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23/04/2003 | SUISSE | N°1A.43/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 avril 2003, 1A.43/2003


{T 0/2}
1A.43/2003 /viz

Arrêt du 23 avril 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Zimmermann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Richard Nägeli, avocat, Bahnhofstrasse
23, 6300
Zug,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière de blanchiment à la
France -
MPC/EAII/1/02/0040 - OFJ

B 123034 GOP,

recours de droit administratif contre la décision du Ministère public
de la
Confédération du 7 février 2003...

{T 0/2}
1A.43/2003 /viz

Arrêt du 23 avril 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Zimmermann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Richard Nägeli, avocat, Bahnhofstrasse
23, 6300
Zug,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière de blanchiment à la
France -
MPC/EAII/1/02/0040 - OFJ B 123034 GOP,

recours de droit administratif contre la décision du Ministère public
de la
Confédération du 7 février 2003.

Faits:

A.
Le 14 mars 2002, Renaud Van Ruymbeke, Premier Juge d'instruction
auprès du
Tribunal de grande instance de Paris, a adressé au Ministère public
de la
Confédération une demande d'entraide judiciaire pour les besoins de la
procédure ouverte en France contre inconnu pour blanchiment d'argent.
Selon
l'exposé des faits joint à la demande, le service français du
renseignement
et de l'action contre les circuits financiers clandestins avait porté
à la
connaissance du Procureur de la République de Paris qu'une société
dénommée
X.________ détenait des comptes ouverts auprès de deux sociétés de
bourse,
Y.________ et J.________, ainsi qu'auprès de la banque Z.________. La
société
K.________ avait viré des fonds sur le compte ouvert auprès de
Y.________. A
la clôture de celui-ci, le 21 septembre 2000, un montant de 256'000
euros
avait été viré sur un compte ouvert auprès de la banque Q.________ en
faveur
d'une société W.________. Celle-ci avait également reçu, le 21
décembre 2000,
un montant de 231'874 USD provenant d'un compte ouvert auprès de
Z.________
au nom de la société T.________. Or, X.________ était domiciliée
auprès de
T.________, dont le président, B.________, était aussi le gérant de
X.________. L'enquête avait permis de déterminer que B.________ se
trouvait
en relation étroite avec la fratrie C.________, ainsi qu'avec le
groupe
D.________. Ce dernier était lié avec E.________, ancien président de
la
banque S.________, beau-frère de F.________ qu'il soutenait
financièrement.
B.________, domicilié à Genève, gérerait les relations financières
internationales du groupe D.________.
La demande tendait à l'identification de l'origine et de
l'utilisation des
fonds acheminés sur les comptes de X.________, à la détermination des
liens
existants entre X.________, T.________ et le groupe D.________, à la
saisie
de ces comptes, ainsi qu'à la perquisition du domicile de B.________
et d'un
dénommé G.________.
Le 18 mars 2002, l'Office fédéral de la justice a délégué l'exécution
de la
demande au Ministère public.
Le 22 mars 2002, le Juge Van Ruymbeke a complété la demande en priant
les
autorités suisses de vérifier si B.________ avait lui-même ou par
l'entremise
des sociétés qu'il dominait effectué des opérations de placement
suspectes
dans les mois ayant précédé ou suivi l'attentat perpétré à New York
le 11
septembre 2001.
Le 26 mars 2002, le Ministère public a rendu une décision d'entrée en
matière
au sens de l'art. 80a de la loi fédérale sur l'entraide pénale
internationale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1). Cette décision
indique que
les faits décrits dans la demande correspondraient à première vue aux
éléments constitutifs du blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et que
seraient saisis les comptes bancaires ouverts au nom d'une trentaine
de
personnes physiques et morales, dont B.________, X.________ et
T.________,
ainsi que d'une douzaine de sociétés à Zoug dont l'avocat A.________
est
l'administrateur ou le gérant. Le Ministère public a notifié cette
décision
notamment au Juge Van Ruymbeke.
Les agents du Ministère public ont perquisitionné les locaux de
A.________.
Des documents ont été saisis.
Le 7 février 2003, le Ministère public a rendu une décision de
clôture (art.
80d EIMP) dont l'état de fait reprend le contenu de la décision
d'entrée en
matière, y compris les indications concernant A.________ et les
sociétés qui
lui sont liées. La transmission de documents concernant des tiers a
été
ordonnée (ch. 2 du dispositif de la décision de clôture), alors que
ceux
saisis auprès de A.________ lui ont été restitués (ch. 3). Cette
décision a
également été notifiée au Juge Van Ruymbeke.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________
demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du 7 février 2003 et de
renvoyer
l'affaire au Ministère public pour qu'il supprime toute indication le
désignant comme responsable de sociétés dont il n'est pas l'ayant
droit, et
lui alloue à ce titre une indemnité. Il invoque notamment les art. 12
et 15
EIMP.
Le Ministère public conclut au rejet du recours dans la mesure de sa
recevabilité. L'Office fédéral fait sienne cette proposition.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'entraide judiciaire entre la République française et la
Confédération est
régie par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière
pénale
(CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse
et le 21
août 1967 pour la France, ainsi que par l'accord bilatéral complétant
cette
Convention (ci-après: l'Accord complémentaire; RS 0.351.934.92),
conclu le 28
octobre 1996 et entré en vigueur le 1er mai 2000. Les dispositions de
ces
traités l'emportent sur le droit autonome se rapportant à la matière
(soit
notamment l'EIMP). Le droit interne reste cependant applicable aux
questions
non réglées, explicitement ou implicitement, par le droit
conventionnel, et
lorsqu'il est plus favorable à l'entraide que le droit conventionnel
(ATF 123
II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120
consid. 1a
p. 122/123, et les arrêts cités). Est réservé le respect des droits
fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

