ étant rejetées.

Les époux A.________, ainsi que les époux B.________ (les demandeurs)
proposent le rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

Parallèlement à son recours en réforme, la Fondation a également
interjeté un
recours de droit public et un recours en nullité au Tribunal fédéral à
l'encontre de l'arrêt du 14 août 2002.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La défenderesse ayant déposé trois recours distincts au Tribunal
fédéral à
l'encontre de l'arrêt attaqué, il convient de se demander au
préalable quelle
voie de droit doit être examinée en premier lieu et quelles en sont
les
conséquences pour les autres recours.

1.1 Selon l'art. 57 al. 5 OJ, lorsque la décision attaquée est en
même temps
l'objet d'un recours en réforme et d'un recours de droit public, il
est
sursis en règle générale à l'arrêt sur le premier recours jusqu'à
droit connu
sur le second. Il peut toutefois être dérogé à ce principe, notamment
lorsque
le recourant invoque, dans son recours de droit public, une violation
arbitraire du droit fédéral qui pourrait être retenue dans l'examen du
recours en réforme, ce qui rendrait le premier sans objet et même
irrecevable
eu égard à sa subsidiarité (art. 84 al. 2 OJ; ATF 107 II 499 consid.
1; 99 II
297 consid. 1; Poudret, COJ II, Berne 1990, art. 57 OJ no 5 p. 464).
En vertu
du renvoi de l'art. 74 OJ, ces règles sont également applicables aux
relations entre recours de droit public et recours en nullité (cf.
ATF 118 II
521 consid. 1a).

1.2 En l'occurrence, la défenderesse, dans son recours de droit
public, se
plaint, sous le couvert d'une violation des art. 9 et 108 Cst., ainsi
que de
l'art. 84 al. 1 let. d OJ, d'une application arbitraire de l'art.
253b al. 3
CO. Elle reproche en substance à l'autorité cantonale d'avoir
outrepassé ses
compétences en rendant une décision qui revient à fixer les loyers
dus par
les demandeurs, alors que l'immeuble en cause est régi par la loi
fédérale du
4 octobre 1974 encourageant la construction et l'accession à la
propriété de
logements (RS 843; ci-après : LCAP). Cette argumentation figure
également
dans le recours en réforme et dans le recours en nullité interjetés
parallèlement.

En dérogation à la règle de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient ainsi de
ne pas
commencer par l'examen du recours de droit public car, si la Cour de
céans
devait entrer en matière sur l'un des deux autres recours, le recours
de
droit public déposé à titre subsidiaire pour se plaindre d'une
application
arbitraire du droit fédéral aurait perdu toute justification.

1.3 Quant au recours en nullité, il a lui-même un caractère
subsidiaire par
rapport au recours en réforme, dès lors qu'il n'est recevable que si
ce
dernier n'est pas ouvert (cf. art. 68 al. 1 OJ; ATF 127 III 390
consid. 1a).

1.4 Dans ces circonstances, le recours en réforme sera examiné en
premier
lieu. S'il s'avère que les conditions de recevabilité de cette voie
de droit
sont réunies, alors le recours de droit public portant sur une
application
arbitraire du droit fédéral et le recours en nullité interjetés
parallèlement
devront être déclarés irrecevables, compte tenu de leur caractère
subsidiaire. La défenderesse reconnaît du reste elle-même qu'elle a
utilisé
ces deux derniers moyens à titre supplétif, pour le cas où la voie du
recours
en réforme ne serait pas ouverte.

2.
2.1Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le recours en réforme
n'est
recevable que dans les contestations civiles (cf. art. 44 à 46 OJ). La
jurisprudence entend par là toute procédure contradictoire entre deux
ou
plusieurs personnes physiques ou morales prises en leur qualité de
titulaires
de droits privés, ou entre de telles personnes et une autorité à qui
le droit
fédéral reconnaît la faculté d'être partie. Dans tous les cas, il
faut que
les parties exercent des prétentions relevant du droit civil fédéral
et que
celles-ci soient objectivement litigieuses (ATF 124 III 463 consid.
3a); la
question de savoir si des prétentions sont soumises au droit privé
fédéral ou
au droit public est de nature civile (ATF 128 III 250 consid. 1a; 115
II 237
consid. 1).

