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23/04/2003 | SUISSE | N°1P.209/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 avril 2003, 1P.209/2003


{T 0/2}
1P.209/2003 /col

Arrêt du 23 avril 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

C. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Couchepin, avocat, place
Centrale 9,
case postale 244, 1920 Martigny,

contre

Juge d'instruction pénale du Bas-Valais,
Maison de la Pierre, 1890 St-Maurice,
Procureur du Bas-Valais, 1920 Martigny,
Tribunal c

antonal du canton du Valais,
Chambre pénale, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

détention préventive,

recours de...

{T 0/2}
1P.209/2003 /col

Arrêt du 23 avril 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

C. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Couchepin, avocat, place
Centrale 9,
case postale 244, 1920 Martigny,

contre

Juge d'instruction pénale du Bas-Valais,
Maison de la Pierre, 1890 St-Maurice,
Procureur du Bas-Valais, 1920 Martigny,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Chambre pénale, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

détention préventive,

recours de droit public contre la décision de la Chambre pénale du
Tribunal
cantonal du canton du Valais du
27 mars 2003.

Faits:

A.
Le 9 août 2002, C.________ a été arrêté et mis en détention
préventive, pour
les besoins d'une instruction pénale ouverte par le Juge
d'instruction du
Bas-Valais, pour infraction à la LStup. Mis en cause par une douzaine
de
personnes auxquelles il avait fourni plusieurs centaines de grammes de
cocaïne, il a progressivement admis une partie des faits, et a été
remis en
liberté le 23 septembre 2002.

B.
Le 8 novembre 2002, le juge d'instruction a délivré un nouvel ordre
d'écrou
contre C.________, pour des délits d'extorsion et de chantage, ainsi
que pour
des lésions corporelles, dommages à la propriété et vol dont auraient
été
victimes certaines personnes qui l'avaient mis en cause: le jour de
sa sortie
de prison, C.________ avait rencontré P.________, lui avait réclamé
15000 fr.
ainsi que la remise de son automobile; le 6 novembre 2002,
C.________, en
possession d'un pistolet, aurait agressé R.________, lui faisant
savoir qu'il
lui réclamerait de l'argent; le même jour, il avait menacé M.________
en
exigeant de lui également 15000 fr.; N.________ s'était plaint de
menaces
similaires.
Le 22 novembre 2002, le juge d'instruction a rejeté une demande de
mise en
liberté, en raison du risque de collusion: toutes les personnes ayant
un lien
avec le trafic de drogue reproché à C.________ n'avaient pas été
entendues,
et il était à craindre que le prévenu ne tente de faire revenir sur
leurs
déclarations ceux qui l'avaient mis en cause. Il existait aussi un
risque de
récidive, l'intéressé paraissant s'être entouré de personnes
extérieures pour
exercer ses menaces et pressions.
Le 18 décembre 2002, le juge d'instruction a derechef refusé la mise
en
liberté, en substance pour les mêmes raisons, en dépit de
l'engagement du
prévenu de s'abstenir de tout contact avec les personnes impliquées.
Le 8 janvier 2003, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan a
confirmé
cette décision. Le prévenu ne craignait pas de recourir à des formes
d'intimidation appuyées, et pouvait compter sur des "amis dévoués".
Le risque
de collusion demeurait tant que la phase de l'instruction n'était pas
terminée. S'agissant du trafic de stupéfiants, il y avait lieu de
s'assurer
des déclarations des anciens clients du prévenu, le cas échéant en
procédant
à des confrontations.
Lors des auditions effectuées du 20 janvier au 10 février 2003, les
différentes personnes impliquées ont confirmé les prétentions
pécuniaires et
menaces formulées par le prévenu. B.________ fit également état de
faits
similaires.

C.
Le 20 février 2003, une nouvelle demande de mise en liberté a été
rejetée par
le juge d'instruction. Une ordonnance d'inculpation a été rendue le
même
jour, précisant l'ensemble des faits reprochés et fixant aux parties
un délai
de trente jours pour requérir un complément d'instruction.
Par décision du 27 mars 2003, la Chambre pénale a confirmé ce refus
de mise
en liberté. Il restait d'importantes divergences entre les quantités
de
drogue admises par le prévenu et celles mentionnées par les
acquéreurs. Le
risque de collusion demeurait en tout cas avant la mise en oeuvre des
moyens
de preuve complémentaires. Le risque de réitération n'était pas
contesté.

