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10/04/2003 | SUISSE | N°U.174/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 avril 2003, U.174/02


{T 7}
U 174/02

Arrêt du 10 avril 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Beauverd

La Zurich, compagnie d'assurances, Mythenquai 2, 8022 Zürich,
recourante,
représentée par Me Serge Rouvinet, avocat, 3, rue du Marché, 1204
Genève,

contre

S.________, intimée, représentée par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 16 avril 2002)

Faits :

A.
Le 24 mars 1989, S.________ a été victime d'un accident de la route:
alors
...

{T 7}
U 174/02

Arrêt du 10 avril 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Beauverd

La Zurich, compagnie d'assurances, Mythenquai 2, 8022 Zürich,
recourante,
représentée par Me Serge Rouvinet, avocat, 3, rue du Marché, 1204
Genève,

contre

S.________, intimée, représentée par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 16 avril 2002)

Faits :

A.
Le 24 mars 1989, S.________ a été victime d'un accident de la route:
alors
qu'elle circulait normalement sur l'autoroute, un véhicule s'est
rabattu
prématurément sur sa piste lors d'une manoeuvre de dépassement, la
contraignant à freiner brutalement et à donner un coup de volant à
gauche, ce
qui lui a fait perdre la maîtrise de son véhicule, lequel s'en est
allé
percuter la glissière de sécurité centrale.

Selon les premières constatations médicales (rapport du docteur
A.________ du
10 août 1989), S.________ a subi de multiples contusions et
hématomes; elle
s'est par ailleurs plainte de cervicalgies et de vertiges. Elle a
repris, le
1er mai 1989, son activité professionnelle au service de la société
X.________ SA, à T.________, pour laquelle elle travaillait depuis le
1er
septembre 1988 comme «senior marketing officier». A ce titre, elle
était
assurée contre le risque d'accident professionnel et non
professionnel auprès
de la Zurich Assurances (ci-après : la Zurich), qui a pris en charge
les
conséquences de l'accident.

Par décision du 8 avril 1992, la Zurich a mis l'assurée au bénéfice
d'une
indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 10 %. Cette
décision n'a
pas fait l'objet d'une opposition. En revanche, S.________ a requis le
versement d'une rente d'invalidité, en produisant notamment un
certificat du
23 août 1994 du docteur B.________, neurologue, qui attestait une
incapacité
de travail de 20 %. Elle faisait par ailleurs valoir qu'en raison de
ses
problèmes de santé, elle avait dû démissionner de la société
X.________ SA
pour le 31 juillet 1989, et qu'elle avait par la suite dû, également
en
raison de ses problèmes de santé, occuper des postes moins exigeants
et moins
bien rémunérés, avant d'être finalement licenciée en octobre 1995 par
son
dernier employeur, toujours en raison de ses problèmes de santé.

Dans un rapport d'expertise du 8 juillet 1996, les docteurs
C.________ et
D.________, du service de neurologie du Centre hospitalier
Y.________, ont
posé le diagnostic d'état dépressif et anxieux sévère, ainsi que de
céphalées
et cervicalgies post-traumatiques consécutives à une commotion
cérébrale et à
une distorsion cervicale simple; selon ces médecins, «1/3 de
l'incapacité de
travail actuelle devrait être considérée comme la conséquence
adéquate du
traumatisme et de ses suites, et 2/3 en relation avec des facteurs
extra-traumatiques». Ils ont par ailleurs préconisé une prise en
charge
médicale de l'assurée sur le plan psychique.
Par décision du 2 décembre 1997, la Zurich a dénié à cette dernière
le droit
à une rente d'invalidité, motif pris de l'absence d'un lien de
causalité
adéquate entre ses troubles psychiques et l'accident assuré.
S.________ s'est
opposée à cette décision.