En l'occurrence, les demandeurs, invoquant un vice de forme, ont fait
valoir
la nullité des majorations qui leur ont été signifiées de 1989 à 1991
et ont
réclamé la restitution de la part des loyers versée en trop. La
Chambre des
recours, confirmant la position du tribunal des baux, a fait droit à
leur
requête. La défenderesse s'y oppose en invoquant entre autres une
violation
de l'art. 253b al. 3 CO. Elle reproche en substance aux juges
cantonaux
d'avoir outrepassé leurs compétences en fixant des loyers alors que
cette
question relevait du droit public, en application de la LCAP.

Il est vrai que, selon la jurisprudence, l'art. 253b al. 3 CO
réserve, pour
les immeubles soumis à la LCAP, des domaines relevant du droit public
(cf.
ATF 124 III 463 consid. 4a) et les litiges en découlant
n'appartiennent pas à
la catégorie des contestations civiles, de sorte que la voie du
recours en
réforme n'est pas ouverte (cf. arrêt 4C.12/1998 non publié du 27
octobre
1998, consid. 3 et 4). Toutefois, le point de savoir si, en
condamnant la
défenderesse à rembourser aux demandeurs la part des loyers perçue en
trop,
la Chambre des recours a ou non empiété sur le droit public réservé
par
l'art. 253b al. 3 CO revient à se demander si ces prétentions
appartiennent
au droit public ou au droit privé. Or, comme on vient de le voir,
cette
question est de nature civile.

2.2 Quant aux autres conditions de recevabilité du recours en
réforme, elles
sont en principe réunies. Interjeté par la partie qui a succombé dans
ses
conclusions et dirigé contre un jugement final, rendu en dernière
instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le présent
recours
porte sur des droits atteignant la valeur litigieuse minimale de
8'000 fr.
(art. 46 OJ) et a été déposé en temps utile (art. 32 al. 2 et 54 al.
1 OJ),
dans les formes requises (art. 55 OJ). Il convient donc d'entrer en
matière.

3.
Dans son recours, la défenderesse s'en prend tout d'abord à
l'existence des
prétentions que les juges cantonaux ont reconnu aux demandeurs. Puis,
invoquant l'art. 253b al. 3 CO, elle soutient qu'en la condamnant à
restituer
l'excédent de loyers versés par les demandeurs, la Chambre des
recours a
outrepassé ses compétences et empiété sur un domaine ressortant aux
autorités
administratives. Si ce dernier point devait être admis, l'examen des
critiques portant sur les conditions matérielles du droit des
demandeurs à
obtenir une telle restitution s'avérerait superflu. Il convient donc
de
commencer par traiter le dernier grief invoqué dans le recours.

4.
En résumé, la défenderesse, se fondant sur l'art. 253b al. 3 CO,
prétend que,
depuis qu'elle a acquis l'immeuble en cause le 2 septembre 1991 ou au
plus
tard à partir du 1er octobre 1993, au moment de l'entrée en vigueur
des
nouvelles prétentions portant sur l'établissement d'un nouveau bail
pour les
locataires, la fixation du loyer n'était plus du ressort du juge

civil, mais
des autorités administratives en vertu de la LCAP. En la condamnant à
restituer la part des loyers perçus en trop durant cette période, les
juges
ont en définitive établi, sur le plan civil, un loyer qui aurait dû
être fixé
en vertu d'un plan émanant de l'Office fédéral du logement. En outre,
le
droit public permettant de déterminer les loyers des demandeurs,
ceux-ci
avaient été versés sur la base d'une cause valable, ce qui excluait
leur
restitution en vertu de l'art. 62 CO.

