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02/05/2003 | SUISSE | N°4P.241/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mai 2003, 4P.241/2002


{T 0/2}
4P.241/2002 /svc

Arrêt du 2 mai 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président,
Walter et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________ AG,
recourante, représentée par Me Kamen Troller, avocat, rue de
l'Athénée 6,
case postale 393, 1211 Genève 12,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Benoît Chappuis, avocat, Grand'Rue 25,
case
postale 5560, 1211 Genève 11,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Gen

ève 3.

art. 9 et 29 Cst.; procédure civile; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cham...

{T 0/2}
4P.241/2002 /svc

Arrêt du 2 mai 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président,
Walter et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________ AG,
recourante, représentée par Me Kamen Troller, avocat, rue de
l'Athénée 6,
case postale 393, 1211 Genève 12,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Benoît Chappuis, avocat, Grand'Rue 25,
case
postale 5560, 1211 Genève 11,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst.; procédure civile; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du
11 octobre 2002.

Faits:

A.
A.a X.________ AG, dont le siège est à A.________, appartient à un
groupe de
sociétés actif dans le domaine de l'optique. Elle dispose de nombreux
points
de vente en Suisse.

Y. ________ SA, dont le siège est à B.________, est l'un des
principaux
concurrents de X.________ AG. Implantée dans toute la Suisse, elle
pratique
une politique commerciale similaire en matière de bas prix.

A.b Le 28 mars 2001, "Z.________", magazine d'information à
l'intention des
consommateurs, a publié une étude comparative des prix pratiqués dans
le
secteur de la lunetterie. La politique en matière de prix d'une
douzaine
d'opticiens, dont les deux sociétés susmentionnées, a été examinée
sur la
base d'un échantillonnage de six modèles de lunettes (quatre montures
de
lunettes optiques et deux paires de lunettes de soleil) et de deux
modèles de
verres optiques. Les résultats obtenus ont été discutés dans une
partie
rédactionnelle, puis présentés sous la forme d'un tableau comparatif.
"Z.________" a relevé que X.________ AG n'était pas toujours le
concurrent le
plus avantageux, puisque, dans quatre cas (trois montures et une
paire de
lunettes de soleil), Y.________ SA s'était révélée meilleur marché
grâce à
des offres promotionnelles limitées dans le temps.

Le 9 mai 2001, "Z.________" a publié un rectificatif intitulé "Falsche
Preisangaben". Il y était précisé qu'un opticien avait livré de faux
renseignements quant aux prix qu'il pratiquait. Tel n'était pas le
cas des
deux sociétés précitées. L'article soulignait, à leur sujet, que
Y.________
SA était en mesure, par des actions limitées dans le temps, d'offrir
des prix
très avantageux mais que, lorsque l'on comparait les prix dits
normaux,
X.________ AG faisait presque toujours la meilleure offre pour la
plupart des
modèles comparés.

A.c Entre le 20 mai et le 6 juin 2001, Y.________ SA a fait paraître,
dans
plusieurs journaux suisses, avec l'autorisation expresse de
"Z.________", un
article publicitaire intitulé (en français): "Optique: les résultats
d'une
étude comparative de prix". L'article reprenait partiellement (quatre
opticiens sur douze) le tableau publié par "Z.________" mais ne
faisait
aucune référence au rectificatif. Une lettre "c)", écrite en petits
caractères après certains des chiffres de la ligne du tableau
concernant
Y.________ SA, renvoyait à l'une des quatre notes figurant au pied du
tableau, qui était ainsi libellée: "c) Soldes à demi-prix. Action
limitée
dans le temps". Le tableau publié par Y.________ SA comportait une
colonne,
intitulée "Total", qui faisait ressortir, par des chiffres en gros
caractères, le prix global de tous les articles comparés. Dans le
texte de sa
publicité, Y.________ SA se référait à l'enquête réalisée par
"Z.________"
pour prétendre être meilleur marché que ses concurrents ("Y.________,
leader
suisse du marché de l'optique, se révèle être le moins cher"). Elle
expliquait cela par le fait que les collections des grandes marques
qu'elle
vendait sortaient en moyenne deux à quatre fois par an, si bien que
"les
collections démodées" pouvaient faire l'objet de soldes à moitié prix.
L'annonce vantait, pour le surplus, la qualité du conseil donné et de
l'accueil réservé aux clients de la société, ainsi que la rapidité des
services qui leur étaient proposés.

