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15/05/2003 | SUISSE | N°1P.464/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 mai 2003, 1P.464/2002


{T 0/2}
1P.464/2002 /col
Arrêt du 15 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Jomini.

les époux A.________, B.________, C.________, recourants,
tous représentés par Me Laurent Trivelli, avocat, rue Caroline 7, case
postale 3520, 1002 Lausanne,

contre

Commission de classification pour l'épuration des servitudes au
lieu-dit
"Sus-la-Grangette" à Villars-sur-Ollon, p.a. Duchoud-Haymoz-Buhl

mann
S.A.,
rue de Charpentier 8, case postale 59, 1880 Bex,
Municipalité de la commune d'Ollon, 1867 Ollo...

{T 0/2}
1P.464/2002 /col
Arrêt du 15 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Jomini.

les époux A.________, B.________, C.________, recourants,
tous représentés par Me Laurent Trivelli, avocat, rue Caroline 7, case
postale 3520, 1002 Lausanne,

contre

Commission de classification pour l'épuration des servitudes au
lieu-dit
"Sus-la-Grangette" à Villars-sur-Ollon, p.a. Duchoud-Haymoz-Buhlmann
S.A.,
rue de Charpentier 8, case postale 59, 1880 Bex,
Municipalité de la commune d'Ollon, 1867 Ollon, représentée par Me
Jacques
Haldy, avocat, galerie Saint-François A, case postale 3473, 1002
Lausanne,
Département des infrastructures du canton de Vaud (Service des
améliorations
foncières), place du Nord 7, 1014 Lausanne,
D.________, représenté par Me Amédée Kasser, avocat, avenue de la
Gare 5,
case postale 251, 1001 Lausanne.
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne,

améliorations foncières,
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de
Vaud du 5 août 2002.

Faits:

A.
Le 27 juillet 1999, la Municipalité de la commune d'Ollon a requis le
Département des infrastructures du canton de Vaud (ci-après: le
département
cantonal) d'engager une procédure de "correction de limites" au sens
de
l'art. 93a de la loi cantonale sur les améliorations foncières (LAF)
en vue
d'une "épuration des servitudes" dans un périmètre comportant vingt
parcelles
au lieu-dit "Sus-la-Grangette" à Villars-sur-Ollon. Ce périmètre est
classé
en zone à bâtir (zone de chalets ou zone de village, selon le plan
d'affectation communal pour le secteur "Les
Ecovets-Chesières-Villars-Arveyes).
L'autorité communale a formé cette requête après avoir constaté qu'un
des
biens-fonds de ce périmètre - la parcelle n° 3183, d'une surface de
4'065 m2,
appartenant actuellement à D.________ - ne disposait pas d'un accès à
la voie
publique car la servitude de passage dont bénéficiait ce fonds était
devenue
impraticable; les propriétaires fonciers intéressés n'étaient pas
parvenus à
s'accorder pour déplacer l'assiette de cette servitude.
Le 19 octobre 1999, le département cantonal a désigné une commission
de
classification composée du géomètre officiel Pierre-Paul Duchoud et de
Pierre-Yves Robatel; cet organe a été chargé, conformément à l'art.
93a al. 2
LAF, d'établir un plan d'épuration des servitudes ainsi qu'un
règlement
financier ("Commission de classification pour l'épuration des
servitudes au
lieu-dit "Sus-la-Grangette" à Villars-sur-Ollon"; ci-après: la
commission de
classification).

