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30/04/2003 | SUISSE | N°4P.49/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 avril 2003, 4P.49/2003


{T 0/2}
4P.49/2003 /ech

Arrêt du 30 avril 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Yves Donzallaz, avocat, avenue de
Tourbillon 3,
case postale 387, 1951 Sion,

contre

Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Valais,
Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

procédure civile; assistance judiciaire

(recours de droit public contre le jugement de la Cour de cassatio

n
civile du
Tribunal cantonal du canton du Valais du 20 février 2003)

Faits:

A.
Chef d'entreprise, A.__...

{T 0/2}
4P.49/2003 /ech

Arrêt du 30 avril 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Yves Donzallaz, avocat, avenue de
Tourbillon 3,
case postale 387, 1951 Sion,

contre

Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Valais,
Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

procédure civile; assistance judiciaire

(recours de droit public contre le jugement de la Cour de cassation
civile du
Tribunal cantonal du canton du Valais du 20 février 2003)

Faits:

A.
Chef d'entreprise, A.________ était titulaire auprès de la banque
X.________
de plusieurs comptes, qui présentaient des soldes passifs importants.
Pour
assainir la situation, un accord global a été trouvé en 1998 avec
l'établissement bancaire, à l'initiative de Me B.________, alors
mandataire
de A.________. Le 16 février 1998, le client a signé en faveur de la
banque
une reconnaissance de dette de 879'604 fr.95. Selon le débiteur, la
banque
X.________ s'était engagée à ne pas en requérir l'exécution avant
qu'il ne
revînt à meilleure fortune. Cette position serait reflétée par la
clause
particulière suivante, inscrite dans la reconnaissance de dette: «La
présente
reconnaissance de dette est valable jusqu'au 28 février 2003. Il
s'agit d'un
délai de péremption.»

En 2001, divers créanciers de A.________ ont reçu des actes de défaut
de
biens. Le 7 septembre 2001, la banque X.________ lui a néanmoins fait
notifier un commandement de payer pour un montant de 879'604 fr.95; le
débiteur a formé opposition totale. Par décision du 21 février 2002,
le Juge
I du district de Sion a prononcé la mainlevée à concurrence de cette
somme.

B.
Le 18 mars 2002, A.________ a introduit une action en libération de
dette, au
motif que la créance de la banque X.________ n'était pas exigible. Il
a
sollicité l'assistance judiciaire totale.

Le 14 mai 2002, le Juge II du district de Sion a rejeté la requête
d'assistance judiciaire en raison du défaut de chances de succès,
l'indigence
étant admise.

Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de cassation civile du
Tribunal
cantonal valaisan l'a rejeté en date du 7 juin 2002. Elle a estimé
devoir
statuer sans attendre l'administration de preuves; elle a retenu que
le
recourant n'avait déposé aucune pièce à l'appui de son argumentation
relative
à l'exigibilité de la créance, qui dépendrait de son retour à
meilleure
fortune; de plus la réduction du délai légal de prescription de dix
ans à un
délai de péremption de cinq ans représentait une aggravation
incompréhensible
de la position du créancier, lequel avait manifestement voulu éviter
la
péremption en poursuivant le débiteur.

Statuant le 2 septembre 2002 sur recours de droit public du
requérant, le
Tribunal fédéral a annulé la décision cantonale; il a jugé que la
Cour de
cassation civile devait examiner l'ensemble des circonstances pour se
déterminer sur les chances de succès, en procédant à l'appréciation
anticipée
des témoignages mettant en doute l'exigibilité de la créance et en
comparant
leur force probante à celle des documents versés au dossier (arrêt
4P.155/2002).

Par jugement du 20 février 2003, la cour cantonale a rejeté le
pourvoi en
nullité formé par le débiteur, en considérant que les chances de
succès de
l'action en libération de dette étaient notablement inférieures aux
risques
de perdre le procès. En substance, elle a estimé que, d'une part, les
dépositions des témoins devraient être accueillies avec
circonspection en
raison de leurs liens respectifs avec les parties et, d'autre part,
que la
banque n'aurait pas admis sans mention écrite la condition
supplémentaire de
retour à meilleure fortune de son débiteur, dans le laps de temps
relativement court de cinq ans.

C.
A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Il
conclut à
l'annulation du jugement de la Cour de cassation civile. A son sens,
les
juges cantonaux seraient partis de l'idée que les témoins à entendre
commettraient un faux témoignage; les justiciables indigents ne
pourraient
plus étayer leurs allégations par le témoignage de personnes proches,
dont
les déclarations ne seraient ainsi pas considérées comme des moyens de
preuves propres à emporter la conviction du juge. De plus, le
recourant fait
valoir que la banque n'aurait pas pu accepter le délai de péremption
au 28
février 2003 si la reconnaissance de dette n'était pas subordonnée à
la
condition suspensive du retour à meilleure fortune du débiteur. En
effet, si
ce dernier rentrait dans ses moyens avant le délai de péremption, la
créance
de la banque X.________ deviendrait immédiatement exigible, un
nouveau délai
de prescription ordinaire de dix ans commençant à courir; dans le cas
contraire, elle s'éteindrait purement et simplement.

