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21/05/2003 | SUISSE | N°2A.416/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mai 2003, 2A.416/2002


2A.416/2002/ADD/elo
{T 0/2}

Arrêt du 21 mai 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Addy.

Office fédéral de la justice, 3003 Berne,
recourant,

contre

les enfants de X.________, intimés,
représentés par Me Frédéric Rochat, avocat, avenue Montbenon 2, case
postale
2293, 1002 Lausanne,
Commission foncière, section II, avenue des Jordils 1, 1000 Lausanne
6,
Tribunal administratif du canton de

Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger,

recour...

2A.416/2002/ADD/elo
{T 0/2}

Arrêt du 21 mai 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Addy.

Office fédéral de la justice, 3003 Berne,
recourant,

contre

les enfants de X.________, intimés,
représentés par Me Frédéric Rochat, avocat, avenue Montbenon 2, case
postale
2293, 1002 Lausanne,
Commission foncière, section II, avenue des Jordils 1, 1000 Lausanne
6,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 27 juin 2002

Faits:

A.
Inscrite au registre du commerce en avril 1971, la société A.________
SA,
domiciliée dans le canton de Vaud, était constituée d'un capital
social de
50'000 fr. réparti à raison de 500 actions au porteur d'une valeur
nominale
de 100 fr.; elle avait pour but la gestion générale dans
l'organisation et le
planning de sociétés, l'étude et la promotion de tous marchés, la
prise et
l'administration de participations à toutes entreprises commerciales,
financières et immobilières, en Suisse et à l'étranger.

Le 3 décembre 1971, X.________, citoyen iranien alors domicilié à
Téhéran, a
passé une convention en vue d'acheter 350 actions de la société
A.________
SA; cet achat était subordonné à la réalisation de deux conditions,
soit
l'aboutissement de pourparlers en vue de permettre à A.________ SA
d'acquérir
la totalité du capital-actions d'une autre société domiciliée dans le
canton
de Vaud (ci-après: la société B.________ SA), ainsi que la délivrance
par la
Commission foncière, Section II (ci-après: la Commission foncière), de
l'autorisation d'effectuer cette prise de participation, vu la
nationalité
étrangère et le domicile à l'étranger de X.________.

Par décision du 28 décembre 1971, la Commission foncière a concédé à
A.________ SA l'autorisation d'acquérir la totalité du
capital-actions de la
société B.________ SA, propriétaire de la parcelle no xxx de la
Commune
vaudoise de Z.________ (ci-après: la Commune), d'une surface de 5'243
mètres
carrés, sur laquelle était érigé un hôtel-restaurant (ci-après cité:
l'Hôtel); la formule remplie pour les besoins de l'autorisation
mentionne que
A.________ SA, détenue à 98 % par des personnes ayant leur domicile
ou leur
siège à l'étranger, se proposait de faire cette acquisition en vue
d'exploiter l'Hôtel.

Après que A.________ SA eut effectivement acquis - à une date
inconnue - la
totalité du capital-actions de la société B.________ SA, X.________ a
fait
procéder à «l'établissement d'une analyse concernant l'exploitation de
l'Hôtel. En substance, il est ressorti de cette étude qu'en tablant
sur un
développement normal des affaires, les comptes seraient
vraisemblablement
équilibrés après trois ou quatre années d'exploitation; en outre, les
auteurs
de l'étude pré- conisaient d'attendre cinq à sept ans au moins avant
d'entreprendre des travaux d'agrandissement ou de rénovation de
l'Hôtel
(rapport de la Fiduciaire de la Société Suisse des Hôteliers SA du 18
mai
1972). Suivant ce conseil, la société B.________ SA a mis en gérance
l'Hôtel
sans procéder à des investissements.

B.
En 1978, l'administrateur unique de la société B.________ SA
(ci-après:
l'administrateur unique) s'est enquis auprès de la Commune de la
possibilité
d'agrandir l'Hôtel par la réalisation de cinquante chambres
supplémentaires
et d'une salle de conférence d'une capacité de cent cinquante places
(lettre
du 27 février 1978). Constatant que l'Hôtel était situé en zone
villas, la
commune a répondu que son agrandissement n'était en principe pas
possible;
elle a toutefois invité l'administrateur unique a produire des plans
précis
relatifs aux transformations envisagées pour le cas où elle devrait
néanmoins
«envisager un changement d'affectation de la zone.» L'Hôtel a
finalement
fermé ses portes en mars 1978, après que le gérant eut refusé une
augmentation de loyer exigée environ une année auparavant par
X.________ (cf.
lettre du prénommé du 28 juin 1977). Faisant suite à une lettre de
l'administrateur unique du 14 juin 1979, le département cantonal
compétent a
donné son accord de principe à la délivrance d'une patente permettant
la
réouverture de l'Hôtel, pour autant, entre autres conditions, qu'une
personne
au bénéfice d'un certificat de capacité de cafetier, restaurateur et
hôtelier
pour établissement important, en fasse la demande (lettre du
département du 7
septembre 1979). Aucune démarche allant dans ce sens n'a été
entreprise et
l'Hôtel n'a plus rouvert ses portes.

L'année suivante, la Commune a délivré à la société B.________ SA une
autorisation de construire portant sur la transformation de deux
bâtiments et
la réalisation d'une piscine intérieure «réalisée à l'usage d'une
seule
famille» (permis du 11 novembre 1980); le 3 mai 1983, elle a encore
autorisé
la construction d'une piscine extérieure et d'une pergola. A
l'exception de
la piscine intérieure et de la pergola, ces aménagements ont été
réalisés. Le
12 juillet 1983, la Commune a accordé à la société B.________ SA des
permis
d'habiter l'immeuble et d'utiliser la piscine extérieure. Depuis
lors, le
bâtiment a régulièrement servi de logement de vacances à X.________
et sa
famille (cf. les taxes de séjour payées de 1989 à 1994, en 1996, 1999
et
2001).

C.
En 1998, X.________, entre-temps devenu citoyen britannique et - à
une date
inconnue - actionnaire unique de la société A.________ SA, a fait
donation de
ses participations dans cette société à ses trois fils (ci-après
cités: les
enfants de X._______) nés respectivement en 1989, 1991 et 1993; de
nationalité britannique comme leur père, ceux-ci sont également
domiciliés en
Angleterre.

Par contrat de fusion du 13 septembre 1999, la société B.________ SA a
absorbé la société A.________ SA; le même jour, elle a été mise en
liquidation. Le 15 décembre 2000, les enfants de X.________ ont
demandé
l'autorisation d'acquérir en leur nom personnel, à titre de logement
de
vacances, la propriété de la parcelle n° x de la Commune.

Par décision du 23 mars 2001, la Commission foncière a accordé
l'autorisation
sollicitée, en se fondant sur l'art. 7 let. i, appliqué par analogie,
de la
loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des
personnes à l'étranger (LFAIE, ci-après également citée: «lex
Friedrich»; RS
211.412.41). En bref, cette autorité a estimé qu'en autorisant
A.________ SA
à acquérir, en 1971, la totalité du capital-actions de la société
B.________
SA, elle avait implicitement admis «l'acquisition des actions de
A.________
SA par une personne physique à l'étranger», si bien que X.________ et,
subséquemment, ses fils avaient acquis la propriété des actions en
question
conformément aux dispositions légales applicables; en outre, comme
l'acquisition de ces actions n'avait été assortie d'aucune charge, il
se
justifiait d'admettre la requête du 15 décembre 2000 «sans charge
aucune»,
les requérants ne devant acquérir «ni plus, ni moins de droits qu'ils
n'en
avaient auparavant.»

D.
L'Office fédéral de la Justice (ci-après: l'Office fédéral) a recouru
devant
le Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal
administratif) contre la décision précitée du 23 mars 2001. Il a fait
valoir
que, depuis l'autorisation délivrée en 1971 par la Commission
foncière,
l'immeuble en cause avait changé d'affectation, puisqu'il n'était plus
exploité comme hôtel, mais servait de logement de vacances à la
famille
X.________. Aussi l'Office fédéral considérait-il que la Commission
foncière
était tenue, avant toute décision, d'examiner la légalité du
changement
d'affectation intervenu et, au cas où celui-ci s'avérerait illégal,
d'ordonner le rétablissement d'une situation conforme au droit, sous
peine de
révocation de l'autorisation octroyée le 28 décembre 1971.

