La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2003 | SUISSE | N°5P.424/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 avril 2003, 5P.424/2002


{T 0/2}
5P.424/2002 /frs

Arrêt du 22 avril 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourant, représenté par Me Yves Donzallaz, avocat, avenue de
Tourbillon 3,
case postale 387, 1951 Sion,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me André-François Derivaz, avocat, avenue du
Crochetan
2, case postale 1406,
1870 Monthey 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, Palais de
Justice

,
1950 Sion 2.

art. 9 et 29 Cst. (droit de préemption, art. 42 LDFR),

recours de droit public contre le jugement ...

{T 0/2}
5P.424/2002 /frs

Arrêt du 22 avril 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourant, représenté par Me Yves Donzallaz, avocat, avenue de
Tourbillon 3,
case postale 387, 1951 Sion,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me André-François Derivaz, avocat, avenue du
Crochetan
2, case postale 1406,
1870 Monthey 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, Palais de
Justice,
1950 Sion 2.

art. 9 et 29 Cst. (droit de préemption, art. 42 LDFR),

recours de droit public contre le jugement de la Cour civile II du
Tribunal
cantonal du canton du Valais
du 3 octobre 2002.

Faits:

A.
X. ________, né le 29 juillet 1963 dans une famille d'agriculteurs, a
suivi,
vers l'âge de 16/17 ans, des cours auprès des écoles d'agriculture de
Moudon
et de Châteauneuf. Le 1er avril 1982, l'école cantonale d'agriculture
de
Châteauneuf lui a décerné le diplôme des cours agricoles; mais il n'a
pas
suivi de cours pour l'exploitation de cultures spéciales, ni obtenu de
diplôme en cette matière.
A la suite de problèmes relationnels avec son père, Z.________, le
prénommé a
quitté le domaine familial en 1987. Alors âgé de 24 ans, il a tout
d'abord
travaillé comme manoeuvre pour une entreprise de construction de
septembre
1987 à février 1988. Il a ensuite été engagé dans le corps de la
police
municipale de Lausanne, poste qu'il occupe encore à l'heure actuelle.
Il ne
s'est plus intéressé au domaine familial jusqu'en novembre 1996.

B.
D'après un rapport établi en novembre 1996, le domaine de Z.________
est
formé des parcelles n° 0000 (7'685 m2), 1111 (2'161 m2), 2222
(155'944 m2) et
3333 (1'127 m2); d'une superficie totale de 166'917 m2, il comporte
une
surface agricole utile de 16,24 hectares composée de sols de bonne
qualité.
Sa valeur de rendement a été fixée à 194'691 francs. L'exploitation
se trouve
en «zone A, grandes cultures et cultures fourragères favorisées, avec
(...)
larges possibilités pour les cultures spéciales dans les sols et
expositions
s'y prêtant».
Le 11 mai 1999, Z.________ a vendu à Y.________, ingénieur agricole
qui
exploite un autre domaine, les parcelles n° 0000, 1111, 2222 et 3333
pour le
prix de 700'000 francs. L'acte de vente a été déposé au Registre
foncier de
Monthey le 27 août 1999; X.________ a été informé du transfert de
propriété
le 13 septembre suivant.
Le 10 juin 1999, le Département des finances et de l'économie du
canton du
Valais a autorisé l'aliénation des parcelles en question; cette
décision
indique, en particulier, que «les époux Z.________ (...) ne possèdent
pas, en
l'espèce, une entreprise agricole au sens de l'article 7 LDFR», que
l'acquéreur «s'est engagé à exploiter personnellement les parcelles»
et que
le prix d'acquisition «ne peut être qualifié de surfait».

C.
Le 8 octobre 1999, X.________ a déclaré à Z.________ et à Y.________
exercer
son droit de préemption, au sens de l'art. 42 LDFR, à la valeur de
rendement;
l'acquéreur s'y est opposé.
Après avoir obtenu, par voie de mesures provisionnelles,
l'interdiction
d'aliéner les parcelles visées, X.________ a, par mémoire-demande du 6
décembre 1999, ouvert action à l'encontre de Y.________; dans ses
dernières
écritures, il a conclu, en substance, à ce que la propriété de
l'entreprise
agricole, ainsi que des biens meubles, lui soit attribuée, à titre
subsidiaire moyennant paiement de la valeur de rendement. Le
défendeur a
conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 3 octobre 2002, la Cour civile II du Tribunal cantonal
valaisan a débouté le demandeur.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
X.________ conclut à l'annulation de ce jugement; il se plaint
d'arbitraire
dans l'appréciation des preuves et d'une violation de son droit à une
décision motivée.

Des observations n'ont pas été requises.

