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12/05/2003 | SUISSE | N°1P.30/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mai 2003, 1P.30/2003


{T 0/2}
1P.30/2003 /dxc

Arrêt du 12 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
recourant,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, case postale
3108, 1211
Genève 3.

Condamnation pénal

e; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du
canton de
Genève du 25 novembre...

{T 0/2}
1P.30/2003 /dxc

Arrêt du 12 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
recourant,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, case postale
3108, 1211
Genève 3.

Condamnation pénale; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du
canton de
Genève du 25 novembre 2002.

Faits:

A.
Le 27 juillet 2000, l'office des poursuites de l'arrondissement
Arve-Lac, à
Genève, a effectué la saisie des gains futurs de X.________, avocat, à
concurrence de 1'250 fr. par mois. Sur la base des déclarations du
débiteur,
l'office avait évalué ses gains nets à 5'000 fr. par mois en moyenne.
Les sommes saisies ne furent pas remises à l'office, de sorte que
X.________,
prévenu de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de
justice
(art. 169 CP), fut déféré au Tribunal de police du canton de Genève.

B.
A l'audience du 8 avril 2002, X.________ a expliqué qu'il ne
parvenait pas à
se procurer le revenu de 5'000 fr. par mois qui lui eût permis de
satisfaire
à ses obligations. Il ne détenait aucune pièce apte à établir sa
situation
financière. Le bouclement de son bilan 2001 était "en cours" et il
prévoyait
que ce document serait disponible après une quinzaine de jours. Un
délai
correspondant à ce laps de temps lui fut ainsi imparti pour produire,
notamment, cette pièce et son compte de pertes et profits. A la
demande du
prévenu, ce délai fut prolongé, mais aucun document ne parvint au
tribunal.
Le Tribunal de police a statué sur la cause pénale le 30 mai 2002.
Considérant que le prévenu n'avait pas établi son incapacité de
verser les
sommes saisies en ses mains, il l'a reconnu coupable de l'infraction
précitée
et l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, le délai
d'épreuve
étant fixé à quatre ans.

X. ________ a contesté le jugement par un appel à la Cour de justice.
Devant
cette juridiction, à l'audience du 23 septembre 2002, l'appelant a
persisté
dans ses déclarations antérieures. Il n'a remis aucun document
comptable au
motif que le bilan 2001 n'était pas encore bouclé. Il a produit
seulement un
relevé de compte bancaire et quelques actes de défaut de biens
concernant des
clients insolvables.
Par arrêt du 25 novembre 2002, la Cour de justice a rejeté l'appel et
confirmé le jugement. Elle a retenu que l'appelant avait réalisé un
revenu de
5'000 fr. par mois pendant la durée de la saisie.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ requiert
le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice. Il soutient
que sur
divers points, les conditions de la punissabilité ne sont pas
satisfaites;
par ailleurs, il conteste le revenu précité et reproche à la Cour de
justice
de n'avoir pas cherché, par une enquête appropriée, à constater ses
revenus
effectifs. Sur ce point, il se plaint de violation de la présomption
d'innocence, de violation du droit d'être entendu et de constatation
arbitraire des faits.
Invités à répondre, la Cour de justice et le Procureur général du
canton de
Genève proposent le rejet du recours, sans déposer d'observations.

D.
Par décision du 20 janvier 2003, le Tribunal fédéral a rejeté une
demande
d'assistance judiciaire du recourant.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En vertu de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit public n'est
recevable
que dans la mesure où les griefs soulevés ne peuvent pas être
présentés au
Tribunal fédéral par un autre moyen de droit, tel que le pourvoi en
nullité à
la Cour de cassation du Tribunal fédéral. Celui-ci est ouvert contre
les
jugements cantonaux de dernière instance relatifs à des infractions
de droit
pénal fédéral (art. 247 al. 1, 268 ch. 2 PPF); il peut être formé pour
violation du droit fédéral, sauf les droits constitutionnels (art.
269 PPF;
ATF 124 IV 137 consid. 2e p. 141).
En l'occurrence, le recourant fait notamment valoir que ses
créanciers n'ont
subi aucun dommage car ils ont été payés avant le jugement, que la
saisie ne
portait pas sur une valeur patrimoniale effective et que, par
conséquent,
toutes les conditions de la répression prévue par l'art. 169 CP
n'étaient pas
réunies. Ces critiques pouvaient être soulevées par la voie du
pourvoi en
nullité; elle sont donc irrecevables par celle du recours de droit
public.