A titre de mesure d'instruction complémentaire, la Zurich a confié une
expertise au docteur E.________, spécialiste en psychiatrie et
psychothérapie. Dans un rapport du 20 mai 1999, ce médecin a posé le
diagnostic de personnalité narcissique à fonctionnement
psychosomatique, en
considérant comme «improbable» l'existence d'un lien de causalité
entre ce
trouble et l'accident de la circulation survenu en 1989.

Par décision du 9 juin 1999, la Zurich a rejeté l'opposition dont
elle était
saisie, considérant que les troubles présentés par l'assurée
n'étaient pas
dans un rapport de causalité adéquate avec l'accident, ni même dans un
rapport de causalité naturelle.

B.
S.________ a recouru contre cette décision.

Par jugement du 21 décembre 1999, le Tribunal administratif de la
République
et Canton de Genève a partiellement admis le recours, en ce sens
qu'il a
annulé la décision entreprise et condamné la Zurich au versement d'une
indemnité journalière ainsi qu'à la prise en charge d'un traitement
médical
(sur le plan psychiatrique), en lui renvoyant la cause pour «qu'elle
procède
conformément aux considérants».

La Zurich a recouru contre ce jugement.

Par arrêt du 21 août 2000, le Tribunal fédéral des assurances a
annulé le
jugement entrepris et renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour
instruction complémentaire et nouveau jugement au sens des motifs. En
bref,
il a considéré que les pièces médicales versées au dossier ne
permettaient
pas de trancher le litige, en particulier de se prononcer sur la
question de
la causalité naturelle entre les troubles psychiques de (l'assurée)
et son
accident, de sorte que la mise en oeuvre d'une expertise
psychiatrique se
justifiait.

C.
A la suite de cet arrêt de renvoi, le tribunal administratif a soumis
aux
parties le nom d'un expert et un projet de questionnaire pour
celui-ci, en
leur impartissant un délai pour «faire valoir d'éventuels motifs de
récusation et pour faire toute suggestion quant au libellé des
questions».

Les parties ont accepté le choix de l'expert, mais ont demandé
quelques
modifications concernant le questionnaire, soit notamment l'ajout de
questions complémentaires.

Par décision incidente du 31 octobre 2000, le tribunal administratif a
ordonné une expertise médicale qu'il a confiée au docteur F.________,
spécialiste en psychiatrie. Cette décision définissait la mission de
l'expert
(prendre connaissance du dossier, s'adjoindre tout spécialiste requis
à titre
de consultant, examiner l'assurée...) et précisait les questions
auxquelles
celui-ci devait répondre (description des atteintes à la santé
psychique,
existence d'un lien de causalité naturelle entre celles-ci et
l'accident
assuré,...).

S. ________ a recouru contre cette décision incidente, en demandant à
ce
qu'il fût expressément précisé que l'expert dût également, dans le
cadre de
son mandat, la faire examiner par un neuropsychologue.

Par arrêt du 8 mars 2001, le Tribunal fédéral des assurances a
déclaré le
recours irrecevable, au motif que la décision incidente n'était pas
de nature
à causer un préjudice irréparable à l'intéressée.

D.
Le docteur F.________ a déposé son rapport d'expertise le 26 novembre
2001.
Il a posé le diagnostic de trouble de l'humeur persistant, de type
dysthymique (F 34.1) et de trouble somatoforme, trouble somatisation
(F
45.0). Selon l'expert, il existe un lien de causalité naturelle entre
l'accident et le trouble dysthymique.

Le 31 janvier 2002, la Zurich a déclaré ne pas pouvoir se déterminer
de
manière complète et circonstanciée sur le rapport de l'expert, au
motif que
certaines réponses manquaient de précision. Aussi, a-t-elle invité la
juridiction cantonale à soumettre trois questions complémentaires à
l'expert,
en se réservant le droit de se déterminer sur le rapport à réception
des
réponses du docteur F.________.