Pour sa part, la Cour de cassation civile se réfère à sa décision.

D.
Par ordonnance du 10 avril 2003, le Président de la Ire Cour civile a
accordé
l'effet suspensif au recours, dispensant le recourant de déposer
d'importantes sûretés au Tribunal du district de Sion.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 13 consid.
1a p.
16, 46 consid. 2a p. 47, 56 consid. 1 p. 58).

Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente dont,
en règle
générale, il résulte un dommage irréparable au sens de l'art. 87 al.
2 OJ
(ATF 129 I 129 consid. 1.1 p. 131; 126 I 207 consid. 2a p. 210; 125 I
161
consid. 1 p. 162 et les arrêts cités). Comme tel est le cas en
l'espèce, le
recours de droit public est recevable contre le jugement du 20
février 2003.

2.
Le recourant se plaint d'une violation de son droit à l'assistance
judiciaire
tel que garanti par les art. 29 al. 3 Cst., 6 par. 3 let. c CEDH et
14 par. 3
let. d Pacte ONU II. Il reproche également à la cour cantonale une
application arbitraire des normes cantonales régissant l'octroi de
l'assistance judiciaire, singulièrement de l'art. 2 al. 1 et 2 de la
loi
valaisanne sur l'assistance judiciaire et administrative du 29
janvier 1988
(LAJA).

2.1 Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de la préciser
dans son
arrêt du 2 septembre 2002 (consid. 2), la référence aux art. 6 par. 3
let. c
CEDH et 14 par. 3 let. d Pacte ONU II est superflue dans la mesure où
la
protection résultant de ces dispositions n'est pas plus étendue que la
garantie offerte par l'art. 29 al. 3 Cst. (cf. ATF 119 Ia 264 consid.
3).

2.2 Le principe, l'étendue et les limites du droit à l'assistance
judiciaire
gratuite sont déterminés en premier lieu par les prescriptions de
droit
cantonal, dont le Tribunal fédéral ne contrôle l'application que sous
l'angle
restreint de l'arbitraire. Par ailleurs, le droit à l'assistance
judiciaire
résulte également de l'art. 29 al. 3 Cst., qui offre des garanties
minimales
dont le Tribunal fédéral examine librement le respect; les
constatations de
fait sur lesquelles la décision attaquée repose ne peuvent toutefois
être
revues que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 129 I 129 consid. 2.1 p.
133;
127 I 202 consid. 3a p. 204/205; 124 I 1 consid. 2 p. 2).

Lorsque le droit cantonal ne confère pas un droit plus étendu que
celui
garanti par l'art. 29 al. 3 Cst., le grief tiré de la violation du
droit à
l'assistance judiciaire doit être traité exclusivement à la lumière
de la
disposition constitutionnelle fédérale (ATF 124 I 1 consid. 2; cf.
également
ATF 128 I 225 consid. 2.3; Bernard Corboz, Le droit constitutionnel à
l'assistance judiciaire, in SJ 2003 II p. 69/70).

2.3 Selon l'art. 21 de la loi valaisanne sur la profession d'avocat
(LPAv)
entrée en vigueur le 1er juin 2002, les dispositions non abrogées de
la loi
sur la profession d'avocat et l'assistance judiciaire et
administrative du 29
janvier 1988 (aLPAv) sont reprises, sous une nouvelle numérotation,
dans la
LAJA. L'art. 28 aLPAv est ainsi devenu l'art. 2 LAJA. Même si le
recourant a
introduit action en libération de dette avant l'entrée en vigueur de
la LPAv,
il y a lieu en l'occurrence de se référer à la LAJA, en l'absence de
toute
modification législative autre que purement formelle.

L'art. 2 al. 1 LAJA accorde le droit à l'assistance à toute personne
dont le
revenu et la fortune ne lui permettent pas, après avoir pourvu à son
entretien et à celui de sa famille, de garantir, d'avancer ou de
supporter
les frais nécessaires à la défense de sa cause. En matière civile et
administrative, la cause de l'intéressé ne doit pas apparaître
d'emblée
dénuée de toute chance de succès (art. 2 al. 2 1ère phrase LAJA). En
vertu de
l'art. 29 al. 3 1ère phrase Cst., toute personne qui ne dispose pas de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse
dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite.

Le litige porte en l'espèce sur l'appréciation des chances de succès
de
l'action en libération de dette introduite par le recourant. Sur la
possibilité de refuser l'assistance lorsque la procédure engagée
apparaît
vaine, le droit cantonal ne se distingue pas de la garantie
constitutionnelle
fédérale. Il convient donc d'examiner le recours uniquement sous
l'angle de
l'art. 29 al. 3 Cst.

