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09/05/2003 | SUISSE | N°8G.15/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 mai 2003, 8G.15/2003


{T 0/2}
8G.15/2003 /svc

Séance du 9 mai 2003
Chambre d'accusation

MM. les Juges Karlen, Président,
Fonjallaz et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________,
Y.________,
tous les deux représentés par Me Graziella Burnand, avocate, place
St-François 7, case postale 3640,
1002 Lausanne,

contre

Juge d'instruction du canton de Vaud,
rue du Valentin 34, 1014 Lausanne,
Staatsanwaltschaft des Kantons Aargau,
Frey-Herosé-Strasse 12, 5001 Aarau,
P.________, représenté par Me Maurice

Turrettini, avocat, rue de
Hesse 8-10,
case postale 5715,
1211 Genève 11.

contestation au sujet du for.

F...

{T 0/2}
8G.15/2003 /svc

Séance du 9 mai 2003
Chambre d'accusation

MM. les Juges Karlen, Président,
Fonjallaz et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________,
Y.________,
tous les deux représentés par Me Graziella Burnand, avocate, place
St-François 7, case postale 3640,
1002 Lausanne,

contre

Juge d'instruction du canton de Vaud,
rue du Valentin 34, 1014 Lausanne,
Staatsanwaltschaft des Kantons Aargau,
Frey-Herosé-Strasse 12, 5001 Aarau,
P.________, représenté par Me Maurice Turrettini, avocat, rue de
Hesse 8-10,
case postale 5715,
1211 Genève 11.

contestation au sujet du for.

Faits:

A.
Le 6 juin 2001, P.________ a déposé plainte pénale contre X.________
et
Y.________, pour diffamation et calomnie, auprès du Juge
d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne. Cette plainte visait un article paru à
son
sujet le ... 2001 dans le journal "dimanche.ch" et qui constituait la
traduction d'un article paru dans le "Sonntagsblick" du même jour
sous la
plume de X.________ et Y.________.

Dans sa plainte, P.________ exposait que le Juge d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne était compétent en vertu de l'art. 347
CP dès
lors que le journal "dimanche.ch" avait son siège à Lausanne. En
réalité, les
journaux "Sonntagsblick" et "dimanche.ch" sont tous deux édités par
Ringier
SA, dont le siège social est à Zofingen et qui ne dispose à Lausanne
que d'un
établissement de fait.

B.
Dans un premier temps, X.________ et Y.________ ont vainement tenté de
trouver un arrangement amiable avec le plaignant, ce qui a entraîné
plusieurs
reports d'audiences. En fin de compte, le Juge d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne a entendu le plaignant le 19 mars 2002.
Quant
aux prévenus, après avoir obtenu le renvoi pour raisons
professionnelles
d'une audience fixée au 2 mai 2002, ils ont été entendus le 18 juin
2002 en
présence d'une interprète de langue allemande, puis avisés par lettre
du 3
septembre 2002 de leur inculpation pour diffamation, subsidiairement
calomnie.

Par lettre du 21 juin 2002, P.________ a pris position sur le
procès-verbal
de l'audition du 18 juin 2002 et a prié le Juge d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne de considérer sa lettre comme une
nouvelle
plainte pénale à raison des propos tenus par les prévenus lors de leur
audition.

Le 7 octobre 2002, le magistrat instructeur a adressé aux parties un
avis de
prochaine clôture de l'enquête et leur a imparti, en application de
l'art.
188 al. 1 CPP/VD, un délai pour consulter le dossier, formuler toute
réquisition ou produire toutes pièces utiles.

Le 5 novembre 2002, les inculpés ont requis le magistrat instructeur
de
constater son incompétence au regard de l'art. 347 CP et de
transmettre le
dossier au Juge d'instruction cantonal afin que celui-ci saisisse
l'autorité
compétente; à titre subsidiaire, ils ont requis l'audition comme
témoins de
neuf personnes (dont trois à l'étranger) et la production de pièces
en mains
de trois de ces personnes.

C.
Le Juge d'instruction cantonal vaudois et le Ministère public du
canton
d'Argovie ont alors procédé à un échange de vues au sujet du for,
dans le
cadre duquel le second a décliné sa compétence en arguant que le lieu
d'édition effectif de "dimanche.ch" était à Lausanne. Finalement, le
magistrat vaudois, bien que déclarant ne pas être certain que le
point de vue
de l'autorité argovienne résiste à une analyse juridique fine, a
admis que le
for avait été accepté par le canton de Vaud par actes concluants.

