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26/05/2003 | SUISSE | N°1P.158/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 mai 2003, 1P.158/2003


{T 0/2}
1P.158/2003 /svc

Arrêt du 26 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Reeb, et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.

N. ________,
recourant, représenté par Me André Clerc, avocat, boulevard de
Pérolles 22,
case postale 47,
1705 Fribourg,

contre

A.________, B.________ et C.________,
intimés, représenté par Me Bruno Kaufmann, avocat,
case postale 84, 1702 Fribourg,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribo

urg,
Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
de l'Etat de Fribourg, place de l'Hôtel-de-Ville 2a,
1700 Fribourg.

...

{T 0/2}
1P.158/2003 /svc

Arrêt du 26 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Reeb, et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.

N. ________,
recourant, représenté par Me André Clerc, avocat, boulevard de
Pérolles 22,
case postale 47,
1705 Fribourg,

contre

A.________, B.________ et C.________,
intimés, représenté par Me Bruno Kaufmann, avocat,
case postale 84, 1702 Fribourg,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
de l'Etat de Fribourg, place de l'Hôtel-de-Ville 2a,
1700 Fribourg.

art. 9, 29, 32 al. 1 Cst, art. 6 ch. 2 CEDH (procédure pénale),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du
Tribunal
cantonal de l'Etat de Fribourg du
11 décembre 2002.

Faits:

A.
Le 5 mars 2001, le Juge d'instruction spécial du Tribunal pénal de
l'arrondissement de la Sarine a renvoyé devant le Tribunal pénal de
l'arrondissement de la Broye N.________, officier de gendarmerie né
le 28 mai
1956, comme prévenu d'actes d'ordre sexuel avec des enfants
(éventuellement
avec des personnes dépendantes) de contrainte sexuelle et d'abus de
détresse.
A.________, né le 2 février 1980, aurait été victime à huit reprises
entre
1994 et 2000 d'attouchements de la part de N.________. Celui-ci a
contesté
l'accusation, mais reconnu des actes contre l'intégrité sexuelle de
trois
mineures; ces faits sont prescrits.

Par jugement du 22 juin 2001, le Tribunal pénal a acquitté N.________.
Confronté à deux versions contradictoires, il a tenu pour plausible
l'hypothèse que A.________ ait échafaudé ses accusations pour
échapper à un
conflit avec ses parents, à raison de ses échecs scolaires et d'une
condamnation pour infraction à la LStup. Ses déclarations n'étaient
pas
cohérentes et sa crédibilité pouvait être mise en doute alors que
l'accusé
avait tenu un discours clair et convaincant.

A. ________, ainsi que ses parents C.________ et B.________, ont
appelé de ce
jugement auprès du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. Le
Ministère
public en a fait de même.

Après les avoir joints, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal a,
par
arrêt du 11 décembre 2002, admis les recours et réformé le jugement
du 22
juin 2001. Il a reconnu N.________ coupable d'actes d'ordre sexuel
avec des
enfants, d'actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes et de
contrainte sexuelle, et l'a condamné à la peine de deux ans et demi de
réclusion.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, N.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 11 décembre 2002 et de renvoyer
la
cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision. Il invoque les
art. 9, 29
al. 2, 32 al. 1 et 32 al. 2 Cst., ainsi que l'art. 6 par. 2 CEDH.

Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt. Le Ministère public
conclut au
rejet du recours, les intimés à son rejet dans la mesure de sa
recevabilité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant reproche à l'autorité intimée d'avoir méconnu les
prescriptions
du droit cantonal de procédure régissant l'administration des preuves
dans le
cadre de l'appel du jugement de première instance. Le recourant se
plaint à
cet égard d'une violation arbitraire de ses droits de partie. Il est
recevable à soulever ce grief (art. 88 OJ).

1.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme
ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal
fédéral ne
s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière
instance
que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation
d'un droit
certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée
soient
insoutenabIes, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans
son
résultat (ATF 128 I 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275;
127 I 54
consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70, et les arrêts cités).

1.2 Aux termes de l'art. 219 CPP/FR, la Cour d'appel peut étendre ou
répéter
la procédure probatoire dans la mesure où cela paraît nécessaire à
l'appréciation de la cause (al. 1). Sauf en cas d'erreur manifeste ou
d'appréciation arbitraire dans le jugement attaqué, la Cour d'appel
ne peut
s'écarter, sur les points essentiels de la cause, de l'état de fait
établi en
première instance sans avoir administré à nouveau les preuves s'y
rapportant
(al. 2).

