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02/05/2003 | SUISSE | N°1P.194/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mai 2003, 1P.194/2003


{T 0/2}
1P.194/2003 /col

Arrêt du 2 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant, Catenazzi
et Fonjallaz.
Greffier: M. Jomini.

G. ________,
recourant, représenté par Me François Besse, avocat, rue de Bourg 1,
case
postale 2273, 1002 Lausanne,

contre

Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne,
Commune de Nyon, 1260 Nyon, représentée par
Me Jean-Michel Henny, avocat, place Saint-François 11, case postale
3485

,
1002 Lausanne,
P.________
représenté par Me Philippe Reymond, avocat, avenue d'Ouchy 14, case
postale
155, 1000...

{T 0/2}
1P.194/2003 /col

Arrêt du 2 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant, Catenazzi
et Fonjallaz.
Greffier: M. Jomini.

G. ________,
recourant, représenté par Me François Besse, avocat, rue de Bourg 1,
case
postale 2273, 1002 Lausanne,

contre

Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne,
Commune de Nyon, 1260 Nyon, représentée par
Me Jean-Michel Henny, avocat, place Saint-François 11, case postale
3485,
1002 Lausanne,
P.________
représenté par Me Philippe Reymond, avocat, avenue d'Ouchy 14, case
postale
155, 1000 Lausanne 13.
Département des infrastructures du canton de Vaud, place de la
Riponne 10,
1014 Lausanne

retard injustifié,

recours de droit public contre le Tribunal administratif du canton de
Vaud.

Faits:

A.
Le 30 juin 1997, le conseil communal de la commune de Nyon a adopté
le plan
de quartier "La Petite Prairie". Son périmètre, d'environ 10 ha, au
nord-ouest de la ville de Nyon, avait été précédemment classé en zone
de
villas; le nouveau régime prévoit une affectation mixte (habitat et
activités
tertiaires). G.________ est propriétaire d'une partie des terrains de
ce
périmètre (environ 6 ha).

P. ________, propriétaire d'un immeuble voisin, a recouru contre la
décision
du conseil communal auprès du Département cantonal des
infrastructures.
Statuant le 18 août 2000, ce département a rejeté le recours.
Cette décision mentionne un projet routier, la "Grande ceinture
nyonnaise",
destiné à assurer notamment la desserte du quartier de "La Petite
Prairie".
Un plan fixant la limite des constructions a été adopté à cet effet
et le
Département des infrastructures a rejeté, le 2 mars 2000, des recours
dirigés
contre ce projet.

B.
Le 27 septembre 2000, P.________ a adressé au Tribunal administratif
du
canton de Vaud un recours contre la décision du Département des
infrastructures du 18 août 2000. Selon lui, le plan de quartier doit
être
annulé parce qu'il viole les principes de l'aménagement du territoire
ainsi
que des normes du droit fédéral en matière de protection de
l'environnement
(nuisances du trafic routier, etc.). A titre de mesure d'instruction,
il
requiert la mise en oeuvre d'une expertise destinée, en substance, à
vérifier
et compléter les données du rapport d'impact; il demande également la
production de divers plans et dossiers.
Le Juge instructeur du Tribunal administratif a fixé à la
Municipalité de
Nyon et aux autorités cantonales intéressées un délai de réponse (au
30
octobre 2000, prolongé au 20 novembre 2000). Le 27 février 2001, ce
magistrat
a rendu une ordonnance déclarant clos l'échange d'écritures et
ordonnant à la
municipalité de produire quelques pièces supplémentaires. Il a par
ailleurs
rejeté la requête d'expertise.
Le 30 août 2001, le Juge instructeur a informé les parties que
l'affaire ne
pourrait pas être jugée "avant l'hiver prochain".
Le 12 septembre 2001, G.________ a écrit au Tribunal administratif
pour lui
demander de statuer à bref délai sur le recours pendant. Il a
renouvelé sa
requête le 15 novembre 2001.
Le 9 janvier 2002, les parties - y compris G.________ - ont été
informées
qu'un autre Juge du Tribunal administratif reprenait désormais
l'instruction
du recours, "pour des raisons de surcharge et d'organisation du
travail".
Cette ordonnance du nouveau Juge instructeur comportait le passage
suivant:
"La cause paraissant en état d'être jugée et sauf réquisition dûment
motivée
présentée par l'une ou l'autre des parties d'ici au 28 janvier 2002 et
tendant à compléter l'instruction, le Tribunal administratif, composé
du juge
soussigné et des assesseurs [...] et [...], statuera sans audience et
communiquera son arrêt par écrit aux parties". A la requête du
recourant, le
Juge instructeur a prolongé ce délai au 28 février 2002, par une
ordonnance
du 7 février 2002 où il est dit une fois encore que la cause paraît
en état
d'être jugée. Cette ordonnance se réfère en outre à l'art. 57 al. 1
de la loi
cantonale sur la juridiction et la procédure administratives (LJPA),
qui
dispose que l'arrêt du Tribunal administratif doit être rendu dans
l'année
qui suit le dépôt du recours, et remarque que ce délai est échu.
Les 21 mars 2002 et 10 mars 2003, G.________ a requis à nouveau qu'un
jugement soit rendu à bref délai. De son côté, la municipalité a
également
présenté des requêtes dans ce sens. Le Tribunal administratif n'a
donné
aucune suite à ces requêtes.