Le 19 février 2002, la juridiction cantonale a informé les parties
que la
cause était gardée à juger.
Par jugement du 16 avril 2002, elle a partiellement admis le recours,
en ce
sens qu'elle a annulé la décision sur opposition entreprise et
condamné la
Zurich au paiement d'une indemnité journalière, ainsi qu'à l'octroi de
prestations pour soins et au remboursement des frais, en lui
renvoyant la
cause «pour instruction complémentaire» au sujet de la capacité
résiduelle de
gain de l'assurée.

E.
La Zurich interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
elle demande l'annulation, en concluant au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour nouveau jugement après instruction
complémentaire
sous la forme d'une expertise, subsidiairement à la confirmation de sa
décision sur opposition du 9 juin 1999.

S. ________ conclut au rejet du recours, sous suite de dépens.

Invitée à se déterminer sur le recours en qualité d'intéressée, la
Concordia,
assureur-maladie de l'intimée, a renoncé à déposer une détermination.
L'Office fédéral des assurances sociales a fait de même.

Considérant en droit :

1.
1.1 Par un premier moyen, la recourante soutient que la juridiction
cantonale
a violé son droit d'être entendu en lui refusant de participer à
l'administration des preuves et, partant, de s'exprimer sur la
procédure
probatoire, ainsi qu'en ne rendant pas une décision motivée au sujet
des
questions complémentaires qu'elle entendait soumettre à l'expert
F.________.

1.2 Le droit d'être entendu - qui comprend notamment le droit pour le
justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son
détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à
influer
sur le sort de la décision, celui de participer à l'administration des
preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos
(ATF 126
I 16 consid. 2a/aa, 124 V 181 consid. 1a, 375 consid. 3b et les
références) -
est une garantie constitutionnelle de caractère formel (art. 29 al. 2
Cst.),
dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée
(ATF
127 V 437 consid. 3d/aa, 126 V 132 consid. 2b et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, le juge peut renoncer à un complément
d'instruction
sans que cela entraîne une violation du droit d'être entendu au sens
de
l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b), s'il est
convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des
preuves
fournies par les investigations auxquelles il doit procéder d'office,
que
certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et
que
d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette
appréciation
(appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das Verwaltungsverfahren
in der
Sozialversicherung, p. 212 n. 450; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren
und
Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., p. 39, n. 111 et p.
117, n.
320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème éd. p. 274; cf. aussi
ATF 122
II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120 Ib 229 consid. 2b, 119
V 344
consid. 3c et la référence).

Par ailleurs, selon la jurisprudence, la violation du droit d'être
entendu -
pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière - est
réparée
lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une
autorité de
recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Au demeurant, la
réparation
d'un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (ATF 127
V 437
consid. 3d/aa, 126 I 72, 126 V 132 consid. 2b et les références).

1.3 Après avoir pris connaissance du rapport d'expertise du docteur
F.________, la Zurich a informé la juridiction cantonale qu'elle ne
pouvait
se déterminer de manière complète et circonstanciée sur cet avis
médical, au
motif que certaines réponses manquaient de précision. Aussi, tout en
se
réservant le droit de différer sa détermination sur ledit rapport,
a-t-elle
invité la juridiction cantonale à soumettre à l'expert les trois
questions
suivantes:

a.
Dans quelle mesure les facteurs étrangers à l'accident qui influent
sur
l'état de santé psychique de l'assurée et, cas échéant, sur sa
capacité de
gain, sont-ils postérieurs à l'accident de 1989?

b.
Selon une vraisemblance prépondérante, comment, sans la survenance de
l'accident de 1989, l'état de santé psychique de l'assurée aurait-il
évolué
et dans quelle mesure aurait-il entraîné une incapacité de travail?

c.
Les thérapies préconisées sont-elles - d'un point de vue objectif -
raisonnablement exigibles de l'assurée et dans quelle mesure
celles-ci sont,
au degré de la vraisemblance prépondérante, de nature à faire
recouvrer à
l'assurée une capacité de travail?

