La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2003 | SUISSE | N°C.92/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 avril 2003, C.92/02


{T 7}
C 92/02

Arrêt du 14 avril 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière: Mme
von Zwehl

F.________, recourant, représenté par Me Jacques-André Schneider,
avocat, rue
du Rhône 100, 1204 Genève,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue Caroline 9, 1014
Lausanne
Adm cant VD, intimée,

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 6 mars 2002)

Faits:

A.
F. ________ a travaillé

auprès de divers établissements bancaires
avant de
fonder, en 1990, la société X.________ SA qui avait pour but la
gestion de
for...

{T 7}
C 92/02

Arrêt du 14 avril 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière: Mme
von Zwehl

F.________, recourant, représenté par Me Jacques-André Schneider,
avocat, rue
du Rhône 100, 1204 Genève,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue Caroline 9, 1014
Lausanne
Adm cant VD, intimée,

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 6 mars 2002)

Faits:

A.
F. ________ a travaillé auprès de divers établissements bancaires
avant de
fonder, en 1990, la société X.________ SA qui avait pour but la
gestion de
fortune et le conseil en placement. Il en était l'administrateur
unique et
seul actionnaire. La société ayant subi une forte baisse des affaires
en
raison notamment du décès de son principal client, F.________ a été
licencié
pour le 31 octobre 2000. Le prénommé a néanmoins continué à exercer
une
activité réduite au sein de sa société; parallèlement, il a recherché
activement un emploi salarié dans le domaine de la gestion de fortune,
toutefois sans succès. Il s'est finalement annoncé à
l'assurance-chômage et a
sollicité des indemnités journalières à partir du 7 mars 2001.

Par décision du 16 mai 2001, la Caisse publique cantonale vaudoise de
chômage
(ci-après: la caisse) a nié le droit de F.________ à des prestations,
dès
lors qu'il avait conservé un pouvoir décisionnel dans sa société,
étant
toujours inscrit au registre du commerce comme administrateur de cette
dernière.

L'assurée a déféré cette décision au Service de l'emploi du canton de
Vaud
(ci-après: le service de l'emploi), première instance cantonale de
recours en
matière d'assurance-chômage, qui l'a débouté pour les mêmes motifs par
décision du 21 septembre 2001.

B.
Saisi d'un recours de l'assuré contre cette décision, le Tribunal
administratif du canton de Vaud l'a rejeté (jugement du 6 mars 2002).

C.
F.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il requiert, sous suite de dépens, l'annulation. Il demande au
tribunal de
constater qu'il a droit aux indemnités de chômage dès le 7 mars 2001.

La caisse et le service de l'emploi s'en remettent à justice, tandis
que le
Secrétariat d'Etat à l'économie a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
(LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003,
n'est pas
applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances
sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de
l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du
16 mai
2001 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

2.
Pour nier le droit du recourant aux prestations de
l'assurance-chômage, tant
la caisse que le service de l'emploi et les premiers juges ont fait
application de la jurisprudence découlant de l'arrêt ATF 123 V 234.

D'après cette jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation
professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à
l'indemnité
de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une
entreprise, il
continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer
celles-ci de
manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on
détournerait par le
biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation
en
matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, en
particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Selon cette disposition
légale,
n'ont pas droit à l'indemnité les personnes qui fixent les décisions
que
prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en
qualité
d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore
de
détenteur d'une participation financière à l'entreprise; il a va de
même des
conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise. Dans
ce sens,
il existe un étroit parallélisme entre l'indemnité en cas de
réduction de
l'horaire de travail et le droit à l'indemnité de chômage. La
situation est
en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position
assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement
l'entreprise en
raison de la fermeture de celle-ci; en pareil cas, on ne saurait
parler d'un
comportement visant à éluder la loi. Il en va de même lorsque
l'entreprise
continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation
de son
contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas
comme
dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des indemnités de
chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb; SVR 2001 ALV n° 14 pp. 41-42
consid.
2a; DTA 2000 n° 14 p. 70 consid. 2).