Sur proposition de la Commission foncière, le Tribunal administratif a
suspendu la cause afin de permettre à l'administration de tirer au
clair les
circonstances précises ayant entouré le changement d'affectation de
l'immeuble. Les enfants de X.________ ont alors expliqué au Tribunal
administratif que ce changement s'était imposé en raison de
l'impossibilité
de rentabiliser l'Hôtel, comme l'attestaient notamment les comptes
relatifs à
l'année 1979, dernière année d'exploitation; ils ont précisé que
l'immeuble
rénové avait régulière- ment été utilisé comme logement de vacances à
partir
du 12 juillet 1983, soit dès la délivrance par la Commune des permis
d'habitation et d'utilisation précités.

Par arrêt du 27 juin 2002, le Tribunal administratif a rejeté le
recours dont
il était saisi. Pour l'essentiel, il a considéré que, bien que
l'immeuble fût
soumis à l'obligation d'être affecté à une exploitation hôtelière, il
existait des motifs impérieux, au sens de l'art. 14 LFAIE, de lever
cette
charge, vu l'impossibilité de rénover l'Hôtel et de le rentabiliser.

E.
L'Office fédéral interjette recours de droit administratif contre cet
arrêt
dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais, au
renvoi
du dossier aux autorités cantonales pour nouvelle décision au sens des
considérants. Il reprend, en les développant, les arguments exposés en
instance cantonale, à savoir notamment que la démonstration n'a pas
été faite
de l'impossibilité d'exploiter de manière rentable l'Hôtel.

Le Tribunal administratif se réfère aux considérants de son arrêt et
conclut
au rejet du recours, ce que fait également, du moins implicitement, la
Commission foncière. Quant aux enfants de X.________, ils concluent,
sous
suite de frais et dépens, au rejet du recours, subsidiairement à ce
qu'ils
soient autorisés à acquérir la propriété de l'immeuble sis sur la
parcelle no
561 du registre foncier de la Commune.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 177 consid. 1 p. 179, 46 consid. 1a p.
48; 128
II 66 consid. 1 p. 67 et les références).

1.1 Fondée sur le droit public fédéral (art. 97 al. 1 OJ en rapport
avec
l'art. 5 PA; sur la recevabilité des décisions fondées sur le droit
public
cantonal, cf. art. 21 al. 3 LFAIE), la décision entreprise a été
rendue par
une autorité judiciaire statuant en dernière instance cantonale (art.
98 let.
g et art. 98a al. 1 OJ). Elle peut donc être attaquée par la voie du
recours
de droit administratif.

1.2 Selon l'art. 103 let. b OJ, a qualité pour former un recours de
droit
administratif le département compétent ou, lorsque le droit fédéral le
prévoit, la division compétente de l'administration fédérale.

En vertu de l'art. 21 al. 1 let. a et al. 2 LFAIE, en relation avec
l'art. 20
al. 2 let. b LFAIE, l'Office fédéral de la justice a qualité pour
interjeter
un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral contre
les
décisions des autorités de recours cantonales soit, dans le canton de
Vaud,
la Commission foncière, section II, comme autorité de première
instance (art.
6 al. 1 de la loi cantonale du 19 novembre 1986 d'application de la
loi
fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des
personnes
à l'étranger) et, sur recours, le Tribunal administratif (art. 20 de
la loi
cantonale précitée en relation avec l'art. 4 al. 1 de la loi
cantonale du 18
décembre 1989 sur la juridiction et la procédure administratives
[LJPA]).

L'Office fédéral de la justice est donc habilité à recourir.

1.3 Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes
requises, le
présent recours est recevable (cf. art. 106 ss OJ).

2.
2.1Ressortissants britanniques domiciliés en Angleterre, les enfants
de
X.________, intimés, peuvent en principe invoquer l'Accord du 21 juin
1999
entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté
européenne et ses
Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes
(ALCP; RS
0.142.112.681; ci-après: l'Accord de libre circulation). Cet accord
prévoit
toutefois simplement que le ressortissant européen qui, comme les
intimés,
veut acquérir une résidence secondaire ou un logement de vacances en
Suisse
sans se constituer une résidence principale dans ce pays «peut être
autorisé»
à faire une telle acquisition (art. 25 al. 2 de l'Annexe I ALCP).
Comme tel,
l'Accord de libre circulation n'instaure donc pas, dans ce cas de
figure - du
moins s'agissant de l'acquisition d'un logement de vacances -, une
réglementation plus favorable que la «lex Friedrich» (cf. Felix
Schöbi, Das
Abkommen über die Freizügigkeit der Personen und der Erwerb von
Grundstücken
in der Schweiz, in Accords bilatéraux Suisse-UE [Commentaires], Bâle
2001, p.
417 ss, 423).

2.2 Entrée en vigueur le 1er janvier 1985 (cf. art. 40 al. 2 LFAIE),
la «lex
Friedrich» limite l'acquisition d'immeubles par des personnes à
l'étranger
dans le but de prévenir l'emprise étrangère sur le sol suisse (art.
1er
LFAIE). Elle s'applique aux autorisations accordées en première
instance
après le 1er janvier 1985 (cf. art. 38 LFAIE), sauf exceptions - non
pertinentes en l'espèce - qui ne doivent être admises que de manière
restrictive (cf. ATF 112 Ib 5 consid.
2a p. 6/7). En outre,
s'agissant plus
particulièrement de la validité, du contenu et de la révocation d'une
charge,
le nouveau droit est déterminant, même si la charge se rapporte à une
autorisation accordée sous l'empire de l'ancien droit (cf. ATF 118 Ib
178;
Jean Christophe Perrig, L'acquisition d'immeubles en Suisse par des
personnes
à l'étranger, le cas particulier des établissements stables, thèse
Lausanne
1990, p. 65/66 et 321).

2.3 En l'espèce, vu leur nationalité et le lieu de leur domicile, les
intimés
ont la qualité de personnes domiciliées à l'étranger au sens de la
loi (cf.
art. 5 al. 1 let. a LFAIE). Du moment, par ailleurs, qu'ils demandent
l'autorisation d'acquérir la propriété de la parcelle n° 561 de la
Commune,
d'une surface de 5'243 mètres carrés, leur requête vise bien
l'acquisition
d'un immeuble au sens de l'art. 4 al. 1 let. a LFAIE. Comme telle,
cette
opération est donc subordonnée à une autorisation de l'autorité
cantonale
compétente (cf. art. 2 al. 1 LFAIE), à moins que les intimés ne
puissent se
prévaloir de l'une des exceptions énumérées à l'art. 2 al. 2 LFAIE de
non-assujettissement au régime de l'autorisation; ces motifs revêtent
un
caractère exhaustif (cf. arrêt 2A.433/2001 du 18 décembre 2001,
consid. 2b).

Etant destiné à être utilisé comme logement de vacances, l'immeuble
que les
intimés se proposent d'acquérir ne peut pas bénéficier des exceptions
au
régime de l'autorisation prévues à l'art. 2 al. 2 let. a et b LFAIE
en faveur
respectivement des établissements stables et des résidences
principales. Il
faut donc examiner si, par le jeu du renvoi de l'art. 2 al. 2 let. c
LFAIE,
une exception doit néanmoins, comme l'ont considéré les premier
juges, être
consentie au titre de l'art. 7 lettre i LFAIE, aucune des autres
exceptions
prévues par cette dernière disposition n'étant susceptible d'entrer
en ligne
de compte (au sujet de l'applicabilité de l'art. 7 let. b LFAIE, cf.
infra
consid. 4.7 in fine).

3.
3.1Aux termes de l'art. 7 let. i LFAIE, ne sont pas assujetties au
régime de
l'autorisation, les personnes physiques qui acquièrent un logement à
la suite
de la liquidation d'une personne morale dont le but réel est
l'acquisition
d'immeubles et qui a été fondée avant le 1er février 1974, si elles
ont
acquis, conformément aux dispositions légales qui étaient alors en
vigueur,
des parts de la personne morale qui correspondent à ce logement (let.
i).