De son côté, la Cour de céans, dans son arrêt de renvoi du 21 août
2000,
avait ordonné à la juridiction cantonale la mise en oeuvre d'une
expertise
psychiatrique, l'expert étant invité notamment à poser un diagnostic
précis
sur la nature des troubles dont souffre l'intimée, à dire si ceux-ci
sont en
relation de causalité naturelle avec l'accident assuré - en tenant en
particulier compte de l'état préexistant et des facteurs étrangers à
l'accident -, et enfin à se prononcer sur le caractère invalidant de
ces
troubles.

Dans son rapport du 26 novembre 2001, le docteur F.________ a posé le
diagnostic de trouble de l'humeur persistant, de type dysthymique (F
34.1) et
de trouble somatofome, trouble somatisation (F 45.0). Selon l'expert,
il
existe un lien de causalité naturelle entre l'accident et le trouble
dysthymique, dans lequel l'accident intervient pour 25 %, non
cumulatif avec
l'atteinte à la santé physique, secondaire à l'accident, qui a
polarisé le
trouble somatisation sur les cervicalgies, avec un rapport de
causalité
naturelle compris dans les 25 %. Par ailleurs, le docteur F.________ a
attesté que l'atteinte à la santé constatée empêchait l'assurée
d'exercer son
ancienne activité. En revanche, après la mise en oeuvre d'un
traitement et de
mesures de réadaptation professionnelle, une activité adaptée était
tout à
fait envisageable à raison d'un horaire de travail de l'ordre de
75 %.

1.4 Cela étant, on ne voit pas bien dans quelle mesure les questions
complémentaires proposées par la recourante étaient aptes à clarifier
les
réponses de l'expert dans le cadre du mandat conféré par la
juridiction
cantonale conformément à l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances
du 21
août 2000. Au demeurant, le fait que, selon elle, le rapport
d'expertise ne
satisfaisait pas au mandat qui avait été confié à l'expert
n'empêchait pas la
recourante de se déterminer sur ledit rapport. C'était au contraire
pour elle
le moyen de formuler d'éventuelles critiques au sujet du rapport
d'expertise
et d'expliquer en quoi, d'après elle, celui-ci ne permettait pas de
trancher
le litige dont la juridiction cantonale était saisie. Quoi qu'il en
soit, il
n'apparaît pas que la violation invoquée du droit d'être entendu soit
d'une
gravité telle qu'elle ne puisse être réparée lorsque, comme en
l'espèce, la
partie qui s'estime lésée a la possibilité de s'exprimer devant une
autorité
de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen.

2.
Le litige porte sur le droit de l'intimée à des prestations
d'assurance à
charge de la recourante, pour les suites de l'accident de la
circulation
survenu le 24 mars 1989.

3.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

4.
L'arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 21 août 2000 expose les
dispositions légales applicables au présent litige, ainsi que la
jurisprudence relative à l'exigence d'un lien de causalité naturelle
entre
l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la
santé. Il
suffit d'y renvoyer.

5.
Dans l'arrêt susmentionné, le Tribunal fédéral des assurances a
considéré
qu'au regard des nombreuses pièces médicales au dossier les seules
séquelles
présentées par l'intimée, susceptibles, le cas échéant, de justifier
des
prestations à charge de la recourante, sont ses troubles d'ordre
psychique.
Il n'y a pas lieu de revenir sur ce point dans le cadre du présent
procès.

6.
6.1Selon les docteurs C.________ et D.________, il existe un lien de
causalité naturelle entre les troubles psychiques présentés par
l'assurée -
décrits comme un état dépressif chronique sévère - et l'accident. Ces
troubles ont toutefois été aggravés par des facteurs étrangers à
l'accident,
telles la situation familiale difficile de l'intéressée et sa
«prédisposition
féminine à développer des douleurs chroniques».

De son côté, le docteur E.________ a nié l'existence de tout lien de
causalité entre l'événement accidentel et l'atteinte d'ordre
psychique qu'il
qualifie de «sentiment de vide narcissique majeur». D'après cet
expert, ce
trouble est dû exclusivement à une personnalité narcissique.