5.
Selon l'art. 253b al. 3 CO, les dispositions relatives à la
contestation des
loyers abusifs ne s'appliquent pas aux locaux d'habitation en faveur
desquels
des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics
et dont
le loyer est soumis au contrôle d'une autorité. Ce contrôle se
substitue à
celui qui est exercé normalement par les tribunaux civils
(Weber/Zihlmann,
Commentaire bâlois, art. 253a-253b CO no 10; Jean-Marc Siegrist, Les
loyers
et les frais accessoires des logements subventionnés, Séminaire sur
le droit
du bail, Neuchâtel 1998, p. 12). L'introduction de ce régime
particulier est
délicate lorsque l'aide et le contrôle des loyers sont mis en place
dans un
immeuble dont les logements sont déjà loués, par exemple lors d'une
rénovation ou d'une acquisition. La loi ne règle pas clairement le
point de
savoir si le nouveau régime prévu à l'art. 253b al. 3 CO déploie des
effets
dès la prise de la décision de l'autorité compétente ou dès la
notification
aux locataires du changement survenu (cf. en ce sens Siegrist, op.
cit., p.
15 s.). En tous les cas, l'art. 253b al. 3 CO ne saurait avoir des
effets
rétroactifs et s'appliquer aux situations survenues alors que les
loyers en
cause n'étaient pas encore soumis à la surveillance d'une autorité
étatique.

En l'espèce, il est constant que la Confédération a pris des mesures
d'encouragement au sens de la LCAP en faveur de l'immeuble de la
défenderesse
et que les loyers des appartements loués par les demandeurs ont été
soumis au
contrôle d'une autorité, de sorte que le régime de l'art. 253b al. 3
CO était
applicable (cf. ATF 124 III 463 consid. 4a). L'aide n'a toutefois été
accordée que dans le cadre de l'acquisition de cet immeuble par la
défenderesse le 2 septembre 1991. La question de savoir si ces
mesures sont
entrées en vigueur le 2 septembre 1991 ou plus tard n'est pas
déterminante,
dès lors que de toute manière les majorations litigieuses ont été
signifiées
antérieurement, ce qui exclut qu'elles soient régies par les règles
de droit
public. L'examen de leur validité relève par conséquent exclusivement
des
juges civils. Comme la Chambre des recours avait la compétence de
constater
la nullité des augmentations de loyer en cause, on conçoit mal que
l'art.
253b al. 3 CO ait pu l'empêcher d'en tirer les conséquences civiles,
en
l'occurrence de condamner la défenderesse à restituer la part des
loyers
perçue en trop en application des art. 62 ss CO.

La défenderesse se méprend lorsqu'elle soutient que l'arrêt attaqué
équivaut
à fixer les loyers, alors que ceux-ci étaient soumis au contrôle
étatique.
Les juges n'ont fait que se limiter à l'objet du litige qui leur était
soumis, en réglant les effets de la nullité des majorations de loyer
survenues avant la mise en place des mesures découlant de la LCAP.
C'est au
contraire s'ils s'étaient prononcés sur l'évolution des loyers des
demandeurs
une fois la mise en place du contrôle étatique, comme le préconise la
défenderesse, qu'ils auraient outrepassé leurs compétences. Du plus,
le
risque de décisions contradictoires aurait été grand, puisque d'autres
procédures ont été introduites postérieurement entre les parties, qui
portent
sur l'introduction de nouvelles prétentions reposant sur les
principes de la
LCAP et sur les augmentations subséquentes de loyer signifiées en
1995.
L'arrêt attaqué ne violant pas l'art. 253b al. 3 CO, il y a lieu
d'examiner
les griefs portant sur le bien-fondé des prétentions des demandeurs.

6.
A cet égard, la défenderesse conteste tout d'abord que les hausses de
loyer
signifiées aux demandeurs entre le 18 mai 1989 et le 10 juin 1991
puissent
être considérées comme nulles.

6.1 La Chambre des recours a constaté la nullité de la première
hausse datant
du 18 mai 1989 avec effet au 1er décembre 1989, car celle-ci avait été
signifiée sur une formule qui n'avait été agréée que postérieurement
par
l'autorité compétente. Quant aux autres hausses, leur nullité
résultait du
fait que les motifs figuraient chaque fois dans une lettre séparée.

6.2 Le droit du bail a été entièrement révisé le 1er juillet 1990 (RO
1990 p.
802). La validité de la hausse de loyer signifiée le 18 mai 1989 pour
le 1er
décembre 1989 doit ainsi être examinée à la lumière de l'ancien droit
du
bail, à savoir de l'arrêté fédéral instituant des mesures contre les
abus
dans le secteur locatif du 30 juin 1972 (RO 1972 p. 1531; ci-après :
AMSL;
cf. ATF 123 III 70 consid. 2), alors que celle des hausses
subséquentes sera
envisagée sous l'empire des nouvelles dispositions.