X. ________ AG a mis Y.________ SA en demeure de renoncer
immédiatement à
cette campagne publicitaire qu'elle jugeait trompeuse et mensongère.
Face au
refus de sa concurrente d'obtempérer, elle a requis des mesures
provisionnelles visant à faire cesser ce qu'elle considérait être de
la
concurrence déloyale. Statuant le 6 juin 2001, la Cour de justice du
canton
de Genève a rejeté la requête de mesures provisionnelles au motif que
le
comportement de Y.________ SA ne pouvait être considéré comme déloyal.

A.d Entre le 30 mars et le 18 novembre 2001, X.________ AG a
également fait
paraître, dans divers quotidiens suisses, des annonces publicitaires.
Elle y
soulignait notamment ce qui suit: "Chez X.________, vous ne payez
jamais
trop. Les lunettes de marque vous sont proposées à moitié prix.
Celui-ci est,
en fait, 70% au-dessous du niveau du marché. Acheter ailleurs, c'est
payer
plus du double! ...". Cette publicité ne se référait pas à l'analyse
comparative réalisée par "Z.________".

B.
Le 3 septembre 2001, X.________ AG a assigné Y.________ SA devant la
Cour de
justice genevoise à qui elle a demandé de:

"1.Constater le caractère illicite de l'article publicitaire de
Y.________ SA
dans la mesure où il affirme:

«Selon une enquête parue le 28 mars dernier dans la revue
"Z.________",
magazine d'information à l'intention des consommateurs, Y.________,
leader
suisse du marché de l'optique, se révèle être le moins cher.»

«Cette entreprise suisse évite de ce fait les intermédiaires et
propose ainsi
des verres de qualité à des prix compétitifs, de même qu'un service
rapide et
sur mesure.»

«En effet, il apparaît que sur les 8 produits identiques testés, soit
4
montures optiques de marque, 2 paires de verres et 2 lunettes de
soleil,
Y.________ est en réalité moins cher que ses concurrents. [...] En
résumé,
lorsque l'on compare des produits comparables et que l'on tient
compte de
l'ensemble des prestations, le leader du marché suisse n'occupe pas
cette
position par hasard, mais bien parce qu'il est globalement le
meilleur.»
2.Faire interdiction à Y.________ SA d'alléguer, dans ses publicités
et
autres publications, des phrases telles que:

«Y.________, leader du marché suisse du marché de l'optique, se
révèle être
le moins cher.»

«Y.________ est en réalité moins cher que ses concurrents ... En
résumé,
lorsque l'on compare des produits comparables et que l'on tient
compte de
l'ensemble des prestations, le leader du marché suisse n'occupe pas
cette
position par hasard, mais bien parce qu'il est globalement le
meilleur.»

Et ceci sous les menaces des peines prévues à l'art. 292 CPS, soit
des arrêts
et de l'amende.

3. Ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à prononcer par
Y.________ SA et à ses frais à deux reprises dans les journaux ...

..."
La défenderesse a conclu au rejet de la demande.

Statuant par arrêt du 11 octobre 2002, la Chambre civile de la Cour de
justice a débouté X.________ AG des fins de sa demande. Cet arrêt
repose, en
substance, sur les motifs suivants:

Le bien-fondé des reproches formulés par la demanderesse doit être
examiné à
la lumière de la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19
décembre
1986 (LCD; RS 241). La publicité comparative est une pratique
commerciale
admissible au regard de cette loi à certaines conditions. Il en va de
même de
la publicité qui reprend des études comparatives.

En l'occurrence, la défenderesse n'a pas faussé, dans son article
publicitaire, les résultats de l'étude réalisée par "Z.________".
Même si
elle n'en a publié qu'une partie, le consommateur n'a pas été induit
en
erreur dans la mesure où elle lui a clairement expliqué sa politique
commerciale en matière de prix. Cette politique n'était pas visée par
le
rectificatif qui se bornait à stigmatiser le comportement d'un autre
concurrent et, s'agissant des parties en litige, ne faisait que
rappeler les
conclusions de l'article initial.