A la lumière de ces constatations médicales, le Tribunal fédéral des
assurances a considéré que le rapport du docteur E.________ n'était
pas
suffisamment étayé pour se voir reconnaître pleine valeur probante au
sens de
la jurisprudence (ATF 125 V 352 consid. 3a). En revanche, ses
conclusions au
sujet de l'absence d'un trouble évident d'ordre dépressif et quant à
l'existence de facteurs étrangers à l'accident, touchant en
particulier à la
personnalité de l'intéressée, étaient de nature à jeter un doute sur
le
bien-fondé des conclusions des docteurs C.________ et D.________
(arrêt du 21
août 2000).

6.2 Dans son rapport du 26 novembre 2001, le docteur F.________ a
confirmé
l'avis des experts prénommés quant à l'existence d'un trouble d'ordre
dépressif sous la forme d'un trouble de l'humeur persistant de type
dysthymique (F 34.1). En outre, tout en confirmant le point de vue des
docteurs C.________ et D.________ selon lequel il existe un lien de
causalité
naturelle entre le trouble précité et l'accident, les conclusions du
docteur
F.________ permettent de lever toute incertitude quant au rôle
concomitant de
la personnalité de l'intéressée dans l'apparition de ce trouble. Sur
le vu de
ces conclusions, tout doute sur le bien-fondé de l'appréciation des
docteurs
C.________ et D.________ doit être écarté et il y a lieu, sans qu'il
soit
nécessaire - comme le demande la recourante - de renvoyer la cause à
la
juridiction cantonale pour instruction complémentaire, d'admettre
l'existence
d'un lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques
constatés et
l'accident.

7.
7.1Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose,
entre
l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la
santé,
outre un lien de causalité naturelle, un lien de causalité adéquate.

La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et
l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un
effet
du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat
paraissant
de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 461
consid.
5a et les références).

7.2
7.2.1Dans son jugement du 21 décembre 1999, la juridiction cantonale
avait
admis l'existence d'un lien de causalité adéquate entre les troubles
psychiques et l'accident - qu'elle avait qualifié d'accident de
gravité
moyenne - en raison des circonstances de l'accident, des troubles à
la santé
de l'assurée et de la nécessité d'un traitement médical qui
perdurait. Dans
le jugement entrepris, elle n'est pas revenue sur ce point.

De son côté, l'intimée est d'avis qu'en renvoyant la cause à la
juridiction
cantonale pour instruction complémentaire sur la question de la
causalité
naturelle (arrêt du 21 août 2000), le Tribunal fédéral des assurances
a
confirmé implicitement le bien-fondé du jugement cantonal du 21
décembre
1999, dans la mesure où celui-ci avait admis l'existence d'un lien de
causalité adéquate.

7.2.2 Le point de vue de l'intimée est manifestement mal fondé. Le
renvoi de
la cause à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire
sur la
question de la causalité naturelle ne signifiait pas que le Tribunal
fédéral
des assurances entendait confirmer le jugement cantonal quant à la
question
de la causalité adéquate. En effet, non seulement l'annulation dudit
jugement
impliquait que la juridiction cantonale statuât dans un nouveau
prononcé sur
l'ensemble des conditions du droit à prestations de
l'assurance-accidents,
mais encore le Tribunal fédéral des assurances ne pouvait, même
implicitement, admettre l'existence d'un lien de causalité adéquate
sans que
fût au préalable tranchée la question de la causalité naturelle, la
causalité
adéquate ayant précisément pour but de délimiter, parmi les faits de
la série
causale naturelle, ceux qui sont générateurs d'une obligation de
l'assureur-accidents d'allouer ses prestations (ATF 122 V 417 consid.
2c et
les références).

Cela étant, même si la juridiction cantonale ne s'est pas prononcée
sur la
causalité adéquate dans le jugement entrepris, il n'est toutefois pas
nécessaire de lui renvoyer la cause pour qu'elle tranche ce point, du
moment
que les parties ont eu tout loisir de s'exprimer à ce sujet dans le
présent
procès.