B.
La commission de classification a remis aux propriétaires intéressés
un
rapport, daté du 22 août 2000, décrivant l'objet de la procédure
d'épuration
des servitudes. Il s'agit, en substance, de "radier la plupart des
servitudes
existantes de passage et d'inscrire de nouvelles servitudes de passage
adaptées aux différents besoins" (p. 3 du rapport). Le rapport
contient un
chapitre intitulé "Indemnisations", qui expose en préambule que "la
suppression d'une charge d'une servitude représente un avantage pour
le
propriétaire concerné; a contrario, l'extension d'une servitude ou un
élargissement représente un inconvénient pour celui qui le supporte"
(p. 5 du
rapport); il indique ensuite les règles de calcul appliquées et
renvoie à des
annexes (fichier des servitudes, tableau des indemnités par parcelle
et
tableau des soultes par propriétaire) pour la détermination des
montants
fixés, en faveur ou à la charge du propriétaire, dans chaque cas
particulier.
La commission de classification a imparti aux propriétaires du
périmètre un
délai, au 27 septembre 2000, pour adresser leurs observations et
contre-propositions éventuelles. Dans ce délai, les époux A.________,
propriétaires de la parcelle n° 3190, B.________, propriétaire de la
parcelle
n° 3192, et C.________, propriétaire des parcelles n° 3193 et 10084,
ont
déclaré s'opposer tant au principe qu'aux modalités des modifications
envisagées par la commission de classification. S'agissant de ces
immeubles,
le projet consiste à radier des servitudes de passage existantes et à
inscrire au registre foncier de nouvelles servitudes de passage. Est
ainsi
prévue, en particulier, la radiation des servitudes n° 201'633II
(passage à
pied et pour tous véhicules; fonds dominants: n° 3190, 3192 et 3193,
notamment), n° 201'633III (passage à char, usage agricole; fonds
servant: n°
3190, notamment), n° 202'423I (passage à pied et pour tous véhicules;
fonds
dominants et servants: n° 3190, 3192 et 3193, notamment), n° 202'423II
(passage à pied et pour tous véhicules; fonds dominant: n° 3193), n°
202'423III (passage à pied et pour tous véhicules; fonds servant: n°
3190,
notamment), n° 231'847 (passage à char; fonds dominant: n° 3193,
notamment),
et n° 274'829 (passage à pied et pour tous véhicules; fonds servant:

3190). Ces servitudes radiées doivent être remplacées par des
servitudes
nouvelles garantissant le passage à pied, l'accès aux véhicules (sur
une
largeur de 3 m, alors que la largeur de l'assiette des anciennes
servitudes
était parfois de 2.80 m) et le passage de toutes les canalisations.
Ces
servitudes portent les n° 1 (servitude publique), 2, 3, 4 et 5
(servitudes
foncières); il est en outre prévu de constituer une nouvelle servitude
foncière de passage à pied (n° 6). En ce qui concerne les
indemnisations, le
projet prévoit que la "communauté des propriétaires" verse un montant
de 650
fr. aux époux A.________, un montant de 2'127 fr. à B.________, et un
montant
de 8'550 fr. à C.________ (soultes "négatives" ou "actives", après
compensation entre les "montants à payer" et les "montants à
recevoir").
Le 1er février 2001, la commission de classification a adressé aux
propriétaires précités (ci-après: A.________ et consorts) une décision
confirmant son projet tel qu'il avait été mis en consultation.

C.
A.________ et consorts ont recouru auprès du Tribunal administratif
du canton
de Vaud contre la décision de la commission de classification. Ce
recours a
été rejeté par un arrêt rendu le 5 août 2002, et les décisions prises
par la
commission de classification ont été confirmées. Le Tribunal
administratif a,
dans le même arrêt, statué sur un recours formé par la communauté des
propriétaires par étage "X.________" contre une décision concernant
un autre
bien-fonds du même périmètre.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ et
consorts
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif.
Ils se plaignent d'une violation de la garantie de la propriété et
font
valoir que la procédure de l'art. 93a LAF a été en l'occurrence
appliquée de
manière arbitraire.
La commission de classification et la Municipalité d'Ollon concluent
au rejet
du recours. D.________, partie intéressée, conclut également à son
rejet,
dans la mesure où il n'est pas irrecevable. Le Tribunal administratif
se
réfère à son arrêt. Le Département des infrastructures n'a pas
répondu au
recours.

E.
Par ordonnance du 11 octobre 2002, le Président de la Ire Cour de
droit
public a accordé l'effet suspensif au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48, 177 consid. 1 p.
179 et
les arrêts cités).

