La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2003 | SUISSE | N°5C.233/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 avril 2003, 5C.233/2002


{T 1/2}
5C.233/2002 /frs

Arrêt du 30 avril 2003
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Meyer et
Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

Gaspard de Marval, chemin du Praz d'Eau 5,
1000 Lausanne 25,
défendeur et recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat, rue du
Lion d'Or
2, case postale 3133,
1002 Lausanne,

contre

Floriane de Marval, 1000 Lausanne,
Louis de Marval, 2000 Neuchâtel,
Marie-Louise de Marval, 2000 Neuchâtel,
Christine de Marval, 2000

Neuchâtel,
demandeurs et intimés,
tous les quatre représentés par Me Inès Feldmann, avocate, avenue du
Tribunal-Fé...

{T 1/2}
5C.233/2002 /frs

Arrêt du 30 avril 2003
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Meyer et
Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

Gaspard de Marval, chemin du Praz d'Eau 5,
1000 Lausanne 25,
défendeur et recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat, rue du
Lion d'Or
2, case postale 3133,
1002 Lausanne,

contre

Floriane de Marval, 1000 Lausanne,
Louis de Marval, 2000 Neuchâtel,
Marie-Louise de Marval, 2000 Neuchâtel,
Christine de Marval, 2000 Neuchâtel,
demandeurs et intimés,
tous les quatre représentés par Me Inès Feldmann, avocate, avenue du
Tribunal-Fédéral 1,
case postale 2193, 1002 Lausanne.

art. 30 al. 3 CC, action en contestation d'un changement de nom,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 15 octobre 2002.

Faits:

A.
A.a Originaire de Chexbres et domiciliée dans cette commune, Adélaïde
de
Marval, née le 28 décembre 1898 et décédée, sans enfant, le 28
juillet 1998,
fut la dernière descendante par le sang de la branche "de Monruz" de
la
famille "de Marval". Pendant son mariage et après le décès de son
mari,
Maurice Pillard, dit Verneuil, elle fit usage, dans la vie courante
et dans
ses activités culturelles, du nom d'artiste de son époux suivi de son
nom de
jeune fille. C'est sous ce pseudonyme "Verneuil-de Marval" qu'elle fit
connaissance, dans les années soixante, avec Gaston Hauser, né en
1941, fils
de Gilbert Hauser et de Simone Hauser, née Tornay. En 1971, à
l'instigation
du jeune homme, elle reprit son nom de jeune fille. En 1972, elle
déposa une
demande d'adoption de Gaston Hauser, laquelle fut rejetée le 25
février 1975
par le Tribunal fédéral (ATF 101 II 3). Pendant plus de trente ans,
elle fit
preuve d'une constante attention envers le jeune homme qu'elle
considéra
comme son fils.

A.b Le 26 mars 1976, Gaston Hauser (qui se prénommera par la suite
Gaspard, à
la demande de sa bienfaitrice) a été autorisé par le Département de la
justice, de la police et des affaires militaires du canton de Vaud, à
changer
de nom et à porter à l'avenir le patronyme "de Marval". Cette
décision a été
publiée dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud du 2
avril 1976.
Louis de Marval, Marie-Louise de Marval, Floriane de Marval et
Christine de
Marval, neveux d'Adélaïde de Marval, qui étaient alors tous
domiciliés à
Neuchâtel, n'ont pas été consultés.
Gaspard de Marval s'est marié en novembre 1976. Trois enfants, nés en
1977
(jumeaux) et 1979, sont issus de son union.

A.c Le patronyme "de Marval", dont l'origine remonte au XIe siècle,
est
connu. La famille "de Marval" est considérée comme l'une des plus
anciennes
familles de Genève et de Suisse. A de nombreuses reprises, le nom "de
Marval"
s'est trouvé lié à l'histoire de ce pays. Avec leur tante, Adélaïde de
Marval, et un certain Bernard de Marval, dont ils ont perdu la trace,
Floriane de Marval, Louis de Marval, Marie-Louise de Marval et
Christine de
Marval, sont les descendants de la branche dite de "Neuchâtel" de la
famille
"de Marval". D'autres descendants forment des branches distinctes en
France,
aux Etats-Unis et en Argentine. En septembre 1995, huit abonnés (y
compris
Gaspard de Marval et son épouse, deux mentions) étaient inscrits sous
le nom
"de Marval" dans les annuaires téléphoniques suisses.
Gaspard de Marval a constamment honoré ce nom de famille.