E.
Le demandeur a aussi interjeté un recours en réforme, en reprenant les
conclusions formulées en instance cantonale (5C.247/2002).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
dont il est saisi (ATF 128 II 311 consid. 1 p. 315 et les arrêts
cités).

1.1 Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, le recours est ouvert sous l'angle des art. 86
al. 1, 87
(a contrario) et 89 al. 1 OJ.

1.2 Le Tribunal cantonal a rejeté l'action pour deux motifs (art. 42
al. 1
ch. 1 LDFR): d'une part, le domaine litigieux ne constitue pas une
«entreprise agricole» au sens de l'art. 7 LDFR; d'autre part,
l'intéressé ne
remplit pas la condition de l'«exploitant à titre personnel» au sens
de
l'art. 9 LDFR. Le recourant s'en prend à chacun de ces motifs, de
sorte que
le recours est également recevable de ce chef (ATF 121 I 1 consid.
5a/bb p.
11).

2.
Pour nier la qualité d'exploitant à titre personnel, l'autorité
cantonale a
retenu que le recourant, s'il a fréquenté une école d'agriculture et
s'est vu
décerner un diplôme des cours agricoles, n'a pas suivi de cours pour
l'exploitation de cultures spéciales; il n'a pas pratiqué
l'agriculture
depuis plus de 15 ans, ni perfectionné ou complété sa formation dans
l'optique de la reprise du domaine familial; en tant que
fonctionnaire de
police, il exerce depuis lors une activité étrangère à l'agriculture,
sans
avoir montré durant toutes ces années d'intérêt pour ce domaine. De
surcroît,
sa femme n'a jamais véritablement travaillé dans l'agriculture, même
si elle
se déclare disposée à l'aider. Ce n'est qu'en 1996, pour les besoins
de la
cause, qu'il s'est intéressé au domaine, d'ailleurs plus en raison du
prix
correspondant à une faible valeur de rendement que pour s'investir
dans
l'exploitation. Enfin, en 1998, il a explicitement confirmé son
désintérêt à
son père et à ses soeurs.
Sur la base de ces faits, la cour cantonale a estimé que le recourant
n'a pas
démontré sa capacité à exploiter à titre personnel le domaine, à
cultiver
lui-même les terres agricoles et à diriger personnellement
l'entreprise.
L'intéressé apparaît peu crédible lorsqu'il affirme vouloir exercer la
fonction de policier à Lausanne à raison de 50% et exploiter
personnellement
un domaine situé dans un autre canton, à plusieurs dizaines de
kilomètres; il
l'est encore moins lorsqu'il entend s'adonner aux cultures spéciales,
alors
qu'il ne possède aucune formation en la matière et n'a pas pratiqué
l'agriculture depuis plus de 15 ans. Dans ces conditions, l'intention
du
recourant d'exploiter personnellement n'est ni sérieuse, ni réellement
praticable; l'on est plutôt en présence d'un agriculteur «en cravate»,
davantage intéressé par la reprise d'un domaine agricole à bas prix
qu'à un
prix favorable à son vendeur et à ses héritiers.

2.1 Le recourant se plaint d'une violation de son droit à une décision
motivée; il reproche aux magistrats cantonaux de n'avoir pas expliqué
pourquoi ils ont écarté les divers témoignages attestant de sa
capacité à
exploiter des cultures spéciales, ni en quoi celles-ci
nécessiteraient une
formation plus étendue que celle dont il bénéficie déjà. En outre, il
critique l'appréciation des preuves par la juridiction précédente,
faisant
valoir que le jugement attaqué repose sur une interprétation
arbitraire des
circonstances relatives à sa capacité d'exploiter, à sa démotivation
et à son
manque d'intérêt pour la reprise de l'exploitation familiale; enfin,
il
affirme que le taux d'activité qu'il entend consacrer au métier
d'agriculteur
(50%) n'est pas de nature à motiver ou non l'existence d'une intention
d'exploiter à titre personnel.

2.2 Dans sa première branche, le grief est infondé. La cour cantonale
a
dûment énuméré tous les éléments objectifs, et non subjectifs, dont
elle a
tenu compte pour conclure à l'incapacité du recourant d'exploiter à
titre
personnel le domaine familial (supra, ch. 3). Une telle motivation
permet
manifestement de saisir la portée de la décision et de l'attaquer en
connaissance de cause (cf. ATF 126 I 97 consid. 2a p. 102/103 et la
jurisprudence citée).
Au demeurant, l'autorité inférieure a constaté que le témoin
S.________, s'il
a certes exprimé l'avis que le recourant, malgré son manque
«d'expérience
pour pratiquer des cultures spéciales, pourrait très bien le faire»,
n'a
cependant pas motivé une telle appréciation, ni explicité les
éventuelles
qualités agricoles de l'intéressé.