1.3 Hormis l'interrogatoire du recourant et de A.________, la Cour
d'appel
n'a pas fait administrer de nouvelles preuves devant elle. Pour
s'écarter du
jugement de première instance, elle s'est fondée sur les déclarations
des
parties et des témoins, telles qu'elles ont été recueillies par le
Juge
d'instruction. La Cour d'appel n'a ainsi pas examiné la cause à la
lumière de
faits nouveaux, mais statué sur la base des mêmes éléments de fait
que ceux
soumis à l'autorité de première instance, pour en tirer des
conclusions
différentes. Ce faisant, elle a simplement substitué son appréciation
à celle
des premiers juges. Le recourant ne démontre pas que ce procédé serait
inconciliable avec le droit cantonal.

2.
Invoquant les art. 32 al. 1 Cst. et 6 CEDH, le recourant se plaint
d'une
violation de la présomption d'innocence et d'une appréciation
arbitraire des
preuves; ces griefs sont recevables dans le cadre du recours de droit
public
pour la violation des droits constitutionnels au sens de l'art. 84
al. 1 let.
a OJ (ATF 120 Ia 31 consid. 2b p. 36 in fine et les arrêts cités).
Tels
qu'ils sont formulés, les griefs d'arbitraire et de violation du
droit d'être
entendu se confondent avec les précédents.

3.
La présomption d'innocence concerne tant la répartition du fardeau de
la
preuve que la constatation des faits et l'appréciation des preuves
(ATF 120
Ia 31 consid. 2c p. 36).

S'agissant de la constatation des faits et l'appréciation des
preuves, la
maxime « in dubio pro reo » est violée lorsque l'appréciation
objective de
l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute
insurmontable
quant à la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41;
124 IV 86
consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Saisi d'un recours de
droit
public ayant trait à l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral
examine
seulement si le juge cantonal a outrepassé son pouvoir d'appréciation
et
établi les faits de manière arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p.
41; 124 IV
86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28 consid.
1b p.
30, et les arrêts cités).

En tant qu'elle concerne la répartition du fardeau de la preuve, la
maxime
"in dubio pro reo" veut qu'il incombe à l'accusation d'établir la
culpabilité
du prévenu, et non à celui-ci de démontrer qu'il n'est pas coupable.
Elle est
violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif
que
l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40;
120 Ia
37 consid. 2c, 118 Ia 30 consid 1b; 116 IV 39 consid. 5a). Saisi du
grief de
la violation de ces principes, le Tribunal fédéral examine librement
s'il
ressort du jugement considéré objectivement que le juge a condamné
l'accusé
uniquement parce qu'il n'avait pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38
consid.
2a p. 40; 120 Ia 38 consid. 3d).

4.
La Cour d'appel a retenu à l'encontre du recourant huit actes d'ordre
sexuel
sur A.________, commis entre juillet 1994 et le 12 mai 2000. Elle a
également
fondé son appréciation sur des actes que le recourant a reconnu avoir
commis
sur trois jeunes filles mineures, ainsi que sur certains aspects de
son
comportement, aussi mis en lumière par les expertises ordonnées dans
le cadre
de la procédure.