Cette disposition, en vigueur depuis le 1er octobre 1997, a été
introduite
par une novelle du 30 avril 1997 (RO 1997 p. 2086; cf.
Geissmann/Huber/Wetzel, Grundstückerwerb in der Schweiz durch
Personen im
Ausland, Zurich 1998, n. 41). Sa genèse remonte à une motion du 21
juin 1996,
qui visait à exonérer du régime de l'autorisation les personnes
physiques
domiciliées à l'étranger, actionnaires d'une société immobilière (SI)
ou
d'une société immobilière d'actionnaires-locataires (SIAL), en cas de
liquidation de leur société. Le but était de permettre à ces
personnes de
bénéficier de l'art. 207 LIFD (RS 642.11) qui accorde, à certaines
conditions, une réduction de l'impôt sur le bénéfice de liquidation et
l'excédent de liquidation des sociétés immobilières (cf. BO 1996 CE
799/800).

Le Conseil fédéral s'est opposé à la motion et a proposé qu'elle soit
transformée en postulat, en invoquant «des raisons politiques.» En
effet, un
précédent projet de révision du 7 octobre 1994 qui prévoyait, entre
autres
modifications, une mesure comparable à celle proposée par la motion
(cf. FF
1994 III 1820 ss, ad art. 7 let. k du projet), avait été rejeté en
votation
populaire le 25 juin 1995 (FF 1995 III 1157), si bien que le Conseil
fédéral
voulait s'accorder un temps de réflexion avant d'engager une nouvelle
procédure de révision de la loi. L'auteur de la motion ayant refusé
de la
transformer en postulat, elle a été soumise au vote du Conseil des
Etats qui
l'a approuvée (cf. BO 1996 CE 800/801); le Conseil national n'a pas
eu à se
prononcer sur la motion, car le Conseil fédéral a entre-temps élaboré
et
soumis aux Chambres fédérales un projet de loi allant dans le sens de
la
motion, qui est ainsi devenue sans objet (cf. BO 1997 CN 693/694).

3.2 Dans la présentation de son projet de loi, compris dans un paquet
de
mesures destinées, notamment, à libéraliser les investissements
étrangers
(cf. Message du 26 mars 1997 sur des mesures spécifiques de politique
conjoncturelle, FF 1997 II 1115 ss), le Conseil fédéral est en partie
revenu
sur sa position au sujet de l'opportunité d'entreprendre rapidement
une
révision de la «lex Friedrich», en estimant que les sondages d'opinion
réalisés depuis le rejet populaire du 25 juin 1995 avaient montré que
celui-ci avait davantage été motivé par «la question des étrangers en
général
que par le projet de révision lui-même» et que, en tout cas,
l'ouverture en
faveur des investissements étrangers pour les immeubles destinés à
accueillir
une activité économique n'avait «provoqué aucune critique» (Message
précité,
p. 1141/1142). Le Conseil fédéral a cependant souligné que les
nouvelles
mesures proposées ne touchaient pas les points qui avaient été
contestés lors
du référendum, soit, en particulier, les assouplissements relatifs à
l'acquisition de logements de vacances (Message précité, p. 1143).

Le projet de loi proposé au Parlement reprenait largement le texte de
la
motion, en l'assortissant d'une condition, à savoir, comme le Conseil
fédéral
en avait déjà souligné la nécessité lors de la discussion concernant
l'entrée
en matière sur la motion (cf. BO 1996 CE 800), que la clause
d'exception en
faveur des sociétés immobilières ne fût applicable qu'aux sociétés
fondées
avant le 1er février 1974, date correspondant à l'entrée en vigueur de
l'arrêté fédéral du 21 mars 1973 sur l'acquisition d'immeubles par des
personnes domiciliées à l'étranger (AFAIE 1973; RO 1974 I 83; «lex
Furgler»).
Cette restriction visait à empêcher que les personnes à l'étranger
soumises à
la loi ne cherchent à la contourner en créant des sociétés
immobilières dans
le seul but de les dissoudre après un court laps de temps et de
transférer la
propriété des immeubles dans leur patrimoine personnel. En outre, le
Conseil
fédéral soulignait que la clause d'exception ne devait déployer ses
effets
que pour autant que les parts sociales n'eussent pas été acquises «au
mépris
de la loi» (Message précité, p. 1162).

Les Chambres fédérales ont repris à leur compte le texte proposé par
le
Conseil fédéral, en le complétant par la mention explicite que, pour
bénéficier de l'exemption au régime de l'autorisation en cas
d'acquisition
d'un logement à la suite de la liquidation d'une personne morale dont
le but
réel est l'acquisition d'immeubles, les parts devaient avoir été
acquises
conformément aux dispositions légales qui étaient alors en vigueur
(cf. BO
1997 CN 680; BO 1997 CE 389).

3.3 En l'espèce, les intimés ont reçu de leur père, en 1998, la
totalité du
capital-actions de A.________ SA, à titre de donation. Cette société
était
alors actionnaire unique de la société B.________ SA, aujourd'hui en
liquidation (ci-après citée: la société en liquidation), qui est
propriétaire
de l'immeuble litigieux. A la suite de l'absorption de A.________ SA
par la
société en liquidation, le 13 septembre 1999, les intimés sont donc
devenus
les seuls ayants droit économiques de cet immeuble dont ils ont
demandé le
transfert de la propriété en leur nom personnel, à titre de logement
de
vacances.

Sur le principe, l'office recourant ne conteste pas la possibilité
d'appliquer par analogie l'art. 7 let. i LFAIE à la société en
liquidation et
aux intimés. Il soutient toutefois que les conditions prévues par
cette
disposition ne sont pas remplies au cas particulier. Plus
précisément, il
fait valoir que l'autorisation initiale accordée à la société
A.________ SA
en 1971 serait frappée d'une charge, au sens de l'art. 14 LFAIE,
consistant
dans l'obligation d'exploiter l'immeuble litigieux sous la forme d'un
hôtel;
or, faute de motifs impérieux justifiant de révoquer cette charge,
celle-ci
continuerait de déployer ses effets, empêchant de la sorte les intimés
d'acquérir en leurs noms la propriété de l'immeuble au titre d'un
logement de
vacances.

4.
4.1Comme on l'a vu (cf. supra consid. 2.2 in fine), la validité, le
contenu
et la révocation d'une charge s'examinent en principe à la lumière du
nouveau
droit, même si la charge se rapporte à une autorisation accordée sous
l'empire de l'ancien droit. Il n'en demeure pas moins qu'une charge
n'existe
que pour autant qu'elle se laisse déduire d'une décision, l'entrée en
vigueur
d'une nouvelle disposition légale ne pouvant, par son seul effet,
subitement
grever d'une charge une autorisation qui en était libre (cf. Perrig,
op.
cit., p. 321).

Partant, il s'impose d'examiner si, comme le soutient l'office
recourant,
l'immeuble litigieux était vraiment assorti d'une charge lors de
l'autorisation initiale accordée au père des intimés, ce qui suppose
préalablement de définir ce que recouvre cette notion, en particulier
en quoi
elle diffère de l'autre clause accessoire prévue à l'art. 14 LFAIE, à
savoir
la condition.

4.2 Classiquement, la charge se définit comme l'obligation de faire,
de ne
pas faire ou de tolérer quelque chose, qui est imposée à un administré
accessoirement à une décision (Ulrich Häfelin/Georg Müller,
Allgemeines
Verwaltungsrecht, 4e éd., Zurich 2002, n. 913; Pierre Moor, Droit
administratif, vol. II, Berne 2002, p. 78/79; Blaise Knapp, Précis de
droit
administratif, 4e éd., Bâle et Francfort-sur-le-Main 1991, n. 985).
Quant à
la condition, elle désigne un événement dont la survenance est
incertaine: si
cet événement se produit, la décision sortit ses effets (condition
suspensive) ou, au contraire, ne les sortit plus (condition
résolutoire)
(Moor, op. cit., p. 78; Häfelin/Müller, op. cit., n. 907 ss; Perrig,
op.
cit., p. 307).