C.
La décision prise le 2 mars 2000 par le Département des
infrastructures au
sujet du plan fixant la limite des constructions pour la route de
"Grande
ceinture nyonnaise" a été contestée, devant le Tribunal
administratif, par
P.________ et d'autres opposants. Il n'a pas été statué, en l'état,
sur ces
recours.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public - son mémoire ayant
été
déposé le 24 mars 2003 -, G.________ demande au Tribunal fédéral
d'ordonner
au Tribunal administratif de statuer sans délai sur le recours formé
par
P.________ contre la décision prise le 18 août 2000 par le
Département des
infrastructures au sujet du plan de quartier "La Petite Prairie". Il
conclut
en outre à ce que son droit de réclamer une indemnité à l'Etat de
Vaud pour
retard injustifié soit expressément réservé. Il se plaint d'une
violation des
art. 29 Cst. et 6 par. 1 CEDH.
Dans ses observations du 11 avril 2003, le Tribunal administratif
déclare
s'en remettre à justice sur le point de savoir s'il y a retard
injustifié.

P. ________ s'en remet également à justice. La commune de Nyon et le
Département des infrastructures n'ont pas répondu au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Un refus de statuer, ou un retard injustifié à le faire, de la part de
l'autorité compétente en dernière instance cantonale, doit être
assimilé à
une décision que les parties à la procédure cantonale peuvent
contester par
la voie du recours de droit public pour violation de droits
constitutionnels
des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Le recourant a pu, en tant que
propriétaire de terrains dont l'affectation est modifiée par les
mesures
d'aménagement du territoire litigieuses, agir en tant que partie
devant le
Tribunal administratif; il a en l'occurrence manifestement qualité
pour
recourir (art. 88 OJ). Un recours de droit public dirigé contre
l'inaction de
l'autorité n'est, de par sa nature même, pas soumis au délai de
l'art. 89 OJ.
Il y a donc lieu d'entrer en matière.

2.
Le recourant reproche au Tribunal administratif un retard injustifié à
statuer, en relevant que la saisine de cette autorité remonte à deux
ans et
demi, qu'aucune mesure d'instruction n'a apparemment été entreprise
depuis la
production des réponses et des dossiers, et que le Juge instructeur
avait,
déjà en janvier 2002, constaté que l'affaire semblait en état d'être
jugée.
Il relève que le délai prévu par l'art. 57 al. 1 LJPA est largement
dépassé.

2.1 Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans
une
procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit jugée
dans un
délai raisonnable. Cette disposition consacre le principe de la
célérité ou,
en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer.
L'autorité viole
cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision
qu'il
lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un
délai que
la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font
apparaître comme raisonnable. Il faut se fonder à ce propos sur des
éléments
objectifs; entre autres critères sont notamment déterminants le degré
de
complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé
ainsi
que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes.
La
durée du délai raisonnable n'est pas influencée par des circonstances
étrangères au problème à résoudre. Ainsi, une organisation déficiente
ou une
surcharge structurelle ne peuvent pas justifier la lenteur excessive
d'une
procédure car il appartient à l'Etat d'organiser ses juridictions de
manière
à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme au
droit
constitutionnel (cf., à propos de l'art. 29 al. 1 Cst. et de la
garantie
correspondante déduite auparavant de l'art. 4 al. 1 aCst.: ATF 125 V
188
consid. 2a p. 191, 373 consid. 2b/aa p. 375; 119 Ib 311 consid. 5b p.
325;
107 Ib 160 consid. 3c p. 165; 103 V 190 consid. 3c p. 195). La
garantie de
l'art. 6 par. 1 CEDH, selon laquelle toute personne a - dans le champ
d'application de cette disposition - droit à ce que sa cause soit
entendue
dans un délai raisonnable, n'a pas une portée différente (cf. ATF 124
I 139
consid. 2c p. 142; 119 Ib 311 consid. 5 p. 323).

2.2 Dans ses déterminations, le Tribunal administratif mentionne le
lien
entre le plan de quartier litigieux et le projet routier de "Grande
ceinture", ces deux affaires devant être jugées par lui de manière
coordonnée. Il qualifie ces causes de très complexes; d'après lui,
elles
sortent de l'ordinaire par leur volume et l'importance des problèmes à
traiter. Un jugement devrait intervenir d'ici la fin de l'été 2003,
aucun
engagement définitif ne pouvant cependant être pris à cet égard par le
magistrat instructeur.