4.1 Comme le relève le recourant, l'arrêt est affecté de quelques
imprécisions. A.________ n'a pas accompli ses devoirs militaires sous
les
ordres du recourant, ni dans une unité dirigée par lui. Cet élément
ne change
rien à l'appréciation selon laquelle A.________ a pris le risque de
dénoncer
une personnalité connue dans la région, comme officier de gendarmerie
et
d'armée, chef scout, animateur de club de lutte, et de manière
générale,
comme une personne de grande autorité. Il est sans importance à cet
égard que
A.________ ait été ou non l'ami du fils du recourant. Ce qui a paru
important, aux yeux de la Cour d'appel, c'est l'ascendant considérable
qu'exerçait le recourant sur les jeunes gens et les jeunes filles
placés sous
sa responsabilité, notamment dans le cadre de la troupe scoute de
Murist
qu'il dirigeait. C'est aussi par inadvertance et sans que cela n'ait
aucune
portée sur son jugement que la Cour d'appel a fixé le dernier des
épisodes
retenus à la charge de l'accusé à février 2000 (et non au 12 mai
2000), que,
s'agissant du septième fait, le recourant ne soit pas allé rejoindre
A.________ à son lieu de travail, mais à son domicile, que,
s'agissant du
huitième fait, on entrait ou non librement dans le domicile du
recourant, ou
encore que A.________ ait été présent ou non lorsque le recourant a
annoncé
aux scouts le suicide de leur camarade T.________. Peu importe
également que
les six premiers cas, couvrant la période allant de juillet 1994 à
juillet
1995 ne se soient pas tous produits lors de camps scouts. L'essentiel
est
qu'à cette époque, le recourant disposait d'une telle influence sur
A.________ qu'il pouvait s'isoler avec lui sous tel ou tel prétexte
sans que
la victime ou ses proches ne puissent s'en étonner. Il est également
sans
importance que U.________ ait ou non quitté la troupe scoute après
que le
recourant eut abusé d'elle. A.________, pour sa part, a continué de
participer aux activités de cette troupe, sous l'autorité du
recourant après
les abus subis. On peut certes s'étonner qu'un adolescent maltraité
continue
de fréquenter régulièrement son agresseur, pendant des années. Cela
s'explique toutefois, comme U.________ l'a indiqué elle-même, par la
peur, la
culpabilité et la honte qu'éprouvent les victimes dans de telles
circonstances. Il faut en outre tenir compte du caractère particulier
de la
relation qui s'établit entre des adolescents (en l'occurrence, les six
premiers faits se sont produits alors que A.________ avait entre
quatorze et
quinze ans, le septième à seize ans, le dernier à vingt ans) et la
personne
chargée de leur éducation lorsqu'elle exerce une aussi grande emprise
sur eux
que le recourant. L'enfant abusé ressent violemment la trahison de
l'adulte,
ainsi que du dégoût et de l'humiliation, mais tout aussi fortement sa
propre
incapacité à se défendre, qui lui interdit souvent de s'adresser à ses
parents, protecteurs naturels avec lesquels il peut aussi se trouver
en
conflit à cette période de son développement. Au demeurant, les
velléités de
A.________ d'abandonner le scoutisme pour se dégager de l'influence du
recourant ont été contrecarrées par ses parents, spécialement son
père.

4.2 S'agissant du deuxième fait, la Cour d'appel a tenu pour établi
que le
recourant aurait rencontré A.________ à Estavayer-le-Lac, en
compagnie de
deux tiers, puis l'aurait emmené à son domicile de Murist, où, selon
les
déclarations de A.________, le recourant l'aurait contraint de
procéder à une
masturbation mutuelle, avant de le raccompagner à Estavayer-le-Lac,
une
demi-heure plus tard. Alors que le Tribunal pénal avait considéré
comme
impossible que ces faits aient pu se dérouler dans un laps de temps
aussi
court, la Cour d'appel a retenu le contraire, en raison de
l'incertitude des
déclarations des témoins quant à la durée de l'absence de A.________
et du
recourant, d'une part, et du type de relation sexuelle entretenue,
d'autre
part. Le recourant critique cette appréciation, sans démontrer
toutefois en
quoi elle serait insoutenable, partant arbitraire.

4.3 Le huitième fait, survenu le 12 mai 2000 (alors que le recourant
était
âgé de vingt ans révolus) a justifié une « analyse particulière »
selon la
Cour d'appel, parce qu'il est intervenu quatre ans après le précédent
et a
représenté pour A.________ le facteur déclenchant de sa dénonciation.

Au mois de mai 2000 à Fribourg, A.________ a été interpellé par la
police
pour avoir fumé du haschich. Pris de peur à l'idée de la réaction
prévisible
de son père, homme sévère, A.________ s'est adressé spontanément au
recourant
pour lui demander ce qui allait se passer. Le recourant lui a indiqué
qu'il
risquait une amende et se serait arrangé pour notifier lui-même
l'ordonnance
pénale à A.________ (ce qui était inhabituel dans la marche du
service). Le
12 mai 2000, le recourant avait averti A.________ par téléphone qu'il
pouvait
venir chercher l'ordonnance à son domicile, ce que A.________ a fait
le jour
même. Dans la salle de repos du sauna de sa maison, le recourant
aurait amené
A.________ à une masturbation mutuelle, puis l'aurait invité à le
sodomiser
ce que A.________ aurait été hors d'état de faire. Devant le juge
d'instruction, le recourant a contesté cette version des faits. Selon
lui, il
aurait eu une conversation avec A.________ devant la porte de sa
maison, où
sa fille, Y.________, née le 6 juillet 1988, les aurait rejoints. Ils
seraient allés à la cuisine pour poursuivre la discussion. Le

recourant
aurait invité sa fille à les laisser, avant de faire visiter la
maison à
A.________. Ils seraient revenus au rez-de-chaussée pour boire un
café, où
Y.________ les aurait à nouveau retrouvés. Le recourant et sa fille
auraient
ensuite raccompagné A.________ à son véhicule.