B.
Le 23 avril 1993, Louis de Marval, Marie-Louise de Marval, Floriane
de Marval
et Christine de Marval ont appris de l'Inspecteur cantonal de l'état
civil
vaudois que Gaspard de Marval portait son nom de famille en vertu
d'une
décision prise en application de l'art. 30 CC.
Par demande du 19 novembre 1993, ils ont conclu à ce qu'il soit
constaté
qu'en changeant son nom de "Hauser" en "de Marval" et en faisant
usage de ce
nouveau patronyme, Gaspard de Marval a causé, et cause encore, une
atteinte
illicite à leur droit exclusif à porter ce patronyme, à ce que la
décision du
26 mars 1976 soit annulée, à ce que les modifications correspondantes
soient
ordonnées au conservateur du registre de l'état civil et à ce que le
défendeur soit condamné à leur payer 10'000 fr. à titre de
dommages-intérêts
et de réparation morale. Gaspard de Marval s'est opposé à l'action.
Le 24 février 1997, la procédure a été suspendue afin de permettre au
défendeur d'obtenir l'autorisation de porter le nom "Verneuil de
Marval",
auquel cas les demandeurs retireraient leur demande. Elle a été
reprise le 19
octobre 1999 à la demande de ces derniers, l'Etat civil du canton
ayant
classé l'affaire après avoir constaté que le défendeur avait renoncé à
poursuivre ses démarches.
Le 23 janvier 2002, le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne
a
rejeté les conclusions des demandeurs et admis celles en libération du
défendeur auquel il a alloué des dépens. Il a en outre fixé les frais
de
justice des parties.
Statuant le 15 octobre 2002 (art. 472 al. 3 CPC/VD) sur le recours des
demandeurs, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a
réformé le
jugement de première instance, en ce sens qu'elle a annulé la
décision du 26
mars 1976 autorisant le changement de nom, invité les autorités
d'état civil
compétentes à procéder aux modifications correspondantes, alloué des
dépens
aux demandeurs et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions.
Elle a par
ailleurs arrêté les frais de deuxième instance des demandeurs ainsi
que les
dépens à la charge du défendeur.

C.
Gaspard de Marval exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il
conclut au rejet des conclusions des demandeurs et à l'admission de
ses
propres conclusions en libération. Il se plaint de la violation des
art. 30
CC et 8 CEDH.

Les intimés proposent le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le présent recours est formé en temps utile contre une décision
finale prise
par l'autorité suprême du canton. Il est dès lors recevable au regard
des
art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. La décision attaquée a été rendue dans
le cadre
d'une contestation judiciaire d'un changement de nom au sens de
l'art. 30 al.
3 CC. En vertu de l'art. 44 OJ, le recours en réforme est recevable
dans de
telles contestations civiles non pécuniaires (recevabilité admise
implicitement dans les arrêts publiés aux ATF 95 II 503 [Fornerod],
76 II 337
[Tobler] et 72 II 145 [Surava]; cf. Poudret, Commentaire de la loi
fédérale
d'organisation judiciaire, vol. II, p. 7, n. 1.2.4 ad Titre II et p.
206, n.
2.1 ad art. 44 OJ; Wurzburger, Les conditions objectives du recours en
réforme au Tribunal fédéral, thèse Lausanne 1964, p. 30 et 229).

2.
Le défendeur fait valoir que l'action en contestation de changement
de nom
introduite par les demandeurs le 19 novembre 1993 est prescrite à deux
égards.

