La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2003 | SUISSE | N°1P.69/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 mai 2003, 1P.69/2003


{T 0/2}
1P.69/2003 /col

Arrêt du 16 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

B. ________,
recourante, représentée par Me Philippe Pont, avocat, case postale
788, 3960
Sierre,

contre

M.________,
Commune de Lens, 1978 Lens, représentée par
Me Laurent Schmidt, avocat, rue des Vergers 4,
case postale 1296, 1951 Sion,
Conseil d'Etat du canton du Valais, Palais

du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, avenue Mathi...

{T 0/2}
1P.69/2003 /col

Arrêt du 16 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

B. ________,
recourante, représentée par Me Philippe Pont, avocat, case postale
788, 3960
Sierre,

contre

M.________,
Commune de Lens, 1978 Lens, représentée par
Me Laurent Schmidt, avocat, rue des Vergers 4,
case postale 1296, 1951 Sion,
Conseil d'Etat du canton du Valais, Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

Procédure administrative; taxation des dépens

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 13
décembre
2002.

Faits:

A.
Par décision du 13 février 2001, le Conseil municipal de Lens a
autorisé
M.________ à réaliser une maison d'habitation familiale sur la
parcelle n°
xxx dont il est propriétaire, avec une route d'accès au travers de
plusieurs
fonds voisins. L'autorité a écarté l'opposition élevée par B.________,
propriétaire de la parcelle n° yyy située en contrebas de la future
route
d'accès.
Contre ce prononcé, B.________ a adressé une demande d'effet
suspensif, puis
un recours au Conseil d'Etat du canton du Valais. Elle dénonçait
diverses
lacunes du dossier d'enquête publique et critiquait, en particulier,
la route
d'accès qu'elle tenait pour dangereuse et inesthétique.
Divers documents furent produits devant l'autorité de recours,
notamment par
la commune de Lens, sur lesquels le conseil de la recourante a pris
position
par de brèves écritures. L'instruction a également comporté une
inspection
des lieux, le 20 juillet 2001.
Statuant le 7 novembre suivant, le Conseil d'Etat a rejeté le recours.
Avec succès, B.________ a déféré cette décision à la Cour de droit
public du
Tribunal cantonal. Par arrêt du 28 mars 2002, cette juridiction a
admis le
recours et renvoyé l'affaire au Conseil d'Etat pour compléter
l'instruction
sur divers points et prendre une nouvelle décision. A titre de dépens
pour la
procédure judiciaire, le Tribunal cantonal a alloué à la recourante
une
indemnité de 1'800 fr.

B.
Par lettre du 16 avril 2002, B.________ a requis le Conseil d'Etat de
statuer
à nouveau sur les frais et dépens de la procédure de recours qui
avait abouti
à la décision invalidée par le Tribunal cantonal. Elle produisait un
état de
frais de son conseil au montant total de 4'857 fr.90, soit 4'562
fr.50 pour
les honoraires et 295 fr.40 pour les débours. Les honoraires étaient
évalués
sur la base de dix-huit heures et quinze minutes d'activité au taux
horaire
de 250 fr. Le temps consacré et les débours étaient indiqués de façon
détaillée pour chaque opération de l'avocat.
Le Conseil d'Etat a donné suite à cette requête le 14 août 2002. La
décision
indique les bases juridiques déterminantes et décrit succinctement
l'activité
fournie par l'avocat; elle mentionne son état de frais. Le Conseil
d'Etat
retient que certains des moyens de la recourante - en particulier, les
critiques concernant l'enquête publique et la demande d'une expertise
géotechnique - ont été jugés mal fondés par le Tribunal cantonal. Il
relève
aussi, par contre, que la cause n'était pas exempte de difficultés et
non
dénuée d'importance pour la recourante, compte tenu qu'elle portait
sur la
réalisation d'une route en bordure de sa propriété. En considération
de
l'ensemble de ces circonstances, le Conseil d'Etat a arrêté à 2'200
fr. les
dépens à allouer à la recourante; cette indemnité était portée à la
charge de
l'intimé et maître de l'ouvrage M.________.
En vain, B.________ a contesté cette décision par un nouveau recours
au
Tribunal cantonal, tendant à ce que le montant alloué fût porté au
total de
l'état de frais déposé par son conseil. Elle se plaignait d'une
motivation
insuffisante de la décision et d'une application incorrecte des
dispositions
cantonales concernant les dépens. Le Tribunal cantonal a rejeté le
recours
par arrêt du 13 décembre 2002.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, B.________ requiert
le
Tribunal fédéral d'annuler ce deuxième arrêt du Tribunal cantonal.
Invoquant
les art. 8, 9 et 29 al. 2 Cst., elle persiste dans le grief tiré d'une
motivation prétendument insuffisante de la décision et elle se plaint
d'une
application arbitraire des dispositions cantonales précitées.
Invitées à répondre, les parties et autorités intimées ont renoncé à
déposer
des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dans un grief d'ordre formel, à examiner en premier lieu, la
recourante
reproche à la cour cantonale d'avoir insuffisamment motivé sa
décision.
L'arrêt attaqué se bornerait à retenir que le Conseil d'Etat a
respecté son
pouvoir d'appréciation, sans toutefois préciser quelles activités et
quel
tarif horaire ont été retenus.

