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16/04/2003 | SUISSE | N°I.855/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 avril 2003, I.855/02


{T 7}
I 855/02

Arrêt du 16 avril 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Vallat

R.________, recourante, représentée par Me Philippe Nordmann, avocat,
place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 6 septembre 2002)

Faits :

A.
R. ________, née

en 1963, a subi une opération de la colonne
vertébrale
(arthrodèse dorsale) à fin décembre 1996. Depuis lors, elle a subi de
nombr...

{T 7}
I 855/02

Arrêt du 16 avril 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Vallat

R.________, recourante, représentée par Me Philippe Nordmann, avocat,
place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 6 septembre 2002)

Faits :

A.
R. ________, née en 1963, a subi une opération de la colonne
vertébrale
(arthrodèse dorsale) à fin décembre 1996. Depuis lors, elle a subi de
nombreuses incapacités de travail. Le 8 mai 1998, elle a déposé une
demande
de prestations de l'assurance-invalidité. Par décision du 21
septembre 2001,
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après:
l'OAI) a
reconnu son droit à une demi-rente.

Parallèlement, l'assurée a demandé à bénéficier des prestations en cas
d'invalidité d'ASPIDA, Fondation collective pour la réalisation des
mesures
de prévoyance conformes à la LPP domiciliée auprès de La Suisse
Assurances, à
Lausanne. Dans le cadre de l'instruction de cette demande de
prestations, La
Suisse Assurances, indiquant ou non agir pour ASPIDA, a envoyé à
l'assurée
plusieurs correspondances portant les signatures de G.________ et
H.________.
Les lettres ainsi adressées les 28 novembre 2001 et 1er mai 2002
avaient pour
objet de signifier à l'assurée le refus de l'institution de
prévoyance de lui
allouer ses prestations.

B.
Par jugement du 6 septembre 2002, le Tribunal des assurances du
canton de
Vaud a admis le recours interjeté par R.________ contre la décision
du 21
septembre 2001 et renvoyé la cause à l'OAI afin qu'il procède à un
complément
d'instruction sur le plan médical et rende une nouvelle décision.

Le rubrum de ce jugement indique que le Tribunal des assurances a
statué dans
la composition suivante:
«Présidence de M. D.________, juge
Membres: Mme H.________ et M. Z.________, assesseurs
Greffier: Mme L.________, greffier-substitut».

C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement,
concluant à son annulation avec suite de dépens. Dans son recours,
R.________
fait notamment grief au Tribunal des assurances, à titre subsidiaire,
d'avoir
statué alors qu'elle comprenait dame H.________ en son sein.

L'OAI et l'OFAS ont renoncé à se déterminer.

Interpellé par le juge délégué à l'instruction sur la composition dans
laquelle il a statué, le Tribunal des assurances a indiqué, par
lettre du 17
mars 2003, que dame H.________, dans la mesure où elle avait signé des
lettres de l'assureur LPP, bien qu'elle n'ait pas elle-même traité le
dossier
dont s'occupait une collaboratrice, aurait dû se récuser.

Considérant en droit :

1.
1.1 Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de
renvoi par
laquelle le juge invite l'administration à statuer à nouveau selon des
instructions impératives est une décision autonome, susceptible en
tant que
telle d'être attaquée par la voie du recours de droit administratif,
et non
une simple décision incidente (ATF 120 V 237 consid. 1a, 117 V 241
consid. 1
et les références; VSI 2001 p. 121 consid. 1a).

1.2 Aux termes de l'art. 103 let. a OJ, a qualité pour recourir
quiconque est
atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection
à ce
qu'elle soit annulée ou modifiée. La jurisprudence considère comme
intérêt
digne de protection, au sens de cette disposition, tout intérêt
pratique ou
juridique à demander la modification ou l'annulation de la décision
attaquée
que peut faire valoir une personne atteinte par cette dernière.
L'intérêt
digne de protection consiste ainsi en l'utilité pratique que
l'admission du
recours apporterait au recourant ou, en d'autres termes, dans le fait
d'éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou
autre que
la décision attaquée lui occasionnerait. L'intérêt doit, enfin, être
direct
et concret; en particulier, la personne doit se trouver dans un
rapport
suffisamment étroit avec la décision (ATF 127 V 3 consid. 1b, 123 V
115 sv.
consid. 5a, 122 II 132 consid. 2b et les arrêts cités).