A la différence de ce qui se passe avec la condition, laquelle agit
directement sur l'entrée en force ou l'échéance de la décision qu'elle
concerne, l'exécution ou l'inexécution d'une charge n'a pas
d'influence
directe sur les effets de la décision qu'elle grève (Perrig, op.
cit., p.
308), car elle n'est pas un élément nécessaire de celle-ci, mais
seulement un
complément (Knapp, op. cit., eod. loc.; Charles-André Junod,
L'acquisition
d'immeubles en Suisse par des personnes à l'étranger, in RDAF 1965 p.
161 ss
et 221 ss, 227). Une décision n'est donc pas inefficace ni ne devient
caduque
du seul fait qu'une charge n'est pas ou n'est plus respectée
(Häfelin/Müller,
op. cit., n. 914; Moor, op. cit., eod. loc.): elle continue au
contraire à
produire ses effets aussi longtemps qu'elle n'a pas fait l'objet d'une
révocation (Perrig, op. cit., p. 308; Mühlebach/Geissmann, Kommentar
zum
Bundesgesetz über den Erwerb von Grundstücken durch Personen im
Ausland, n. 3
ad art. 14 LFAIE). A cet égard, la charge constitue ainsi une clause
accessoire aux effets moins contraignants que la condition
résolutoire (cf.
Eric Ramel, Le régime des apparthôtels dans la loi fédérale du 16
décembre
1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger,
thèse
Lausanne 1990, p. 135). En outre, en raison de son caractère
autonome, elle
peut faire l'objet d'un recours indépendamment du reste de la
décision, même
si elle figure dans le dispositif de celle-ci (Perrig, op. cit., p.
308;
Knapp, op. cit., n. 992).

4.3 Contrairement à ce qui prévalait sous l'empire de l'ancien droit,
l'autorité n'est plus libre de décider, depuis l'adoption de la «lex
Friedrich», si elle entend subordonner son autorisation à des charges
ou des
conditions afin d'assurer l'affectation durable de l'immeuble au but
indiqué
par l'acquéreur; en effet, celles-ci doivent désormais impérativement
être
prévues lorsqu'elles sont nécessaires et de nature à préserver une
telle
affectation (cf. Mühlebach/Geissmann, op. cit., n. 2 ad art. 14
LFAIE). Dans
la pratique, il n'est pas toujours évident de savoir s'il est
préférable
d'assortir une autorisation d'une charge ou d'une condition et
l'autorité
jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation; il est parfois
imaginable de recourir indifféremment à l'une ou l'autre de ces
clauses (cf.
ATF 106 Ib 287 consid. 5d p. 293; Perrig, op. cit., p. 309 et 313 ss;
Heinz
Schweizer, Die Voraussetzungen für die Bewilligung zum
Grundstückerwerb durch
Personen im Ausland gemäss Bundesbeschluss vom 23. März 1961, in ZBl
63/1962
p. 33 ss, 41). Selon Alfred Muff (Zur Bewilligung für den Erwerb von
Grundstücken durch Personen im Ausland, in RNRF 44/1963 p. 1 ss,
14/15), le
respect de certaines obligations (comme celle d'entreprendre, dans un
certain
délai, la construction d'un établissement stable ou d'une maison
individuelle) serait mieux assuré par le recours à la modalité de la
condition plutôt que de la charge. Junod (op. cit., p. 228/229)
réfute ce
point de vue et estime au contraire que la charge constitue, en règle
générale, un instrument plus judicieux que la condition pour garantir
le
respect des motifs invoqués par le requérant; en effet, même lorsque
sa
raison d'être a disparu en raison de l'écoulement du temps, la charge
peut
être révoquée et offre ainsi l'avantage de laisser intacte la décision
qu'elle grève, tandis que si l'autorisation est assortie d'une

condition
résolutoire, la survenance de cette dernière a pour effet, comme on
l'a vu,
de rendre automatiquement caduque l'autorisation. Perrig (op. cit.,
p. 310)
marque également une préférence pour la charge.

4.4 En l'espèce, l'achat des actions de la société B.________ SA par
A.________ SA a été approuvé par la Commission foncière le 28
décembre 1971;
à cette date, le père des intimés est devenu propriétaire des actions
de
A.________ SA (plus précisément de 490 actions sur 500), conformément
à la
convention de vente qu'il avait passée avec le vendeur le 3 décembre
1971
(cf. le point III de ladite convention). C'est donc initialement sous
l'empire de l'arrêté fédéral du 23 mars 1961 instituant le régime de
l'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par des personnes
domiciliées à
l'étranger (AFAIE 1961 ou «lex von Moos»; RO 1961 p. 209) que la
Commission
foncière a délivré l'autorisation d'acquérir la propriété économique
de
l'immeuble litigieux. Entré en vigueur le 1er avril 1961, cet arrêté
a été
partiellement révisé, sur des points d'importance mineure, en 1965
(AFAIE
1965; RO 1965 p. 1252 ss;) et 1970 (AFAIE 1970; RO 1970 p. 1195) (sur
la
genèse de la «lex von Moos», cf. le Message du Conseil fédéral à
l'Assemblée
fédérale du 15 novembre 1960 concernant l'institution du régime de
l'approbation pour le transfert de biens-fonds à des personnes à
l'étranger,
FF 1960 II 1253 ss).

Comme le préfigure son intitulé, la «lex von Moos» soumettait au
régime de
l'autorisation «l'acquisition d'immeubles en Suisse par des personnes
ayant
leur domicile ou leur siège à l'étranger» (art. 1er AFAIE 1961). Son
but
n'était pas d'entraver complètement la vente de terrains aux
étrangers, mais
de la contenir dans des limites acceptables, ainsi que l'a résumé le
Conseil
fédéral dans son Message du 16 septembre 1981 relatif à une loi
fédérale sur
l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger et à
l'initiative
populaire «contre le bradage du sol national» (FF 1981 III 553 ss, p.
560).

Exprimé à l'art. 6, le principe fondamental de la «lex von Moos»
voulait que
l'acquisition d'un immeuble par une personne à l'étranger fût refusée
lorsqu'aucun intérêt légitime à l'acquisition ne pouvait être prouvé
(al. 1
let. a), mais qu'elle fût en revanche expressément autorisée dans
certaines
situations bien définies, en particulier «lorsque l'immeuble en cause
servira(it) entièrement ou pour une part importante à abriter
l'établissement
stable d'une entreprise faisant le commerce, exploitant une fabrique
ou
exerçant quelque autre industrie en la forme commerciale» (al. 3 let.
b) (cf.
le Message du Conseil fédéral du 16 septembre 1981, loc. cit.). Cette
dernière exception au régime de l'autorisation, qui ne figurait pas
dans le
projet du Conseil fédéral, a été introduite lors des discussions à
l'Assemblée fédérale afin notamment d'éviter le risque que des
établissements
commerciaux ou industriels suisses implantés à l'étranger ne
subissent des
mesures de rétorsion (cf. Bull.stén. 1961 CN 106-108; voir aussi
Schweizer,
op. cit., p. 33 ss, 40; Junod, op. cit., p. 184); elle a été reprise
pratiquement telle quelle lors des révisions ultérieures de la loi
(cf. art.
8 al. 1 let. a AFAIE 1973 et art. 7 al. 1 let. a LFAIE).

En outre, la «lex von Moos» précisait que «l'assentiment peut être
subordonné
à des conditions ou à des charges (et que) les charges doivent être
mentionnées au registre foncier» (art. 6 al. 4 AFAIE 1961). Dans
l'esprit du
législateur, la subordination d'une autorisation à des conditions ou
des
charges devait revêtir un caractère relativement exceptionnel,
celles-ci ne
devant pas «permettre une application trop large du régime de
l'autorisation»
(cf. FF 1960 II 1253 ss, p. 1276). En réalité, il semble que, dès les
premières applications de la loi, les autorités aient fait un usage
relativement fréquent de ces clauses accessoires, afin de s'assurer du
caractère durable, et non seulement passager, des motifs invoqués par
les
personnes domiciliées à l'étranger pour obtenir l'autorisation
d'acquérir un
immeuble en Suisse (cf. Junod, op. cit., p. 224/225; Schweizer, op.
cit., p.
41). Le Tribunal fédéral a estimé que, même si la «lex von Moos» ne
précisait
pas «le but auquel pouvaient tendre les conditions et les charges
prévues à
l'art. 6 al. 4 AF 1961, il est évident que ces dernières devaient
déjà servir
à assurer le caractère sérieux et durable de l'intérêt légitime
allégué par
le requérant et admis par l'autorité compétente pour justifier
l'autorisation» (ATF 100 Ib 459 consid. 3a p. 462; 104 Ib 141 consid.
3b p.
148). Ce but a été consacré de manière expresse dans la «lex Furgler»
(art. 8
al. 1 AFAIE 1973), puis dans la «lex Friedrich» (art. 14 al. 1 LFAIE).