2.
Saisi d'un recours de droit public dirigé contre une condamnation
pénale, le
Tribunal fédéral ne revoit la constatation des faits et
l'appréciation des
preuves qu'avec un pouvoir d'examen limité à l'arbitraire, car il ne
lui
appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du juge
de la
cause. A cet égard, la présomption d'innocence garantie par les art.
6 par. 2
CEDH et 32 al. 1 Cst., à laquelle le recourant se réfère également,
n'offre
pas de protection plus étendue que celle contre l'arbitraire conférée
par
l'art. 9 Cst. Elle n'est invoquée avec succès que si le recourant
démontre
qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des
preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et
irréductibles sur
la culpabilité du prévenu (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86
consid. 2a
p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40).
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère au
prévenu,
notamment, le droit d'obtenir l'administration des preuves qu'il a
valablement offertes, à moins que celles-ci ne portent sur un fait
dépourvu
de pertinence ou qu'elles soient manifestement inaptes à faire
apparaître la
vérité quant au fait en cause. Par ailleurs, le juge est autorisé à
effectuer
une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut
admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire
serait
impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve
(ATF
124 I 208 consid. 4a p. 211; 122 V 157 consid. 1d p. 162; 119 Ib 492
consid.
5b/bb p. 505).
L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal
fédéral
n'invalide la solution retenue par le juge de la cause que si elle
apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective
ou
adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que les motifs du
verdict
soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit
arbitraire
dans son résultat. Il ne suffit pas non plus qu'une solution
différente
puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même
préférable
(ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58; 127 I 38 consid. 2 p. 40; 126 I 168
consid. 3a
p. 170; voir aussi ATF 129 I 8 consid. 2.1 in fine p. 9).

3.
La constatation litigieuse, selon laquelle le recourant a perçu un
revenu
mensuel de 5'000 fr. pendant la durée de la saisie, est fondée sur
l'évaluation de l'office des poursuites, évaluation qui reposait
elle-même
sur des déclarations du recourant. La Cour de justice a pris en
considération
que ce dernier n'a pas mis l'évaluation en doute avant d'être
interrogé dans
la procédure pénale. Elle a jugé que dans ces circonstances, il lui
eût
incombé de fournir des éléments permettant de constater, le cas
échéant,
qu'il n'avait pas réalisé un revenu aussi important; elle a également
jugé
que les pièces produites par lui n'étaient pas concluantes à cet
égard.
Au besoin, dans des situations qui appellent assurément une
explication de la
part du prévenu, son silence peut être pris en considération pour
apprécier
la force de persuasion des éléments à charge, sans que cela ne
constitue une
atteinte à son droit de se taire et de ne pas témoigner contre
soi-même, ni
une atteinte à la présomption d'innocence (arrêt 1P.641/2000 du 24
avril
2001, consid. 3, RUDH 2001 p. 115). Une telle situation était
réalisée en
l'occurrence, compte tenu que le recourant avait déterminé l'office
des
poursuites à constater un revenu mensuel de 5'000 fr. et que, par la
suite,
il n'avait aucunement cherché à obtenir une modification de la saisie
selon
l'art. 93 al. 3 LP.
Dans la poursuite pénale, le recourant s'est abstenu d'alléguer, même
de
façon seulement approximative, le revenu plus faible qu'il aurait
effectivement perçu. Sans les mettre à profit, il a disposé des délais
nécessaires pour établir et produire des documents comptables, tels
qu'un
bilan, auxquels il semble avoir lui-même fait allusion. Par ailleurs,
la Cour
de justice retient sans arbitraire qu'un simple relevé de compte en
banque ne
permet aucune constatation sûre quant au revenu du titulaire, et
c'est aussi
en vain, dans la perspective d'une constatation de ce genre, que le
recourant
prétend avoir proposé des renseignements concernant l'ampleur de ses
charges
privées.
Dans ces conditions, la constatation fondée sur l'évaluation de
l'office des
poursuites se révèle compatible avec les garanties constitutionnelles
en
cause, ce qui entraîne le rejet du recours.

4.
Le recourant qui succombe doit acquitter l'émolument judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Procureur
général
et à la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 12 mai 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.30/2003
Date de la décision : 12/05/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-12;1p.30.2003 ?
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