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06/05/2003 | SUISSE | N°I.375/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 mai 2003, I.375/02


{T 7}
I 375/02

Arrêt du 6 mai 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Berset

L.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Allimann, avocat,
rue de
la Justice 1, 2800 Delémont,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 22 avril 2002)


Faits :

A.
Par décision du 27 août 1992, la Caisse de compensation du canton du
Jura a
mis L.________, ressortissant es...

{T 7}
I 375/02

Arrêt du 6 mai 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Berset

L.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Allimann, avocat,
rue de
la Justice 1, 2800 Delémont,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 22 avril 2002)

Faits :

A.
Par décision du 27 août 1992, la Caisse de compensation du canton du
Jura a
mis L.________, ressortissant espagnol, au bénéfice d'une rente
entière
d'invalidité, à partir du 1er mai 1992, en fonction d'un taux
d'invalidité de
75 %. Selon les constatations de l'époque (cf. en particulier le
rapport du 5
mai 1992 du docteur A.________, médecin traitant), l'assuré était
atteint
d'un syndrome lombovertébral dégénératif chronique, de coxalgies et
gonalgies
chroniques, ainsi que d'une priarthropathie de la hanche et de
l'épaule. Il
présentait une incapacité totale de travail dans sa profession de
maçon et
pouvait exercer une activité adaptée légère à raison de 25 %.

A la suite du retour de l'assuré dans son pays d'origine, le dossier
a été
transmis à l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger
(ci-après :
l'office AI). Dans le cadre d'une révision du droit à la rente,
l'assuré a
été examiné par la doctoresse B.________, médecin de l'Instituto
Nacional de
la Seguridad Social (INSS), à la Coruna. Selon cette praticienne,
l'assuré
présentait une capacité de travail de 40 à 45 % dans son ancienne
activité de
maçon, mais était susceptible d'être réadapté et d'exercer une
profession
(rapport du 26 août 1998).

Par décision du 3 août 1999, l'office AI a remplacé la rente entière
d'invalidité par une demi-rente, à partir du 1er octobre 1999.

Par jugement du 3 mars 2000, la Commission fédérale de recours en
matière
d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger (ci-après : la
commission)
a admis le recours interjeté par l'assuré contre cette décision et
renvoyé la
cause à l'office AI pour instruction complémentaire et nouvelle
décision.

L. ________ a été examiné par le Servizio Accertamento Medico
dell'Assicurazione Invalidità (SAM) de Bellinzona. Dans leur rapport
d'expertise du 20 novembre 2000, les médecins du SAM étaient d'avis
que la
reconnaissance d'un degré d'invalidité de 75 % n'était pas justifiée.
Ils
concluaient à une incapacité de travail de 30 % au maximum dans
l'ancienne
profession de maçon, alors que dans une activité de substitution plus
légère,
la capacité de travail atteindrait au moins 80 %. Se fondant sur les
conclusions des experts et sur l'appréciation de son médecin conseil,
l'office AI a supprimé la rente de l'assuré à partir du 1er septembre
2001,
au motif qu'il était en mesure d'exercer une activité lucrative
adaptée à son
état de santé, ce qui lui permettrait de réaliser plus de la moitié
du gain
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas devenu invalide (décision du
6
juillet 2001).

B.
Par jugement du 22 avril 2002, la commission a rejeté le recours
formé par
l'assuré contre cette décision.

C.
L.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et
dépens, au
maintien d'une demi-rente d'invalidité ou à ce qu'il soit constaté
qu'il est
en mesure d'exercer une activité lucrative à raison de 50 % maximum.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral
des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Les premiers juges ont exposé correctement les règles applicables à la
solution du litige de sorte qu'il suffit de renvoyer aux considérants
du
jugement entrepris.

Il convient de compléter cet exposé en précisant que la loi fédérale
sur la
partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000
(LPGA) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de
nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Le
cas d'espèce demeure toutefois régi par les dispositions de la LAI en
vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les
règles
applicables sont celles en vigueur au moment où les faits
juridiquement
déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1). En outre, le
Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité des décisions
attaquées,
en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la
décision
litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
2.1Est litigieux en l'espèce le droit du recourant à une rente
d'invalidité à
partir du 1er septembre 2001, plus particulièrement la suppression de
la
rente entière d'invalidité allouée depuis le 1er mai 1992, au motif
que
l'octroi initial de celle-ci était manifestement erroné.