Par ailleurs, il apparaît que, très tôt également, la pratique a
généralement
recouru davantage aux charges qu'aux conditions pour garantir la
pérennité
des circonstances justifiant l'octroi d'une autorisation (Junod, op.
cit., p.
228; voir aussi Muff, op. cit., p. 14); d'une façon générale, l'octroi
d'autorisations conditionnelles serait même plutôt rare (Perrig, op.
cit., p.
309).

4.5 En l'espèce, dans la requête qu'elle a adressée à la Commission
foncière
le 7 décembre 1971, la société A.________ SA a indiqué que ses fonds
propres
appartenaient à hauteur de 98 % à des personnes ayant leur domicile
ou leur
siège à l'étranger (ce qui correspond à la proportion des actions que
le père
des intimés voulait acquérir dans cette société, soit 490 sur 500);
comme
motif d'acquisition des actions, elle a fait valoir ceci: «A.________
SA se
propose d'acquérir la totalité du capital-actions de la société
anonyme
B.________ en vue de l'exploitation de l'Hôtel.

Le 28 décembre 1971, la Commission foncière a simplement indiqué,
dans le
dispositif de sa décision, que «l'autorisation sollicitée (était)
accordée»,
sans mentionner l'existence de charges ou de conditions.

4.6 Vu les effets rigoureux attachés au non-respect d'une condition -
caducité automatique de la décision (supra consid. 4.2) - et le
caractère
relativement peu fréquent d'une telle clause en pratique (supra
consid. 4.4),
son existence ne sera admise que si elle ressort clairement de
l'autorisation
qu'elle concerne.

Il en va différemment pour les charges, du moins pour certaines
d'entre
elles. Ainsi, il est de jurisprudence que, même en l'absence de charge
explicitement prévue à cet effet, l'acquéreur est durablement tenu
d'affecter
l'immeuble conformément au but indiqué dans la demande à l'origine de
l'autorisation (cf. ATF 104 Ib 141 consid. 3c p. 148/149). Dans cet
arrêt, la
Cour de céans a en effet considéré que l'ancien art. 17 al. 2 let. b
ch. 2 de
l'ordonnance du 21 décembre 1973 sur l'acquisition d'immeubles par des
personnes domiciliées à l'étranger (RO 1974 p. 94 ss, 100), bien
qu'entré en
vigueur le 1er février 1974, était également applicable à des
autorisations
accordées en 1970 et 1972, car il ne faisait que confirmer une règle
fondamentale déjà valable auparavant, à savoir «l'obligation
d'utiliser
l'immeuble exclusivement pour abriter l'établissement stable d'une
entreprise
exploitée par l'acquéreur». En d'autres termes, cette règle minimale
s'impose
au propriétaire étranger sous la forme d'une charge après le passage
au
nouveau droit (soit la «lex Friedrich»), même à défaut de mention
expresse
dans le dispositif de la décision (cf. Perrig, op. cit., p. 322).

Par ailleurs, s'il est exact qu'une charge doit normalement être
mentionnée
au registre foncier (cf. art. 14 al. 3 LFAIE), ainsi que le prévoyait
déjà la
«lex Furgler» (art. 6 al. 2 AFAIE 1973) ou, précédemment, la «lex von
Moos»
(art. 6 al. 4 AFAIE 1961), il n'en demeure pas moins qu'une telle
mention n'a
qu'une valeur déclarative; son omission n'a donc pas d'effet sur la
validité
de la charge, en ce sens que celle-ci est opposable à tout acquéreur
- fût-il
domicilié en Suisse (cf. ATF 100 Ib 459 consid. 3a p. 462) -, même si
elle a
n'a pas été mentionnée au registre foncier (cf. RDAT 1995 II n° 57 p.
151;
Perrig, op. cit., p. 322; Mühlebach/Geissmann, op. cit., n. 26 ad
art. 14
LFAIE; Ramel, op. cit., p. 137 ss; sur la portée et les effets des
mentions
au registre foncier, cf. Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, Tome
premier, Berne 1997, n. 819 ss, 835 et 839).

4.7 Appliqués au cas particulier, les principes jurisprudentiels
précités
imposent de retenir que, le 28 décembre 1971, lorsque la société
A.________
SA a reçu l'autorisation d'acquérir la totalité du capital-actions de
la
société B.________ SA, aujourd'hui en liquidation, cette autorisation
était -
indépendamment de toute mention dans la décision elle-même ou au
registre
foncier - assortie de la charge d'affecter l'immeuble litigieux à une
exploitation hôtelière, comme cela ressort du motif invoqué par
l'acquéreur
dans la formule remplie pour les besoins de l'autorisation.

Les intimés doivent par conséquent se laisser opposer la charge en
question,
le fait qu'ils n'étaient pas soumis au régime de l'autorisation en
1998
lorsque leur père leur a fait donation des actions de D.________ SA
(cf. art.
7 let. b LFAIE) ne leur étant, pour le surplus, d'aucun secours, vu le
caractère transmissible des charges (principe selon lequel l'on ne
peut
transférer davantage de droits que ceux dont on est titulaire; cf.
Perrig,
op. cit., p. 323).

4.8 Dans ces conditions, force est d'admettre que l'art. 7 let. i
LFAIE ne
saurait s'appliquer au présent cas, les parts des intimés dans la
société en
liquidation n'ayant pas été acquises, au cours des différentes
opérations
(achats et ventes croisées des actions des sociétés A.________ SA et
B.________ SA, donation des actions de A.________ SA), «conformément
aux
dispositions légales qui étaient alors en vigueur»; elles n'ont en
effet
jamais correspondu, économiquement, à l'acquisition d'un «logement»,
au sens
de la disposition précitée, vu la charge - transmissible - pesant sur
l'autorisation initialement octroyée par la Commission foncière
(obligation
d'utiliser l'immeuble litigieux sous la forme d'un établissement
hôtelier).

Dès lors, à moins que la charge en cause ne soit plus valable ou ne
puisse
être révoquée en vertu du droit en vigueur - applicable pour examiner
ces
questions -, les intimés ne peuvent prétendre le droit d'acquérir la
propriété, à titre de logement de vacances, de l'immeuble litigieux.

5.
5.1Sous le titre «Conditions et charges», l'art. 14 LFAIE dispose
ceci:
"1.L'autorisation est subordonnée à des conditions et des charges
destinées à
assurer que l'immeuble sera affecté au but dont se prévaut
l'acquéreur.

2. Le Conseil fédéral fixe les conditions et les charges minimales,
en tant
que la présente loi ne le fait pas, ainsi que l'échéance des
autorisations.

3. Les charges doivent être mentionnées dans le registre foncier.

4. A la demande de l'acquéreur, elles peuvent être révoquées pour des
motifs
impérieux.

5. Lorsque le non-assujettissement au régime de l'autorisation est
constaté
pour le motif que des personnes à l'étranger n'ont pas une position
dominante, la décision doit être assortie d'une charge obligeant
l'acquéreur
à requérir une nouvelle décision de constatation avant chaque
modification de
la situation qui pourrait justifier l'assujettissement."
Se fondant sur la délégation de compétence prévue à l'art. 14 al. 2
LFAIE, le
Conseil fédéral a adopté l'art. 11 al. 2 de l'ordonnance du 1er
octobre 1984
sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (OAIE; RS
211.412.411). Cette disposition prévoit que les autorisations
doivent, en
règle générale, au moins être assorties de certaines charges,
énumérées aux
lettres a à h, qui seront inscrites au registre foncier, dont
notamment
«l'obligation d'affecter de manière durable l'immeuble au but pour
lequel
l'acquisition a été autorisée et de requérir le consentement de
l'autorité de
première instance pour toute modification de l'affectation» (let. a).

5.2 Interprétée à l'aune du droit en vigueur, la charge pesant sur
l'immeuble
litigieux est donc toujours valable; ses contours n'ont même pour
ainsi dire
pas varié depuis 1971, si ce n'est que la loi précise désormais de
manière
explicite qu'elle est assimilable à une charge minimale et que tout
changement d'affectation doit préalablement faire l'objet d'une
demande
auprès de l'autorité de première instance (cf. Mühlebach/Geissmann,
op. cit.,
n. 7 ad art. 14 LFAIE). D'une manière générale, à quelques détails
près - qui
n'intéressent pas le cas d'espèce -, les charges existant en matière
d'établissements stables sont d'ailleurs, sous la «lex Friedrich»,
restées
semblables à ce qu'elles étaient sous l'ancien droit (cf. Perrig, op.
cit.,
p. 321/322).

