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24/04/2003 | SUISSE | N°C.29/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 avril 2003, C.29/02


{T 7}
C 29/02

Arrêt du 24 avril 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Wagner

G.________, recourante,

contre

Caisse publique d'assurance-chômage de la République et canton du
Jura, rue
Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, intimée

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 3 janvier 2002)

Faits :

A.
G. ________, née le 16 juin 1950, pharmacienne de profess

ion, a perdu
son
emploi à la suite de la fermeture, le 28 février 1999, de l'officine
dont
elle avait la gérance. Dès mars 19...

{T 7}
C 29/02

Arrêt du 24 avril 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Wagner

G.________, recourante,

contre

Caisse publique d'assurance-chômage de la République et canton du
Jura, rue
Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, intimée

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 3 janvier 2002)

Faits :

A.
G. ________, née le 16 juin 1950, pharmacienne de profession, a perdu
son
emploi à la suite de la fermeture, le 28 février 1999, de l'officine
dont
elle avait la gérance. Dès mars 1999, elle a bénéficié d'indemnités
journalières de l'assurance-chômage.

Le 26 octobre 2000, G.________ a annoncé qu'elle avait effectué des
remplacements durant le mois d'octobre, «dont la somme approximative
serait
de 2'000 fr. environ, frais de déplacement et de repas non encore
déduits».

Se fondant sur un décompte du 30 octobre 2000 qui prenait en
considération un
gain intermédiaire de 2'000 fr., la Caisse publique
d'assurance-chômage de la
République et canton du Jura a versé à l'assurée des indemnités
journalières
pour le mois d'octobre, d'un montant total de 4'211 fr. 85.

Invitée par la caisse à faire remplir par son employeur une
attestation de
gain intermédiaire, G.________ a refusé, en invoquant le risque, lié
à la
divulgation de sa situation de chômeuse, qu'elle perde son emploi
temporaire
ou que son salaire soit diminué. Elle produisait un relevé de compte
bancaire
pour le mois d'octobre 2000, qui indiquait une entrée de salaire de
2'232 fr.
35.

Le 23 novembre 2000, la caisse a avisé G.________ qu'elle était tenue
de
fournir tous les renseignements et documents nécessaires. Elle la
sommait de
faire remplir par son employeur l'attestation de gain intermédiaire,
faute de
quoi elle lui demanderait la restitution des indemnités versées pour
le mois
d'octobre.

Par lettre du 16 décembre 2000, G.________ a informé la caisse
qu'elle avait
retrouvé un emploi à plein temps. Invoquant la protection de sa sphère
privée, elle refusait de communiquer le nom de son employeur. Elle
demandait
que lui soit payé «le complément de novembre, ainsi que le chômage
complet de
décembre 2000».

Dans sa réponse du 22 décembre 2000, la caisse a invité l'assurée à
faire
remplir par son employeur l'attestation de gain intermédiaire.
Le 10 février 2001, G.________, renouvelant sa demande du 16 décembre
2000, a
déclaré : «De mon côté, je vous ai apporté la preuve du gain réalisé
à temps
partiel et ma recherche de travail en novembre. Pour décembre, j'ai
été au
chômage complet et vous ai fourni les preuves de recherche de travail
pour
cette période».
Le 15 février 2001, la caisse a sommé G.________ de lui fournir les
documents
réclamés, en lui impartissant un délai jusqu'au 28 février 2001 pour
produire
les attestations de gain intermédiaire concernant les mois d'octobre
et
novembre 2000, ainsi que tous les documents concernant la cessation
des
rapports de travail en novembre, et elle l'avisait qu'à l'échéance
de ce
délai le droit aux indemnités serait atteint de péremption.

Par décision du 15 mars 2001, la caisse a informé G.________ qu'elle
ne
pouvait plus prétendre à des indemnités de chômage pour les mois
d'octobre et
novembre 2000, étant donné qu'elle n'avait pas exercé son droit à
l'indemnité
dans les délais prescrits. Elle se réservait le droit de demander la
restitution des indemnités versées en octobre 2000 sur la base
d'indications
erronées.

Par décision du 2 mai 2001, la caisse a réclamé à G.________ la
restitution
d'un montant de 4'211 fr. 85 représentant les indemnités de chômage
touchées
à tort du 1er au 31 octobre 2000.

B.
G.________ a recouru contre la décision du 15 mars 2001 devant la
Chambre des
assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, en
demandant que lui soient payées les indemnités de chômage qui lui
étaient
dues, augmentées des intérêts. Elle faisait parvenir une attestation
de
salaire pour l'an 2000 reçue de son employeur, dont elle avait fait
disparaître le nom pour des raisons de protection de la sphère privée.

Par jugement du 3 janvier 2002, la juridiction cantonale a rejeté le
recours
dans la mesure où il était recevable.