Entendue le 20 décembre 2000, Y.________ a confirmé qu'après avoir
reçu
A.________, son père lui avait demandé de sortir de la maison, car il
souhaitait parler avec son visiteur. Elle aurait fait mine de partir,
puis
serait revenue regarder par le trou de la serrure de la porte de la
cuisine
ce qui se passait. Elle avait entendu les deux hommes parler
d'argent (en relation avec le montant de l'amende), puis était partie
jouer
chez le voisin. Quinze à vingt minutes plus tard, elle aurait
retrouvé son
père et A.________ à la cuisine, où la conversation se serait
poursuivie
pendant une demi-heure environ, avant que Y.________ et son père
raccompagnent A.________ à son véhicule.

Le Tribunal pénal a considéré que le comportement de A.________ dans
ces
circonstances était incompréhensible, car on ne s'expliquait pas que
la
prétendue victime s'adresse à son agresseur pour lui demander de
l'aide,
quatre ans après les derniers faits survenus, et qu'elle accepte de
se rendre
au domicile du recourant, plutôt que dans un lieu public. Le Tribunal
pénal a
considéré les déclarations de Y.________, confirmées par le
recourant, comme
crédibles. Il serait en outre surprenant que le recourant ait dit à
A.________ au moment de le quitter, comme celui-ci le prétend, qu'il
n'y
avait eu que lui et que c'était la dernière fois.

La Cour d'appel a estimé pour sa part que les déclarations de
Y.________ (qui
savait, au moment où elle était interrogée, de quoi son père était
accusé)
étaient sujettes à caution, car recueillies près de six mois après
les faits.
En outre, selon l'enfant, la visite de A.________ aurait duré au moins
quarante-cinq minutes (alors que le recourant et A.________ évoquent
une
demi-heure), dont quinze minutes en son absence. Ce laps de temps
était
suffisant pour que les actes reprochés au recourant aient pu avoir
lieu. Pour
le surplus, la Cour d'appel a expliqué le comportement de A.________
par le
fait que celui-ci pouvait admettre que le recourant l'aiderait, parce
qu'il
lui était « redevable ». Le recourant critique cette appréciation, en
arguant
du fait que A.________ n'aurait évoqué ce terme que tardivement, soit
lors de
son audition du 29 janvier 2001. Cet élément n'est pas déterminant.
Toutes
les déclarations de A.________ concordent sur le point que s'il s'est
adressé
au recourant, c'est parce qu'il espérait que celui-ci l'aiderait à
éviter que
ses parents aient connaissance de son infraction à la LStup.
A.________ a
traversé dans son adolescence plusieurs phases difficiles, tant sur
le plan
privé que professionnel, et s'est à plusieurs reprises vivement
heurté à son
père. La crainte de la réaction paternelle l'a amené à s'adresser au
seul
policier qu'il connaissait bien et dont il pouvait présager qu'il lui
viendrait en aide - le recourant. Même si le mot « redevable » n'a été
prononcé effectivement que le 29 janvier 2001, la raison de la
démarche de
A.________ était toutefois évidente depuis le début. Elle n'était au
demeurant pas si étrange que cela pourrait sembler à première vue. En
demandant au recourant d'intervenir en sa faveur, A.________
cherchait, d'une
certaine manière, à prendre une revanche sur son agresseur, ce qu'il
exprime
dans les termes: « il a profité de moi, pourquoi ne pourrais-je pas
profiter
de lui ? ».

Le recourant allègue que la déclaration selon laquelle il aurait dit à
A.________, avant de le quitter: « Il y a eu que toi. Cette fois
c'était
vraiment la dernière fois » était impossible, car il n'aurait jamais
pris le
risque de prononcer un tel aveu en présence de sa fille. Or, celle-ci
n'a pas
dit être restée aux côtés de son père jusqu'au moment où A.________
avait
quitté les lieux, ce qui laisse la place aux déclarations que
A.________
prête au recourant, qui peut avoir pris conscience et peur de ce
qu'il venait
de faire.