6.3 En ce qui concerne la majoration du 18 mai 1989, la défenderesse,
se
fondant sur un arrêt du Tribunal fédéral du 24 mars 1997, soutient en
substance que la Chambre des recours a fait preuve de formalisme
excessif en
n'admettant pas sa validité pour le motif que cette formule n'avait
pas
encore été agréé par le canton au moment de sa notification, alors que
celui-ci avait finalement donné son agrément à cette formule le 11
juillet
1989.

Selon l'art. 18 al. 2 et 3 AMSL, toute majoration de loyer devait être
signifiée au moyen d'une formule agréée par le canton sous peine de
nullité
(cf. ATF 123 III 70 consid. 2a p. 72). Le système voulu par le
législateur
imposait ainsi au bailleur qui souhaitait augmenter les loyers de
commencer
par remplir une formule agréée par le canton (Barbey, L'arrêté fédéral
instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif,
Lausanne
1984, p. 28 ch. 2). Cette exigence a d'ailleurs été reprise dans le
droit
actuel (cf. art. 269d al. 1 CO). La jurisprudence a souligné
l'importance de
la formule agréée par le canton, en indiquant clairement que, si une
telle
formule n'était pas utilisée, la hausse était nulle, peu importe que
celle-ci
remplisse toutes les autres conditions posées par la loi (cf. ATF 121
III 214
consid. 3b 217 s.). L'arrêt cité par la défenderesse s'intègre
parfaitement à
cette conception formaliste et ne lui est d'aucun secours. En effet,
la Cour
de céans n'a, dans cette affaire, nullement renoncé à l'exigence d'une
formule agréée par le canton. Elle a seulement admis la validité d'une
formule périmée, car utilisée après l'entrée en vigueur du nouveau
droit du
bail, mais qui avait été approuvée par le canton sous l'empire de
l'AMSL. A
cet égard, elle a pris soin de rappeler que la jurisprudence était
très
stricte et que cette rigueur était commandée par des motifs de clarté,
d'application uniforme de la loi et de sécurité du droit, qui
justifiaient
d'exiger l'utilisation d'une formule officielle, agréée par le canton
(arrêt
du Tribunal fédéral 4C.457/1996 du 24 mars 1997 in Cahiers du bail
1997, p.
97 ss, consid. 2b).

Par conséquent, on ne saurait reprocher à la Chambre des recours
d'avoir
considéré que la hausse du 18 mai 1989 était nulle en vertu de l'AMSL
car, au
moment déterminant de la notification, la formule utilisée ne
remplissait pas
les exigences légales.

Il n'y a ainsi pas lieu de se demander si, au surplus, il était
admissible de
motiver la hausse de 1989 au moyen d'une lettre annexée, comme le
soutient la
défenderesse.

6.4 En revanche, ce grief, également soulevé en relation avec les
autres
majorations de loyer notifiées entre les 6 avril 1990 et le 10 juin
1991,
mérite examen.

Contrairement à ce que soutient la défenderesse, la validité des
majorations
de loyer signifiées entre 1990 et 1991 doit être vérifiée en
application du
droit en vigueur au moment où celles-ci ont déployé leurs effets (cf.
ATF 123
III 70 consid. 2). Il faut par conséquent se placer dans la situation
juridique qui existait sous l'empire du nouveau droit du bail (cf.
supra
consid. 6.2), mais sans tenir compte de la précision apportée par
l'art. 19
al. 1bis OBLF (RS 221.213.11), entré en vigueur le 1er août 1996 (RO
1996 p.
2120), et qui a permis au bailleur d'indiquer le motif de hausse dans
une
lettre d'accompagnement en s'y référant expressément dans la formule
officielle. Cette disposition a assoupli les exigences de forme
prévalant en
matière de notification de hausse de loyer, car auparavant un tel
mode de
procéder était prohibé par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral
4C.245/1999 non publié du 3 janvier 2000 consid. 3a). Celle-ci, s'en
tenant
au texte de l'art. 269d CO, exigeait que les motifs de hausse figurent
expressément sur la formule officielle (arrêt du Tribunal fédéral
4C.172/1993
du 22 novembre 1993, in SJ 1994 p. 237, consid. 3b). L'utilisation
d'une
lettre annexée n'était admise qu'en vue de préciser ou compléter les
motifs
se trouvant sur la formule officielle (cf. ATF 120 II 206 consid. 3a
et les
références citées). Le formulaire ne faisant que renvoyer à une lettre
d'accompagnement qui contenait les motifs de hausse était alors
considéré
comme non conforme à l'art. 269d al. 1 CO et la hausse nulle (cf. ATF
120 II
206 consid. 3b).