5.3 La Commission foncière soutient que depuis l'entrée en vigueur de
l'art.
2 al. 2 let. a LFAIE, le 1er octobre 1997 (novelle précitée du 30
avril
1997), la charge litigieuse ne serait tout simplement plus valable.

Il est vrai que cette disposition exempte dorénavant du régime de
l'autorisation les établissements stables à vocation commerciale,
industrielle, artisanale ou destinés à abriter des professions
libérales (sur
la portée de cette exemption, cf. arrêt 2A.428/1999 du 28 janvier
2000,
publié in Pra 90/2001 n° 6 p. 36, consid. 3; voir aussi
Geissmann/Huber/Wetzel, op. cit., nos
162 ss). Une décision de
non-assujettissement peut toutefois également être grevée d'une
charge, comme
la «lex Friedrich» le prévoit expressément lorsque l'exemption
résulte de la
constatation que la personne à l'étranger n'a pas une position
dominante (cf.
art. 14 al. 5 LFAIE). Mais la possibilité existe également, dans
certaines
circonstances, qu'une décision de non-assujettissement soit assortie
d'une
charge, même en l'absence de référence légale expresse (cf. Perrig,
op. cit.,
p. 311 n. 30).

Cela étant, lorsqu'une acquisition immobilière est dispensée du
régime de
l'autorisation précisément en raison de l'affectation commerciale de
l'immeuble (établissement stable), il faut admettre que cette dispense
suppose, par définition, que l'affectation en question sera durable. A
défaut, le but général de la loi, qui est de prévenir l'emprise
étrangère sur
le sol suisse (art. 1er LFAIE), pourrait facilement être éludé,
puisqu'il
suffirait qu'un immeuble serve durant un certain temps - même court -
d'établissement stable pour ensuite échapper définitivement à toute
contrainte et, le cas échéant, être revendu comme logement de
vacances; or,
le législateur s'est expressément refusé à assouplir les conditions
mises à
l'acquisition de tels biens lors de la révision de la loi en 1997
(cf. supra
consid. 3.2, par. 1er in fine). Aussi bien, le fait que,
postérieurement au
30 novembre 1997, l'acquisition d'un établissement stable ne soit
plus, comme
sous l'ancien droit (cf. art. 8 al. 1 let. a aLFAIE [RO 1997 p.
2086]), un
motif d'autorisation, mais un motif de non-assujettissement, ne
change rien
au fait que l'acquéreur reste durablement tenu d'affecter l'immeuble
conformément au but indiqué dans sa demande d'autorisation: autrement
dit,
cette obligation, qui grevait autrefois les autorisations d'acquérir
un
établissement stable sous la forme d'une charge, est aujourd'hui
attachée,
toujours sous la forme d'une charge, aux décisions de
non-assujettissement
prises en vertu de l'art. 2 al. 2 let. a LFAIE. Du reste, le Conseil
fédéral
n'a pas modifié l'art. 11 al. 2 let. a OFAIE qui, même s'il évoque
improprement cette obligation en liaison avec une «autorisation»,
alors qu'il
faudrait plutôt la mettre en relation avec une «décision de
non-assujettissement», n'en manifeste pas moins la volonté de
maintenir une
telle charge minimale lors de l'acquisition d'un établissement stable.

De surcroît, la charge litigieuse était, en l'occurrence,
préexistante à
l'introduction de l'art. 2 al. 2 lettre a LFAIE. Or, jusqu'à ce jour,
elle
n'a pas été supprimée. Elle a dès lors bien été transmise aux
acquéreurs
successifs de l'immeuble litigieux, en vertu du principe selon lequel
l'on ne
peut transférer davantage de droits que ceux dont on est titulaire
(cf. supra
consid. 4.2), et cela sans égard au fait que ces changements de main
fussent,
ou non, soumis au régime de l'autorisation.

6.
Le Tribunal administratif a considéré que des motifs impérieux au
sens de
l'art. 14 al. 4 LFAIE existaient, en l'espèce, qui commandaient de
révoquer
la charge litigieuse.

6.1 A aucun moment cependant une demande de révocation n'a été
adressée à la
Commission foncière, comme l'exige pourtant la disposition précitée
(cf.
Perrig, op. cit., p. 325, qui estime que la révocation d'une charge
ne peut
avoir lieu «que sur demande»). On peut donc se demander si les
premiers juges
pouvaient procéder à un tel examen, qui dépassait l'objet du recours
dont ils
étaient saisis: la Commission foncière avait en effet seulement
statué sur le
droit des intimés d'acquérir la propriété de l'immeuble litigieux à
titre de
logement de vacances, sans se prononcer ni même seulement effleurer la
problématique de la révocation de la charge.

Certes peut-on admettre que, guidé par un souci d'économie de
procédure, le
Tribunal administratif ait considéré qu'il pouvait étendre l'objet du
recours
à cette question. Un tel procédé supposerait toutefois, pour être
admissible,
que les parties au litige fussent bien celles qui auraient également
pris
part à une éventuelle procédure de révocation; or, en sa qualité de
propriétaire de l'immeuble litigieux, seule la société en liquidation
pouvait
formellement être partie à une telle procédure, à l'exclusion des
intimés ou
de leur père (cf. ATF 104 Ib 141 consid. 3d p. 149 s.).

Par conséquent, il est douteux que le Tribunal administratif pouvait,
comme
il l'a fait, se prononcer sur le droit d'obtenir la révocation de la
charge
litigieuse. La question mérite cependant de rester indécise, car l'on
ne peut
de toute façon pas confirmer le jugement attaqué, faute de disposer
des
éléments suffisants pour statuer en connaissance de cause sur les
conditions
requises pour révoquer une charge.

6.2 Par motifs impérieux justifiant la révocation totale ou partielle
des
charges (art. 14 al. 4 LFAIE), on entend une modification des
circonstances
qui rend l'exécution des charges impossible ou insupportable pour
l'acquéreur
(art. 11 al. 4 OAIE).

La révocation d'une charge est donc subordonnée à deux conditions:
premièrement, les circonstances doivent s'être modifiées de façon
essentielle
et imprévisible depuis la délivrance de l'autorisation; deuxièmement,
le
changement profond doit avoir produit sur la situation de l'intéressé
des
effets tels que le maintien et le respect de la charge seraient
impossibles
ou insupportables. La jurisprudence a défini plus exactement les
motifs
permettant de révoquer une charge (ATF 118 Ib 178 consid. 4a p. 183;
111 Ib
176 consid. 3 p. 179; 108 Ib 211 consid. 2 p. 213/214; 104 Ib 15
consid. 5 p.
19/20; 102 Ib 309 consid. 3 p. 333/334).

6.3 En l'espèce, les intimés n'ont pour ainsi dire produit aucune
pièce
pertinente, en particulier comptable, permettant de se faire une idée
précise
de la viabilité de l'exploitation de l'immeuble litigieux comme hôtel
avant
sa réaffectation comme logement de vacances. Ils se sont
pour l'essentiel bornés à renvoyer au bilan et au compte
d'exploitation
relatifs au dernier exercice comptable, soit l'année 1979. Or, ces
pièces ne
renseignent pas de manière suffisante sur le caractère impossible ou
insupportable du maintien de la charge litigieuse.