1.1 Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif se réfère à sa
propre
jurisprudence (cause AC 98/0097 in RDAF 1999 I 219), selon laquelle
l'art.
93a LAF serait une disposition cantonale d'application de la loi
fédérale
encourageant la construction et l'accession à la propriété de
logements
(LCAP; RS 843). Cette disposition cantonale, qui règle la procédure de
"correction de limites" (titre de la section V du chapitre E de la
LAF,
"Remaniement de terrains à bâtir et correction de limites"), aurait
pour base
les art. 7 à 10 LCAP (titre de cette section de la loi fédérale:
"Regroupement de terrains à bâtir et rectification de limites").
La loi fédérale précitée prévoit une procédure de "rectification de
limites",
soit une opération consistant à "améliorer" ou modifier le tracé de
limites
parcellaires dans un périmètre classé dans une zone destinée à la
construction de logements, "si l'implantation rationnelle de
bâtiments sur un
bien-fonds ou un groupe de parcelles est rendue difficile ou
impossible par
un tracé défavorable des limites" (art. 10 al. 1 LCAP). Dans ce
cadre, un
échange de terrains, voire une cession de trois ares au plus, peuvent
être
imposés (art. 10 al. 2 LCAP). Cette procédure, qui peut être menée
d'office
par l'autorité compétente, ne tend pas au remaniement complet d'une
partie de
la zone à bâtir; le remaniement parcellaire, procédure plus lourde,
est
toutefois également prévu par la loi fédérale (cf. art. 8 LCAP,
regroupement
pour l'équipement ou regroupement de restructuration).
D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, certaines décisions
cantonales
prises dans le cadre d'une procédure de regroupement de terrains, au
sens de
l'art. 8 LCAP, ou de rectification de limites, au sens de l'art. 10
LCAP,
peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif car on
considère
qu'elles sont directement fondées sur le droit public fédéral - la
LCAP -
(cf. art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 PA), quand bien même
le droit
cantonal règle également la matière (cf. ATF 118 Ib 417 consid. 1c p.
420
[décision ordonnant un regroupement de restructuration]; arrêt
1P.797/1993 du
31 octobre 1994 in ZBl 96/1995 p. 372 [décision ordonnant l'ouverture
d'une
procédure de rectification de limites]).

1.2 L'art. 93a LAF ne définit pas la notion de "correction de
limites". Cette
disposition règle en effet avant tout la marche à suivre pour la mise
en
oeuvre et l'exécution de cette opération (recherche, par la
municipalité,
d'une entente entre les "propriétaires et les titulaires de droits
réels
touchés", intervention de l'autorité cantonale à défaut d'entente,
désignation et rôle de la commission de classification). Il est
cependant
manifeste que cette norme vise en particulier à permettre et
faciliter, dans
le canton de Vaud, des rectifications de limites au sens de l'art. 10
LCAP
(voir, notamment, l'exposé des motifs du Conseil d'Etat au sujet de
l'art.
93a LAF in Bulletin du Grand Conseil, 1997, p. 4043 et 4074).
Cela étant, dans le cas présent, la commission de classification n'a
pas
ordonné une modification des frontières des parcelles du périmètre;
l'opération, décrite comme une "épuration des servitudes", consiste
uniquement à changer le tracé ou l'assiette de servitudes de passage,
à
l'instar de ce que le juge civil pourrait ordonner sur la base de
l'art. 742
CC (note marginale: "Changement dans l'assiette de la servitude"). Il
ne
s'agit donc pas d'une véritable "rectification de limites", au sens
de l'art.
10 LCAP, mais bien d'un autre type d'amélioration foncière. Le régime
des
art. 7 ss LCAP n'interdit du reste pas aux cantons de prévoir, pour
les zones
destinées à la construction de logements, d'autres mesures que le
remembrement ou la rectification de limites, dans le respect de la
garantie
de la propriété (cf. Message relatif à la loi fédérale encourageant la
construction et l'accession à la propriété de logements, FF 1973 II
683).
Dans ces conditions, on ne saurait considérer que la décision
attaquée est
directement fondée sur l'art. 10 LCAP et que la voie du recours de
droit
administratif est ouverte. Au demeurant, même si la contestation
avait porté
sur une rectification de limites proprement dite, il n'est pas
certain que la
LCAP fût applicable à pareille opération dans le périmètre litigieux
car
celui-ci semble en réalité réservé principalement à des résidences
secondaires et des logements de vacances, constructions qui ne
tombent pas
sous le coup de cette loi fédérale (art. 2 al. 3 LCAP).
Il s'ensuit que la voie du recours de droit public pour violation de
droits
constitutionnels des citoyens entre seule en ligne de compte (art. 84
al. 1
let. a OJ).