3.
3.1Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un procès est dénué de
chances
de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus
faibles
que le risque de le perdre et qu'il doit être considéré comme
aléatoire au
point qu'un plaideur raisonnable, de condition aisée, renoncerait à
s'y
engager en raison des frais qu'il s'exposerait à devoir supporter. Le
procès
n'est pas voué à l'échec lorsque les chances de succès et les risques
d'échec
sont à peu près équivalents ou lorsque les premières ne sont que de
peu
inférieures aux seconds. L'élément déterminant réside dans le fait que
l'indigent ne doit pas se lancer, parce qu'il plaide aux frais de la
collectivité, dans des démarches vaines qu'une personne raisonnable
n'entreprendrait pas si, disposant de moyens suffisants, elle devait
les
financer de ses propres deniers (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1 p.
135/136; 128
I 225 consid. 2.5.3 p. 236; 125 II 265 consid. 4b p. 275 et les arrêts
cités). Le critère des chances de succès doit être examiné au moment
du dépôt
de la requête d'assistance judiciaire (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1 p.
136;
128 I 225 consid. 2.5.3 p. 236; 125 II 265 consid. 4b p. 275 et les
arrêts
cités). L'autorité procédera à une appréciation anticipée et sommaire
des
preuves, sans toutefois instruire une sorte de procès à titre
préjudiciel
(arrêt précité du 2 septembre 2002, consid. 3.1 in fine). Dire quels
sont les
éléments d'appréciation pertinents et s'il existe des chances de
succès est
une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de
droit
public pour violation de l'art. 29 al. 3 Cst., peut examiner
librement. En
revanche, savoir si les faits sont établis ou prouvables est une
question qui
relève de l'appréciation des preuves; elle ne peut être revue que sous
l'angle de l'arbitraire (ATF 125 II 265 consid. 4b p. 275; 124 I 304
consid.
2c p. 307; Corboz, op. cit., p. 82).

3.2 En l'espèce, l'issue du litige au fond dépend de la volonté réelle
commune des parties au moment de la signature de la reconnaissance de
dette
du 16 février 1998, plus précisément de l'existence ou non d'une
condition
suspensive non-écrite liant l'exigibilité de la dette au retour à
meilleure
fortune du débiteur. Ce fait pertinent ne peut être établi, le cas
échéant,
que par les déclarations des personnes dont la déposition est
demandée, soit
l'ancien avocat du recourant et les représentants de la banque ayant
participé à la préparation et à la finalisation de la reconnaissance
de
dette.
Au bénéfice de son large pouvoir d'appréciation, la Cour de cassation
pouvait
considérer que les témoignages requis devaient être admis avec
circonspection
en raison de la proximité des personnes en cause avec les parties,
sans que
cela n'induise nécessairement une suspicion de faux témoignage à leur
égard.
Une certaine réserve dans l'appréciation de telles déclarations est
d'ailleurs conforme à la pratique judiciaire; il convient de rappeler
à cet
égard que le principe de la libre appréciation des preuves permet au
juge
d'estimer la crédibilité d'une déposition en fonction des éventuelles
inconstances de son auteur ou de sa personne même (cf. Fabienne Hohl,
Procédure civile, tome I, Berne 2001, p. 213).
En raison de la proximité des témoins requis avec les parties et de
leur
implication personnelle, la cour cantonale n'est pas tombée dans
l'arbitraire
en retenant, par une appréciation anticipée des moyens de preuves, que
lesdits témoignages, qui risquaient fort de s'annuler, ne seraient de
toute
manière pas propres à emporter la conviction des juges.
Par ailleurs, la cour cantonale était fondée à considérer que le
contexte de
l'espèce, mettant en présence des personnes rompues aux affaires, et
l'importance du montant en jeu supposaient la confirmation écrite
d'une
condition essentielle, ce d'autant plus que des points de moindre
importance
avaient été mis par écrit. Il était raisonnable de s'arrêter à de
telles
considérations, dans la mesure où
la banque pouvait être représentée
par
plusieurs employés se succédant dans la gestion du dossier, de sorte
que
l'absence de confirmation écrite s'avérait contraire à la pratique
commerciale et à l'organisation interne d'une personne morale de
grande
envergure.
En conclusion, comme le fait pertinent pour l'admission de l'action en
libération de dette n'apparaissait pas prouvable, la cour cantonale
n'a pas
violé l'art. 29 al. 3 Cst. en jugeant que l'action en libération de
dette
était dénuée de chances de succès.
Sur le vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

4.
Comme le recours était d'emblée voué à l'échec, la requête
d'assistance
judiciaire déposée par le recourant pour la procédure devant le
Tribunal
fédéral doit être rejetée (cf. art. 152 al. 1 OJ).

Les frais judiciaires seront mis à la charge du recourant qui
succombe (art.
156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'autorité qui
obtient gain de cause (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire déposée par le recourant pour la
procédure
devant le Tribunal fédéral est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
et à la
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 30 avril 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.49/2003
Date de la décision : 30/04/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-30;4p.49.2003 ?
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