Les inculpés ayant requis une décision formelle sur la question du for
intercantonal, le Juge d'instruction cantonal vaudois leur a confirmé
par
lettre du 10 février 2003 que le canton de Vaud avait accepté sa
compétence
et leur a indiqué qu'en l'absence de voie de recours au Tribunal
d'accusation
vaudois, une plainte au sujet du for était toujours possible auprès
de la
Chambre d'accusation du Tribunal fédéral.

D.
Par plainte au sujet du for intercantonal du 20 février 2003, les
inculpés
demandent à la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral de constater
la
compétence des autorités argoviennes et d'ordonner aux autorités
vaudoises de
transmettre le dossier aux autorités compétentes du canton d'Argovie.

Dans ses déterminations sur cette plainte, le Juge d'instruction
cantonal
vaudois expose que le for légal de l'action pénale se situe
incontestablement
en Argovie et que le for vaudois a été accepté en opportunité, "par
gain de
paix", face au refus des autorités argoviennes de reprendre le
dossier; il
s'en remet dès lors à justice.

Le Ministère public du canton d'Argovie renonce à se déterminer sur la
plainte au sujet du for, tout en réitérant son avis selon lequel le
for est
dans le canton de Vaud, lequel a accepté sa compétence.

Dans ses déterminations, P.________ conclut avec suite de frais et
dépens au
rejet de la plainte au sujet du for intercantonal et à la
confirmation de la
décision rendue le 10 février 2003 par le Juge d'instruction cantonal
du
canton de Vaud.

La Chambre considère en droit:

1.
1.1 L'art. 351 CP dispose que s'il y a contestation sur l'attribution
de la
compétence entre les autorités de plusieurs cantons, le Tribunal
fédéral
désignera le canton qui a le droit et le devoir de poursuivre et de
juger.
Ces contestations relèvent de la compétence de la Chambre
d'accusation du
Tribunal fédéral (art. 264 PPF). L'inculpé a qualité pour contester la
compétence locale d'un canton devant la Chambre d'accusation (art.
264 PPF),
cela même en présence d'un accord entre les autorités (cf. ATF 120 IV
146 et
282; 116 IV 83 consid. 1b; 76 IV 271; 71 IV 55 consid. 1; 69 IV 189
et les
arrêts cités) et même s'il s'agit d'une infraction qui n'est
poursuivie que
sur plainte (ATF 122 IV 250 consid. 1c et 1d). Il n'est pas tenu
d'agir dans
un délai précis, mais dans un laps de temps raisonnable à partir du
moment où
il a connaissance des éléments nécessaires (ATF 120 IV 146 consid. 1,
282
consid. 2; 128 IV 225 consid. 2.3 in fine, 232 consid. 3.1; 86 IV 65
consid.
1 et les arrêts cités). S'agissant des exigences relatives au contenu
de la
requête en fixation de for, respectivement de la plainte au sujet du
for,
celle-ci doit être rédigée de telle manière que la Chambre
d'accusation y
trouve tous les éléments de fait pertinents et nécessaires à la
détermination
du for sans parcourir les dossiers cantonaux (ATF 121 IV 224 consid.
1; 117
IV 90 consid. 2b; 116 IV 175 consid. 1; 112 IV 142 consid. 1; 79 IV 45
consid. 1).

1.2 En l'espèce, les prévenus, après avoir été entendus le 18 juin
2002 et
avisés de leur inculpation par lettre du 3 septembre 2002, ont
demandé le 5
novembre 2002 au Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne de
constater son incompétence au regard de l'art. 347 CP et de
transmettre le
dossier au Juge d'instruction cantonal afin que celui-ci saisisse
l'autorité
compétente. Au terme de l'échange de vues qui s'en est suivi entre le
Ministère public du canton d'Argovie et le Juge d'instruction cantonal
vaudois, ce dernier a confirmé le 10 février 2003 aux inculpés que le
canton
de Vaud avait accepté sa compétence et leur a indiqué la voie de la
plainte
au sujet du for auprès de la Chambre de céans. Contrairement à
l'opinion de
P.________, on peut ainsi admettre qu'en saisissant la Chambre de
céans d'une
plainte au sujet du for le 20 février 2003, les inculpés ont agi dans
un
délai raisonnable à partir du moment où ils ont eu connaissance des
éléments
nécessaires. Il convient dès lors d'entrer en matière sur leur
plainte, qui
expose à satisfaction les éléments de fait pertinents et nécessaires
à la
détermination du for.

