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21/05/2003 | SUISSE | N°2A.225/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mai 2003, 2A.225/2003


{T 0/2}
2A.225/2003 /svc

Arrêt du 21 mai 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Müller.
Greffière: Mme Revey.

A. ________,
et sa fille B.________,
recourantes,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

exception aux mesures de limitation,

recours de droit administratif contre la décision du Département
fédéral de
justice et police du 16 avril 2003.

Faits:

A.
A. ________, ressort

issante colombienne née en octobre 1955, est
entrée en
Suisse en septembre 1992. Peu après, elle a entrepris une activité
lucrative
...

{T 0/2}
2A.225/2003 /svc

Arrêt du 21 mai 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Müller.
Greffière: Mme Revey.

A. ________,
et sa fille B.________,
recourantes,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

exception aux mesures de limitation,

recours de droit administratif contre la décision du Département
fédéral de
justice et police du 16 avril 2003.

Faits:

A.
A. ________, ressortissante colombienne née en octobre 1955, est
entrée en
Suisse en septembre 1992. Peu après, elle a entrepris une activité
lucrative
sans être titulaire d'une autorisation de séjour. Le 17 novembre
1994, elle a
fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse pendant deux ans,
puis a
été refoulée le 30 novembre suivant vers la Colombie.

B.
Le 26 novembre 1997, A.________ est revenue en Suisse en prenant
derechef un
emploi sans autorisation de séjour. Selon ses déclarations, sa fille
B.________, née en septembre 1987 en Colombie, l'a rejointe à
P.________ en
été 1999.

Depuis le 1er octobre 1999, l'intéressée oeuvre comme dame de
compagnie et
aide-soignante auprès de C.________, née en 1911, malvoyante et
impotente.
B.________ est scolarisée dans un cycle d'orientation depuis la
rentrée 2000.

C.
Le 11 janvier 2002, B.________ a été interpellée pour infraction à la
loi
fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des
étrangers
(LSEE; RS 142.20).

Le 14 janvier 2002, la fille de C.________ a sollicité l'Office de la
population du canton de P.________ d'accorder à A.________ une
autorisation
de séjour et de travail. Le 1er mars 2002, une autorisation de séjour
a été
formellement requise aux noms de A.________ et B.________ auprès de
cette
autorité, puis transmise à l'Office fédéral des étrangers en vue de
l'octroi
d'une exemption des mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre
f de
l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE;
RS
823.21).

Le 6 août 2002, l'Office fédéral des étrangers a refusé l'exemption
sollicitée. Statuant sur recours de A.________ le 16 avril 2003, le
Département fédéral de justice et police a confirmé ce prononcé.

D.
Agissant elle-même le 15 mai 2003 par la voie du recours de droit
administratif, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la
décision
du Département fédéral du 16 avril 2003 et de lui accorder, ainsi
qu'à sa
fille, une autorisation de séjour selon l'art. 13 lettre f OLE.
Il n'a pas été requis d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre les
décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation
prévues
par l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403
consid. 1;
119 Ib 33 consid. 1a). Respectant les autres exigences posées par les
art. 97
ss OJ, le présent recours est donc recevable.

1.2 L'autorité intimée étant une autorité administrative, le Tribunal
fédéral
peut revoir d'office les constatations de fait (art. 105 OJ). En
outre, en
matière de police des étrangers, pour autant que la décision attaquée
émane
d'une telle autorité, le Tribunal fédéral fonde en principe ses
jugements sur
l'état de fait et de droit existant au moment de la décision de
dernière
instance, soit de sa propre décision (art. 104 lettre b et 105 al. 1
OJ; ATF
121 II 97 consid. 1c; 120 Ib 257 consid. 1f). En pareil cas, la
possibilité
d'alléguer des faits nouveaux et de faire valoir de nouveaux moyens
de preuve
dans le cadre de l'acte de recours est en principe admise (cf. ATF
121 II 97
consid. 1c a contrario; 113 Ib 327 consid. 2b).

2.
Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un
rapport
équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la
population
étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du
travail
et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er
lettres a et
c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation
"les
étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas
personnel
d'extrême gravité ou en raison de considérations de politique
générale".
Cette disposition a pour but de faciliter la présence en Suisse
d'étrangers
qui, en principe, seraient comptés dans les nombres maximums fixés
par le
Conseil fédéral, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait
trop
rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas ou
pas
souhaitable du point de vue politique.

Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette
disposition
dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions
mises à
la reconnaissance d'un cas de rigueur doivent être appréciées
restrictivement. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve
dans une
situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions
de vie et
d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des
étrangers,
doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le
refus de
soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximums
comporte, pour
lui, de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas personnel
d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des
circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel
d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de
l'étranger en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de
détresse.
Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant
une assez
longue période, qu'il s'y soit bien intégré socialement et
professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de
plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême
gravité; il
faut encore que la relation du requérant avec la Suisse soit si
étroite qu'on
ne saurait exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment
dans son
pays d'origine. A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de
voisinage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne
constituent
normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils
justifieraient une
exemption des mesures de limitation du nombre des étrangers (ATF 128
II 200
consid. 4; 124 II 110 consid. 2 et les références citées).

Quand un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou
lorsqu'il
a commencé sa scolarité, il reste encore dans une large mesure
rattaché à son
pays d'origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu
socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible
qu'un retour
au pays d'origine constitue un déracinement complet. Avec la
scolarisation,
l'intégration au milieu suisse s'accentue. Il convient dans cette
perspective
de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et
au
moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la
durée,
du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la
possibilité de
poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation
ou la
formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour au pays
d'origine
peut en particulier représenter une rigueur excessive pour des
adolescents
ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité
avec de
bons résultats. L'adolescence est en effet une période essentielle du
développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant une
intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid.
4; Alain
Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière
de police
des étrangers, RDAF 1997 I p. 267 ss, spéc. p. 297/298).

3.
3.1La recourante est financièrement indépendante et son comportement
n'a pas
fait l'objet de plaintes, hormis celles tenant à l'illicéité de sa
présence
en Suisse. Elle vit dans notre pays depuis cinq ans et demi, auxquels
s'ajoutent les deux ans de son premier séjour. Toutefois, la durée de
ces
séjours ne peut être prise en considération que dans une certaine
mesure, dès
lors qu'ils se sont effectués d'abord illégalement, puis grâce à une
tolérance résultant des présentes procédures (cf. arrêt 2A.459/1999
du 25
février 2000, consid. 3). Par ailleurs, âgée aujourd'hui de
quarante-sept
ans, la recourante a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de
trente-six
ans. Elle y a donc passé toute sa jeunesse et la majeure partie de son
existence, de sorte que ses liens avec la Colombie sont étroits, même
si sa
fille aînée et son petit-fils résident en Suisse selon ses dires.

Au demeurant, la recourante avait déjà été refoulée en 1994, de sorte
qu'elle
savait, en revenant en Suisse, que son séjour serait précaire et
qu'elle
devrait compter avec le risque élevé d'un renvoi à tout moment.
Certes, la recourante a réalisé une intégration supérieure à la
moyenne,
selon les louanges dont fait l'objet son travail de dame de compagnie
et
d'aide-soignante, exercé depuis trois ans et demi auprès d'une dame
âgée,
malvoyante et impotente. L'employeuse indique ainsi dans un courrier
du 14
janvier 2002, confirmé par un certificat médical du 19 février 2002,
que
seule la présence de la recourante à son domicile lui évite d'être
placée en
milieu médical. De même, l'attestation du 22 février 2002 de deux
infirmières
relève: "Très compétente, douce et attentionnée avec C.________,
A.________
lui apporte par sa présence de tout instant la possibilité de rester à
domicile malgré ses handicaps. Nous avons toujours remarqué entre les
deux
dames une relation de pleine confiance [...]." Enfin, la fille de
l'employeuse a souligné le 20 juillet 2002: "il n'a pas été facile de
trouver
sur la place de P.________ [...] des personnes de confiance capables
d'assumer cette tâche parfois très délicate [...]. La qualité de son
travail
a fait l'unanimité autant de la part de son médecin que du personnel
soignant
et en plus je tiens à le souligner elle n'a jamais manqué un jour."
Cependant, cette intégration n'est pas à ce point exceptionnelle
qu'elle
impliquerait, compte tenu de ce qui précède, un cas de rigueur au
sens de la
jurisprudence.
Quant à l'enfant B.________, arrivée en Suisse lorsqu'elle avait près
de
douze ans, elle est âgée aujourd'hui de quinze ans et demi.
Scolarisée à
P.________ dans un cycle d'orientation depuis l'automne 2000, elle y
suit
normalement les cours, progresse de manière constante et a su montrer
une
réelle volonté d'intégration. Elle a donc déjà passé en Suisse une
partie non
négligeable de son adolescence, période essentielle du développement
personnel et de l'intégration à un milieu socioculturel déterminé, si
bien
qu'un renvoi n'irait pas sans difficultés. Cependant, elle a vécu
toute son
enfance en Colombie, où elle a suivi les écoles primaires, de sorte
qu'elle
en connaît la langue et les coutumes. De plus, son séjour en Suisse
s'est
également déroulé dans l'illégalité puis au bénéfice d'une tolérance,
si bien
que la portée des liens noués avec ce pays et des difficultés
prévisibles de
réadaptation doit être relativisée. Dans ces conditions, et bien
qu'elle ait
accompli une intégration digne d'éloges, un éventuel renvoi
n'entraînera pas
un véritable déracinement équivalant à un cas de rigueur.