Enfin, le recourant souligne les imprécisions des déclarations de
A.________,
qui aurait dans un premier temps indiqué que ces faits se seraient
produits
le 24 mai 2000 et non le 12 mai précédent. La Cour d'appel a pu
toutefois
rectifier cette erreur sur la base du témoignage de Z.________,
compagne de
A.________, qui avait indiqué que celui-ci se serait confié à elle le
soir
même des faits. Elle avait joint A.________ au domicile du recourant
quelques
instants plus tôt, fait corroboré par Y.________ qui a confirmé que
A.________ avait reçu à ce moment-là un appel de son amie.

La solution retenue par la Cour d'appel n'apparaît ainsi pas
arbitraire.

4.4 Le recourant a reconnu avoir commis, entre 1980 et 1985, des actes
d'ordre sexuel sur trois mineures. La Cour d'appel a tenu compte de
ces faits
pour considérer qu'ils présentaient une « analogie frappante », quant
au mode
de procéder, avec ceux commis au dépens de A.________. Le recourant
conteste
cette appréciation.

Il relève, en premier lieu, que le qualificatif de « viol » est
inexact et
atteste, selon lui, la partialité de la Cour à son égard. Cet élément
n'est
pas déterminant. Quelle que soit la qualification juridique des faits
-
prescrits dans l'intervalle - il est admis que le recourant a
contraint
U.________ à un acte sexuel complet (avec pénétration) contre sa
volonté.
Cela étant, il est frappant que ces actes prescrits ont eu lieu (pour
ce qui
concerne U.________ et F.________) lors de camps scouts, comme dans
les
premier, deuxième, cinquième et sixième faits dénoncés par
A.________. A
chaque fois, le recourant a pris le risque d'être pris sur le fait,
comme il
aurait pu l'être le 12 mai 2000. Ces traits semblables pouvaient sans
arbitraire amener la Cour d'appel à tenir la version de A.________
pour
vraie, plutôt que celle du recourant.

La Cour d'appel pouvait aussi admettre sans arbitraire que le
recourant a des
penchants homosexuels, comme l'indiquent certains sites
pornographiques
qu'il a consultés sur le réseau Internet.

4.5 Le recourant se plaint d'une violation de la règle du fardeau de
la
preuve, en reprochant à la Cour d'appel d'avoir accordé plus
d'importance aux
éléments et témoignages à charge qu'à ceux favorables à la défense.
Cet
argument n'est pas fondé. Faute de preuves matérielles et de témoins
oculaires, un jugement de condamnation peut reposer sur un faisceau
d'indices
et l'appréciation des déclarations des parties et des témoins.
Confrontée à
deux versions des faits inconciliables et appelée à trancher selon
son intime
conviction, la Cour d'appel pouvait sans arbitraire tenir celle de
A.________
pour vraie, comme elle l'a fait. La crédibilité de A.________ est
renforcée
par le risque qu'il a pris de perdre son amie, de révéler
publiquement les
humiliations subies, de mettre en cause un notable et de raviver ses
souffrances, ce que souligne le rapport établi le 13 décembre 2000
par la
psychologue et psychothérapeute E.________. De même, la Cour d'appel
pouvait
prendre en compte les conclusions du rapport d'expertise
psychiatrique du
recourant, établi le 30 novembre 2000 par le psychiatre G.________.
Enfin, il
convient de souligner que la plupart des personnes de l'entourage du
recourant, y compris le père de A.________, ne se doutaient de rien
et ont
été très surprises des accusations portées contre le recourant, sans
que cela
n'empêche l'autorité de jugement de prononcer contre lui un verdict de
culpabilité, lequel, eu égard au pouvoir d'examen réservé au Tribunal
fédéral, échappe en l'espèce à la critique d'arbitraire.

5.
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la charge
du
recourant (art. 156 OJ), ainsi qu'une indemnité à verser aux intimés
A.________, B.________ et C.________ pour leurs dépens (art. 159 OJ).
Il n'y
a pas lieu d'allouer des dépens pour le surplus.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument de 3000 fr. est mis à la charge du recourant, ainsi
qu'une
indemnité de 2000 fr. à verser aux intimés A.________, B.________ et
C.________, à titre de dépens. Il n'est pas alloué de dépens pour le
surplus.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Ministère
public du
canton de Fribourg et à la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de
l'Etat
de Fribourg.

Lausanne, le 26 mai 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.158/2003
Date de la décision : 26/05/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-26;1p.158.2003 ?
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