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13/05/2003 | SUISSE | N°1P.141/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 mai 2003, 1P.141/2003


{T 0/2}
1P.141/2003 /col

Arrêt du 13 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
recourante, représentée par Me Sandrine Osojnak, avocate, place
St-François
11-12, case postale 3485, 1002 Lausanne,

contre

A.________, représenté par Me Xavier Michellod, avocat-stagiaire,
avenue
Juste-Olivier 11, case postale 1299, 1001 Lausan

ne,
B.________, représentée par Me Malika Turki, avocate-stagiaire, avenue
Juste-Olivier 17, case postale 3293, 1002 ...

{T 0/2}
1P.141/2003 /col

Arrêt du 13 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
recourante, représentée par Me Sandrine Osojnak, avocate, place
St-François
11-12, case postale 3485, 1002 Lausanne,

contre

A.________, représenté par Me Xavier Michellod, avocat-stagiaire,
avenue
Juste-Olivier 11, case postale 1299, 1001 Lausanne,
B.________, représentée par Me Malika Turki, avocate-stagiaire, avenue
Juste-Olivier 17, case postale 3293, 1002 Lausanne,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal
8, 1014 Lausanne.

procédure pénale; non-lieu.

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du 27
septembre 2002.

Faits:

A.
En janvier 2002, le Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord
vaudois a
ouvert une enquête pénale contre A.________, soupçonné d'avoir commis
des
actes d'ordre sexuels au préjudice de l'enfant X.________. Son épouse
B.________, grand-mère de la victime présumée, était prévenue de
complicité
dans les abus imputés à son mari.
Le dossier comporte un procès-verbal d'audition établi dans une
enquête
antérieure, ouverte contre un autre prévenu, qui portait déjà sur des
abus
sexuels perpétrés contre X.________. Le 4 décembre 1996, la police de
sûreté
avait entendu C.________, soeur de B.________, et consigné ses dires
comme
suit:
... La discussion a continué et ma soeur, B.________, s'est énervée
et a
engueulé X.________. D.________ a aussi dit que c'était la septième
fois que
X.________ racontait des histoires comme ça et qu'il n'y avait jamais
rien
eu. ...
Pouvez-vous nous donner des détails concernant les soit-disant sept
premières
affaires d'abus sexuels sur X.________ (question de l'enquêteur) ?
Non. Il me semble que ces histoires ont eu lieu lorsque X.________
habitait
encore à Yverdon. Elle était alors âgée de quatre ans, sauf erreur.
Je précise encore que A.________ a eu des comportements inadéquats
avec
X.________. En fait, j'ai toujours été étonnée de voir ce grand-papa
se
promener tout nu devant X.________. Je l'ai même surpris en train de
se tenir
le sexe et de le frotter pendant qu'elle était là. ...
Par lettre du 17 juillet 2002, le conseil de X.________ a demandé une
nouvelle audition de cette grand-tante afin d'obtenir, autant que
possible,
des précisions sur les événements auxquels elle avait fait allusion.

B.
Le 23 août 2002, le Juge d'instruction a mis fin à l'enquête par une
ordonnance de non-lieu en faveur des prévenus. Il a considéré,
notamment, que
le comportement précisément décrit par C.________ n'était
manifestement pas
répréhensible au regard de l'art. 187 CP. Pour le surplus, une
nouvelle
audition était tenue pour inutile car le témoin s'était déjà dit
incapable de
fournir des renseignements plus détaillés.
Sans succès, X.________ a contesté l'ordonnance par un recours au
Tribunal
d'accusation. Statuant le 27 septembre 2002, cette autorité a rejeté
le
recours et confirmé le non-lieu.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ requiert
le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal d'accusation pour
violation
des art. 9 et 29 al. 2 Cst. et 187 CP. A son avis, l'appréciation
juridique
des faits relatés par le témoignage de C.________ est arbitraire, et
le refus
d'une nouvelle audition de ce témoin constitue une violation de son
droit
d'être entendue.
Une demande d'assistance judiciaire est jointe au recours.
Invités à répondre, le Tribunal d'accusation, le Ministère public et
l'intimé
A.________ ont renoncé à déposer des observations; B.________ conclut
au
rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Agissant à titre de victime d'une infraction contre l'intégrité
sexuelle, la
recourante a qualité pour agir selon la jurisprudence relative à
l'art. 88 OJ
(ATF 128 I 218 consid. 1.1 p. 219; 121 IV 317 consid. 3 p. 323; 120
Ia 101
consid. 2f p. 109); il est ici sans importance qu'elle n'ait pas pris
de
conclusions civiles déjà au stade de l'enquête (ATF 127 IV 185
consid. 1a p.
187 in medio).