2.
2.1Le transfert du for de la poursuite pénale, après que les cantons
se sont
mis d'accord à son sujet, est admissible uniquement en présence de
motifs
déterminants (ATF 120 IV 282 consid. 3a; 107 IV 158 consid. 1; 98 IV
205
consid. 2 et les nombreux arrêts cités). Le but premier étant de
sauvegarder
la rapidité et l'efficacité des poursuites pénales, une modification
du for
doit demeurer l'exception et se justifie en principe uniquement
lorsque des
motifs d'économie de procédure ou la nécessité de tenir compte de
faits
nouveaux le commandent instamment (ATF 120 IV 282 consid. 3a; 72 IV 39
consid. 1 et les références citées). Cela étant, un inculpé peut
obtenir le
transfert du for reposant sur un accord intercantonal si cet accord
résulte
d'un abus du pouvoir d'appréciation laissé aux cantons en matière de
fixation
de for, abus qui constitue une violation du droit fédéral (ATF 119 IV
250
consid. 3c; 117 IV 90 consid. 4a; 116 IV 83 consid. 4a; 107 IV 159
consid. 1;
98 IV 208 consid. 2 et les références citées). Il y a notamment abus
de ce
pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité de poursuite d'un canton
reconnaît
sa compétence, en se fondant manifestement sur des considérations
juridiques
erronées, alors qu'aucun point de rattachement ne se trouve sur le
territoire
cantonal (ATF 119 IV 250 consid. 3; cf. ATF 116 IV 83 consid. 4).

2.2 En revanche, l'autorité garde la latitude, dans le cadre de son
pouvoir
d'appréciation, de reconnaître à titre exceptionnel sa compétence en
dérogation au for légal, lorsque cette décision se fonde sur des
motifs
sérieux. En effet, selon la jurisprudence découlant notamment des
art. 351 CP
et 264 PPF, il est exceptionnellement possible de déroger au for
légal pour
des motifs sérieux (ATF 128 IV 225 consid. 3.4; 123 IV 23 consid. 3a;
ATF 121
IV 224 consid. 3a et la jurisprudence citée; 116 IV 83 consid. 4a et
la
jurisprudence citée). Quoique la possibilité d'une telle dérogation
ne soit
prévue par les art. 262 et 263 PPF que pour les fors en cas de
participation
et en cas de concours d'infractions (art. 349 et 350 CP), la
jurisprudence
l'a également admise pour le for du lieu de commission de l'art. 346
CP
(arrêt 8G.130/2002 destiné à la publication, consid. 1; ATF 85 IV 204
consid.
2; 72 IV 192; 71 IV 60). Le Tribunal fédéral a de même admis la
possibilité
de déroger au for en matière de presse de l'art. 347 CP, dans une
affaire où
il a décidé de joindre, pour des motifs d'opportunité, les actions
pénales
intentées aux lieux respectifs où paraissaient deux journaux ayant
publié le
même article litigieux (ATF 79 IV 51 consid. 3).

2.3 Sur le vu de ce qui précède, il convient en premier lieu
d'examiner quel
est en l'occurrence le for légal au regard de l'art. 347 al. 1 CP,
dont il
n'est pas contesté qu'il soit applicable à la présente espèce
s'agissant
d'une infraction commise par la voie de la presse au sens de l'art.
27 CP.

2.3.1 L'art. 347 CP a été modifié par la loi du 10 octobre 1997
relative au
droit pénal et à la procédure pénale des médias (cf. RO 1998 852 ss;
FF 1996
IV 533 ss). Cette loi ayant étendu le champ d'application de l'art.
347 CP
aux infractions commises par d'autres médias que la presse, le for du
lieu
d'édition de l'imprimé de l'ancien art. 347 al. 1 CP a été déplacé au
lieu où
l'entreprise de médias a son siège (cf. le Message du Conseil
fédéral, FF
1996 IV 533 ss, 576). Ainsi, dans sa nouvelle teneur en vigueur
depuis le 1er
avril 1998, l'art. 347 CP dispose à son alinéa premier que pour les
infractions prévues à l'art. 27 CP (infractions commises par la voie
de la
presse) commises en Suisse, la compétence appartient à l'autorité du
lieu où
l'entreprise de médias a son siège; si l'auteur est connu et qu'il
réside en
Suisse, l'autorité du lieu où il réside est également compétente;
dans ce
cas, l'infraction sera poursuivie au lieu où la première instruction
a été
ouverte; en cas d'infractions poursuivies sur plainte, l'ayant droit
peut
choisir entre les deux fors.