2.2 Selon la jurisprudence, si les conditions prévues à l'art. 41 LAI
font
défaut, l'administration peut en tout temps revenir sur une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une
autorité
judiciaire ne s'est pas prononcée sous l'angle matériel, à
condition
qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification
revête
une importance notable. Le juge peut, le cas échéant, confirmer une
décision
de révision rendue à tort pour le motif substitué que la décision de
rente
initiale était sans nul doute erronée et que sa rectification revêt
une
importance notable (ATF 125 V 369 consid. 2 et les références).

Pour juger s'il est admissible de reconsidérer la décision, pour le
motif
qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur la situation
juridique existant au moment où cette décision est rendue, compte
tenu de la
pratique en vigueur à l'époque (ATF 119 V 479 consid. 1b/cc et les
références). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une
application
initiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée
résultant de
l'appréciation des faits (ATF 117 V 17 consid. 2c, 115 V 314 consid.
4a/cc).
Une décision est sans nul doute erronée non seulement lorsqu'elle a
été prise
sur la base de règles de droit non correctes ou inappropriées, mais
aussi
lorsque des dispositions importantes n'ont pas été appliquées ou
l'ont été de
manière inappropriée (DTA 1996/97 no 28 p. 158 consid. 3c). Au regard
de la
sécurité juridique, une décision administrative entrée en force ne
doit
pouvoir être modifiée par le biais de la reconsidération que si elle
se
révèle manifestement erronée. Cette exigence permet que la
reconsidération ne
devienne un instrument autorisant sans autre un nouvel examen des
conditions
à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes
d'application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle
appréciation
de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une
inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l'octroi de la
prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen suppose un
pouvoir
d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs
éléments, et
que la décision paraît admissible compte tenu de la situation de fait
et de
droit (arrêt B. du 19 décembre 2002, I 222/02, consid. 3.2, et les
références).

Par ailleurs, on ne saurait supprimer ou diminuer une rente par voie
de
reconsidération si, depuis son octroi manifestement inexact, des
modifications de l'état de fait (au sens de l'art. 41 LAI) justifient
de
retenir un taux d'invalidité suffisant pour que la prestation en
question
soit maintenue (même arrêt, consid. 5.1).
2.3 La décision du 27 août 1992 de la Caisse de compensation du
canton du
Jura est fondée principalement sur le rapport du 5 mai 1992 du docteur
A.________. Or, il résulte du rapport du 24 avril 1992 de l'Office
régional
de réadaptation professionnelle de Z.________, étroitement lié à cette
appréciation médicale, qu'au bénéfice d'un réentraînement au travail
et d'une
formation pratique en mécanique légère depuis le mois de novembre
1990, le
recourant avait fini par atteindre des rendements appréciables (70 %
pour un
plein temps), mais qu'il avait depuis peu, sur l'avis de son médecin,
diminué
son activité professionnelle de moitié, d'où un rendement diminué de
moitié
(35 % pour un mi-temps). Dans un tel contexte, cette recommandation
médicale
paraît difficilement compréhensible, ce d'autant plus que l'assuré
avait fait
des progrès constants dans ses rendements au cours des quatorze
derniers mois
et que, selon le responsable de sa formation chez X.________ SA, il
ne se
portait pas plus mal lorsqu'il travaillait toute la journée. Il en
découle
que les résultats des mesures de réadaptation professionnelle ne
confirmaient
en aucune manière l'incapacité de travail de 75 % arrêtée par le
docteur
A.________.

Pas plus les autres rapports médicaux établis à l'époque ne
permettaient-ils
de conclure à une incapacité de travail de 75 % dans une activité
adaptée.
C'est ainsi que dans un rapport du 5 octobre 1990, le docteur
C.________,
médecin-conseil au Centre d'observation professionnelle de
l'assurance-invalidé de Y.________, faisait état de perturbations
somme toute
modestes de l'appareil locomoteur. Ce faisant, il confirmait les
conclusions
auxquelles étaient parvenus les docteurs D.________ et E.________ à
l'appui
de rapports radiologiques et d'autres examens. Ce médecin constatait
que la
capacité de gain dans une activité légère, encore bonne voire
excellente,
devait passer de 50 % à 100 % dans un court laps de temps.

Il s'ensuit qu'aucun élément du dossier ne justifiait, en août 1992,
de fixer
à 75 % le degré d'invalidité de travail du recourant et que la
décision du 27
août 1992 de la caisse s'avère manifestement erronée, au sens du
consid. 2.2
ci-dessus.

2.4 Ce dernier conteste cette appréciation en se référant à une
dizaine
d'extraits de rapports aptes, selon lui, à prouver que le corps
médical et
les observateurs professionnels lui reconnaissaient à ce moment une
importante incapacité de travail. Ce moyen ne résiste pas à l'examen.