En l'espèce, il existe pour la recourante une utilité pratique à
obtenir
d'emblée une demi-rente, sans devoir se soumettre à l'expertise
médicale dont
l'administration a été chargée aux termes du jugement cantonal.
L'intéressée
a ainsi un intérêt digne de protection à ce que celui-ci soit annulé
(v.
arrêt K. du 7 août 2002 [I 269/02]). Le recours est dès lors
recevable.

2.
Le moyen soulevé par la recourante en relation avec la composition de
l'autorité judiciaire cantonale est de nature formelle. Il peut, en
conséquence, amener la cour de céans à annuler le jugement entrepris
sans
examen du litige sur le fond, si bien qu'il convient de l'examiner
d'entrée
de cause (ATF 124 V 92 consid. 2, 119 V 210 consid. 2), nonobstant le
fait
qu'il n'a été articulé qu'à titre subsidiaire, la cour de céans
n'étant, au
demeurant, pas liée par un éventuel ordre de priorité choisi par les
parties
dans la présentation de leurs motifs ou de leurs conclusions.

3.
3.1Selon l'art. 30 al. 1 Cst. - qui, de ce point de vue, a la même
portée que
l'art. 6 § 1 CEDH (ATF 127 I 198 consid. 2b) -, toute personne dont
la cause
doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa
cause soit
portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et
impartial. Le droit des parties à une composition régulière du
tribunal et,
partant, à des juges à l'égard desquels il n'existe pas de motif de
récusation, impose des exigences minimales en procédure cantonale
(ATF 123 I
51 consid. 2b). Cette garantie permet, indépendamment du droit
cantonal,
d'exiger la récusation d'un juge dont la situation et le comportement
sont de
nature à faire naître un doute sur son impartialité (ATF 126 I 73
consid.
3a); elle tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à
la
cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment
d'une
partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une
prévention
effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part
ne peut
guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent
l'apparence de la
prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat.
Seules les
circonstances constatées objectivement doivent être prises en
considération;
les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne
sont
pas décisives (ATF 127 I 198 consid. 2b, 125 I 122 consid. 3a, 124 I
261
consid. 4a). Le plaideur est fondé à mettre en doute l'impartialité
d'un juge
lorsque celui-ci révèle, par des déclarations avant ou pendant le
procès, une
opinion qu'il a déjà acquise sur l'issue à donner au litige. Les
règles
cantonales sur l'organisation judiciaire doivent être conçues de
façon à ne
pas créer de telles situations; ainsi, il est inadmissible que le
même juge
cumule plusieurs fonctions et soit donc amené, aux stades successifs
d'un
procès, à se prononcer sur des questions de fait ou de droit
étroitement
liées. On peut craindre, en effet, que ce juge ne projette dans la
procédure
en cours les opinions qu'il a déjà émises à propos de l'affaire, à un
stade
antérieur, qu'il ne résolve les questions à trancher selon ces
opinions et,
surtout, qu'il ne discerne pas les questions que se poserait un juge
non
prévenu (ATF 128 V 84 consid. 2 et les références citées, 116 Ia 139
consid.
3b; voir aussi ATF 125 I 122 consid. 3a).

En l'espèce, il est établi que le Tribunal des assurances du canton
de Vaud
statuant le 6 septembre 2002 sur le droit de l'assurée à une rente de
l'assurance-invalidité comptait dame H.________ parmi ses membres. Il
est,
par ailleurs, établi que cette dernière a, à plusieurs reprises, été
amenée à
signer des correspondances adressées par La Suisse assurances à
l'assurée en
relation avec le droit de cette dernière à percevoir des prestations
d'ASPIDA
dont, en particulier, les lettres de refus des 28 novembre 2001 et
1er mai
2002, motivées par des considérations relatives à l'époque à laquelle
est
survenue l'incapacité de travail de l'assurée. Or, dans la mesure où
l'appréciation de l'assurance-invalidité quant au début de
l'incapacité de
travail est susceptible de lier l'institution de prévoyance (ATF 123
V 271
consid. 2a, 118 V 39 s.; arrêt K. du 29 novembre 2002 [B 26/01]
destiné à la
publication au Recueil officiel; Frésard, Questions de coordination en
matière de prévoyance professionnelle, Recueil de jurisprudence
neuchâteloise
[RJN] 2000 p. 25), l'implication de dame H.________ dans le litige en
matière
de prévoyance professionnelle était de nature à faire naître des
doutes sur
son impartialité en tant que juge appelée à statuer dans le litige en
matière
d'assurance-invalidité.