Cette jurisprudence se rapportant au droit en vigueur lors des
majorations de
loyer signifiées entre 1990 et 1991, la Chambre des recours ne
pouvait que
constater leur nullité, puisque, précisément, celles-ci n'indiquaient
pas les
motifs de congé, mais renvoyaient à une lettre annexée.

7.
La nullité d'une hausse de loyer entraîne en principe le droit, pour
le
locataire, d'obtenir la restitution du loyer payé en trop sur la base
des
art. 62 ss CO (ATF 113 II 187 consid. 1a). La défenderesse s'y oppose,
reprochant aux juges cantonaux de n'avoir pas retenu un abus de droit
de la
part des demandeurs, qui ont continué à régler le loyer dans sa
totalité
durant près de dix ans si l'on tient compte de la durée de la
procédure.

7.1 Une exception au droit de répétition pour cause d'enrichissement
illégitime fondé sur la nullité de la hausse de loyer ne peut être
admise que
dans les limites étroites de l'abus de droit, c'est-à-dire dans le
cas où le
preneur s'est rendu compte du vice de forme et s'est abstenu de
protester
dans le dessein d'en tirer, le cas échéant, ultérieurement profit
(ATF 113 II
187 consid. 1a p. 189). La jurisprudence considère comme abusif le
comportement d'une partie au contrat de bail qui adopte initialement
une
attitude de nature à susciter chez l'autre partie une confiance
légitime
pouvant se traduire par des actes qui pourraient se révéler par la
suite
préjudiciables pour elle au regard d'une nouvelle situation; tel est
par
exemple le cas du locataire qui a renoncé expressément et en toute
connaissance de cause aux exigences légales en matière de hausse de
loyer.
Pour juger si le fait d'invoquer la nullité de la hausse constitue un
abus de
droit, il faut tenir compte de la nature de la majoration affectée du
vice et
des circonstances qui l'entourent (ATF 123 III 70 consid. 3c et d).
Compte
tenu de la finalité protectrice des règles de forme relatives à la
majoration
de loyer, il convient de se montrer restrictif dans cette
appréciation et de
n'admettre l'abus de droit qu'exceptionnellement (cf. Lachat, Le bail
à
loyer, Lausanne 1997, p. 269 s.).

En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que c'est à l'occasion
d'entretiens avec une représentante de l'Asloca les 20 juin et 27
juillet
1995 que les demandeurs ont appris qu'un vice de forme pourrait
affecter la
validité des majorations de loyer signifiées entre 1989 et 1991. Ils
ont
alors immédiatement réagi en s'adressant à la gérance, puis en
introduisant
une action en justice. Ces circonstances ne laissent pas apparaître
que les
demandeurs se seraient rendus compte de vices de forme et se seraient
abstenus de protester, afin d'en tirer profit ultérieurement, ni
qu'ils
auraient renoncé en toute connaissance de cause aux exigences
formelles
découlant de la loi. En outre, il confine à la témérité de prétendre
que les
demandeurs auraient abusé de leur droit en continuant de verser
l'entier de
leur loyer durant la procédure, dès lors que, par définition, la
situation
juridique demeure encore incertaine.

C'est donc à juste titre que la Chambre des recours, n'admettant pas
l'abus
de droit, a condamné la défenderesse à restituer aux demandeurs les
montants
correspondant à la part des loyers perçue en trop.

Le recours doit par conséquent être rejeté.

8.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de la procédure seront
mis à la
charge de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Celle-ci
devra
en outre verser aux demandeurs, créanciers solidaires, une indemnité
à titre
de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge de la
défenderesse.

3.
La défenderesse versera aux demandeurs, créanciers solidaires, une
indemnité
de 3'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
des
recours du
Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 26 mai 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.59/2003
Date de la décision : 26/05/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-26;4c.59.2003 ?
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