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16/05/2003 | SUISSE | N°5P.55/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 mai 2003, 5P.55/2003


{T 0/2}
5P.55/2003 /frs

Arrêt du 16 mai 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Escher.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourante, représentée par Me Jean-Marc Carnicé, avocat, rue de
Beaumont 11,
case postale 554, 1211 Genève 17,

contre

Y.________,
intimé,
Tribunal de première instance du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1,
case postale 3736, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst. (séquestre),

recours de droit pu

blic contre l'ordonnance du
Tribunal de première instance du canton de Genève
du 30 décembre 2002.

Faits:

A.
Le 17 dé...

{T 0/2}
5P.55/2003 /frs

Arrêt du 16 mai 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Escher.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourante, représentée par Me Jean-Marc Carnicé, avocat, rue de
Beaumont 11,
case postale 554, 1211 Genève 17,

contre

Y.________,
intimé,
Tribunal de première instance du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1,
case postale 3736, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst. (séquestre),

recours de droit public contre l'ordonnance du
Tribunal de première instance du canton de Genève
du 30 décembre 2002.

Faits:

A.
Le 17 décembre 2002, X.________ a requis le Président du Tribunal de
première
instance de Genève d'ordonner au préjudice de Y.________, en
application de
l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, un séquestre à concurrence de 1'458'395
fr., plus
intérêts à 5% l'an dès le 13 février 2001, portant sur «tous avoirs,
espèces,
créances et autres valeurs de quelque nature que ce soit déposés sur
le
compte n° xxxxxx [...] en mains de: Banque Z.________, à Zurich».
Par ordonnance du 18 décembre 2002, l'autorité de séquestre a rejeté
la
réquisition, pour cause d'incompétence territoriale.

B.
Le 27 décembre 2002, X.________ a saisi le Président du Tribunal de
première
instance de Genève d'une nouvelle requête aux conclusions identiques;
elle a
fait valoir, en substance, que la créance du débiteur à l'égard de la
banque
dépositaire «trouve son origine au siège, soit à Genève», avec lequel
il a
«constamment entretenu une relation prépondérante», le compte à Zurich
n'ayant été ouvert, selon toute vraisemblance, que dans le but «de
recevoir
les fonds détournés au préjudice de sa mère [i.e. la requérante]»; la
créance
du débiteur ayant été ainsi «frauduleusement déplacée de Genève à
Zurich», un
tel transfert n'est pas de nature à constituer un «point de
rattachement
suffisant» pour fonder la compétence des autorités zurichoises.
Par ordonnance du 30 décembre suivant, l'autorité de séquestre s'est
déclarée
derechef incompétente ratione loci.

C.
X.________ exerce un recours de droit public au Tribunal fédéral
contre cette
ordonnance, concluant à son annulation.
L'autorité cantonale persiste dans les termes de sa décision;
l'intimé n'a
pas été invité à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227; 128 II 311
consid. 1 p.
315 et les arrêts cités).

1.1 L'ordonnance attaquée n'est susceptible que d'un recours de droit
public
(ATF 119 III 92); le présent recours est dès lors recevable de ce
chef.

1.2 Le rejet de la réquisition de séquestre n'ouvre pas au requérant
la voie
de l'opposition prévue par l'art. 278 al. 1 LP (ATF 126 III 485
consid. 2a/aa
p. 488; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, SchKG, 4e éd., n. 9 ad art. 278
LP). Le
législateur a renoncé à instituer un recours contre une telle
décision,
laissant cette compétence aux cantons (Message concernant la révision
de la
loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 8 mai
1991, FF
1991 III 197/198; Stoffel, in: Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und Konkurs, vol. III, n. 53 ad art. 272 LP). Le
droit de
procédure genevois ne prévoit aucune voie de recours contre la
décision qui
refuse d'autoriser le séquestre (arrêt 5P.32/1997 du 15 mai 1997,
consid.
2b). Il s'ensuit que l'ordonnance déférée a été prise en dernière
instance
cantonale (art. 86 al. 1 OJ).

2.
En premier lieu, la recourante se plaint d'une violation de son droit
à une
décision motivée; elle reproche au premier juge d'avoir ignoré les
arguments
avancés à l'appui de sa seconde réquisition de séquestre pour
justifier la
compétence territoriale des autorités genevoises.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.
implique, en
particulier, l'obligation pour le juge d'exposer au moins
sommairement les
motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, afin
que le
justiciable puisse en saisir la portée et recourir à bon escient; il
n'est
cependant pas tenu de se prononcer sur tous les moyens soulevés par
les
parties, mais peut, au contraire, se limiter à ceux qui apparaissent
pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102/103).