D.
C.________ forme un recours de droit public contre cette dernière
décision.
Il en demande l'annulation, assortie de sa mise en liberté immédiate,
et
requiert en outre l'assistance judiciaire.
La cour cantonale, le juge d'instruction et le Ministère public ont
renoncé à
se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt
rendu en
dernière instance cantonale. Le recourant, personnellement touché par
l'arrêt
attaqué qui confirme le refus de sa mise en liberté provisoire, a
qualité
pour recourir selon l'art. 88 OJ. Par exception à la nature
cassatoire du
recours de droit public, il peut conclure à sa mise en liberté
immédiate (ATF
124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).

2.
L'arrêt cantonal est fondé sur l'existence de risques de collusion et
de
réitération. La cour cantonale a estimé que ce second risque n'était
pas
remis en cause par le recourant. Dans son recours de droit public, le
recourant ne conteste sérieusement que le risque de collusion; il ne
serait
d'ailleurs pas recevable, faute d'épuisement des instances
cantonales, à
contester le risque de réitération (art. 86 al. 1 OJ). Or, lorsque
l'arrêt
attaqué est fondé sur plusieurs motifs indépendants, le recourant doit
attaquer chacun d'entre eux, à peine d'irrecevabilité (ATF 121 IV
94). Pour
ce motif déjà, la recevabilité du recours de droit public apparaît
douteuse.
La question peut toutefois demeurer indécise, compte tenu du sort
évident du
recours sur le fond.

3.
Le recourant conteste, pour l'essentiel, le risque de collusion. Dans
sa
décision précédente, la cour cantonale avait jugé nécessaire
d'attendre la
fin de l'instruction préparatoire. Or, depuis la confrontation
organisée le
10 février 2003, le juge d'instruction avait rendu une ordonnance
d'inculpation, estimant l'enquête complète. En cas de libération, le
recourant ne pourrait pas influencer les déclarations des personnes
déjà
entendues à plusieurs reprises. Les moyens de preuve complémentaires
évoqués
par la Chambre pénale ne pourraient être requis que par les parties,
de sorte
que la durée de la détention serait en définitive laissée à
l'appréciation de
ces dernières. La situation ne serait pas différente de celle où le
prévenu a
été libéré une première fois, l'enquête étant restée en l'état durant
six
mois et demi.

4.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une
base
légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art.
65 du
code de procédure pénale valaisan (CPP). Elle doit en outre
correspondre à un
intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art.
36 al. 2
et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le
cas, la
privation de liberté doit être justifiée par les besoins de
l'instruction, un
risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art.
65 let.
a, b et c CPP). S'agissant d'une restriction grave à la liberté
personnelle,
le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve
toutefois
de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de
l'arbitraire
(ATF 128 I 184 consid. 2.1 p. 186, 123 I 268 consid. 2d p. 271).

5.
Sans contester l'existence de charges suffisantes, telles qu'elles
figurent
en particulier dans l'ordonnance d'inculpation, le recourant soutient
que sa
détention ne serait pas justifiée par les besoins de l'enquête. Le
recourant
se plaint à ce sujet d'une violation de son droit d'être entendu,
mais le
grief est manifestement mal fondé: en retenant que l'enquête relative
à la
violation de la LStup est "restée en l'état", la cour cantonale n'a
pas
ignoré l'existence de l'ordonnance d'inculpation; elle a clairement
mentionné
les moyens de preuve complémentaires susceptibles d'être proposés par
les
parties dans le délai fixé à cet effet par le juge d'instruction. Le
grief
soulevé par le recourant est bien davantage de nature matérielle.

5.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par
l'intérêt
public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple
lorsqu'il est à
craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire
disparaître
ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou
d'autres
prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait
toutefois
se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est
inhérent à
toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le
maintien en détention préventive, présenter une certaine
vraisemblance (ATF
128 I 149 consid. 2.1 p. 151, 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257
consid.
4c p. 261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les grandes
lignes
et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes
d'instruction elle doit encore effectuer, et en quoi la libération du
prévenu
en compromettrait l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p.
33/34,
116 Ia 149 consid. 5 p. 152).