1.3 Les recourants, propriétaires de biens-fonds touchés par
l'opération
d'améliorations foncières litigieuse, notamment parce que ces fonds
sont
grevés de nouvelles servitudes de passage (modification du tracé ou
de la
largeur de l'assiette), sont atteints dans leurs intérêts
juridiquement
protégés et ont qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ (cf.
ATF 127
III 41 consid. 2b p. 42; 126 I 43 consid. 1a p. 44, 81 consid. 3b p.
85 et
les arrêts cités). Les autres conditions de recevabilité du recours
de droit
public (art. 86, 89 et 90 OJ) sont manifestement remplies et il y a
lieu
d'entrer en matière.

2.
Les recourants font valoir que les anciennes servitudes de passage,
dont la
décision attaquée entraînerait la radiation, étaient parfaitement
suffisantes; les nouvelles servitudes ne leur apporteraient
strictement rien.
Invoquant la garantie de la propriété, ils déplorent que cette
opération
n'ait pas procuré aux propriétaires fonciers devant concéder le
passage à des
tiers les indemnités substantielles auxquelles ils auraient droit,
pour
compenser la mise à disposition d'un chemin et les nuisances
provoquées par
le nouveau
trafic. D'après les recourants, la projet de la commission
de
classification vise uniquement, en définitive, à assurer un accès à la
parcelle n° 3183 de D.________, dans un quartier pour le reste déjà
équipé;
cette utilisation de la procédure de l'art. 93a LAF ne serait pas
conforme au
sens ou au but de cette règle du droit cantonal. Les recourants
mettent au
surplus en doute l'existence d'un intérêt prépondérant à réaliser
cette
épuration des servitudes dans leur quartier. Ils critiquent plus
spécialement
certains éléments du projet (la nouvelle servitude n° 5, le montant
des frais
supportés par la commune) et ils reprochent au Tribunal administratif
de
n'avoir pas examiné leurs griefs relatifs au tableau des indemnités.
Ils en
déduisent que la décision attaquée, qui fait abstraction des
avantages et des
inconvénients subis par les propriétaires touchés, en confirmant
purement et
simplement le mode de calcul de la commission de classification, est
arbitraire.

2.1 La procédure de correction de limites selon l'art. 93a LAF peut
être
engagée, aux termes du droit cantonal, "dans un but d'intérêt public
prépondérant en vue d'assurer notamment une utilisation rationnelle
du sol en
relation avec la densité de la zone constructible ou la mise en
oeuvre des
pôles de développement économique cantonaux inscrits au plan directeur
cantonal" (art. 93a al. 1 LAF). D'après l'arrêt attaqué, qui se
réfère sur ce
point à une jurisprudence cantonale (RDAF 1999 I 219), on peut
appliquer
l'art. 93a LAF dans le but d'assurer à une parcelle à construire un
accès
suffisant à la voie publique; plutôt que de laisser le propriétaire
intéressé
agir devant le juge civil pour contraindre ses voisins à lui céder le
passage
nécessaire (cf. art. 694 CC), il convient en pareil cas d'engager la
procédure de correction de limites, aussi pour "se borner à un
remodelage des
droits réels restreints". Pour le Tribunal administratif, cette
interprétation de l'art. 93a LAF est compatible avec la jurisprudence
du
Tribunal fédéral (cf. ATF 121 I 65).
Si, par une telle procédure, on permet à la collectivité intéressée
de faire
en sorte qu'une zone à bâtir soit équipée en temps utile en voies
d'accès
adaptées, conformément à ce que prévoit l'art. 19 LAT, il existe un
intérêt
public à prendre de telles mesures favorisant effectivement une
utilisation
judicieuse du sol ainsi qu'une occupation rationnelle du territoire
(cf. ATF
121 I 65 consid. 4a p. 69, en relation avec la définition
constitutionnelle
des buts de l'aménagement du territoire, soit actuellement l'art. 75
al. 1
Cst.). Cela étant, pour être compatibles avec la garantie
constitutionnelle
de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), ces mesures - représentant une
restriction pour les propriétaires fonciers touchés - doivent encore
être
proportionnées au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). L'autorité doit donc
effectuer une pesée des intérêts ou, selon les termes de l'art. 93a
LAF,
examiner si l'intérêt public au remaniement des servitudes de passage
est
prépondérant.