3.2 La recourante invoque encore la situation politique et sociale
prévalant
dans son pays. Celui-ci, et particulièrement sa ville d'origine,
Cali, est à
ses dires en proie à une insécurité et à une violence équivalant à
une guerre
civile en raison des actes perpétrés par les narco-trafiquants, les
militaires, les paramilitaires et les guérilleros. De surcroît, sa
position
de mère célibataire et de simple citoyenne sans protection la rend
spécialement vulnérable. Il en va de même pour sa fille, d'autant que
celle-ci est susceptible d'être "recrutée" par les paramilitaires et
les
guérilleros. Ce sont du reste ces dangers qui l'avaient contrainte à
émigrer,
puis à faire venir sa fille, lorsque celle-ci avait atteint le seuil
de
l'adolescence et perdu le soutien paternel. Ainsi, un renvoi
condamnerait sa
fille à rester cloîtrée par mesure de prudence et à renoncer à une
éducation.
Enfin, elle affirme avoir elle-même perdu les "réflexes" nécessaires
à la vie
dans une telle société.

Selon la jurisprudence, l'exemption au sens de l'art. 13 lettre f OLE
n'est
pas destinée à permettre à un étranger de séjourner en Suisse pour
des motifs
liés à la protection de sa personne en raison d'une situation de
guerre,
d'abus des autorités étatiques ou d'actes de persécution dirigés
contre lui.
De tels motifs relèvent en effet de la procédure d'asile ou doivent
être
examinés à l'occasion d'une décision de renvoi entrée en force. De
même,
ladite exemption n'a pas pour but de soustraire le requérant aux
conditions
de vie de son pays d'origine. On ne saurait ainsi tenir compte des
circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou
scolaires)
affectant l'ensemble de la population restée sur place, auxquelles les
requérants seront également exposés à leur retour, sauf si les
recourants
allèguent d'importantes difficultés concrètes propres à leur cas
particulier
(ATF 123 II 125 consid. 5b/dd).

En l'espèce, un éventuel retour en Colombie exposerait assurément la
recourante et sa fille à des difficultés importantes, mais rien ne
permet
d'affirmer qu'elles seraient plus graves
pour elles que pour n'importe
lesquels de leurs concitoyens se trouvant dans leur situation,
appelés à
quitter la Suisse au terme de leur séjour. Notamment, leurs positions
respectives de femme seule "sans protection" (cf. ATF 128 II 200
consid. 5.2)
et d'adolescente n'apparaissent pas si particulières qu'elles
justifieraient
un traitement exceptionnel. On peut ainsi attendre des intéressées
qu'elles
se réadaptent à leur existence passée et à la situation, même
difficile, à
laquelle elles pourraient être confrontées en cas de renvoi, à
l'instar de
leurs compatriotes qui y sont restés.

3.3 Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accorder aux intéressées
une
exemption pour cas de rigueur selon l'art. 13 lettre f OLE.

4.
Vu ce qui précède, le recours est manifestement mal fondé et doit
être traité
selon la procédure simplifiée de l'art. 36a OJ. Succombant, la
recourante
doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante et au
Département
fédéral de justice et police.

Lausanne, le 21 mai 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.225/2003
Date de la décision : 21/05/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-21;2a.225.2003 ?
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