La défenderesse n'a pas non plus dépassé les limites assignées à la
publicité
comparative. Comme l'étude du magazine "Z.________", elle a proposé
une
comparaison fondée sur les prix effectifs à payer par le
consommateur, sans
omettre de préciser que certains d'entre eux découlaient d'offres
promotionnelles. Le reproche qui lui est fait d'avoir mentionné, dans
sa
publicité, des prix qui n'étaient déjà plus d'actualité tombe
également à
faux, d'autant plus que ladite société pratique, de manière
permanente, une
politique commerciale de soldes à moitié prix. L'insertion d'une
colonne
supplémentaire dans le tableau comparatif ne saurait être qualifiée de
comportement déloyal: d'une part, le prix de chaque produit ressort
clairement des chiffres détaillés reproduits dans ce tableau; d'autre
part et
en tout état de cause, le montant total qui y est indiqué n'est pas
susceptible d'influencer le comportement des consommateurs, car il
est peu
vraisemblable que ceux-ci acquièrent l'ensemble des éléments
constituant le
lot retenu pour effectuer la comparaison.

La défenderesse se voit, en outre, reprocher sans raison valable
d'avoir
méconnu le principe de véracité dans sa publicité superlative.
D'abord, elle
n'a pas formulé ses arguments publicitaires en leur donnant
l'apparence que
l'organisme neutre qui avait procédé à l'étude comparative des prix
avait
cautionné les allégations subjectives utilisées dans les articles
publicitaires. Ensuite, la défenderesse n'a pas menti en prétendant
être
meilleur marché que ses concurrents: le propos s'avère exact si l'on
tient
compte de la colonne "Total" relative à tout l'assortiment examiné;
certes,
l'affirmation doit être nuancée si l'on considère individuellement
chaque
produit, mais la défenderesse n'a pas passé cette circonstance sous
silence
dès lors que le tableau publié par elle permet de comparer les prix
pratiqués
pour chaque produit; au demeurant, les éléments appréciatifs utilisés
dans la
publicité comparative sont inévitablement empreints de la partialité
inhérente à ce type de publicité. Enfin, alléguer, comme l'a fait la
défenderesse, que l'on est le leader du marché suisse dans un secteur
donné
relève d'une réclame superlative ne constituant pas une concurrence
déloyale.

Force est de souligner, par ailleurs, que la demanderesse "a également
contrevenu aux principes de véracité et de loyauté relatifs à la
publicité
comparative", sa publicité tapageuse ayant été clairement démentie
par les
résultats de l'enquête publiée par "Z.________" et étant donc
manifestement
mensongère. Aussi le principe de la bonne foi interdit-il à la
demanderesse
de fustiger le comportement de sa concurrente, alors qu'elle-même
fait preuve
de déloyauté dans sa propre publicité.

En conclusion, comme la défenderesse n'a pas agi de façon déloyale,
l'action
de la demanderesse n'est pas fondée pour ce motif déjà, sans qu'il
soit
nécessaire d'examiner les autres conditions d'application de l'art. 9
LCD.

C.
La demanderesse exerce parallèlement un recours de droit public et un
recours
en réforme au Tribunal fédéral. Dans le premier, elle conclut à
l'annulation
de l'arrêt cantonal. Les arguments qu'elle y avance seront indiqués à
l'occasion de leur examen.

La défenderesse propose le rejet du recours de droit public. La Cour
de
justice se réfère, quant à elle, aux motifs énoncés dans l'arrêt
attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).

L'arrêt rendu en instance unique par la cour cantonale, qui est
final, n'est
susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral dans la
mesure
où la recourante invoque la violation directe d'un droit de rang
constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours
de droit
public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si
la
recourante soulevait une question relevant de l'application du droit
fédéral,
le grief ne serait pas recevable, parce qu'il pouvait être présenté
dans le
recours en réforme que la recourante a également interjeté contre
l'arrêt
attaqué (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).