2.2 L'épuration des servitudes effectuée en application de l'art. 93a
LAF est
une opération d'améliorations du sol (améliorations foncières), au
sens de
l'art. 703 CC (cf. en particulier art. 703 al. 3 CC); elle doit être
réalisée, en vertu de l'art. 93 al. 4 LAF, "conformément au principe
de la
compensation réelle". Ce principe, dit aussi de l'équivalence,
découle de la
garantie constitutionnelle de la propriété. Dans un remaniement
parcellaire,
il signifie que les propriétaires intéressés à une telle entreprise
ont une
prétention à recevoir dans la nouvelle répartition des terrains
équivalant,
en quantité et en qualité, à ceux qu'ils ont cédés, pour autant que
le but du
remaniement et les nécessités techniques le permettent. Les autorités
chargées de la confection du nouvel état doivent rechercher toutes les
solutions objectivement concevables pour résoudre les difficultés
techniques
susceptibles de compromettre la mise en oeuvre du principe de la
compensation
réelle; ce n'est qu'en présence de difficultés insurmontables que le
versement d'une indemnité en argent entre en considération (ATF 122 I
120
consid. 5 p. 127; 119 Ia 21 consid. 1a p. 24 et les arrêts cités).
La mise en oeuvre du principe de l'équivalence, dans la présente
opération
d'épuration des servitudes (ou de remaniement de droits réels
limités), doit
tenir compte de l'objet, très particulier, de cette procédure. Il faut
apprécier, en comparaison avec l'ancien état, l'utilité des nouvelles
servitudes pour les fonds dominants ainsi que les charges imposées
aux fonds
servants. Dès lors que l'on impose aussi, dans ce cadre, à des
propriétaires
de céder un passage à un voisin dont le fonds n'a qu'une issue
insuffisante
sur la voie publique, une compensation - réelle ou en argent - leur
est en
principe due (cf. par analogie l'art. 694 al. 1 CC, à propos de la
cession
d'un passage nécessaire).

2.3 Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a examiné de
façon très
sommaire la situation et les arguments des actuels recourants. Il a
évoqué
l'intérêt "non négligeable" que ceux-ci auraient "à échapper à une
demande de
passage nécessaire" en faveur de la parcelle n° 3183, cet avantage
devant
être pris en considération dans l'appréciation globale. Il a en outre
affirmé
que les inconvénients liés au passage de véhicules accédant à la
parcelle
précitée seraient minimes, de sorte que des calculs de pondération
sur ce
point seraient disproportionnés.
Le Tribunal administratif n'a pas décrit ni examiné concrètement,
pour les
biens-fonds des recourants, les différences entre l'ancien état et le
nouvel
état des servitudes. Il n'a pas procédé à une pesée des intérêts afin
de
déterminer s'il y avait un intérêt prépondérant à inclure ces
biens-fonds
dans le périmètre d'épuration des servitudes. Il n'a pas non plus,
dans le
cas des recourants, contrôlé l'application faite par la commission de
classification des règles découlant du principe de la compensation
réelle,
puisqu'il s'est borné à considérer que la méthode d'estimation des
soultes
était adéquate et économique. Comme cette opération d'améliorations
foncières
a pour objet de modifier des droits réels, et qu'elle est effectuée
par une
autorité administrative ad hoc - une commission de classification
constituée
spécialement à cet effet -, il importe que les propriétaires touchés
aient la
garantie, au niveau cantonal, d'un véritable contrôle judiciaire des
décisions prises à l'issue de cette procédure (cf. art. 6 par. 1
CEDH; ATF
124 I 255 consid. 4b p. 262, notamment). Or, dans le cas particulier,
le
Tribunal administratif ne s'est prononcé ni sur la pesée des intérêts
ni sur
les mesures de compensation; en d'autres termes, il a admis le nouvel
état
des servitudes imposé aux recourants en faisant abstraction de règles
essentielles découlant de la garantie de la propriété (art. 26 al. 1
Cst.),
règles reprises en l'occurrence par le législateur cantonal à l'art.
93a al.
1 et 4 LAF. Ce faisant, la juridiction cantonale a violé cette norme
constitutionnelle. Cela entraîne l'admission du recours de droit
public et
l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant que cet arrêt rejette les
conclusions des actuels recourants.

