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20/05/2003 | SUISSE | N°5C.84/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 mai 2003, 5C.84/2003


{T 0/2}
5C.84/2003 /frs

Arrêt du 20 mai 2003
IIe Cour civile

Mme et MM. les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier : M. Abrecht.

Dame A.________, agissant pour son fils M.B.________,
recourante,

contre

Conseil d'État du canton de Genève, Chancellerie d'État, p.a.
Département de
justice, police et sécurité, case postale 3962, 1211 Genève 3.

changement de nom,

recours en réforme contre l'arrêté du Conseil d'État du canton de
Genève,
Chancellerie d'Ã

‰tat, du 5 mars 2003.

Faits:

A.
M.B.________ est né à Aigle (VD) le 3 janvier 1992. Sa mère, dame
B.________,
née A...

{T 0/2}
5C.84/2003 /frs

Arrêt du 20 mai 2003
IIe Cour civile

Mme et MM. les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier : M. Abrecht.

Dame A.________, agissant pour son fils M.B.________,
recourante,

contre

Conseil d'État du canton de Genève, Chancellerie d'État, p.a.
Département de
justice, police et sécurité, case postale 3962, 1211 Genève 3.

changement de nom,

recours en réforme contre l'arrêté du Conseil d'État du canton de
Genève,
Chancellerie d'État, du 5 mars 2003.

Faits:

A.
M.B.________ est né à Aigle (VD) le 3 janvier 1992. Sa mère, dame
B.________,
née A.________, était alors mariée à B.________. Ce mariage a été
dissous par
le divorce prononcé le 30 juin 1993 par le Tribunal de Sion (VS),
lequel a
attribué l'autorité parentale à la mère. Le 28 mars 1994, dame
B.________,
qui possède la double nationalité suisse et française, a repris le
nom de
A.________. Le 16 novembre 1994, C.________, qui possède également la
double
nationalité suisse et française, a reconnu sa paternité sur l'enfant
M.B.________ devant l'officier de l'état civil de l'arrondissement de
Sion.
Dame A.________ et C.________ ont par la suite pris domicile à Genève
avec
leur fils M.B.________.

B.
Par requête du 20 août 2001, complétée les 17 septembre 2001 et 17
décembre
2002, dame A.________ a sollicité pour son fils M.B.________
l'autorisation
de changer de nom de famille pour porter à l'avenir le patronyme
C.________
ou le double nom C.________-A.________, en invoquant notamment le
fait que la
loi française autorisait l'enfant à porter le nom de son père ou ceux
des
deux parents accolés (art. 64 al. 2 OJ). C.________ a confirmé cette
requête.

C.
Par arrêté du 5 mars 2003, le Conseil d'État du canton de Genève a
rejeté la
requête en changement de nom. La motivation de cette décision est en
substance la suivante :
C.aSelon l'art. 37 al. 1 LDIP, le nom d'une personne domiciliée en
Suisse est
régi par le droit suisse. L'al. 2 de cette disposition prévoit une
exception
en ce sens qu'une personne peut demander que son nom soit régi par
son droit
national. Toutefois, aux termes de l'art. 23 al. 2 LDIP, lorsqu'une
personne
a plusieurs nationalités, celle de l'État avec lequel elle a les
relations
les plus étroites est seule retenue pour déterminer le droit
applicable, à
moins que la loi n'en dispose autrement [cf. ATF 126 III 1 consid. 4;
cf.
aussi art. 38 al. 3 LDIP]. En l'espèce, tant l'enfant que ses père et
mère
possèdent la nationalité suisse et sont domiciliés en Suisse, de
sorte que le
nom de l'enfant est régi par le seul droit suisse.

C.b L'enfant dont la mère n'est pas mariée avec le père acquiert le
nom de la
mère, conformément à l'art. 270 al. 2 CC. Les possibilités de double
nom
(art. 160 al. 2 CC et art. 30 al. 2 CC) ne concernent que l'homme et
la femme
mariés et non les enfants. Les éventuelles demandes qui ne sont pas
concernées par les dispositions légales précitées ne peuvent être
envisagées
que par le biais d'un changement de nom pour justes motifs selon
l'art. 30
al. 1 CC.