2.
En vertu de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit public n'est
recevable
que dans la mesure où les griefs soulevés ne peuvent pas être
présentés au
Tribunal fédéral par un autre moyen de droit, tel que le pourvoi en
nullité à
la Cour de cassation du Tribunal fédéral. Celui-ci est ouvert contre
les
ordonnances de non-lieu rendues en dernière instance cantonale,
relatives à
des infractions de droit pénal fédéral (art. 247 al. 1, 268 ch. 2
PPF); il
peut être formé pour violation du droit fédéral, sauf les droits
constitutionnels (art. 269 PPF; ATF 124 IV 137 consid. 2e p. 141).
En l'occurrence, les critiques dirigées contre l'appréciation du
témoignage
précité, au regard de l'art. 187 CP, portent sur une application
prétendument
incorrecte de cette disposition. Elles pouvaient être soulevées par
la voie
du pourvoi en nullité, de sorte qu'elles sont irrecevables par celle
du
recours de droit public.

3.
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère aux
parties,
notamment, le droit d'obtenir l'administration des preuves qu'elles
ont
valablement offertes, à moins que celles-ci ne portent sur un fait
dépourvu
de pertinence ou qu'elles soient manifestement inaptes à faire
apparaître la
vérité quant au fait en cause. Par ailleurs, le juge est autorisé à
effectuer
une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut
admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire
offerte
par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser
d'administrer cette preuve (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211, 122 V 157
consid. 1d p. 162, 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505).
L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal
fédéral
n'invalide la solution retenue par le juge de la cause que si elle
apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective
ou
adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que les motifs
retenus soient
insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit arbitraire
dans son
résultat. Il ne suffit pas non plus qu'une solution différente puisse
être
tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF
127 I 38
consid. 2 p. 40, 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid. 2a p.
168).
L'art. 90 al. 1 let. b OJ exige que l'acte de recours contienne un
exposé des
faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des
principes juridiques tenus pour violés, précisant en quoi consiste la
violation. Lorsqu'il se plaint d'arbitraire, le recourant doit
préciser de
façon détaillée en quoi la juridiction ou l'autorité intimée s'est
gravement
trompée et est ainsi parvenue à une décision manifestement erronée ou
injuste; une argumentation qui ne satisfait pas à cette exigence est
irrecevable (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495, 117 Ia 10 consid. 4b p.
11/12,
110 Ia 1 consid. 2a p. 3).

4.
Le Tribunal d'accusation retient que si la grand-tante C.________
avait eu
connaissance d'éléments concluants en rapport avec d'éventuels abus
sexuels
commis par A.________, elle les aurait communiqués d'emblée lors de
son
audition dans la précédente enquête. A cela, la recourante oppose
qu'une
nouvelle audition permettrait peut-être de faire préciser si
"A.________ se
frottait le sexe de façon tout à fait anodine ou au contraire s'il se
masturbait devant la recourante". Elle fait aussi valoir qu'en
général, les
abus sexuels sont commis en l'absence de tout témoin; elle tient donc
pour
choquant de lui refuser une mesure d'instruction très simple telle
qu'une
nouvelle audition de la grand-tante.
Cette argumentation, bien que longuement développée, se résume à une
simple
confrontation de l'opinion personnelle de la recourante à celle,
différente,
des précédents juges. Elle ne paraît donc pas satisfaire aux exigences
précitées relatives à l'art. 90 al. 1 let. b OJ. De toute manière, la
lecture
du procès-verbal d'audition permet de reconnaître sans équivoque que
C.________ a sincèrement décrit tous les faits dont elle avait
connaissance
et qui se reliaient à d'éventuels abus subis par la victime, quel
qu'en fût
l'auteur. Par conséquent, le Juge d'instruction pouvait sans
arbitraire
admettre qu'une audition supplémentaire n'apporterait, à l'appui de
l'accusation, aucun élément nouveau et substantiel. Pour le surplus,
le droit
d'être entendu ne permet pas d'exiger un interrogatoire simplement
vétilleux
ou répétitif. Le grief tiré de l'art. 29 al. 2 Cst. se révèle donc
mal fondé,
ce qui entraîne le rejet du recours.

5.
Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance
judiciaire à une partie à condition que celle-ci soit dans le besoin
et que
ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec. La
recourante
semble effectivement dépourvue de ressources, mais la procédure
entreprise
devant le Tribunal fédéral n'avait manifestement aucune chance de
succès. La
demande d'assistance judiciaire doit dès lors être rejetée.
La recourante doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens à
allouer à
l'intimée qui a déposé une réponse au recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
La recourante acquittera les sommes suivantes:
a)un émolument judiciaire de 1'000 fr.;
b)une indemnité de 500 fr. à verser à l'intimée B.________ à titre de
dépens.

4.
Il n'est pas alloué de dépens à A.________.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Procureur général et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 mai 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.141/2003
Date de la décision : 13/05/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-13;1p.141.2003 ?
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