2.4 En règle générale, lorsqu'il admet un recours de droit public, le
Tribunal fédéral n'est pas habilité à statuer lui-même sur le fond, à
la
place de l'autorité cantonale (à propos de la nature exclusivement
cassatoire
du recours de droit public, cf. ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5; 127 III
279
consid. 1b p. 282 et les arrêts cités). C'est donc au Tribunal
administratif
qu'il appartiendra de se prononcer, par un nouvel arrêt, sur les
critiques
des recourants à l'encontre du projet de la commission de
classification, en
examinant d'une part les restrictions qu'entraîne, pour chacun de ces
propriétaires fonciers, l'épuration des servitudes dans le périmètre
concerné, et d'autre part les compensations financières prévues.
Comme les
effets concrets de cette opération ne sont pas décrits dans l'arrêt
attaqué,
le Tribunal fédéral n'est pas à même d'apprécier si l'art. 93a LAF,
réglant
d'abord la correction de limites, constitue une base légale
suffisante pour
imposer la radiation de servitudes existantes et l'inscription de
nouvelles
servitudes foncières destinées à améliorer l'équipement en voies
d'accès
d'une partie de la zone à bâtir. Lorsque le Tribunal fédéral doit,
comme juge
constitutionnel, se prononcer sur la légalité de mesures fondées sur
le droit
cantonal, il applique du reste des critères différents selon la
gravité de la
restriction du droit de propriété (cf. ATF 126 I 213 consid. 3a p.
218, 219
consid. 2c p. 221; 121 I 117 consid. 3b/bb p. 120 et les arrêts
cités). Cette
question n'a toutefois pas à être résolue dans le présent arrêt. Cela
étant,
si le droit public cantonal permet une telle épuration des
servitudes, dans
un quartier déjà largement bâti et équipé, il conviendra d'apprécier
les
avantages respectifs de cette solution, qui impose à de nombreux
propriétaires des modifications de leurs droits réels limités, et des
diverses solutions offertes par le droit privé, notamment la
procédure de
l'art. 742 CC qui permet au propriétaire d'une parcelle bénéficiant
d'une
servitude de passage d'exiger à certaines conditions un changement
dans
l'assiette de la servitude.

3.
Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, les frais judiciaires (en
l'occurrence
l'émolument judiciaire au sens des art. 153 et 153a OJ) sont mis à la
charge
de la partie qui succombe; cependant, ils ne peuvent normalement être
exigés
des cantons ou des communes lorsque, sans que leur intérêt pécuniaire
soit en
cause, ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs
attributions officielles ou que leurs décisions sont l'objet d'un
recours
(art. 156 al. 2 OJ).
Pour statuer sur le sort des frais, il se justifie d'assimiler la
"communauté
des propriétaires" du périmètre, au nom de qui agit (implicitement) la
commission de classification, à une corporation de droit public (à
l'instar
d'un syndicat d'améliorations foncières chargé d'entreprendre un
remaniement
parcellaire - cf. art. 6 al. 2 LAF) et de renoncer à mettre à sa
charge un
émolument judiciaire. La commune d'Ollon, qui participe à l'opération
d'épuration des servitudes notamment en tant que propriétaire
foncier, et
D.________, dont les conclusions sont rejetées, doivent en revanche
supporter
un émolument judiciaire réduit.
Les recourants, assistés par un avocat, ont droit à des dépens, qui
seront
supportés à parts égales (soit un tiers chacun) par la commission de
classification (pour la "communauté des propriétaires"), la commune
d'Ollon
et D.________ (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est admis et l'arrêt rendu le 5 août 2002
par le
Tribunal administratif du canton de Vaud est annulé en tant qu'il
rejette les
conclusions des époux A.________, B.________ et C.________.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la commune
d'Ollon.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de
D.________.

4.
Une indemnité de 3'000 fr., à payer aux recourants A.________,
B.________ et
C.________, pris solidairement, à titre de dépens, est mise à la
charge, à
parts égales, de la commune d'Ollon, de D.________, et de la
Commission de
classification pour l'épuration des servitudes au lieu-dit
"Sus-la-Grangette"
à Villars-sur-Ollon.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des
recourants, de
la Municipalité de la commune d'Ollon et de D.________, à la
Commission de
classification pour l'épuration des servitudes au lieu-dit
Sus-la-Grangette à
Villars-sur-Ollon, au Département des infrastructures du canton de
Vaud
(Service des améliorations foncières) et au Tribunal administratif du
canton
de Vaud.

Lausanne, le 15 mai 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.464/2002
Date de la décision : 15/05/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-15;1p.464.2002 ?
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