La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée,
qui
refuse de faire droit à ses conclusions visant notamment à faire
constater le
caractère prétendument déloyal du comportement adopté par l'intimée,
sa
principale concurrente, dans la campagne publicitaire incriminée.
Elle a donc
un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette
décision
n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en
conséquence, sa qualité pour recourir doit être admise (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans la forme prévue
par la
loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (ATF 128 III 50 consid. 1c; 127 I 38 consid. 3c; 127 III
279
consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

2.
La recourante reproche, en premier lieu, à la Cour de justice d'avoir
établi

les faits de manière arbitraire.

2.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst.,
ne
résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral
n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement
insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la
situation de
fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté,
ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la
justice
et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause
d'arbitraire, il
ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut
encore
que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. Lorsque la
partie
recourante - comme c'est le cas en l'espèce - s'en prend à
l'appréciation des
preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est arbitraire
que si
le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen
de
preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'une
preuve
importante propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur
la base
des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF
129 I 8
consid. 2.1 et les arrêts cités).

2.2 Dans une argumentation subsidiaire, la Cour de justice relève que
la
"publicité tapageuse" de la recourante "a été clairement démentie par
les
résultats de l'enquête publiée par «Z.________»", qu'elle était donc
"manifestement mensongère" et que son auteur a ainsi "fait preuve de
déloyauté dans sa propre pratique publicitaire".

La recourante soutient que cette affirmation de la cour cantonale est
en
totale contradiction avec le rectificatif publié par "Z.________",
selon
lequel elle faisait la meilleure offre pour la plupart des modèles
"normaux"
comparés. Elle se demande, par ailleurs, comment les juges précédents
ont pu
poser une telle affirmation sans lui avoir donné l'occasion de
prouver la
fausseté de celle-ci et sans avoir examiné si les prix publiés par la
revue
en question correspondaient effectivement à ceux qu'elle pratiquait
dans ses
magasins. La recourante conteste aussi que la cour cantonale ait pu
lui
imputer un comportement déloyal sur la base d'une seule annonce.
Enfin, elle
allègue que la constatation litigieuse lui a causé un grave préjudice
dans la
mesure où l'intimée s'en serait prévalue dans sa propre publicité
postérieurement au prononcé de l'arrêt attaqué.

2.3 Savoir si une annonce publicitaire contient des indications
inexactes ou
fallacieuses, au sens de la loi contre la concurrence déloyale,
est-il une
question de droit (cf. ATF 94 IV 34 consid. 1 p. 36) ou une question
de fait?
Il s'agit là d'un point délicat et discuté (cf. Carl Baudenbacher,
Lauterkeitsrecht, n. 268 ss ad art. 3 let. b LCD).
Dans la première hypothèse, cette question échapperait à la
connaissance de
la juridiction constitutionnelle fédérale (art. 84 al. 2 OJ). Quoi
qu'il en
soit, même s'il fallait la ranger dans la catégorie des faits,
l'affirmation
contestée échapperait au grief d'arbitraire.

Dans les annonces publicitaires qu'elle a fait paraître après la
publication
de l'étude comparative publiée par "Z.________", la recourante se
targuait
d'être "70% au-dessous du niveau du marché" et affirmait qu'"acheter
ailleurs, c'[était] payer plus du double!". Elle allait même jusqu'à
proposer
à ses clients potentiels de leur rembourser le prix de leur achat et
de leur
offrir une bouteille de champagne au cas où ils trouveraient le même
produit
moins cher ailleurs. Or, de tels arguments publicitaires étaient
contraires à
la vérité, ainsi que le faisait clairement ressortir l'étude
précitée, la
rédactrice de l'article y relatif suggérant du reste à la recourante,
pour
cette raison, de mettre au frais quelques bouteilles de champagne
pour ses
clients. Le rectificatif, dont la recourante fait grand cas,
n'infirmait en
rien la conclusion qui s'imposait déjà à la lecture de cet article.
Il y
était certes précisé que la recourante faisait la meilleure offre
pour la
plupart des modèles "normaux" comparés. Cependant, cette précision
était tout
à fait impropre à établir que les prix dits normaux pratiqués par la
recourante se situaient 70% au-dessous du niveau du marché, ni à
démontrer
que les clients s'exposaient à payer plus du double s'ils achetaient
ailleurs, y compris chez l'intimée. En retenant, sur le vu de l'étude
comparative et du rectificatif y afférent, que l'affirmation
correspondante,
utilisée par la recourante comme argument publicitaire, était
contraire à la
vérité, la cour cantonale n'a pas fait une déduction insoutenable, à
partir
des seuls éléments de preuve dont elle disposait. Par conséquent, la
constatation litigieuse échappe au grief d'arbitraire.