Dans ce cadre, le Tribunal fédéral a d'abord admis assez largement
qu'un
enfant de parents non mariés change de nom sur la base de l'art. 30
al. 1 CC
pour prendre celui de son père (ATF 119 II 307 consid. 3c et les
arrêts
cités; cf. aussi la jurisprudence citée à l'ATF 124 III 401 consid.
2b/aa),
tout en précisant qu'il n'était pas possible pour l'enfant de prendre
par ce
biais un double nom, composé du nom de famille du père suivi de celui
de la
mère ou vice versa (ATF 119 II 307 consid. 4).

Toutefois, le Tribunal fédéral a ensuite modifié sa jurisprudence
dans un
sens plus restrictif. Il a considéré qu'au vu de l'évolution des
conceptions
sur la situation de l'enfant né hors mariage, l'existence d'un lien de
concubinage durable entre la mère, détentrice de l'autorité
parentale, et son
partenaire, père biologique de l'enfant vivant dans leur ménage, ne
constitue
plus à elle seule un juste motif au sens de l'art. 30 al. 1 CC; il
faut
plutôt que l'enfant indique concrètement dans sa requête en quoi le
fait de
porter le nom de sa mère en vertu de la loi lui fait subir des
désavantages
sur le plan social, susceptibles d'être pris en considération comme
justes
motifs d'un changement de nom (ATF 121 III 145 consid. 2; 124 III 401
consid.
2b/bb). Le Tribunal fédéral a précisé que le fait qu'un enfant double
national porte le nom de la mère, avec laquelle il vit en Suisse,
mais soit
inscrit dans les actes officiels italiens sous le nom du père, ne
constitue
pas à lui seul un motif important qui justifierait un changement de
nom en
Suisse (ATF 126 III 1).

C.c En l'espèce, il n'est pas indiqué concrètement en quoi le fait de
porter
le nom de sa mère en vertu du droit suisse ¿ et, en France, celui de
son père
¿ ferait subir au jeune M.B.________ des dommages sérieux sur le plan
social,
susceptibles d'être pris en considération comme justes motifs d'un
changement
de nom. Les noms C.________ ou C.________-A.________ demandés pour
l'enfant
sont totalement incompatibles avec la loi suisse ou la jurisprudence
du
Tribunal fédéral. En revanche, l'enfant aurait pu bénéficier d'un
changement
de nom pour être désigné sous le nom actuel de sa mère, soit
A.________,
solution que cette dernière a expressément écartée.

D.
Contre cet arrêté du Conseil d'État, dame A.________ exerce un
recours en
réforme au Tribunal fédéral, en reprenant implicitement les
conclusions
formulées devant l'autorité cantonale.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dans la mesure où l'on admet que la recourante agit au nom de son fils
M.B.________, en tant que représentante légale de celui-ci, elle est
légitimée à recourir contre la décision rejetant la requête en
changement de
nom (cf. ATF 117 II 6 consid. 1b et les références). Formé en temps
utile
contre une telle décision rendue par l'autorité suprême du canton de
Genève,
le recours est par ailleurs recevable au regard des art. 44 let. a,
48 al. 1
et 54 al. 1 OJ. Sa recevabilité au regard de l'art. 55 al. 1 let. b
et c OJ ¿
et des exigences posées par ces dispositions en ce qui concerne la
formulation des conclusions et l'indication des motifs avancés à
l'appui de
celles-ci ¿ est en revanche sujette à caution. Quoi qu'il en soit, le
recours
se révèle de toute manière mal fondé dans la mesure où il est
recevable.