2.3 Dans sa seconde branche, le grief se révèle aussi mal fondé. Pour
réfuter
l'appréciation de l'autorité cantonale, il ne suffit pas de critiquer
l'un
des éléments retenus (cf. ATF 109 Ia 107 consid. 3d p. 112), en
l'occurrence
l'absence d'une formation idoine en matière de cultures spéciales. Au
regard
des autres éléments objectifs mis en exergue par le jugement attaqué
(inactivité dans l'agriculture depuis plus de 15 ans, sans
perfectionnement
ni complètement de la formation agricole de base; activité actuelle
sans
aucun rapport avec l'agriculture; épouse sans véritable expérience en
cette
matière; distance importante entre le lieu de travail et le domaine à
exploiter), il n'était pas encore besoin d'examiner en quoi les
cultures
spéciales exigeraient une formation plus étendue, et si le recourant
pourrait
l'acquérir aisément. Du point de vue de l'art. 9 Cst., l'appréciation
globale
de l'autorité cantonale ne prête pas le flanc à la critique (cf. sur
l'arbitraire dans l'appréciation des preuves: ATF 129 I 8 consid. 2.1
p. 9;
127 I 38 consid. 2a p. 41 et la jurisprudence citée). Le recourant
prétend,
il est vrai, être «retourné régulièrement à la ferme pour aider ses
parents
entre 1990 et 1996», en se référant à son «interrogatoire lors de la
séance
du 7 mai 2001 auprès du Tribunal du district de Monthey». Toutefois,
il
s'agit là d'une simple allégation émanant d'une partie dont l'intérêt
au sort
du litige est évident, de sorte qu'il n'est, en soi, pas arbitraire
de ne
l'avoir pas retenue (cf. arrêt 4P.39/1994 du 19 août 1994, consid.
3a); du
moins, le recourant ne dit pas que l'audition des parties serait un
mode de
preuve en droit valaisan, pas plus qu'il ne se plaint d'une
application
arbitraire de la procédure cantonale (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF
118 Ia 112
consid. 2c p. 118). Quoi qu'il en soit, vu son activité de policier à
plein
temps, il ne pouvait s'agir que d'une aide ponctuelle, laquelle ne
saurait
être assimilée à une «pratique active» de l'agriculture au sens où
l'entendait l'autorité cantonale.
C'est en vain que le recourant s'en prend à l'appréciation des juges
cantonaux quant à son intention d'exploiter à titre personnel. Les
griefs
soulevés à ce propos (sa «démotivation» n'est corroborée que par les
membres
de sa famille, avec lesquels les relations sont tendues; sa volonté de
reprendre le domaine est attestée par sa participation aux travaux de
la
ferme depuis son plus jeune âge et sa formation agricole subséquente,
par les
nombreux témoignages recueillis au procès ainsi que par les démarches
auprès
d'établissements bancaires pour obtenir les crédits nécessaires; la
teneur de
la lettre adressée à ses soeurs le 1er décembre 1998 doit être
replacée dans
son contexte) sont dénués de pertinence sur l'issue du recours (cf.
ATF 122 I
53 consid. 5 p. 57), car ils n'infirment nullement les éléments qui
établissent son inaptitude objective à exploiter les terres dont il
demande
l'attribution.
Enfin, le grief pris du taux d'activité relève des conditions
d'application
de l'art. 9 LDFR, partant du recours en réforme. Au surplus, il tombe
à faux:
d'une part, cette disposition vise la capacité, non pas l'intention,
d'exploiter à titre personnel; d'autre part, la cour cantonale n'a
jamais
affirmé qu'une activité à temps partiel ne satisferait pas aux
exigences
légales, ni qu'elle serait révélatrice de l'absence d'intention
d'exploiter à
titre personnel, mais qu'elle constituait dans les circonstances de
l'espèce
un obstacle objectif supplémentaire à la reprise du domaine agricole.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, quel que soit le
mérite des
moyens dirigés contre le motif tiré de l'absence d'une «entreprise
agricole»
(ATF 104 Ia 381 consid. 6a p. 392). Dans cette mesure, il n'a plus
d'objet,
dès lors que, comme cela résulte de l'examen simultané du recours en
réforme
(5C.247/2002, consid. 3), la décision attaquée ne consacre aucune
violation
de l'art. 9 LDFR.

4.
Vu l'issue de la procédure, l'émolument judiciaire doit être mis à la
charge
du recourant (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de
dépens à
l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et qu'il
n'est pas
devenu sans objet.

2.
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 22 avril 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.424/2002
Date de la décision : 22/04/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-22;5p.424.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award