2.
2.1Selon la déclaration faite par la Suisse à l'art. 16 al. 2 CEEJ,
les
demandes d'entraide présentées à la Suisse doivent être accompagnée
d'une
traduction en langue allemande, française ou italienne, si elles ne
sont pas
rédigées dans l'une de ces langues (cf. aussi l'art. 28 al. 5 EIMP).
La
demande litigieuse, rédigée en français, respecte cette condition. Le
recourant ne saurait en exiger une traduction en allemand.

2.2 Le Ministère public a instruit la procédure en français et cela
quand
bien même ses investigations ont eu des ramifications en Suisse
romande comme
en Suisse alémanique. Le recourant, avocat germanophone exerçant ses
activités dans un canton de langue allemande et représenté dans la
procédure
par un avocat également germanophone, ne s'est pas opposé à ce
procédé. Il a
correspondu en allemand avec le Ministère public qui s'est adressé à
lui en
français. Sous l'angle de la bonne foi, le recourant ne saurait dès
lors se
plaindre ultérieurement que la procédure n'ait pas été conduite en
allemand.
Au demeurant, à l'instar des agents de la Confédération et des
magistrats
fédéraux, les avocats exerçant en Suisse une activité dans le domaine
de
l'entraide judiciaire sont censés connaître, au moins de manière
passive, le
français, l'allemand et l'italien (arrêt 1A.37/2001 du 12 juillet
2001,
consid. 3). Une nouvelle notification de la décision attaquée en
allemand
n'entre ainsi pas en ligne de compte.

2.3 Le présent arrêt est rédigé en français, langue de la décision
attaquée
(art. 37 al. 3 OJ).

3.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a
p. 48,
et les arrêts cités).

3.1 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la
décision
de clôture de la procédure d'entraide (art. 25 al. 1 EIMP, mis en
relation
avec l'art. 80d de la même loi).

3.2 Selon l'art. 80h let. b EIMP, a qualité pour agir quiconque est
touché
personnellement et directement par une mesure d'entraide et a un
intérêt
digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Un tel
intérêt
existe lorsque la situation de fait ou de droit du recourant peut être
influencée directement par le sort de la cause (ATF 128 II 211
consid. 2.3 p.
217; 126 II 258 consid. 2d p. 259/260; 125 II 356 consid. 3b/aa p.
361/362;
et les arrêts cités). Une atteinte seulement médiate ne suffit pas
(ATF 128
II 211 consid. 2.3 p. 217; 126 II 258 consid. 2d p. 259; 125 II 356
consid.
3b/aa p. 361, et les arrêts cités).
Les agents du Ministère public ont perquisitionné les locaux
professionnels
du recourant et saisi des documents. Le recourant a été interrogé. Il
a
participé au tri des pièces. Or, comme l'indique le dispositif de la
décision
attaquée et le confirme le recourant, les documents saisis auprès de
lui
n'ont pas été transmis à l'Etat requérant (ch. 2) et lui seront
retournés
(ch. 3). Le recourant allègue toutefois que la communication aux
autorités de
l'Etat requérant, dans l'état de fait de la décision attaquée, de
données
(pour une part erronées) le concernant personnellement lui causerait
une
atteinte suffisamment grave pour faire reconnaître l'existence d'un
intérêt
digne de protection à l'annulation de la décision attaquée.
Cette conception ne peut être partagée. Il est douteux que la simple
transmission d'informations (mais non de moyens de preuve) concernant
une
personne au sujet de laquelle des investigations ont été menées
puisse porter
atteinte à ses droits dans une mesure telle qu'il faudrait entrer en
matière.
A cela s'ajoute que le dommage dont se plaint le recourant a déjà été
réalisé
après la notification de la décision d'entrée en matière du 26 mars
2002,
laquelle, faute d'avoir été attaquée, ne peut plus être remise en
cause. Le
préjudice allégué n'est ainsi pas réparable dans le cadre de la
présente
procédure, de sorte qu'on pourrait se demander si celle-ci n'a pas
perdu son
objet. Cela étant, c'est sans doute à tort que le Ministère public a
notifié
les décisions d'entrée en matière et de clôture des 26 mars 2002 et 7
février
2003 aux autorités de l'Etat requérant, lequel, sous réserve
d'exceptions qui
ne sont manifestement pas réalisées en l'espèce, n'est pas partie à la
procédure d'entraide (ATF 125 II 411). La question de savoir si à
raison de
cela ou des autres inconvénients dont se plaint le recourant la
responsabilité de la Confédération a été engagée, est exorbitante du
présent
litige.

4.
Le recours est ainsi irrecevable. Les frais en sont mis à la charge du
recourant (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art.
159
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument de 2000 fr. est mis à la charge du recourant. Il n'est
pas
alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
et au
Ministère public de la Confédération, ainsi qu'à l'Office fédéral de
la
justice, Division des affaires internationales, Section de l'entraide
judiciaire internationale.

Lausanne, le 23 avril 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.43/2003
Date de la décision : 23/04/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-23;1a.43.2003 ?
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