Certes le compte d'exploitation produit en cause fait état d'une perte
reportée de 165'192 fr. 50 et d'une perte de 63'208 fr. 35 pour
l'exercice
1979. On ignore toutefois à quoi correspond la perte reportée,
notamment sur
quels exercices elle s'étend et quels sont les postes déficitaires.
Selon les
pièces au dossier, il semble que, jusqu'en mars 1978, l'Hôtel ait été
mis en
gérance - pour un loyer non indiqué - et que, dès cette date, il
n'ait plus
été exploité, le père des intimés ayant exigé un loyer annuel de
120'000 fr.
au lieu du montant de 80'000 fr. proposé par l'ancien gérant. Or,
aucune
pièce n'autorise à conclure, d'une part que le loyer exigé était
raisonnable
et, d'autre part, que le loyer offert était à ce point insuffisant
qu'il
rendait insupportable pour le bailleur la reconduction du bail. Quant
à la
perte du dernier exercice, elle n'instruit pas davantage sur la
véritable
situation financière de l'Hôtel avant que le père des intimés ne
décide, au
début des années quatre-vingt, de le transformer en logement de
vacances, ni
sur les réelles perspectives de le rentabiliser, puisque, ainsi qu'on
l'a vu,
l'établissement n'était plus exploité depuis le mois de mars 1978.
L'exercice
1979 n'enregistre d'ailleurs que des charges, la rubrique «recettes de
gérances» étant laissée vide. Or, si l'on fait abstraction de la perte
reportée, il apparaît que, même compte tenu d'un loyer de 80'000 fr.
(au lieu
des 120'000 fr. exigés par le bailleur), les comptes auraient permis
de
dégager, toutes choses égales par ailleurs, un bénéfice de l'ordre de
17'000
fr. Il n'est donc, en l'état, pas possible de conclure que la
poursuite de
l'exploitation du bâtiment litigieux comme hôtel n'était, lors du
changement
d'affectation, pas raisonnablement exigible, et que cela ne le serait
toujours pas aujourd'hui.

Mais il y a plus. La révocation suppose également que le changement
des
circonstances rendant impossible ou insupportable le maintien ou le
respect
de l'affectation initiale revête pour l'intéressé un caractère
essentiel et
imprévisible. Or, in casu, les intimés n'ont pas démontré la
réalisation de
ces conditions. A cet égard, il sied de relever que, dans le rapport
de la
Fiduciaire de la Société suisse des hôteliers SA du 18 mai 1972,
commandé par
le père des intimés, les experts ont clairement relevé que
l'exploitation
serait déficitaire durant les premiers exercices (cf. p. 36 à 38 du
rapport).
Du moment qu'on ignore tout de l'évolution des résultats depuis le
début de
l'exploitation - en 1972 semble-t-il - jusqu'en mars 1978, il n'est
pas
possible de se forger une opinion sur le point de savoir si ceux-ci
étaient
conformes aux attentes ou s'ils s'en écartaient notablement. Or, ce
point est
important, car le requérant ne saurait se prévaloir des rigueurs d'une
situation qu'il a choisie en connaissance de cause ou dont il pouvait
et
devait connaître les effets; il ne peut, en tout cas, pas compter
d'une
manière assurée avec la réalisation d'un bénéfice (cf. Perrig, op.
cit., p.
328 et les références). En outre, le simple intérêt économique de
l'acquéreur
ne suffit généralement pas pour justifier la révocation d'une charge
(ATF 102
Ib 335 consid. 1b p. 337).

Par ailleurs, de façon plus générale, le dossier ne contient pas
suffisamment
d'informations sur la véritable nécessité, alléguée par les intimés,
d'agrandir l'Hôtel pour le rentabiliser. Or, à cette question, le
rapport
précité répond plutôt par la négative, en ce sens qu'il expose qu'en
son état
actuel (soit en 1972), l'Hôtel permettait une exploitation «plus ou
moins
équilibrée» (rapport p. 39) et qu'il n'y avait pas lieu d'attendre
«une
amélioration considérable du rendement» en cas d'expansion des
capacités, vu
l'ampleur des investissements nécessaires (rapport p. 40). En outre,
quand
bien même il apparaîtrait finalement que l'agrandissement de l'Hôtel
serait
effectivement une condition nécessaire à sa rentabilisation, il est
douteux
que l'on puisse admettre que toutes les démarches raisonnablement
exigibles
ont à ce jour été entreprises pour explorer les possibilités concrètes
d'atteindre un tel objectif, le père des intimés n'ayant jamais fait
parvenir
à la Commune des plans précis des travaux projetés, comme le lui avait
pourtant demandé cette autorité.

Enfin, le dossier est muet sur les conséquences, en particulier
financières,
qu'induirait pour l'acquéreur une réaffectation de l'immeuble en
hôtel (coût
et durée des travaux); or, ce point n'est pas indifférent pour juger
du
caractère exigible et supportable de la charge litigieuse.

6.4 En résumé, un complément d'instruction est donc nécessaire sur
toutes ces
questions pour trancher la question relative à l'existence de «motifs
impérieux» au sens de l'art. 14 al. 4 LFAIE. Certes les intimés font
valoir
que, vu le temps écoulé depuis le changement d'affectation, des
moyens de
preuve, en particulier des pièces comptables, ne seraient aujourd'hui
plus
disponibles. Ils perdent toutefois de vue qu'en leur qualité de
propriétaires
économiques de l'immeuble, il leur appartient de fournir tous les
éléments
permettant de résoudre cette question, au risque de voir celle-ci
tranchée en
leur défaveur (cf. art. 22 al. 4 LFAIE; arrêt 2A.62/1988 du 14 mars
1990,
consid. 2b); à cet égard, il est important de relever que les
intimés, du
moins leur père, portent une responsabilité importante dans les
éventuelles
difficultés d'amener les preuves requises, vu leur absence de
réaction durant
toutes les années où l'immeuble n'a pas été affecté à la destination
pour
laquelle l'autorisation avait été délivrée, en violation de la loi.

7.
Les intimés se prévalent encore du droit à la protection de la bonne
foi, en
faisant valoir que l'immeuble litigieux a été utilisé durant de
nombreuses
années comme logement de vacances, au vu et au su des autorités. Ils
font
également valoir que le refus de leur délivrer l'autorisation
sollicitée
constituerait, au regard des circonstances, une sanction
disproportionnée.

7.1 Ancré à l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité
étatique,
le principe de la bonne foi exige que l'administration et les
administrés se
comportent réciproquement de manière loyale. En particulier,
l'administration
doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et
elle ne
saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou
insuffisance de sa part (ATF 124 II 265 consid. 2a p. 269/270). A
certaines
conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l'autorité qu'elle se
conforme
aux promesses ou assurances qu'elle lui a faites et ne trompe pas la
confiance qu'il a légitimement placée dans celles-ci (cf. ATF 128 II
112
consid. 10b/aa p. 125; 118 Ib 580 consid. 5a p. 582/583). De la même
façon,
le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en
présence,
simplement, d'un comportement de l'administration susceptible
d'éveiller chez
l'administré une attente ou une espérance légitime (cf. ATF 126 II 377
consid. 3a p. 387 et les références; 111 Ib 124 consid. 4; André
Grisel,
Traité de droit administratif, 1984, vol. I, p.
390 s.). Entre autres
conditions toutefois, l'administration doit être intervenue à l'égard
de
l'administré dans une situation concrète (cf. ATF 125 I 267 consid.
4c p.
274) et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou
le
comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait
modifier
sans subir de préjudice (cf. ATF 121 V 65 consid. 2a p. 66/67, 114 Ia
209
consid. 3a p. 213 s.; Häfelin/Müller, op. cit., n. 686 ss; Knapp, op.
cit.,
n. 509 et 527).

7.2 En l'espèce, il est certes exact que la Commune a délivré les
permis de
construire nécessaires pour transformer l'Hôtel en logement de
vacances avec
piscines extérieure et intérieure (permis des 11 novembre 1980 et 3
mai 1983)
ainsi que les permis d'habitation et d'utilisation correspondants
(permis du
12 juillet 1983). Il est tout aussi certain que l'immeuble litigieux
a, de
fait, été utilisé par les intimés et leur père d'une manière
contraire à son
affectation, et cela sur une période relativement longue, soit de
juillet
1983 jusqu'à aujourd'hui. Pour autant, ceux-ci ne peuvent bénéficier
du droit
à la protection de la bonne foi.