1.1 Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., implique
notamment l'obligation pour l'autorité de motiver ses décisions (ATF
126 I 97
consid. 2b p. 102). La motivation est suffisante lorsque l'intéressé
est mis
en mesure d'apprécier la portée de la décision et de la déférer à une
instance supérieure en pleine connaissance de cause (ATF 122 IV 8
consid. 2c
p. 14/15). La décision qui fixe le montant des dépens alloués à une
partie
adverse n'a en principe pas besoin d'être motivée. Toutefois, comme
le relève
la cour cantonale, le droit valaisan va plus loin que l'art. 29 al. 2
Cst.
puisque les art. 4 al. 2 et 30 al. 3 de la loi fixant le tarif des
frais et
dépens devant les autorités judiciaires et administratives du 14 mai
1998
(ci-après Ltar), obligent l'autorité à motiver sa décision sur les
dépens. Le
justiciable ne saurait toutefois exiger une motivation détaillée sur
ce
point: celui qui a participé à la procédure en connaît parfaitement la
nature, ainsi que les opérations que le procès a nécessitées, et est
par
conséquent à même de juger de l'ampleur de l'activité nécessaire. Une
motivation plus spécifique s'impose en revanche lorsque l'indemnité
allouée
est supérieure au maximum prévu par la réglementation, ou lorsque des
éléments extraordinaires sont invoqués (ATF 111 Ia 1 consid. 2a).

1.2 Le grief de la recourante est en réalité dirigé contre la
décision du
Conseil d'Etat, auquel elle reprochait d'avoir réduit de plus de la
moitié
ses prétentions en se contentant d'énumérer certaines activités de
l'avocat.
La cour cantonale a répondu à ce grief en relevant que la décision du
Conseil
d'Etat comporte trois pages de considérations relativement détaillées
consacrées exclusivement à la question des dépens, ajoutant que la
recourante
confondait manifestement les exigences formelles et matérielles. Or,
la
recourante ne conteste pas cette appréciation, et se contente de
reprendre
ses premiers griefs, démarche qui n'est pas recevable au regard de
l'art. 86
al. 1 OJ. Pour le surplus, les motifs retenus successivement par le
Conseil
d'Etat et le Tribunal cantonal étaient suffisants pour permettre à la
recourante d'agir en connaissance de cause, et de contester, le cas
échéant,
le montant des dépens que ce soit dans leur totalité ou pour certains
postes
particuliers. Comme cela est relevé ci-dessous, l'argumentation de
détail
soulevée par la recourante n'avait pas sa place dans le cadre d'une
fixation
globale des dépens, et n'appelait donc pas une motivation spécifique.
Il n'y
a pas, dès lors, de violation de l'obligation de motiver.

2.
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst.,
lorsqu'elle
viole gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité.
Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité
cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît
insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans
motifs
objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit
pas que
les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que
celle-ci
soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non
plus
qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale
puisse
être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable
(ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 II 259 consid. 5 p. 280/281; 127 I 54
consid. 2b p.
56).
La recourante se réfère aussi au droit à l'égalité de traitement
garanti par
l'art. 8 Cst., cependant sans indiquer en quoi, dans les
circonstances de
l'espèce, cette disposition-ci aurait une portée excédant celle de
l'art. 9
Cst. Sur ce point, le recours n'est pas motivé conformément aux
exigences de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

2.1 D'après la législation valaisanne applicable notamment aux causes
administratives portées devant le Conseil d'Etat, les dépens sont
arrêtés
globalement et comprennent, outre une indemnité de partie qui n'est
pas
revendiquée en l'espèce, les débours et les honoraires de l'avocat
(art. 3
al. 1 et 3 LTar). Les honoraires sont fixés entre le minimum et le
maximum
prévus par la loi, TVA comprise, d'après la nature et l'importance de
la
cause, ses difficultés, l'ampleur du travail, le temps utilement
consacré par
l'avocat et la situation financière de la partie (art. 26 al. 1 et 3
LTar).
Les honoraires sont ainsi compris, en principe, entre 500 et 8'000
fr. pour
la procédure du recours administratif (art. 37 al. 2 LTar). Dans des
circonstances particulières, les honoraires peuvent être taxés
au-dessus ou,
au contraire, au-dessous des limites légales (art. 28 al. 1 et 2
Ltar).