2.1 Il tente d'abord de remettre en question la jurisprudence publiée
aux ATF
118 II 1 consid. 5 p. 5 [Bigot de Morogues], selon laquelle l'action
en
cessation de trouble de l'art. 30 al. 3 CC n'est pas soumise à un
délai de
prescription décennal en application des art. 7 CC et 127 CO. Il se
borne
toutefois à reprendre - quasiment mot pour mot - les arguments qui
avaient
été avancés et abondamment discutés à l'époque et à prétendre que, le
droit
au nom se distinguant précisément des autres droits de la
personnalité par le
fait que la loi soumet l'action de l'art. 30 al. 3 CC à un délai de
"prescription" d'un an, il s'impose d'admettre également un délai de
prescription décennal. Une telle argumentation n'est pas de nature à
emporter
la conviction du Tribunal fédéral quant à la nécessité d'un
changement de la
jurisprudence précitée, laquelle n'a, au demeurant, pas fait l'objet
de
commentaires dans la doctrine (Rolf Häfliger, Die Namensänderung nach
Art. 30
ZGB, thèse Zurich 1996, p. 108; Andreas Bucher, Personnes physiques et
protection de la personnalité, 4e éd., 1999, p. 204, n. 828;
Deschenaux/Steinauer, Personnes physiques et tutelle, 4e éd., 2001,
p. 138,
n. 448; Bernhard Schnyder, ZBJV 130/1994 p. 141/142). Une telle
modification
suppose l'existence de motifs décisifs qui ne sont manifestement pas
réunis
en l'espèce (cf. ATF 127 V 353 consid. 3a p. 355 et les références;
119 V 255
consid. 4a p. 261/262).

2.2 Le défendeur se prévaut ensuite de la jurisprudence selon
laquelle il
faut assimiler à la connaissance effective (Kennen) du changement de
nom le
cas où le demandeur, au regard des circonstances, aurait dû en avoir
connaissance (Kennenmüssen; ATF 118 II 1 consid. 6 p. 7-8). Sur ce
point, la
cour cantonale a retenu en fait - constatation qui lie le Tribunal
fédéral en
instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ) - que les demandeurs n'ont
vraisemblablement pas su, avant l'avis clair de l'Inspecteur cantonal
de
l'état civil du 23 avril 1993 que le défendeur avait été autorisé à
changer
de nom selon l'art. 30 CC. En droit, elle a considéré que les
prénommés n'ont
pas eu de raison de le savoir avant ce moment-là, question que la
cour de
céans serait en principe habilitée à revoir. Point n'est toutefois
besoin
d'entrer en matière sur celle-ci, le recours devant être admis pour
les
motifs suivants.

3.
Selon le défendeur, son intérêt à conserver le patronyme "de Marval"
l'emporte sur celui des demandeurs à s'y opposer. A titre
d'argumentation, il
avance notamment avoir porté ce nom depuis un quart de siècle.

3.1 En vertu de l'art. 30 al. 3 CC, toute personne lésée par un
changement de
nom peut l'attaquer en justice. Pour déterminer si les conditions
subjectives
de l'action sont remplies, le juge examine si le demandeur a un
intérêt
suffisant et digne de protection à contester le changement de nom. Si
tel est
le cas, il procède à une pesée des intérêts en présence; il s'agit de
savoir
si l'intérêt du défendeur au changement de nom (et non pas à
l'abandon de
l'ancien nom, ce qui est du ressort de l'autorité administrative)
l'emporte
ou non sur l'atteinte subie dans ses intérêts par le demandeur (ATF
118 II 1
consid. 8 p. 10 et les arrêts cités).

3.2 En l'espèce, après avoir reconnu aux demandeurs un intérêt
suffisant et
digne de protection à contester le changement de nom, la cour
cantonale a
considéré que la pesée des intérêts se faisait en leur faveur. En
bref, elle
a jugé que les demandeurs ont un intérêt prépondérant à empêcher que
le
défendeur porte un patronyme rare, porteur d'un certain prestige et
témoin
d'une certaine histoire. Le fait que l'intéressé éprouve une grande
admiration pour certains milieux marqués par la tradition et cherche à
s'identifier à ceux-ci en prenant le nom de l'une des familles qui les
composent, si vif et si zélé qu'il puisse être, ne justifiait pas
qu'il fût
protégé par l'ordre juridique objectif. Le lien de "filiation
spirituelle"
qui semblait avoir uni le défendeur à Adélaïde de Marval ne pouvait
par
ailleurs être considéré comme déterminant. En effet, l'existence
d'une forte
amitié, d'un respect mutuel entre deux personnes, ne pouvait avoir
pour
résultat digne de protection d'obtenir une modification de nom. De
même,
l'admiration, le zèle du défendeur à l'égard de la famille des
demandeurs, ne
pouvait fonder le maintien du changement de nom, car une telle
démarche
psychologique ne constitue pas un intérêt légitime. Enfin, que le
défendeur
ait porté officiellement le patronyme "de Marval" depuis 1976 n'était
pas non
plus pertinent, dans la mesure où il avait eu une attitude fort
ambiguë quant
à l'origine de son nouveau nom, en indiquant en pointillé, dans une
revue, un
lien entre sa bienfaitrice et lui-même et en faisant usage du nom
modifié
avant l'autorisation. Vu les circonstances, il ne pouvait invoquer une
"prescription acquisitive", dès lors que, par son comportement, il
avait
dissuadé les demandeurs de se renseigner et d'agir.

