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12/05/2003 | SUISSE | N°I.779/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mai 2003, I.779/02


{T 7}
I 779/02

Arrêt du 12 mai 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

D.________, recourant, représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat,
avenue
Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 9 septembre 2002)

Faits :

A.
A.a L'O

ffice de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud
(ci-après:
l'office AI) a, par décision du 19 janvier 1995, alloué à D.__...

{T 7}
I 779/02

Arrêt du 12 mai 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

D.________, recourant, représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat,
avenue
Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 9 septembre 2002)

Faits :

A.
A.a L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud
(ci-après:
l'office AI) a, par décision du 19 janvier 1995, alloué à D.________,
alors
domicilié à Z.________ (Vaud), une demi-rente d'invalidité, assortie
de
rentes complémentaires pour enfant, à partir du 1er juin 1994.

Dès novembre 1996, l'office AI a procédé à diverses mesures
d'instruction
dans le cadre d'une procédure de révision. Le 19 juillet 2000, il a
avisé
l'assuré qu'il n'avait plus droit à une demi-rente, motif pris que
son état
de santé s'était amélioré et que sa capacité de travail dans son
métier de
boulanger était à nouveau de 100% pour autant qu'il ne porte pas de
charges
lourdes. Par décision du 9 août 2000, l'office AI a confirmé la
suppression
de la rente avec effet au plus tôt le premier jour du deuxième mois
suivant
la notification de celle-ci.

B.
B.aPar écriture datée du 29 janvier 2001, D.________, entre-temps
domicilié à
Y.________ (Fribourg), a fait recours contre cette décision devant le
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales,
en concluant à son annulation, ainsi qu'au renvoi du dossier à
l'administration pour instruction complémentaire et nouvelle
décision. Entre
autres motifs, il indiquait n'avoir jamais reçu la décision du 9 août
2000.
S'étant inquiété de savoir pourquoi sa rente ne lui était plus
versée, il
avait consulté un avocat, lequel avait interpellé l'office AI à cet
égard. En
réponse, le 10 janvier 2001, l'office AI avait adressé au conseil de
l'assuré
une copie de sa décision. Selon D.________, la communication du 10
janvier
2001 devait être considérée comme valant notification de la décision
de
suppression de la demi-rente.

Par jugement du 12 mars 2001, le Tribunal administratif fribourgeois,
Cour
des assurances sociales, a déclaré irrecevable le recours de
D.________ et
l'a transmis au Tribunal cantonal des assurances du canton de Vaud
comme
objet de sa compétence.

B.b Appelé à préciser les circonstances de la notification du projet
de
décision du 19 juillet 2000, ainsi que de la décision du 9 août
suivant de
l'office AI, l'assuré a, par l'intermédiaire de son conseil, expliqué
avoir
reçu ledit projet et pris contact par téléphone avec l'administration
pour
faire part de son désaccord. Il lui fut répondu qu'il avait la
possibilité de
recourir contre la décision qui lui parviendrait à un stade
ultérieur. Il
confirme n'avoir cependant jamais reçu la décision litigieuse.
S'apercevant à
la fin du mois d'octobre ou au début du mois de novembre 2000 qu'il ne
touchait plus de prestations de l'assurance-invalidité, il a alors
consulté
un avocat qui l'a reçu à une première entrevue le 23 novembre 2000. Ce
dernier est intervenu par courrier du 28 novembre suivant auprès de
l'office
AI pour requérir le dossier complet de son client.

Le Tribunal cantonal vaudois des assurances a «écarté
préjudiciellement» le
recours de l'assuré pour cause de tardiveté par jugement du 9
septembre 2002.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation. Il conclut, sous suite de dépens, au renvoi
de la
cause à la juridiction cantonale pour décision sur le fond.

L'office AI conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
En procédure fédérale, l'objet du litige est limité à une question de
nature
purement procédurale, puisqu'il s'agit d'examiner si le recours
interjeté par
l'assuré contre la décision de l'intimé de supprimer ses prestations
est ou
non tardif. Le Tribunal fédéral des assurances ne saurait en revanche
se
prononcer sur le fond du litige (ATF 117 V 122 consid. 1 et les
références).

2.
2.1Aux termes de l'art. 84 al. 1 LAVS, applicable en vertu de l'art.
69 LAI,
(dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 [entrée en
vigueur de
la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales,
LPGA, au 1er janvier 2003], applicable en l'espèce [ATF 127 V 467
consid. 1,
121 V 366 consid. 1b]), les intéressés peuvent, dans les 30 jours dès
la
notification, interjeter recours contre les décisions des caisses de
compensation.

La preuve de la notification d'une décision administrative et de la
date à
laquelle cette notification a eu lieu incombe, en principe, à
l'administration. Celle-ci supporte les conséquences de l'absence de
preuve,
en ce sens que si la notification, ou sa date, sont contestées, et
qu'il
existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder
sur les
déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 124 V 402 consid. 2a,
103 V 66
consid. 2a; RAMA 1997 no U 288 p. 444 consid. 2b et les références).

2.2 La notification de la décision du 9 août 2000 est contestée par le
recourant qui affirme n'avoir eu connaissance de l'existence de
celle-ci qu'à
la mi-janvier 2001, par l'intermédiaire de son avocat.