2.2 La juridiction inférieure a considéré, en l'espèce, que la
nouvelle
argumentation de la requérante au sujet de la compétence territoriale
de
l'autorité de séquestre genevoise n'était pas de nature à modifier la
solution retenue dans sa précédente ordonnance; comme il «n'existe
manifestement aucun bien à Genève» - les fonds étant déposés en mains
d'une
banque à Zurich -, elle a confirmé son incompétence pour autoriser la
mesure
sollicitée.
Quoi qu'en dise la recourante, la décision attaquée est suffisamment
motivée:
le président a refusé de donner suite à la réquisition parce que les
avoirs à
appréhender n'étaient pas localisés à Genève - for du séquestre (art.
272 al.
1 LP) -, mais à Zurich. Il ressort, par ailleurs, de son moyen tiré
d'une
«violation de l'art. 272 LP» (cf. consid. 3) que l'intéressée a
parfaitement
compris le motif d'irrecevabilité affectant sa requête.

3.
En second lieu, la recourante fait grief à l'autorité cantonale
d'avoir
enfreint l'art. 272 LP. Elle soutient, en bref, que la créance de
l'intimé à
l'égard de la succursale zurichoise a pour origine une relation
bancaire
préexistante avec le siège (principal) genevois, dont est issu
l'ordre de
transférer les avoirs auprès de ladite succursale; la créance est
ainsi née à
Genève, et y était exécutable. En définitive, la succursale n'a été
que le
«simple destinataire» des valeurs transférées.

3.1 Il ressort de la réquisition de séquestre les faits suivants:
Le 5 novembre 1990, la recourante a ouvert un compte auprès de la
Banque
D.________ à Genève (actuellement Banque Z.________), sur lequel elle
a
déposé environ 1'300'000 US$. Le 4 octobre 2000, elle a clôturé ce
compte et
donné à chacun de ses deux fils (A.________ et Y.________) la somme de
300'000 US$, le solde (1'005'185.42 US$) étant crédité sur un nouveau
compte
ouvert conjointement avec son fils Y.________ (à savoir l'intimé)
auprès du
même établissement à Genève. Par la suite, le prénommé a donné
l'ordre à la
banque de clôturer ce compte et de transférer l'ensemble des valeurs
(1'008'404.51 US$) sur un compte à son nom auprès de la succursale de
Zurich;
cet ordre a été exécuté le 13 février 2001.

3.2 Les créances non incorporées dans des papiers-valeurs sont en
principe
séquestrées au domicile de leur titulaire. Si celui-ci - comme en
l'espèce -
n'est pas domicilié en Suisse, la créance est séquestrée au domicile
ou au
siège du tiers débiteur en Suisse. Quand le débiteur à l'étranger
déduit sa
créance de ses relations avec une succursale du tiers débiteur, le
séquestre
doit être ordonné et exécuté au siège de cette succursale. Il s'agit

toutefois d'une exception, et les faits qui la justifient doivent être
prouvés et constituer indubitablement un point de rattachement
prépondérant
avec la succursale. Si tel n'est pas le cas, la compétence locale
reste au
domicile ou au siège du tiers débiteur en Suisse (ATF 128 III 473
consid. p.
474 et les citations).

3.3 Il résulte des faits rappelés ci-dessus (consid. 3.1) que la
relation
bancaire a, certes, été originairement nouée avec le siège genevois
et qu'il
n'y a pas eu, avant le transfert litigieux, d'«affaires traitées»
avec la
succursale zurichoise. Il n'en demeure pas moins que, donnant suite
aux
instructions de l'intimé, le siège principal a soldé le compte ouvert
auprès
d'elle, puis transféré les valeurs patrimoniales à sa succursale;
depuis le
13 février 2001, c'est donc la succursale zurichoise qui est
dépositaire des
avoirs à mettre sous main de justice, et avec laquelle existent
désormais les
rapports contractuels. La référence à l'ATF 107 III 147 n'est d'aucun
secours: dans cette affaire, la créancière avait agi au for du siège
principal (Genève) pour faire séquestrer la créance de la débitrice
contre ce
dernier, et non sa succursale de Lugano, tandis que, en l'occurrence,
la
recourante demande au juge genevois (siège principal) de prononcer le
blocage
d'avoirs «déposés [...] en mains de Banque Z.________, [...], 8001
Zurich»
(siège de la succursale); en d'autres termes, elle requiert le
séquestre de
droits patrimoniaux situés hors de la juridiction du magistrat saisi,
ce qui
est exclu (ATF 118 III 7 consid. 4 p. 8). La décision d'incompétence
de
l'autorité inférieure ne prête dès lors pas le flanc à la critique
(cf.
BezGer. ZH, BlZR 100/2001 n° 39).

4.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté, avec suite de
frais à la
charge de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante et au
Tribunal de première instance du canton de Genève.

Lausanne, le 16 mai 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.55/2003
Date de la décision : 16/05/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-16;5p.55.2003 ?
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