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22/04/2003 | SUISSE | N°5P.414/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 avril 2003, 5P.414/2002


{T 0/2}
5P.414/2002 /frs

Arrêt du 22 avril 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

X. ________,
recourant,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Dominique Lévy, avocat, rue Charles-Galland
15,
1206 Genève,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 29 al. 2 et 9 Cst. (mainlevée provisoire de l'opposition),

recours de d

roit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour
de
justice du canton de Genève du 26 septembre 2002.

Faits:
...

{T 0/2}
5P.414/2002 /frs

Arrêt du 22 avril 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

X. ________,
recourant,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Dominique Lévy, avocat, rue Charles-Galland
15,
1206 Genève,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 29 al. 2 et 9 Cst. (mainlevée provisoire de l'opposition),

recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour
de
justice du canton de Genève du 26 septembre 2002.

Faits:

A.
A la suite d'une transaction immobilière, P.________ a, par lettre
signée du
21 décembre 1989 adressée par télécopie à Y.________, déclaré, en ces
termes,
garantir personnellement E.________, qui devait 8'882'583 fr. 10 à
Y.________:

"[...]
2. Je fais virer demain vendredi sur votre compte à la Banque Centrale
Coopérative à Sion FS 882'583, 10;
3. Je garantis personnellement que votre même compte sera crédité
d'un 2ème
acompte de quatre millions de francs le lundi 8 janvier;
4. Je garantis personnellement que vous percevrez le 21 mars le 3ème
acompte
de quatre millions de francs avec en plus les intérêts à sept pour
cent.
[...]."

Sur cette même télécopie figure la déclaration suivante signée de
X.________:

"Je garantis à mon tour les engagements de P.________".

P. ________ n'a pas versé à la date prévue le troisième acompte de
4'000'000
fr.

B.
B.a Le 24 avril 1991, Y.________ a conclu avec X.________ une
convention de
"cession de droits et créances" aux fins d'encaissement dans les
meilleurs
délais du solde de 4'000'000 fr. encore dû par E.________ (art. 4, 5
et 18)
et garanti par P.________.

B.b A l'issue d'une longue procédure, ponctuée par divers incidents,
le
Tribunal de première instance de Genève a, le 23 avril 1998, condamné
P.________, garant de E.________, à payer à Y.________ et X.________ -
lesquels agissaient conjointement - 4'000'000 fr., avec intérêts à 7%
dès le
1er janvier 1990, et 9'205 fr. 45, avec intérêts à 5% dès le 12 juin
1990. Il
a en outre notamment prononcé, à concurrence des mêmes montants, la
mainlevée
définitive de l'opposition formée dans la poursuite n° 1.

Le 12 mars 1999, la Cour de justice a confirmé ce jugement. Elle a en
bref
qualifié de reprise cumulative de dette l'engagement de P.________.
Elle a
par ailleurs considéré qu'en s'engageant à garantir à son tour la
dette de ce
dernier, X.________ avait formulé une promesse dont la teneur
littérale
indiquait clairement qu'il n'était tenu à paiement qu'en cas de
défaillance
du prénommé. Partant, elle a nié toute solidarité entre les deux
promesses.

Le Tribunal fédéral a rejeté, le 22 septembre suivant, le recours en
réforme
interjeté contre cet arrêt. En particulier, il a jugé que l'autorité
cantonale était parvenue à la conclusion que la volonté réelle et
concordante
de P.________ et Y.________ tendait à une reprise cumulative de la
dette de
E.________ par P.________, fait qui ne pouvait être remis en cause
par la
voie de la réforme (arrêt 4C.191/1999).

B.c Le 21 octobre 1999, P.________ a passé avec Y.________ une
convention
relative aux modalités de paiement des 4'000'000 fr. et des 9'205
fr., plus
intérêts, dus en vertu du jugement du 23 avril 1998. La validité de
cette
convention était subordonnée aux accords écrits de E.________ et
X.________.
Ce dernier n'a pas signé la convention.

Le 10 février 2000, Y.________ et P.________ ont signé un avenant à
cette
convention, garantissant l'annulation du contrat de cession passé
entre
X.________ et Y.________ le 24 avril 1991 (supra, let. B.a).

C.
Le 6 août 2001, Y.________ a fait notifier à X.________ un
commandement de
payer (poursuite n° 2) la somme de 4'000'000 fr., avec intérêts à 7%
dès le
1er janvier 1990. Il s'est prévalu du "porte-fort de X.________" pour
les
obligations de P.________. Le poursuivi y a fait opposition.

P. ________ a pour sa part fait opposition au commandement de payer
(poursuite n° 3) 4'000'000 fr., avec intérêts à 7% dès le 1er janvier
1990,
"sous déduction du versement de 647'000 fr." "+ rachat de la créance
UBS par
2'270'000 fr.", notifié le 12 décembre 2001 sur réquisition de
Y.________.

D.
Par acte déposé le 30 janvier 2002, Y.________ a sollicité la
mainlevée
provisoire de l'opposition formée par X.________ au commandement de
payer
notifié dans la poursuite n° 2, sous déduction des montants versés en
remboursement de prêts octroyés par X.________, soit 110'000 fr. le 28
décembre 1993, 200'000 fr. le 28 octobre 1994, 50'000 fr. le 22
décembre
1994, 150'000 fr. le 31 janvier 1995, 150'000 fr. le 10 mars 1995,
60'000 fr.
le 20 septembre 1995 et 60'000 fr. le 4 octobre 1995. Le Tribunal de
première
instance de Genève a fait droit à la requête le 4 avril 2002.