C.
G.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement. Elle
invite le Tribunal fédéral des assurances à prendre position sur la
question
« principalement centrée sur l'utilisation de l'attestation de gains
intermédiaires en relation avec la sphère privée du chômeur », le cas
échéant
en renvoyant la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle revoie
le
problème.

La Caisse publique de chômage de la République et canton du Jura
conclut au
rejet du recours. Le Secrétariat d'État à l'économie a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 Selon la décision du 15 mars 2001, le droit de la recourante aux
indemnités de chômage pour les mois d'octobre et de novembre 2000
s'est
éteint, faute d'avoir été exercé dans le délai de péremption de trois
mois
inscrit à l'art. 20 al. 3 première phrase LACI. L'intimée s'est
également
réservé le droit de demander la restitution des indemnités versées en
octobre
2000. Dans la mesure où la caisse nie ainsi le droit de l'assurée aux
indemnités déjà versées, la décision administrative litigieuse est une
décision de constatation sur le droit à des indemnités journalières
pour le
mois d'octobre 2000 (arrêt P. du 11 octobre 2002 [C 81/01]).

1.2 Selon la jurisprudence, une autorité ne peut rendre une décision
de
constatation, au sens des art. 5 al. 1 let. b et 25 PA, que lorsque la
constatation immédiate de l'existence ou de l'inexistence d'un
rapport de
droit est commandée par un intérêt digne de protection, à savoir un
intérêt
actuel de droit ou de fait, auquel ne s'opposent pas de notables
intérêts
publics ou privés, et à condition que cet intérêt digne de protection
ne
puisse pas être préservé au moyen d'une décision formatrice,
c'est-à-dire
constitutive de droits ou d'obligations (ATF 126 II 303 consid. 2c,
125 V 24
consid. 1b, 121 V 317 consid. 4a et les références).

1.3 S'agissant du droit à l'indemnité pour le mois d'octobre 2000,
c'est au
moyen d'une décision formatrice que l'intimée aurait pu et dû
préserver son
intérêt au remboursement des indemnités déjà versées. Il n'y avait, en
l'occurrence, aucune raison de dissocier le droit de la recourante à
des
indemnités journalières pour le mois d'octobre 2000 et la restitution
des
indemnités déjà versées. Aussi la caisse aurait-elle dû réclamer à
l'assurée
la restitution des indemnités payées en octobre 2000 directement dans
la
décision du 15 mars 2001 (arrêt P. du 11 octobre 2002 déjà cité).
Faute d'intérêt digne de protection à la constatation du droit de la
recourante à des indemnités journalières pour octobre 2000, c'est à
tort que
l'intimée a rendu le 15 mars 2001 une décision de constatation sur ce
point.
Dans la mesure où elle a trait au mois d'octobre 2000, celle-ci
aurait donc
dû être annulée d'office par la juridiction de première instance
(arrêt P. SA
du 6 mars 2003 [H 290/01], prévu pour la publication).

Au vu de ce qui précède, la Cour de céans ne saurait entrer en
matière sur
les conclusions du recours qui portent sur le fond de la contestation
en ce
qui concerne le mois d'octobre 2000.

2.
Selon la recourante, l'assurance-chômage lui doit environ 11'000 fr.
En
particulier, elle reproche à l'intimée de ne lui avoir rien versé en
décembre
2000. Cela sort de l'objet de la contestation, déterminé par la
décision
administrative litigieuse du 15 mars 2001, laquelle ne concerne pas
le mois
de décembre 2000.

3.
Il reste à examiner le droit de l'assurée à l'indemnité de chômage
pour le
mois de novembre 2000.

3.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le
domaine
de l'assurance-chômage. Ce nonobstant, le cas d'espèce reste régi par
les
dispositions de la LACI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu
égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

3.2 Aux termes de l'art. 20 al. 3 première phrase LACI (dans sa
teneur en
vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), le droit à l'indemnité s'éteint
s'il
n'est pas exercé dans les trois mois suivant la fin de la période de
contrôle
à laquelle il se rapporte.