3.2 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le motif de
récusation
doit être invoqué dès que possible, à défaut de quoi le plaideur est
réputé
avoir tacitement renoncé à s'en prévaloir (ATF 119 Ia 228 sv.;
Jean-François
Egli / Olivier Kurz, La garantie du juge indépendant et impartial
dans la
jurisprudence récente, RJN 1990 p. 28 sv.). En particulier, il est
contraire
à la bonne foi d'attendre l'issue d'une procédure pour tirer ensuite
argument, à l'occasion d'un recours, de la composition incorrecte de
l'autorité qui a statué, alors que le motif de récusation était déjà
connu
auparavant (ATF 124 I 123 consid. 2, 119 Ia 228 sv. consid. 5a). Cela
ne
signifie toutefois pas que l'identité des juges appelés à statuer
doive
nécessairement être communiquée de manière expresse au justiciable;
il suffit
en effet que le nom de ceux-ci ressorte d'une publication générale
facilement
accessible, par exemple l'annuaire officiel. La partie assistée d'un
avocat
est en tout cas présumée connaître la composition régulière du
tribunal (ATF
117 Ia 323 consid. 1c; Egli/Kurz, loc.cit., p. 29). En revanche, un
motif de
prévention concernant un juge suppléant peut, en principe, encore être
valablement soulevé dans le cadre d'une procédure de recours, car le
justiciable pouvait partir de l'idée que le tribunal de première
instance
statuerait dans sa composition ordinaire. Cette jurisprudence au
sujet des
juges suppléants doit s'appliquer de la même manière quand il s'agit
d'examiner si un justiciable devait ou non s'attendre à la présence
d'un
assesseur qui est appelé à fonctionner, de cas en cas, dans la
composition du
tribunal saisi de l'affaire (voir SVR 2001 BVG no 7 p. 28 consid. 1c,
non
publié aux ATF 126 V 303).

La composition exacte du Tribunal des assurances du canton de Vaud
n'est en
règle générale pas communiquée aux parties avant le prononcé du
jugement. Ce
tribunal est composé de trois juges cantonaux, comme président et
vice-présidents, de juges permanents, appelés juges des assurances, et
d'assesseurs nommés par le Tribunal cantonal (art. 2 et 3 de la loi
vaudoise
du 2 décembre 1959 sur le Tribunal des assurances; RSV 2.02 A).
L'identité de
ces derniers ressort notamment de l'Annuaire officiel du canton de
Vaud, dans
l'édition 2001/2002 duquel dame H.________ figure parmi vingt-et-un
autres
assesseurs. Eu égard au nombre relativement important de ces
derniers, la
recourante ne devait pas s'attendre à ce que cet assesseur en
particulier fût
appelé à statuer dans la présente affaire, d'autant moins que le
jugement a
été apparemment rendu par voie de circulation. Dans ces conditions,
on ne
peut reprocher à la recourante d'avoir agi contrairement à la bonne
foi en
invoquant le grief de prévention seulement dans son recours de droit
administratif.

3.3 Il s'ensuit que le recours sera admis et la cause renvoyée au
Tribunal
des assurances du canton de Vaud pour qu'il statue à nouveau sur le
recours
dont il était saisi, dans une composition régulière sans qu'il soit,
pour le
surplus, nécessaire d'examiner l'argumentation développée par la
recourante
en relation avec les garanties cantonales de procédure et, en
particulier,
les dispositions de la nouvelle constitution cantonale (entrée en
vigueur: le
14 avril 2003), qui n'étaient, au demeurant, pas applicables à la
date à
laquelle le Tribunal des assurances a statué.

4.
La recourante, qui s'est fait assister d'un avocat, obtient gain de
cause en
ce qui concerne une conclusion subsidiaire, si bien qu'elle ne peut
prétendre
qu'une indemnité de dépens réduite (art. 159 al. 1 en corrélation
avec l'art.
135 OJ; RCC 1985 p. 664 consid. 5). Les motifs du présent arrêt
constituent,
par ailleurs, des circonstances justifiant que ces dépens soient mis
à la
charge du canton de Vaud et non de l'office intimé (arrêt D. du 20
février
2003 [I 450/01], destiné à la publication au Recueil officiel, et
arrêt non
publié F. du 6 juillet 1994 [I 56/94]).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des
assurances du
canton de Vaud, du 6 septembre 2002 est annulé, la cause étant
renvoyée à
l'autorité judiciaire de première instance pour qu'elle statue à
nouveau en
procédant conformément aux considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le canton de Vaud versera à la recourante la somme de 1'000
fr. (y
compris la
taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 avril 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.855/02
Date de la décision : 16/04/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-16;i.855.02 ?
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