2.3.2 En l'espèce, l'entreprise Ringier SA, qui publie le journal
"dimanche.ch" dans lequel a paru l'article litigieux, a son siège
social à
Zofingen, dans le canton d'Argovie. Quant aux auteurs de l'article,
qui sont
connus, ils résident l'un (X.________) dans le canton d'Argovie, et
l'autre
(Y.________) dans le canton de Zurich. Il n'y a donc manifestement
aucun
point de rattachement dans le canton de Vaud au regard de l'art. 347
al. 1
CP. Le fait que P.________ ait ensuite déclaré déposer une nouvelle
plainte
pénale à raison des propos tenus par les prévenus lors de leur
audition du 18
juin 2002 ne saurait créer a posteriori un for dans le canton de Vaud
pour
les infractions commises par la voie de la presse.

2.3.3 Apparemment, le Juge d'instruction de l'arrondissement de
Lausanne n'a
pas vérifié l'affirmation ¿ erronée ¿ contenue dans la plainte, selon
laquelle sa compétence au regard de l'art. 347 CP découlait du fait
que le
journal "dimanche.ch" avait son siège à Lausanne. Ensuite, alors que
les
inculpés avaient contesté la compétence des autorités vaudoises au
regard de
l'art. 347 CP et que les autorités argoviennes avaient refusé de se
saisir de
l'affaire, le Juge d'instruction cantonal vaudois a admis que le for
avait
été accepté par le canton de Vaud par actes concluants. Il a ainsi
appliqué,
en opportunité et "par gain de paix", le principe selon lequel
l'autorité
d'un canton qui ouvre une procédure pénale et l'instruit pendant un
temps
relativement long sans transmettre la cause à l'autorité d'un autre
canton
qu'elle estime compétente,
reconnaît par actes concluants sa propre
compétence (cf. ATF 88 IV 42).

2.4 Il n'en découle pas pour autant que les inculpés ne puissent pas
obtenir
le transfert du for que les autorités vaudoises, au terme de
l'échange de
vues avec le canton d'Argovie, ont accepté de conserver dans le
canton de
Vaud pour des raisons de seule opportunité. En effet, comme on l'a
vu, un
inculpé peut obtenir le transfert du for reposant sur un accord
intercantonal
si cet accord résulte d'un abus du pouvoir d'appréciation laissé aux
cantons
en matière de fixation de for (cf. consid. 2.1 supra).

2.4.1 En l'espèce, P.________ a choisi de porter plainte contre
X.________ et
Y.________ devant le Juge d'instruction de l'arrondissement de
Lausanne,
alors qu'aucun point de rattachement au sens de l'art. 347 al. 1 CP
ne se
trouvait sur le territoire du canton de Vaud (cf. consid. 2.3.2
supra) et
qu'aucun motif d'opportunité, tel que celui retenu dans l'arrêt
publié aux
ATF 79 IV 51 cité plus haut (cf. consid. 2.2 supra), ne justifiait
qu'une
procédure pénale fût ouverte et instruite dans ce canton. En
l'absence de
motifs sérieux justifiant une dérogation exceptionnelle au for légal
de
l'art. 347 al. 1 CP, le Juge d'instruction cantonal vaudois, en
reconnaissant
la compétence du canton de Vaud "par gain de paix", face au refus du
Ministère public du canton d'Argovie de reconnaître la compétence de
ce
canton, a ainsi outrepassé le pouvoir d'appréciation qui lui est
reconnu en
matière de fixation de for.

2.4.2 Par ailleurs, le transfert du for de la poursuite pénale dans
le canton
compétent au regard de l'art. 347 al. 1 CP ne se heurte à aucun
intérêt
prépondérant, qui commanderait de le maintenir dans le canton de Vaud.
Quoique la modification du for doive être évitée, en règle générale,
lorsque
la clôture de l'enquête est proche (ATF 123 IV 23 consid. 2a in fine;
94 IV
44; 85 IV 208 consid. 2), le seul fait que le Juge d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne ait envoyé aux parties l'avis de
prochaine
clôture prévu par l'art. 188 al. 1 CPP/VD ne saurait être déterminant
en
l'espèce (cf. ATF 119 IV 250, où le for a été modifié sur plainte des
inculpés après leur renvoi en jugement). Au demeurant, alors que les
actes
d'instruction accomplis à ce jour ont essentiellement consisté en
l'audition
du plaignant puis des inculpés, ces derniers ont encore requis
diverses
mesures d'instruction, en particulier l'audition de plusieurs
personnes de
langue allemande; il n'appartient pas à la Chambre de céans, mais à
l'autorité de poursuite pénale, de se prononcer sur l'opportunité de
ces
mesures d'instruction, dont P.________ dénonce le caractère
fantaisiste et
dilatoire. Quant à l'intérêt éventuel du plaignant à ce que l'enquête
soit
instruite en langue française, il ne saurait être prépondérant par
rapport à
celui des inculpés, germanophones, à ce que l'instruction se déroule
dans
leur langue. Enfin, s'agissant d'infractions poursuivies sur plainte
qui
mettent avant tout en jeu des intérêts privés, les inculpés ne
sauraient être
privés de leur droit d'être poursuivis au for légal ensuite du seul
choix du
plaignant d'agir sans tenir compte des règles de compétence locale.