5.2 L'arrêt cantonal satisfait à ces exigences. Certes, le juge
d'instruction
a rendu une ordonnance d'inculpation, ce qui signifie qu'il estime
l'enquête
suffisante (cf. art. 58 al. 1 CPP). Par ailleurs, les différentes
personnes
mêlées au trafic de stupéfiants ont déjà pu donner leur version des
faits, en
précisant la quantité de drogue achetée auprès du recourant. Il n'en
demeure
pas moins que l'attitude du prévenu après sa mise en liberté
provisoire - qui
lui a valu une inculpation complémentaire des chefs notamment de
contrainte,
chantage et menaces - fait sérieusement craindre une intervention de
celui-ci
afin d'obtenir des revirements de la part de ceux qui le mettent en
cause.
Selon l'ordonnance d'inculpation, le recourant a reconnu un trafic
portant
sur environ 215 g de cocaïne, alors qu'il est mis en cause pour
environ 327 g
de drogue. Sur ce point, la situation n'est plus comparable à celle
qui a
conduit à une première libération le 23 septembre 2002. A cette
époque, le
juge d'instruction ne pouvait soupçonner, en dépit des divergences
dans les
déclarations recueillies, que le prévenu se livrerait à des
pressions, voire
des menaces systématiques et des agressions, en bénéficiant
d'interventions
de tiers. Le risque de collusion peut également s'étendre aux
nouvelles
accusations relatives aux faits survenus après la libération du
recourant.
La cour cantonale pouvait ainsi exclure une libération, en tout cas
tant que
l'instruction n'est pas définitivement close. Même si cela dépend
dans une
certaine mesure des actes d'enquête complémentaires que pourront
requérir les
autres parties, il n'en résulte pas une délégation inadmissible de
compétence en faveur de ces dernières: c'est au juge d'instruction
qu'il
appartiendra de statuer sur l'utilité des éventuels compléments
proposés
(art. 58 al. 3 CPP).

6.
Supposé recevable (cf. consid. 2 ci-dessus), le grief relatif au
risque de
réitération devrait lui aussi être écarté.

6.1 Selon la jurisprudence, un tel risque existe lorsque le pronostic
de
récidive est très défavorable et si les délits à craindre sont de
nature
grave (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62). Autant que possible,
l'autorité doit
tenter de substituer à la détention toute autre mesure moins incisive
propre
à atteindre le même résultat (ATF 123 I 268 consid. 2c et e p.
270/271 et les
arrêts cités).

6.2 Il n'est pas prétendu que le recourant faisait du commerce de
stupéfiants
une source essentielle de revenus. Par ailleurs, compte tenu de
l'enquête en
cours et de la surveillance accrue à laquelle pourrait s'attendre le
recourant en cas de libération, un risque de récidive n'apparaît pas
suffisamment démontré à cet égard. En revanche, le recourant n'a pas
hésité,
après sa libération, à prendre contact avec ses anciens clients et à
exercer
sur eux des pressions de toutes sortes en les menaçant, en leur
réclamant de
l'argent, parfois même en les agressant physiquement. Il s'est livré
à ces
agissements de manière systématique, et a pu bénéficier de
l'intervention
d'"amis dévoués". On peut sérieusement craindre que ce genre de
comportement
se répète si le recourant devait être remis en liberté. La cour
cantonale
pouvait ainsi admettre le risque de réitération, et considérer en
outre
qu'une mise en liberté devrait, le moment venu, être assortie de
mesures de
dissuasion propres à empêcher le recourant d'inquiéter ses anciennes
relations.

6.3 Le recourant prétend qu'aucun élément concret susceptible de
confirmer le
risque de réitération ne serait survenu depuis novembre 2002.
L'argument
frise la témérité: le recourant a été réincarcéré le 8 novembre 2002,
et ne
saurait tirer argument d'une absence de réitération à partir de ce
moment. Il
ne propose par ailleurs aucune mesure de substitution au regard de
laquelle
la détention pourrait apparaître disproportionnée.

7.
Le recourant invoque enfin le principe de célérité en relevant que
depuis
plus de six mois, le juge d'instruction serait resté totalement
inactif. On
cherche toutefois en vain, dans le recours cantonal, un tel argument
(art. 86
al. 1 OJ). Le recourant méconnaît en outre que, depuis le mois de
novembre
2002, l'enquête s'est étendue aux actes commis après sa sortie de
prison. La

lecture du dossier ne fait ressortir aucun retard inadmissible, qu'il
s'agisse des infractions à la LStup ou des actes commis
ultérieurement. Le
recourant ne prétend pas, enfin, que la durée de sa détention se
rapprocherait de celle de la peine susceptible d'être concrètement
prononcée.

8.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public apparaît
manifestement mal fondé, en tant qu'il est recevable. Cette issue,
tant à la
forme qu'au fond, était d'emblée prévisible, ce qui entraîne le rejet
de la
demande d'assistance judiciaire. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ,
un
émolument judiciaire est mis à la charge du recourant.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction pénale et au Procureur du Bas-Valais ainsi qu'à la
Chambre
pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 23 avril 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.209/2003
Date de la décision : 23/04/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-23;1p.209.2003 ?
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