Chaque mois civil pour lequel le chômeur prétend des indemnités
constitue une
période de contrôle (art. 27a OACI). Le mode d'exercice du droit à
l'indemnité est réglé par les dispositions de l'art. 29 al. 1 à 3
OACI, en
particulier pour ce qui concerne les périodes de contrôle suivant la
première
période. Selon l'art. 29 al. 2 OACI, afin de faire valoir son droit à
l'indemnité pour les périodes de contrôle suivantes, l'assuré
présente à la
caisse :
a)l'extrait du fichier «Données de contrôle» ou la formule
«Indications de la
personne assurée»;
b)Les attestations relatives aux gains intermédiaires;
c)tout autre document exigé par la caisse pour juger de son droit à
l'indemnité;
d)... .
3.3 On peut déduire du système de contrôle mis en place par le
législateur
qu'il n'existe pas de motifs de déroger au sens littéral de l'art. 20
al. 3
LACI. En effet, l'institution d'un délai de déchéance poursuit le but
de
permettre à l'administration de se prononcer suffisamment tôt sur le
bien-fondé d'une demande d'indemnisation, afin de prévenir
d'éventuels abus
(ATF 113 V 68 consid. 1b). Par ailleurs, l'exigence posée par la
disposition
précitée se justifie par le fait que la caisse doit être dûment
renseignée
sur tous les éléments - ou, à tout le moins, sur les éléments
essentiels -
qui lui sont nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause
sur les
prétentions du requérant. L'énoncé des documents à produire (cf. art.
29
OACI) donne, au demeurant, la mesure de l'importance des contrôles
administratifs. On peut déduire de cet énoncé que la caisse ne joue
pas
seulement le rôle d'un office de paiement, ce qui justifie que l'on
ne puisse
surseoir au dépôt des documents nécessaires (DTA 2000 n° 6 p. 30
consid. 1c
et les références).

3.4 La recourante est d'avis qu'elle se trouve dans la situation
prévue à
l'art. 29 al. 4 OACI puisque, pour des raisons ayant trait à la
protection de
la sphère privée, il aurait été contraire à ses intérêts de révéler
le nom de
son employeur par le dépôt d'une attestation de gain intermédiaire.
Elle
estime, par ailleurs, qu'elle peut aujourd'hui, soit une année après,
fournir
tous les renseignements nécessaires qui ne pouvaient pas être donnés
au
moment critique.

3.5 Selon l'art. 29 al. 4 OACI, si l'assuré ne peut prouver, par des
attestations, des faits permettant de juger du droit à l'indemnité,
la caisse
peut exceptionnellement prendre en considération une déclaration
signée de
l'assuré, lorsque celle-ci paraît plausible.

Contrairement à l'opinion de la recourante, cette disposition
réglementaire
n'entre pas en considération. Le gain intermédiaire réalisé en
novembre 2000
est un fait qui pouvait être prouvé par l'attestation prévue à cet
effet.

En l'occurrence, l'assurée a rempli la formule «Indications de la
personne
assurée» pour le mois de novembre 2000, en mentionnant des
remplacements pour
environ 1'267 fr. Elle déclarait qu'elle était dans l'attente de la
fiche de
salaire qu'elle n'avait pas encore reçue, ni du versement du salaire
concernant ces remplacements. Par lettre du 9 décembre 2000, elle a
produit
un relevé de compte bancaire relatif à novembre 2000, où figure une
entrée de
salaire de 1'267 fr. 90. Cette déclaration écrite et ce document
n'indiquent
pas le nom et l'adresse de l'employeur et sont donc insuffisants au
regard de
l'art. 29 al. 4 OACI (arrêt P. du 14 avril 1999 [C 204/97]).

3.6 On ne saurait surseoir au dépôt de l'attestation de gain
intermédiaire
(DTA 2000 n° 6 p. 30 consid. 1c déjà cité). La recourante étant tenue
de
fournir à la caisse intimée tous les renseignements et documents
nécessaires
(art. 96 al. 1 LACI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), elle
était tenue
de fournir l'attestation de gain intermédiaire pour le mois de
novembre 2000
dans le délai de trois mois suivant la fin de la période de contrôle à
laquelle le droit à l'indemnité se rapportait (art. 20 al. 3 première
phrase
LACI). Ce document apparaît en effet sans conteste nécessaire à la
caisse
pour déterminer les droits de la recourante aux indemnités.
Invoquant de manière générale la protection de la sphère privée, soit
le
droit de toute personne d'être protégée contre l'emploi abusif des
données
qui la concernent (art. 13 al. 2 Cst. ), la recourante remet en
cause, à tout
le moins de manière implicite, la constitutionnalité de cette exigence
légale. Le Tribunal fédéral des assurances étant tenu d'appliquer
les
lois
fédérales (art. 191 Cst.), il ne saurait entrer en matière sur ce
moyen.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est partiellement admis en ce sens que le jugement de la
Chambre
des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du
Jura, du 3
janvier 2002, et la décision de la Caisse publique
d'assurance-chômage de la
République et canton du Jura du 15 mars 2001 sont annulés, dans la
mesure où
ils concernent le mois d'octobre 2000. Il est rejeté pour le surplus.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de
la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, à l'Office
régional de
placement, au Service cantonal des arts et métiers et du travail du
canton du
Jura et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 24 avril 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.29/02
Date de la décision : 24/04/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-24;c.29.02 ?
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