3.3 A plusieurs reprises, le Tribunal fédéral a considéré qu'un nom de
famille rare, jouissant d'une notoriété toute particulière et
conférant à ses
possesseurs des avantages d'ordre social mérite une protection
accrue, de
telle sorte que son appropriation par le tiers est inadmissible, sauf
circonstances exceptionnelles (ATF 52 II 103 consid. 2 p. 106
[Eynard]; 60 II
387 consid. 2 p 390 [Dedual]; 67 II 191 [Segesser]; plutôt strict
aussi: ATF
118 II 1 consid. 8 p. 10 [Bigot de Morogues]). Toutefois,
contrairement à ce
que cette jurisprudence peut laisser penser, ce n'est pas la
considération
sociale, ou pour reprendre un des termes de l'autorité cantonale le
"prestige" dont jouit un nom qui mérite protection. Le nouveau
porteur peut
en effet - à l'instar du défendeur qui a constamment honoré le nom de
famille
"de Marval" - aussi ajouter à cette illustration. L'élément
déterminant tient
plutôt à la rareté du nom, lequel remplit alors mieux sa fonction
distinctive
et suggère davantage l'idée de l'appartenance à une famille (ATF 72
II 145
consid. 3 p. 151 [Surava]; 95 II 503 [Fornerod]; moins insistant sur
cet
aspect: ATF 118 II 1 consid. 8 p. 11 in initio; Jacques-Michel
Grossen, Les
personnes physiques, Traité de droit privé suisse, Tome II, 2, p. 63).
En l'espèce, il est établi (art. 63 al. 2 OJ) que le nom litigieux
est peu
répandu en Suisse. Seules huit personnes, y compris le défendeur (deux
mentions) sont en effet inscrites sous ce patronyme dans les annuaires
téléphoniques suisses. L'adoption
d'un tel nom par le défendeur peut
ainsi
éveiller l'idée d'un lien, en réalité inexistant, avec les
demandeurs. De ce
point de vue, ceux-ci ont dès lors une prétention légitime à empêcher
ce
tiers de porter leur nom.