7.3
7.3.1Selon la jurisprudence, il convient, aux fins de procéder à une
classification des accidents de nature à entraîner des troubles
psychiques,
non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé
le choc
traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue
objectif, sur
l'événement accidentel lui-même (ATF 115 V 139 consid. 6, 407 s.
consid. 5).

7.3.2 La recourante est d'avis que l'accident du 24 mars 1989 doit
être
qualifié d'accident de peu de gravité, tout au plus de gravité
moyenne.

De son côté, l'intimée soutient que cet événement entre dans la
catégorie des
accidents graves, à tout le moins à la limite supérieure des
accidents de
gravité moyenne.

7.3.3 Sur le vu des circonstances de l'accident, telles qu'elles
ressortent
du rapport de la police cantonale vaudoise du 1er avril 1989,
l'accident doit
être classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne. En
effet, dès
lors qu'il y a lieu de faire abstraction de la manière dont l'assuré a
ressenti et assumé le choc traumatique (cf. consid. 7.3.1), force est
de
constater que l'événement en cause et l'intensité de l'atteinte qu'il
a
générée ne sont pas tels qu'il faille admettre l'existence d'un
accident
grave.
Par ailleurs, il apparaît que les critères objectifs posés par la
jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un
accident de
gravité moyenne (cf. ATF 115 V 138 ss consid. 6 et 407 ss consid. 5)
ne sont
pas réalisés en l'occurrence. En particulier, l'accident et les
circonstances
concomitantes sont dénués de tout caractère particulièrement
impressionnant
ou particulièrement dramatique. En outre, l'intimée n'a pas subi de
lésion
physique grave, propre, selon l'expérience, à entraîner des troubles
psychiques. Quant à la durée de l'incapacité de travail due aux
lésions
physiques, elle n'apparaît pas particulièrement longue. En effet,
l'intéressée a repris son activité professionnelle habituelle au mois
de mai
1989 déjà. Certes, au mois de juin suivant, elle a résilié les
rapports de
travail avec effet au 31 juillet 1989. Toutefois, aucun élément versé
au
dossier ne permet d'admettre que la cessation des rapports de travail
était
motivée par des raisons médicales. Au demeurant, après une
interruption
volontaire de travail d'une durée de trois mois, l'intimée a repris
un emploi
au service d'une autre société financière. Ce n'est qu'au mois
d'octobre 1995
- soit à une époque à laquelle les troubles psychiques avaient déjà
une
influence déterminante sur les plaintes de l'intéressée - que
celle-ci a été
finalement licenciée par son dernier employeur. Enfin, en ce qui
concerne la
durée du traitement, il y a lieu de relever que le docteur A.________
a
indiqué que celui-ci était terminé le 29 mai 1989 (rapport du 10 août
1989).
Certes, le 16 mars 1990, l'assurée a consulté le docteur G.________,
lequel a
ordonné une reprise du traitement (rapport du 20 juillet 1990).
Toutefois,
étant donné l'absence de constatations objectives attestées par ce
médecin
(rapport du 7 septembre 1990), force est de considérer que la
dysthymie,
apparue précocement (cf. rapport d'expertise du docteur F.________),
exerçait
déjà une influence déterminante sur l'état de santé de l'intéressée.

Vu ce qui précède, le caractère adéquat du lien de causalité entre
l'accident
survenu le 24 mars 1989 et les troubles psychiques de l'assurée doit
être
nié. La recourante était dès lors fondée par sa décision sur
opposition du 9
juin 1999, à dénier à l'intimée le droit à des prestations
d'assurance. Le
recours se révèle ainsi bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif de la
République et Canton de Genève du 16 avril 2002 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif de la
République et Canton de Genève, à CONCORDIA Assurance suisse de
maladie et
accidents, et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 avril 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.174/02
Date de la décision : 10/04/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-10;u.174.02 ?
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