2.
En effet, l'arrêté attaqué se révèle parfaitement conforme au droit
fédéral
et à la jurisprudence du Tribunal fédéral, que l'autorité cantonale a
correctement exposés et appliqués (cf. lettre C supra). Les arguments
avancés
dans le recours en réforme n'y changent rien. En premier lieu, le
fait que
C.________ ait lui-même une fille de son union précédente et que
celle-ci
porte le nom de C.________ ne peut être pris en considération par le
Tribunal
fédéral, s'agissant d'un fait nouveau prohibé par l'art. 55 al. 1
let. c OJ :
lorsqu'il est saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit
en
effet fonder son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés
par la
dernière autorité cantonale (art. 63 al. 2 OJ). Pour la même raison,
il ne
peut être tenu compte du fait que la procédure de changement de nom
aurait
débuté à Sion en 1994, soit à une époque où la jurisprudence du
Tribunal
fédéral admettait plus largement le changement de nom d'enfants de
parents
non mariés. Au demeurant, il ne saurait être fait grief à l'autorité
cantonale d'avoir appliqué la jurisprudence dans son état lors de la
prise de
décision.
Du moment que l'enfant n'a pas indiqué concrètement dans sa requête
en quoi
le fait de ne pas porter le nom de son père lui ferait subir des
désavantages
sur le plan social ¿ désavantages qui devraient être importants pour
être
susceptibles d'être pris en considération comme justes motifs d'un
changement
de nom (ATF 121 III 145 consid. 2c in fine; 124 III 401 consid. 3b/aa
in
fine; 126 III 1 consid. 3a in fine) ¿, la décision entreprise ne peut
qu'être
confirmée, étant précisé que le témoignage de l'enfant offert pour la
première fois devant le Tribunal fédéral ne peut être pris en
considération
(art. 55 al. 1 let. c OJ). Au demeurant, ni le souhait de l'enfant de
porter
le nom C.________ comme sa demi-soeur, ni le fait que ses parents
l'aient de
longue date conforté dans ce sens et appelé ainsi, ne suffiraient
comme
justes motifs d'un changement de nom (cf. ATF 124 III 401 consid. 3a
p. 404
et 3b/aa p. 404). Il convient au surplus de rappeler que la requête de
changement de nom a été expressément limitée au nom C.________ ou au
double
nom C.________-A.________, à l'exclusion du nom A.________, lors même
que,
comme l'a relevé à juste titre l'autorité cantonale, l'enfant aurait
pu
bénéficier d'un changement de nom pour être désigné sous ce dernier
nom, qui
est celui de sa mère.

Par souci de complétude, il sied enfin de préciser que même si l'on
devait
suivre les critiques émises par une partie de la doctrine à
l'encontre de
certains arrêts récents, plus particulièrement les ATF 124 III 401 et
126 III
1 (Andreas Bucher, Personnes physiques et protection de la
personnalité, 4e
éd. 1999, n. 816a p. 199 s.; le même, in RSDIE 2001 p. 270 ss),
l'issue de la
présente cause n'en serait pas modifiée, car la situation de fait à
la base
de ces arrêts était différente. Ainsi, à l'ATF 124 III 401, les deux
enfants
requérantes demandaient à porter le même patronyme que leur mère et le
nouveau mari de celle-ci; en l'espèce, toutefois, les parents de
M.B.________
ne sont pas mariés et ne portent donc pas le même nom, de sorte que
l'intégration de l'enfant dans l'unité familiale ne serait pas mieux
réalisée
s'il portait le patronyme de son père plutôt que celui de sa mère.
Quant à
l'ATF 126 III 1, il concernait un enfant qui, vivant en Suisse auprès
de sa
mère, était inscrit dans les actes officiels italiens sous le nom de
son
père, citoyen italien domicilié à Milan; or en l'espèce, M.B.________
vit
avec ses deux parents en Suisse, et il a seulement été allégué que la
loi
française l'autorisait à porter le nom de son père ou ceux des deux
parents
accolés (cf. art. 311-21 du Code civil français), sans qu'il soit en
revanche
établi sous quel(s) nom(s) il est effectivement inscrit dans les actes
officiels français.

3.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la
mesure
où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante et au
Conseil d'État
du canton de Genève, Chancellerie d'État.

Lausanne, le 20 mai 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.84/2003
Date de la décision : 20/05/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-20;5c.84.2003 ?
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