2.3 Le délai d'une année prévu par l'art. 57 al. 1 LJPA est largement
dépassé
(depuis le 27 septembre 2001). La loi cantonale permet toutefois une
prolongation de ce délai "pour des raisons impératives" (art. 57 al.
3 LJPA);
quoi qu'il en soit, en cas de dépassement, le dossier doit être
traité "de
manière prioritaire" (art. 57 al. 4 LJPA). En l'occurrence, le
recourant
soutient que les critères de la jurisprudence constitutionnelle
doivent être
appliqués.
Il n'y a pas lieu d'examiner si la complexité, évidente, de la
présente cause
- qui, compte tenu des griefs soumis au Tribunal administratif, ne
peut pas
être jugée sans coordination avec les affaires concernant le projet
routier
de "Grande ceinture" - constituait une "raison impérative" pour ne
pas rendre
l'arrêt dans l'année suivant le dépôt du recours. Il s'agit en
revanche de
déterminer si des circonstances objectives justifient l'inaction du
Tribunal
administratif depuis le moment où, il y a actuellement plus d'une
année, un
nouveau Juge instructeur a repris l'affaire en constatant qu'elle
était, en
principe, en état d'être jugée. Il ressort du dossier des recours
contre le
plan fixant la limite des constructions pour la "Grande ceinture",
dossier
produit par le Tribunal administratif, qu'il n'y a pas eu récemment
dans
cette affaire de mesures d'instruction propres à expliquer,
éventuellement,
une suspension informelle de la cause concernant le plan de quartier
"La
Petite Prairie". Par ailleurs, si cette cause est complexe, elle ne
paraît
pas se distinguer sensiblement d'autres affaires d'aménagement du
territoire,
dans lesquelles il incombe à la juridiction cantonale de se prononcer
sur des
mesures de planification de différents niveaux (plan directeur,
modification
du régime des zones, planification des équipements, etc.) ainsi que
sur les
atteintes provoquées par d'importants projets d'urbanisation,
notamment les
nuisances sonores et les pollutions atmosphériques provenant du trafic
routier. Du reste, au début de l'instruction, le Tribunal
administratif
semblait estimer que le dossier était suffisamment complet pour qu'il
puisse
statuer à l'issue d'une instruction écrite, après un unique échange
d'écritures (conformément à la règle de l'art. 44 al. 1 LJPA); les
nouvelles
réquisitions de preuves qui lui ont été adressées il y a plus d'une
année ne
l'ont pas amené, en l'état, à ordonner d'autres mesures
d'instruction. On ne
saurait enfin reprocher des procédés dilatoires à l'actuel recourant,
qui en
tant que propriétaire intéressé n'a présenté aucune requête au
Tribunal
administratif, sinon pour demander un jugement rapide. Dans ces
conditions,
il faut considérer qu'en n'ayant pas statué plus de deux ans et demi
après le
dépôt du recours, le Tribunal administratif a violé l'art. 29 al. 1
Cst.

2.4 Il s'ensuit que le recours de droit public doit être admis sur ce
point,
le Tribunal administratif étant invité à statuer dans les meilleurs
délais
sur le recours formé le 27 septembre 2000 par P.________ contre la
décision
prise le 18 août 2000 par le Département des infrastructures au sujet
du plan
de quartier "La Petite Prairie" sur le territoire de la commune de
Nyon.

2.5 Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer sur la
responsabilité de l'Etat de Vaud pour ce retard injustifié, le cas
échéant,
ni sur une éventuelle réparation due au recourant. La conclusion du
recourant
tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ses prétentions civiles est
irrecevable (cf. ATF 126 III 534 consid. 1c p. 536; 124 I 327 consid.
4a-c p.
332 ss).

3.
Le présent arrêt doit être rendu sans frais (art. 153, 153a et 156
al. 1 et 2
OJ). L'Etat de Vaud aura à verser des dépens au recourant, assisté
d'un
avocat (art. 159 al. 1 et 2 OJ). Les autres parties, qui n'ont pas
pris de
conclusions, n'ont pas droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est admis, dans la mesure où il est
recevable, et
le Tribunal administratif
du canton de Vaud est invité à statuer dans
les
meilleurs délais sur le recours formé le 27 septembre 2000 par
P.________
contre la décision prise le 18 août 2000 par le Département des
infrastructures au sujet du plan de quartier "La Petite Prairie" sur
le
territoire de la commune de Nyon.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 1'000 fr., à payer au recourant à titre de dépens,
est mise
à la charge de l'Etat de Vaud.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du
recourant, de
P.________ et de la commune de Nyon, au Département des
infrastructures et au
Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 2 mai 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.194/2003
Date de la décision : 02/05/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-02;1p.194.2003 ?
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