3.4 A cet intérêt, le défendeur oppose l'inconvénient de devoir
changer de
nom si longtemps après l'octroi de l'autorisation administrative,
alors que
c'est sous le patronyme litigieux qu'il est connu de tous. Il se
prévaut en
outre de ce que les demandeurs ont admis pendant un quart de siècle
qu'il se
fasse appeler "de Marval".
Le Tribunal fédéral a traité à deux reprises l'argument tiré du fait
que le
défendeur a porté pendant plusieurs années le nom modifié. Dans
l'arrêt
Surava, il a considéré que, même si le défendeur avait porté ce nom à
titre
de pseudonyme durant un certain temps avant l'autorisation et était
donc déjà
connu sous celui-ci, il ne pouvait s'en prévaloir dès lors qu'il ne
l'avait
pas choisi de bonne foi (ATF 72 II 145 consid. 4 p. 151/152). Dans la
jurisprudence Bigot de Morogues, il a jugé, dans ses considérations
sur la
prescription, que "l'inconvénient (...) de se voir (...) exposé à une
action
en contestation du changement de nom de nombreuses années après
l'octroi de
l'autorisation administrative doit être pris en compte lors de
l'examen au
fond des intérêts réciproques des parties"; il s'agissait alors de
comparer
l'intérêt du demandeur à obtenir l'interdiction pour le défendeur de
porter
le nom visé à celui du défendeur à la conservation de son nouveau
nom; dans
le cadre de cette appréciation, l'écoulement du temps pouvait, "dans
certaines circonstances", constituer un facteur non négligeable (ATF
118 II 1
consid. 5c p. 6). En l'occurrence, le Tribunal fédéral avait cependant
finalement estimé que l'argument des défendeurs pris de l'écoulement
du temps
(vingt-huit ans, soit la durée entre l'autorisation et l'arrêt sur
recours en
réforme) ne leur était "d'aucun secours" (ATF précité, consid. 8 p.
11).
En l'espèce, il faut en revanche retenir l'existence de telles
circonstances
particulières. Contrairement à l'arrêt publié aux ATF 118 II 1 où les
défendeurs portaient le patronyme "Bigot de Morogues" accolé au nom de
"Müller", il est en effet établi que c'est sous le seul nom "de
Marval" que
le défendeur travaille depuis de nombreuses années à la Direction des
écoles
de la Ville de Lausanne (art. 63 al. 2 OJ) et qu'il est connu et
intégré dans
la vie sociale et religieuse de son lieu de domicile (art. 64 OJ; ATF
127 III
248 consid. 2c p. 252 et l'arrêt cité). Au moment de l'introduction de
l'action en 1993, il le portait en outre officiellement depuis 1976,
soit
depuis dix-sept ans, qui plus est, au vu et au su des demandeurs
depuis 1977.
Certes, selon l'arrêt cantonal, ceux-ci n'ont, pendant toutes ces
années, pas
réagi parce qu'ils ont vraisemblablement ignoré que le changement de
nom se
fondait sur une autorisation administrative. Toutefois, contrairement
aux
juges cantonaux, on ne saurait imputer cette méconnaissance à
"l'attitude
ambiguë" du défendeur, qui a fait usage du patronyme litigieux avant
même
l'autorisation administrative et a indiqué en pointillé, dans un
fascicule
transmis aux demandeurs, un lien entre Adélaïde de Marval et
lui-même. C'est
oublier que, d'une part, l'intéressé signait ses écrits avec l'accord
de sa
bienfaitrice et que, d'autre part, il entretenait des relations quasi
filiales avec cette dernière, laquelle avait au demeurant conduit - à
ses
côtés - jusqu'en dernière instance fédérale (ATF 101 II 3) une
procédure en
vue de son adoption et avait été jusqu'à lui demander de changer de
prénom.
Au vu de cette situation singulière, il faut considérer que l'intérêt
des
demandeurs à préserver la rareté de leur patronyme, à savoir de
supprimer le
risque de confusion qui peut se produire entre leur famille et le
défendeur,
perd son acuité au regard des inconvénients que subirait, selon
l'expérience
générale de la vie, ce dernier s'il devait reprendre son ancien nom.
C'est
ainsi à tort que l'autorité cantonale a admis l'action en
contestation du
changement de nom.
Cela étant, le recours doit être admis, sans qu'il y ait lieu
d'examiner
encore le grief pris de la violation de l'art. 8 CEDH, lequel ne
pouvait au
demeurant faire l'objet que d'un recours de droit public pour
violation des
droits constitutionnels (art. 84 let. a OJ).

4.
En conclusion, le recours doit être admis et l'arrêt cantonal réformé
en ce
sens que l'action des demandeurs tendant à l'annulation de la décision
autorisant le changement de nom est rejetée. La cause est en outre
renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens
des
instances cantonales. Les demandeurs, qui succombent, doivent être
condamnés,
solidairement entre eux (art. 156 al. 7 et 159 al. 5 OJ), aux frais
et dépens
de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt entrepris est réformé en ce sens que
l'action
des demandeurs tendant à l'annulation de la décision autorisant le
changement
de nom est rejetée.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des
demandeurs, avec
solidarité entre eux.

3.
Les demandeurs verseront solidairement une indemnité de 3'000 fr. au
défendeur à titre de dépens.

4.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision
sur les
frais et dépens des instances cantonales.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 30 avril 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.233/2002
Date de la décision : 30/04/2003
2e cour civile

Analyses

Art. 30 al. 3 CC; action en contestation d'un changement de nom. Recevabilité du recours en réforme (consid. 1). Portée de la protection d'un nom de famille rare (précision de la jurisprudence). Prise en considération, dans la pesée des intérêts, de l'écoulement du temps entre l'autorisation administrative de changement de nom et l'action en contestation de celui-ci (consid. 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-30;5c.233.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award