C'est ainsi que dans son rapport du 22 décembre 1989, le docteur
D.________,
spécialiste en chirurgie et orthopédie, faisait, certes, état d'une
capacité
de travail nulle, mais seulement jusqu'à fin janvier 1990, dans
l'attente du
résultat du traitement en cours. Par ailleurs, ce même médecin n'a
pas exclu
que le recourant puisse reprendre une activité lucrative, dès lors
que, dans
son rapport du 25 mars 1990, il se réjouissait d'apprendre que des
démarches
avaient été entreprises auprès de l'Office Régional en vue d'une
réadaptation
professionnelle.

Quant au docteur E.________, médecin traitant, il s'est toujours
prononcé sur
la capacité de travail en rapport avec l'activité de maçon
uniquement, étant
entendu que son patient devait être recyclé dans une nouvelle
profession, de
sorte que ses appréciations des 10 février et 21 avril 1990 - faisant
état
d'une incapacité de travail totale - doivent être replacées dans leur
contexte.

En ce qui concerne le rapport du Centre d'observation professionnelle
du 24
septembre 1990, il mentionne en effet de petits rendements.
Cependant, les
auteurs du rapport ont relevé que le comportement de l'assuré
découlait en
partie d'une stratégie, de sorte que l'on ne saurait attacher trop de
poids
au rendement effectif du recourant durant le stage en question. De
toute
manière, les conclusions ce cette institution étaient dépassées à
l'époque de
la décision litigieuse, le recourant ayant fini par atteindre des
rendements
de l'ordre de 70 %, ainsi qu'en témoigne le rapport du 24 avril 1992
de
l'Office régional de réadaptation professionnelle (cf. consid. 2.3
supra).

3.
Il reste à déterminer le taux d'invalidité présenté par le recourant.

3.1 Dans la mesure où l'état de santé du recourant ne s'est pas
modifié, l'on
peut se référer aux conclusions des médecins du SAM, selon lesquelles
le
recourant présente - et présentait en 1992 - une capacité de travail
de 70 %
dans son ancienne occupation de maçon/manoeuvre et de 80 % dans une
activité
plus légère.

L'expertise du SAM a été établie de manière très détaillée et se
fonde sur
les résultats d'examens pluridisciplinaires (examens orthopédiques,
rhumatologiques, radiologiques, psychiatriques, électrocardiogramme et
examens de laboratoire), ainsi que sur l'ensemble du dossier médical à
disposition; elle prend également en compte les plaintes de l'assuré.
Aussi
bien ce rapport remplit-il toutes les exigences posées par la
jurisprudence
pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante (ATF 125 V
352
consid. 3a et les références) et il n'y a pas motif de s'écarter des
conclusions qui y sont retenues.

En particulier, les conclusions des experts ne sont pas contredites
par les
sept attestations des cinq médecins espagnols que le recourant a
versées au
dossier de l'office intimé peu avant le prononcé de la décision du 6
juillet
2001. En effet, les docteurs F.________, G.________, H.________,
I.________
se contentent d'énumérer, chacun dans sa discipline, quelques-unes des
affections (connues) dont souffre le recourant, sans se prononcer sur
sa
capacité de travail. Quant aux deux rapports de la doctoresse

J.________ -
faisant état d'une incapacité totale d'exercer une quelconque activité
professionnelle - ils consistent en une dizaine de lignes chacun et ne
contiennent aucune motivation.

Dans ce contexte, c'est également en vain que le recourant fait
valoir que
les médecins du SAM auraient outrepassé le cadre de leur mission
d'expertise
en se prononçant sur sa capacité de travail, dès lors que cet élément
est
inhérent à tout mandat d'expertise visant à permettre de fixer le
degré
d'invalidité d'un assuré.

3.2 Sur le vu de ce qui précède, force est d'admettre que disposant -
au
terme des mesures de réadaptation professionnelle - d'une capacité de
travail
de 70 % dans son ancienne occupation et de 80 % dans une activité plus
légère, le recourant ne présentait pas (et ne présente toujours pas)
un taux
d'invalidité ouvrant droit à une rente. Il s'ensuit que la décision
du 27
août 1992 mettant le recourant au bénéfice d'une rente entière
d'invalidité
et qui n'avait pas fait l'objet d'un jugement d'une autorité
judiciaire sur
le plan matériel, était manifestement erronée et que sa rectification
revêtait une importance notable, compte tenu des montants en jeu. Les
conditions d'une reconsidération étaient donc réunies.
C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont confirmé, par
substitution de motifs, la décision de révision du 6 juillet 2001.

Il s'ensuit que le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
fédérale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
pour les
personnes résidant à l'étranger et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 6 mai 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.375/02
Date de la décision : 06/05/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-06;i.375.02 ?
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