3.
En l'occurrence, le recourant n'ignore pas cette jurisprudence, mais
estime
qu'elle s'applique exclusivement lorsqu'on peut retenir, au vu des
particularités du cas concret, que le travailleur concerné commet un
abus de
droit en requérant des indemnités de chômage. Or, rien de tel dans
son cas.
S'il avait poursuivi, malgré son licenciement, une activité pour le
compte de
X.________ SA, c'était uniquement dans le but d'assainir cette
société et de
la vendre, et non pas pour la maintenir en vie dans l'espoir d'obtenir
ultérieurement de nouveaux engagements. Son choix de vendre la
société plutôt
que de procéder à sa dissolution immédiate avait seulement été guidé
par la
volonté de conserver une bonne réputation comme gestionnaire de
fortune sur
le marché du travail. Dès le moment où la société avait connu des
pertes, il
avait pris la décision de mettre un terme à son activité et, quant à
lui, de
trouver un nouvel emploi salarié: preuve en était les nombreuses
recherches
d'emploi qu'il avait faites avant même de s'inscrire au chômage.

4.
Le fait de subordonner, pour un travailleur jouissant d'une position
analogue
à celle d'un employeur, le versement des indemnités de chômage à la
rupture
de tout lien avec la société qui l'employait, peut certes paraître
rigoureux
selon les circonstances du cas d'espèce. Il ne faut néanmoins pas
perdre de
vue les motifs qui ont présidé à cette exigence. Il s'est agi avant
tout de
permettre le contrôle de la perte de travail du demandeur d'emploi,
qui est
une des conditions mises au droit à l'indemnité de chômage (cf. art.
8 al. 1
let. b LACI). Or, si un tel contrôle est facilement exécutable
s'agissant
d'un employé qui perd son travail ne serait-ce que partiellement, il
n'en va
pas de même des personnes occupant une fonction dirigeante qui, bien
que
formellement licenciés, poursuivent une activité pour le compte de la
société
dans laquelle ils travaillaient. De par leur position particulière,
ces
personnes peuvent en effet exercer une influence sur la perte de
travail
qu'elles subissent, ce qui rend justement leur chômage difficilement
contrôlable. C'est la raison pour laquelle le Tribunal fédéral des
assurances
a posé des critères stricts permettant de lever d'emblée toute
ambiguïté
relativement à l'existence et à l'importance de la perte de travail
d'assurés
dont la situation professionnelle est comparable à celle d'un
employeur.

Contrairement à ce que prétend le recourant, il n'y a pas de place,
dans ce
contexte, pour un examen au cas par cas d'un éventuel abus de droit
de la
part d'un assuré. Lorsque l'administration statue pour la première
fois sur
le droit à l'indemnité d'un chômeur, elle émet un pronostic quant à la
réalisation des conditions prévues par l'art. 8 LACI. Aussi longtemps
qu'une
personne occupant une fonction dirigeante maintient des liens avec sa
société, non seulement la perte de travail qu'elle subit est
incontrôlable
mais la possibilité subsiste qu'elle décide d'en poursuivre le but
social
(cf. DTA 2002 p. 183; arrêt R. du 22 novembre 2002, C 37/02). Dans un
tel cas
de figure, il est donc impossible de déterminer si les conditions
légales
sont réunies sauf à procéder à un examen a posteriori de l'ensemble
de la
situation de l'intéressé, ce qui est contraire au principe selon
lequel cet
examen a lieu au moment où il est statué sur les droits de l'assuré.
Au
demeurant, ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la
jurisprudence
entendent sanctionner ici, mais le risque d'abus que représente le
versement
d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à
celle
d'un employeur. A cet égard, c'est en vain que le recourant se réfère
à
l'arrêt P. du 6 juillet 2001. Dans cet arrêt, il s'agissait pour le
Tribunal
fédéral des assurances de se prononcer non pas sur les conditions du
droit à
l'indemnité journalière mais sur le bien-fondé ou non d'une décision
de
reconsidération de l'administration qui est soumise à des exigences
bien
différentes.

Au moment où le recourant a sollicité l'indemnité de chômage, il
poursuivait
une activité pour le compte de sa propre société. C'est dès lors à
juste
titre que la caisse lui a dénié tout droit aux prestations de
l'assurance-chômage dès le 7 mars 2001. Il ressort cependant du
dossier que
F.________ a vendu la totalité du capital-action de sa société le 19
septembre 2001, ce qui pourrait conduire à une nouvelle appréciation
de sa
situation. Il appartiendra à la caisse d'examiner si le recourant peut
prétendre des indemnités de chômage à partir de cette date. Le
recours est
mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Vaud, au Service de l'emploi du canton de Vaud, première
instance
cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, à l'Office
régional de
placement du district de Nyon et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 14 avril 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p.o. le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.92/02
Date de la décision : 14/04/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-14;c.92.02 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award