2.2 La recourante fait valoir que ni le Tribunal cantonal, ni le
Conseil
d'Etat n'ont mis en doute le temps de travail indiqué dans l'état de
frais
déposé par l'avocat, pour chacune des opérations accomplies par lui,
ni
l'utilité de ces opérations. Sur cette base, elle constate que
l'indemnité de
2'200 fr. correspond à un taux horaire à peine supérieur à 100 fr., ce
qu'elle tient pour gravement insuffisant. A l'appui de cette opinion,
elle se
réfère à une étude relative à la loi cantonale du 14 mai 1998, où il
est
indiqué que celle-ci a été élaborée sur la base d'une rétribution
horaire
ordinaire des avocats évaluée à 250 fr. (Olivier Derivaz, Les frais et
dépens, les sûretés et l'assistance judiciaire, Martigny 1998). Cette
argumentation serait pertinente si la loi prescrivait à l'autorité de
constater le temps utilement investi par l'avocat, puis d'appliquer
un tarif
horaire. Cela ne correspond toutefois pas au système effectivement en
vigueur, qui est fondé sur une évaluation globale, "en chiffres
ronds" (art.
30 al. 3 LTar), des honoraires, où le temps consacré par l'avocat
n'est qu'un
seul des critères à prendre en considération.
La recourante tient aussi pour inadmissible de mentionner que
certains de ses
moyens ont été finalement écartés, parce que ce motif de réduction
des dépens
n'est, à son avis, aucunement prévu par la loi. Or, au contraire,
celle-ci
évoque explicitement l'utilité du travail fourni; la pertinence des
arguments
développés par l'avocat peut donc légitimement influencer
l'évaluation.
En l'occurrence, même si l'instruction a effectivement présenté une
certaine
complexité, l'avocat n'a pas été confronté à des questions de fait ou
de
droit inhabituelles ou exceptionnellement ardues, et il n'a pas non
plus
étudié un dossier particulièrement volumineux. Le Conseil d'Etat a
indiqué
les circonstances concrètes qui lui paraissaient importantes pour
l'évaluation, et le montant finalement retenu dans ce prononcé, soit
2'200
fr., confirmé par le Tribunal cantonal, se trouve dans les limites du
tarif
légal; il est nettement au-dessus du minimum, ce qui est approprié à
une
affaire d'ampleur moyenne et dépourvue de difficultés considérables.
On ne
constate donc aucune sous-estimation manifeste dans l'évaluation
contestée;
il convient de souligner ici que le Tribunal fédéral, saisi du grief
tiré de
l'art. 9 Cst., n'a pas à procéder lui-même à une taxation des
honoraires.
La recourante se livre encore à une comparaison entre l'indemnité
ainsi
obtenue et celle allouée par le Tribunal cantonal, de 1'800 fr., pour
la
procédure du recours subséquent. Elle fait valoir que cette
instance-ci n'a
exigé de l'avocat qu'un travail beaucoup moins important; de cette
circonstance, elle déduit que l'activité fournie dans l'instance
précédente a
été sous-estimée. Ce raisonnement méconnaît que la loi prévoit des
honoraires
plus importants dans la procédure du recours au Tribunal cantonal,
compris
entre 1'000 et 10'000 fr. (art. 39 LTar). Compte tenu de cet élément,
on
n'observe pas de disproportion flagrante entre les deux évaluations.
Au
demeurant, même si le Conseil d'Etat exerçait son propre pouvoir
d'appréciation de façon plus restrictive que le Tribunal cantonal
n'exerce le
sien, cela ne suffirait pas à justifier le grief d'arbitraire.

3.
Le recours se révèle mal fondé, ce qui entraîne son rejet et
l'imputation de
l'émolument judiciaire à son auteur. Il ne sera pas alloué de dépens
aux
intimés qui ont renoncé à procéder devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La recourante
acquittera un émolument judiciaire de 1'000 fr.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties ou à leurs
mandataires,
ainsi qu'au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du
Valais.

Lausanne, le 16 mai 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.69/2003
Date de la décision : 16/05/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-16;1p.69.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award