Sur appel de X.________, la 1ère Section de la Cour de justice a, le
26
septembre 2002, confirmé ce jugement, condamné l'appelant aux dépens
d'appel
et débouté les parties de toutes autres conclusions. Après avoir
qualifié
l'engagement du 21 décembre 1989 de l'appelant de porte-fort (art.
111 CO),
elle a considéré que Y.________ avait, par différents moyens
(conventions et
poursuites) et sans succès, recherché P.________ en paiement. La
défaillance
de ce dernier dans l'exécution de son engagement impliquait que
X.________,
"à son tour", réponde conformément à son propre engagement. Le
non-paiement
par le tiers entraînait un dommage correspondant au solde établi par
le
jugement du 23 avril 1998, soit 4'000'000 fr. avec intérêts à 7% dès
le 1er
janvier 1990.

E.
X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral,
concluant à
l'annulation de l'arrêt cantonal. Il se plaint d'une violation de son
droit
d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et d'arbitraire (art. 9 Cst.).

L'autorité cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Y.________
propose le rejet du recours.

F.
Par ordonnance du 6 novembre 2002, le Président de la IIe Cour civile
du
Tribunal fédéral a refusé l'effet suspensif au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile contre une décision qui prononce en dernière
instance cantonale la mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82
LP; ATF
111 III 8 consid. 1 p. 9 et les arrêts cités), le présent recours est
recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1
OJ.

2.
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu,
plus
précisément de son droit à obtenir une décision motivée (art. 29 al.
2 Cst.),
et d'arbitraire (art. 9 Cst.).
2.1 Comme le droit d'être entendu a un caractère formel et que sa
violation
entraîne l'admission du recours, ainsi que l'annulation de la décision
attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond
(ATF 127
V 431 consid. 3d/aa p. 437; 126 V 130 consid. 2b p. 132 et les
références),
il convient de discuter ce grief en premier.

Dès lors que le recourant ne prétend pas que le droit cantonal lui
assurerait
une protection plus étendue, son moyen doit être examiné - avec un
plein
pouvoir d'examen - à la lumière de la seule garantie
constitutionnelle (ATF
126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités).

La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. et qui
s'applique
également à l'art. 29 al. 2 Cst., a déduit du droit d'être entendu le
devoir
pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire
puisse la
comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de
recours
puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, le juge
doit
mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur
lesquels
il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se
rendre
compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de
cause (ATF
126 I 97 consid. 2b p. 102; 124 V 180 consid. 1a p. 181; 123 I 31
consid. 2c
p. 34).

2.2 Le recourant expose avoir plaidé en appel que l'avenant du 10
février
2000 emportait la modification de la convention du 21 octobre 1999,
en ce
sens qu'il prévoyait l'entrée en vigueur de ce dernier accord
nonobstant le
fait que lui-même ne l'avait pas signé, élément qui aurait échappé au
Tribunal de première instance. Or, la Cour de justice n'aurait pas
traité cet
argument, qui plus est essentiel, puisqu'il tend à démontrer
l'exécution
partielle (à concurrence de 647'000 fr. et de 2'270'000 fr.) par le
tiers de
sa prestation et, partant, contribue à établir le dommage subi par le
garanti, préjudice à l'aune duquel se mesure l'étendue de
l'obligation du
garant.

Ce grief est fondé. Les juges cantonaux - qui ont mentionné, dans la
partie
"en fait" de leur arrêt, l'argument susmentionné - se sont en effet
bornés à
relever dans leurs considérations qu'il résulte des pièces que le
garanti a,
par différents moyens (conventions et poursuites) et sans succès,
recherché
le tiers en paiement. Une telle motivation - si tant est qu'elle se
prononce
sur le point litigieux - ne répond pas aux exigences posées par la
garantie
constitutionnelle. Elle ne permet en particulier pas de connaître les
motifs
qui ont conduit la cour cantonale à ne pas prendre en considération
les deux
montants (647'000 fr. et 2'270'000 fr.) dont se prévalait le
recourant sur la
base de la convention du 21 octobre 1999 et de l'avenant du 10
février 2000
pour réduire l'étendue de son obligation de garantie.

Le recours étant admis pour ce premier motif déjà, il n'y a pas lieu
d'examiner le moyen pris de l'arbitraire.

3.
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art.
156 al. 1
OJ). Le recourant, qui est avocat, a conclu à l'allocation de dépens.
Contrairement à sa pratique antérieure (ATF 110 Ia 1 consid. 6 p. 6),
le
Tribunal fédéral admet actuellement que l'avocat qui a obtenu gain de
cause a
droit à une indemnité, même s'il agit dans sa propre cause sans
l'assistance
d'un collègue (arrêt 5P. 371/1990 du 8 avril 1991, consid. 5 non
publié aux
ATF 117 Ia 22; P. 750/1985 du 12 mars 1987, ainsi que la
jurisprudence citée
au consid. 4 non publié in Rep. 121/1988 p. 322; cf. aussi ATF 125 II
518
consid. 5b). Par ailleurs, les conditions cumulatives que pose la
jurisprudence à l'octroi d'une telle indemnité, soit celles qui ont
trait à
la complexité de l'affaire, au montant litigieux et au temps consacré
à la
défense de ses propres intérêts, sont remplies en l'espèce (cf. ATF
113 Ib
353 consid. 6b p. 357; 110 V 72 consid. 7 p. 82 et 132 consid. 4d et
7 p. 134
ss).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est admis et l'arrêt cantonal est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera au recourant une indemnité de 5'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la 1ère
Section de
la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 22 avril 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.414/2002
Date de la décision : 22/04/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-22;5p.414.2002 ?
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