En l'occurrence, l'intimé, qui a notifié sa décision sous pli simple,
n'a pas
apporté la preuve de la notification de celle-ci, de sorte qu'elle
doit
supporter le risque inhérent à une telle modalité d'envoi.

3.
3.1Conformément à la jurisprudence, l'absence de notification d'une
décision
administrative ne doit pas nuire à la personne qui a le droit de
recourir; le
délai de recours ne commence à courir qu'au moment où elle a eu
connaissance
de cette décision; elle ne peut cependant retarder ce moment selon
son bon
plaisir: en vertu du principe de la bonne foi, elle est tenue de se
renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'elle
peut en
soupçonner l'existence, à défaut de quoi elle risque de se voir
opposer
l'irrecevabilité de son recours pour cause de tardiveté (SJ 2000 I p.
121
consid. 4 et les références).

3.2 Selon les premiers juges, le recourant savait, conformément au
projet de
décision du 19 juillet 2000 et à l'entretien téléphonique subséquent
avec
l'administration, qu'une décision de suppression de sa rente allait
être
rendue à son encontre. Dès lors, il aurait été tenu, en vertu du
principe de
la bonne foi, de se renseigner à nouveau auprès de l'intimé dès qu'il
pouvait
se rendre compte que le versement des prestations avait cessé, soit
au plus
tard au début du mois d'octobre 2000, afin de s'enquérir des motifs
de cette
suppression. En se contentant de prendre rendez-vous chez un avocat et
d'attendre le résultat de leur première entrevue - qui a eu lieu le 23
novembre 2000 - pour contester ensuite la décision de l'intimé, il
n'aurait
pas fait preuve de la diligence requise par les circonstances, de
sorte que
son recours devrait être considéré comme tardif.

3.3 Ce raisonnement ne saurait être suivi. Si, avec les premiers
juges, on
constate que le recourant devait s'attendre, à la suite de la
communication
de l'intimé du 19 juillet 2000, à ce que la demi-rente d'invalidité
versée
jusque-là soit supprimée, il était également en droit de penser,
conformément
à l'entretien qu'il a eu avec l'intimé à réception du projet de
décision -
dont celui-ci ne conteste ni l'existence, ni la teneur -, qu'une
décision
formelle allait précéder la cessation des paiements. Ainsi, on peut
comprendre que D.________ n'ait pas immédiatement réagi au moment où
le
versement des prestations de l'assurance-invalidité a pris fin le 1er
octobre
2000, puisqu'il attendait que lui soit notifiée une décision de
suppression
contre laquelle il aurait pu recourir. En entreprenant une démarche
concrète
seulement à la fin du mois d'octobre, voire au début du mois de
novembre
2000, le recourant n'a pas laissé s'écouler un laps de temps
tellement long
qu'on puisse lui reprocher d'avoir retardé le moment où il pouvait
prendre
connaissance de la décision litigieuse.

De même, ne saurait-on lui tenir rigueur du fait qu'il a pris
rendez-vous
avec un avocat au lieu de s'adresser directement à l'intimé. En
effet, étant
donné l'attitude contradictoire, aux yeux du recourant, de
l'administration,
laquelle supprime sa demi-rente sans avoir rendu une décision
formelle dont
elle lui avait pourtant annoncé la notification préalable, le recours
à un
homme de loi apparaît comme une démarche tout à fait appropriée. Pour
sa
part, le conseil du recourant a agi avec célérité puisqu'il s'est
adressé à
l'intimé le 28 novembre 2000, afin de pouvoir consulter le dossier de
son
client. Que l'échange de courriers entre l'avocat et l'intimé ait
ensuite
pris un certain temps, puisque l'administration n'a pris position sur
les
circonstances de la notification de la décision litigieuse que le 10
janvier
2001, ne peut pas non plus être retenu en défaveur du recourant.

Dans ces circonstances, et au regard du principe de la bonne foi, on
ne
saurait retenir que le recours cantonal daté du 29 janvier 2001
contre la
décision du 9 août 2000 est tardif. Partant, c'est à tort que les
premiers
juges ne sont pas entrés en matière sur cette écriture. Dès lors, il
convient
d'annuler le jugement cantonal et de renvoyer la cause à l'instance
judiciaire de première instance afin qu'elle examine le litige sur le
fond,
pour autant que les autres conditions de recevabilité - non examinées
ici -
du recours cantonal soient remplies.

4.
Le litige, qui a pour objet un jugement d'irrecevabilité, ne concerne
pas
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, si bien que la
procédure
n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). L'intimé qui s'est
entièrement
rallié à l'appréciation des premiers juges et, partant, a
implicitement
conclu au rejet du recours, succombe, de sorte qu'il supportera les
frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ). Par
ailleurs, le recourant a droit à des dépens pour l'instance fédérale
(art.
159 al. 1 en liaison avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du 9 septembre 2002 du Tribunal
cantonal
des assurances du canton de Vaud est annulé, l'affaire étant
renvoyée audit
tribunal pour jugement au sens des motifs.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 1'800 fr. (y compris la
taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 mai 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Juge présidant la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.779/02
Date de la décision : 12/05/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-12;i.779.02 ?
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