Quant à savoir si la cour cantonale aurait dû offrir à la recourante
la
possibilité de prouver la véracité des allégations formulées dans ses
annonces publicitaires, c'est un problème qui ressortit au droit à la
preuve
(art. 8 CC, art. 13a LCD) et qui n'a donc pas sa place dans un
recours de
droit public lorsque la voie du recours en réforme est ouverte (art.
84 al. 2
OJ). Et s'il fallait comprendre le reproche ainsi formulé par la
recourante
en ce sens que la Cour de justice aurait dû, de son propre chef,
administrer
des preuves sur ce point, force serait alors de constater que
l'intéressée
n'indique pas, dans son recours de droit public, quelle disposition
du droit
de procédure genevois commanderait, par hypothèse, l'application de
la maxime
d'office dans le domaine de la concurrence déloyale (art. 90 al. 1
let. b
OJ).
Au demeurant, la recourante ne prétend pas avoir allégué, en instance
cantonale, que les prix pratiqués par elle d'après l'étude
comparative de
"Z.________" ne correspondaient pas à ceux qu'elle pratiquait dans ses
magasins. Aussi ne peut-elle venir reprocher après coup aux premiers
juges de
n'avoir pas examiné cette question.

Pour le surplus, décider si, sur la base des annonces publicitaires
dont elle
a retenu sans arbitraire le caractère mensonger, la Cour de justice
pouvait
imputer à la recourante un comportement déloyal dans sa publicité
n'est pas
l'affaire de la juridiction constitutionnelle, mais bien celle de la
juridiction fédérale de réforme, s'agissant d'un point de droit. Le
moyen
soulevé à cet égard dans le recours de droit public est irrecevable
(art. 84
al. 2 OJ).

Enfin, dans la mesure où, pour établir le préjudice que lui aurait
causé la
reprise de la constatation litigieuse par l'intimée dans sa propre
publicité,
la recourante avance des faits postérieurs au prononcé de l'arrêt
attaqué,
elle formule des allégations nouvelles qui sont irrecevables dans un
recours
de droit public pour violation de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 124 I 208
consid. 4b
p. 212; 121 I 367 consid. 1b p. 370; 113 Ia 225 consid. 1b/bb p. 229
et les
arrêts cités).

Cela étant, le premier grief formulé par la recourante apparaît mal
fondé
dans la mesure où il est recevable.

3.
Dans un deuxième moyen, la recourante reproche aux juges cantonaux
d'avoir
violé de toute façon la loi contre la concurrence déloyale en lui
déniant la
qualité pour faire sanctionner les agissements déloyaux de sa
concurrente au
seul motif qu'elle-même aurait agi de pareille manière.

Ce grief concerne l'application du droit fédéral. Il échappe, dès
lors, à la
connaissance de la juridiction constitutionnelle en raison de la
subsidiarité
du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ).

4.
La cour cantonale se voit enfin imputer un déni de justice formel
pour avoir
refusé de constater l'illicéité des agissements de l'intimée, tout en
reconnaissant qu'ils étaient déloyaux.

Ce dernier grief se révèle à l'évidence infondé, voire téméraire. En
effet,
la cour cantonale n'a pas refusé de "traiter la cause", pour reprendre
l'expression utilisée par la recourante, qui fonde son grief sur
l'art. 29
al. 1 Cst. Elle l'a traitée, mais a abouti à un résultat qui ne
correspond
pas aux conclusions prises par la recourante. Par conséquent, le
reproche,
qui lui est fait par cette dernière, d'avoir commis un déni de
justice formel
ne résiste pas à l'examen.

5.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure
fédérale
(art. 156 al. 1 OJ) et verser des dépens à l'intimée (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 8'000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 2 mai 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.241/2002
Date de la décision : 02/05/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-02;4p.241.2002 ?
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