2.5 Selon la jurisprudence, si, en raison d'un concours d'infractions
ou
d'une décision de la Chambre d'accusation, la compétence est
transférée du
canton normalement compétent pour poursuivre et juger une infraction
punissable sur plainte à un autre canton, celui-ci doit en principe
reconnaître la plainte qui avait été déposée, dans les formes et le
délai
prescrits, auprès de l'autorité normalement compétente et reprendre
le cas au
stade où il se trouve (ATF 122 IV 250 consid. 3e).

En revanche, celui qui dépose plainte dans un for erroné court le
risque
qu'il ne soit pas donné suite à sa plainte, si le canton compétent ne
reconnaît pas la plainte déposée ailleurs dans les formes et le délai
prévus
et que le délai pour porter plainte est entre-temps échu; cela
résulte du
principe selon lequel c'est le droit cantonal qui définit auprès de
quelle
autorité la plainte doit être déposée et selon quelle procédure elle
doit
être traitée (ATF 122 IV 250 consid. 3d in limine et 3e; cf. ATF 116
IV 83
consid. 4a; 89 IV 175 consid. 1 et les arrêts cités). Du moment que
c'est le
lésé qui choisit le lieu où il dépose plainte, c'est à lui de
supporter les
risques découlant de l'incompétence locale de l'autorité saisie; ces
risques
ne justifient pas une dérogation au for légal (cf. ATF 122 IV 250
consid. 3d,
3e et 3f).

Dans la deuxième des hypothèses qui viennent d'être évoquées ¿ soit
en cas
d'infractions poursuivies sur plainte dans un for erroné ¿, la
Chambre de
céans ne peut que constater l'incompétence locale du canton dont le
prévenu
conteste la juridiction et renvoyer le lésé à agir dans le canton
compétent
(ATF 89 IV 178 consid. 2; Erhard Schweri, Interkantonale
Gerichtsstandbestimmung in Strafsachen, 1987, n. 498).

En l'espèce, la plainte au sujet du for n'est ainsi recevable que
dans la
mesure où elle tend à faire constater l'incompétence locale des
autorités
vaudoises; elle est en revanche irrecevable en tant qu'elle vise à
déclarer
compétentes les autorités argoviennes et à ordonner aux autorités
vaudoises
de transmettre le dossier à celles-ci.

3.
En définitive, la plainte au sujet du for doit être admise dans la
mesure où
elle est recevable, en ce sens qu'il y a lieu de constater que les
autorités
vaudoises ne sont pas compétentes pour poursuivre et juger les actes
reprochés à X.________ et Y.________. Pour le surplus, il
appartiendra à
P.________ de procéder selon son appréciation aux démarches utiles
auprès des
autorités compétentes, soit notamment d'indiquer au Juge
d'instruction du
canton de Vaud s'il doit transmettre le dossier aux autorités de
poursuite
pénale des cantons d'Argovie ou de Zurich.

Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ, il n'y a pas lieu de percevoir
d'émolument judiciaire. X.________ et Y.________, qui obtiennent en
bonne
partie gain de cause, ont droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ),
qu'il
convient de fixer à 1'500 fr. et qui seront exceptionnellement
supportés par
la Caisse du Tribunal fédéral.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
La plainte au sujet du for est admise dans la mesure où elle est
recevable.

2.
Il est constaté que les autorités vaudoises ne sont pas compétentes
pour
poursuivre et juger les actes reprochés à X.________ et Y.________.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à X.________ et Y.________ une
indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie à X.________ et Y.________,
ainsi
qu'à P.________, au Juge d'instruction du canton de Vaud et à la
Staatsanwaltschaft du canton d'Argovie.

Lausanne, le 9 mai 2003

Au nom de la Chambre d'accusation
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8G.15/2003
Date de la décision : 09/05/2003
Chambre d'accusation

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-09;8g.15.2003 ?
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