En effet, les permis précités ont été octroyés par la Commune, mais
non par
l'autorité compétente pour délivrer ou révoquer des autorisations en
matière
d'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, soit la
Commission
foncière. On ne saurait donc dire que cette dernière autorité est
intervenue,
à l'égard des intimés, au travers de leur père, dans une situation
concrète,
ni même qu'elle aurait adopté à leur endroit un comportement ambigu ou
contradictoire de nature à leur laisser penser qu'elle s'accommodait
de la
nouvelle affectation de l'immeuble. Une autorité ne peut en effet pas
valablement promettre le fait d'une autre autorité (cf. Knapp, op.
cit., n.
509) ni, a fortiori, engager par son simple comportement ou sa
passivité une
autre autorité. De surcroît, les intimés savaient parfaitement, par
leur
père, que la commune n'était pas compétente pour autoriser
l'acquisition
d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger; du moins
pouvaient-ils et devaient-ils le savoir, en faisant preuve d'un
minimum
d'attention, ce qui suffit à leur dénier le droit à la protection de
la bonne
foi (Häfelin/Müller, op. cit., n. 657; René A. Rhinow/Beat Krähenmann,
Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, 1990, p.
232;
Grisel, op. cit., p. 392 ss).

7.3 Quant au principe de la proportionnalité, il ne joue pas de rôle
à ce
stade de la procédure: du moment que la charge litigieuse existe sur
l'immeuble dont les intimés se proposent d'acquérir la propriété, une
telle
opération n'est en effet tout simplement pas possible. Il conviendra
en
revanche d'examiner soigneusement le respect du principe invoqué dans
le
cadre des procédures de révocation de la charge litigieuse et, le cas
échéant, de révocation de l'autorisation. A cet égard, il y aura lieu
de
mettre en balance l'entorse à la loi que représenterait la délivrance
d'une
autorisation en faveur des intimés (de plus de 5'000 mètres carrés, la
parcelle dépasse de cinq fois la surface admissible au sens des art.
9 al. 1
let. c LFAIE et 10 al. 2 OAIE) avec l'intérêt privé de ces derniers à
devenir
propriétaires de l'immeuble litigieux; cette pesée d'intérêts tiendra
notamment compte des éventuelles alternatives - et de leur coût - qui
s'offrent aux intéressés pour rétablir une situation conforme au
droit, de la
responsabilité de ceux-ci dans la survenance de cette situation non
conforme
au droit (cf. arrêt 2A.435/2001 du 8 mars 2002, consid. 2.6), ainsi
que du
temps qui s'est écoulé depuis l'autorisation (ce dernier critère ne
saurait
toutefois être décisif à lui seul: cf. Perrig, op. cit., p. 329/330).

8.
Enfin, les intimés invoquent le fait que la prescription serait
acquise,
aussi bien sur le plan administratif pour révoquer l'autorisation
d'acquérir
initialement accordée à leur père, que sur les plans pénal et civil
pour les
sanctionner et les contraindre à rétablir une situation conforme au
droit.
Ils en infèrent qu'il serait «absurde» de leur refuser de faire
l'acquisition
de l'immeuble litigieux, car celui-ci resterait, pour ainsi dire, «ad
aeternum» en propriété de la société en liquidation: or, en l'absence
de
moyens légaux pour les contraindre à renoncer à la propriété de cette
société, ils demeureraient, en dépit de leur domicile à l'étranger,
les seuls
propriétaires économiques de l'immeuble.

Ce point de vue est erroné.

D'une part, même s'il est vrai que la «lex Friedrich» ne prévoit pas
expressément le délai dans lequel l'autorité compétente peut révoquer
une
décision en raison du non-respect d'une charge, la nature même d'une
telle
obligation, qui vise à assurer la pérennité des motifs sur lesquels
se fonde
l'autorisation, implique que la sanction administrative que
représente la
révocation n'est pas sujette à prescription (cf. Mühlebach/Geissmann,
op.
cit., n. 7 ad art. 26 LFAIE; Perrig, op. cit., p. 66 et 329/330; Gian
Gaudenz
Lüthi, Anwendungsprobleme in der Bundesgesetzgebung über den Erwerb
von
Grundstücken durch Personen im Ausland, thèse Zurich 1987, p. 51/52
et les
références citées).

D'autre part, quant à savoir si l'action en cessation de l'état
illicite (cf.
art. 27 LFAIE) peut encore être intentée ou si la prescription est
acquise,
c'est là une question qui intéresse le seul juge civil, mais non le
juge
administratif appelé à statuer sur la légalité d'une autorisation ou
d'un
refus d'autorisation (cf. ATF 110 Ib 105 consid. 3a p. 114/115). En
d'autres
termes, lorsqu'il prend une telle décision, le juge administratif n'a
pas à
se soucier des suites civiles ou pénales de l'affaire.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas du tout certain que les actions
civiles
soient prescrites (ou plutôt périmées: cf. Perrig, op. cit., p. 68;
Gilbert
Kolly, L'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger -
Aspects de
droit privé de la Lex Friedrich, in Journées du droit de la
construction,
Fribourg 1987, p. 123 ss, 156). En effet, sans trancher le point de
savoir si
le délai de dix ans prévu à l'art. 27 al. 4 let. b LFAIE revêt le
caractère
d'un délai absolu (dans ce sens: Mühlebach/Geissmann, op. cit., n. 22
ss ad
art. 27 LFAIE; d'un avis semble-t-il contraire: Kolly, op. cit., p.
157), il
n'est pas exclu de considérer que, comme le relève Pierre-Henri
Winzap (Les
dispositions pénales de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles
par des
personnes à l'étranger, thèse Lausanne 1992, p. 101), «l'art. 30 LFAIE
(inobservation des charges) réprime tout changement d'affectation de
l'immeuble qui n'a pas été autorisé par l'autorité compétente,
c'est-à-dire
tout irrespect des motifs allégués par le requérant et admis par
l'autorité
compétente pour justifier l'octroi de l'autorisation.» Il s'agirait
alors
d'un délit continu pour lequel la prescription ne commence pas à
courir tant
que les agissements coupables n'ont pas cessé (cf. l'art. 71 let. c
CP;
Winzap, op. cit., p. 174 note 485). Or, serait-elle réalisée, une
telle
infraction aurait pour effet de repousser d'autant la prescription de
l'action en cessation de l'état illicite (cf. art. 27 al. 4 let. c
LFAIE).

En résumé, les intimés ne peuvent donc déduire aucun avantage du fait
que la
prescription pénale et civile serait acquise, assertion qui prête
d'ailleurs
à discussion.

9.
Il suit de ce qui précède que le recours est bien fondé et que la
décision
attaquée doit être annulée, la cause étant renvoyée à la Commission
foncière
pour qu'elle procède aux mesures d'instructions utiles - en
particulier pour
déterminer l'existence de motifs impérieux au sens de l'art. 14 al. 4
LFAIE -
et qu'elle rende une nouvelle décision.

Succombant, les intimés doivent supporter les frais judiciaires (art.
156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt du 27 juin 2002 rendu par le Tribunal
administratif du canton de Vaud est annulé, la cause étant renvoyée à
la
Commission foncière, section II, pour complément d'instruction et
nouvelle
décision.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des intimés.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à la Commission
foncière, section II et au Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 21 mai 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.416/2002
Date de la décision : 21/05/2003
2e cour de droit public

Analyses

Art. 2 al. 2 let. a, art. 7 let. i et art. 14 LFAIE; demande en vue d'acquérir d'une société immobilière la propriété d'un immeuble devant être utilisé comme hôtel, mais servant depuis des années de logement de vacances; exception au régime de l'autorisation; révocation de la charge; principes de la bonne foi et de la proportionnalité; prescription. Régime de l'accord de libre circulation des personnes en matière d'acquisition d'un logement de vacances (consid. 2). Genèse de l'exception au régime de l'autorisation prévue à l'art. 7 let. i LFAIE (consid. 3). Notion de charge et de condition au sens de l'art. 14 LFAIE (consid. 4.1 - 4.4). L'existence d'une condition ne peut être admise que si elle ressort clairement de l'autorisation qu'elle concerne; en revanche, la charge d'affecter durablement l'immeuble conformément au but indiqué dans la demande d'autorisation existe indépendamment d'une mention expresse dans la décision d'autorisation ou au registre foncier (consid. 4.6 et 4.7), et cela même après l'entrée en vigueur de l'art. 2 al. 2 let. a LFAIE (consid. 5.3). Conditions mises à la révocation d'une charge (consid. 6). Examen au cas particulier des principes de la bonne foi et de la proportionnalité (consid. 7). Caractère imprescriptible de la révocation de l'autorisation en raison de l'inobservation d'une charge (art. 25 al. 1 LFAIE) (consid. 8).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-21;2a.416.2002 ?
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