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10/04/2003 | SUISSE | N°5P.271/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 avril 2003, 5P.271/2002


{T 0/2}
5P.271/2002 /frs

Séance du 10 avril 2003
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Meyer et
Hohl.
Greffière: Mme Revey.

X. ________,
recourant, représenté par Me Hervé Crausaz, avocat, route de la
Cité-Ouest
15, case postale 601, 1196 Gland,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Joël Crettaz, avocat, case postale 3309,
1002
Lausanne,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal
8, 1014

Lausanne.

art. 9 Cst. (action en constatation du retour à meilleure fortune),

recours de droit public contre l'arrêt ...

{T 0/2}
5P.271/2002 /frs

Séance du 10 avril 2003
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Meyer et
Hohl.
Greffière: Mme Revey.

X. ________,
recourant, représenté par Me Hervé Crausaz, avocat, route de la
Cité-Ouest
15, case postale 601, 1196 Gland,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Joël Crettaz, avocat, case postale 3309,
1002
Lausanne,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal
8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (action en constatation du retour à meilleure fortune),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 27 mars 2002.

Faits:

A.
La faillite d'Y.________ a été prononcée le 15 juin 1995. Le 5
octobre 1998,
le créancier X.________ a obtenu un acte de défaut de biens après
faillite de
74'500 fr., indiquant "salaire dû" sous la rubrique "cause de
l'obligation".
X.________ n'a perçu aucun remboursement depuis.

B.
Le 20 novembre 2000, un commandement de payer de 74'500 fr., sans
intérêt, a
été notifié à Y.________ sur requête de X.________. Le débiteur a
formé
opposition totale pour non-retour à meilleure fortune.

Le 8 mars 2001, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de
Lausanne a déclaré recevable l'opposition précitée. Statuant au fond
le 10
octobre 2001, il a rejeté l'action introduite par le créancier,
prononcé que
le débiteur n'était pas revenu à meilleure fortune et déclaré
l'opposition
définitive.

Par jugement du 27 mars 2002, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal a
rejeté le recours déposé par le créancier.

C.
Contre cet arrêt, X.________ forme un recours de droit public devant
le
Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué et au
renvoi de
la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens
des
considérants. En substance, il se plaint d'une interprétation et d'une
application arbitraires de l'art. 265 al. 2 LP. Il sollicite au
surplus
l'assistance judiciaire.

D.
Au terme de ses observations, Y.________ conclut au rejet du recours.
La
Chambre des recours du Tribunal cantonal ne s'est pas exprimée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Seule la voie du recours de droit public est ouverte à l'encontre
d'un
jugement rendu sur l'action en constatation du non-retour à meilleure
fortune
(art. 265a al. 4 LP; arrêt 5P.127/2001, consid. 1, in SJ 2001 p.
582), de
sorte que le présent recours respecte la condition de subsidiarité
posée par
l'art. 84 al. 2 OJ. Remplissant également les exigences des art. 86
al. 1, 87
(a contrario) et 89 al. 1 OJ, il est ainsi recevable.

1.2 Dans un recours de droit public pour arbitraire, soumis à
l'exigence de
l'épuisement des instances cantonales, l'invocation de faits nouveaux
est en
principe exclue (art. 86 OJ; ATF 118 Ia 20 consid. 5a; 118 III 37
consid. 2a;
107 Ia 265 consid. 2a). Le Tribunal fédéral s'en tient donc à l'état
de fait
tel qu'il a été retenu dans l'arrêt attaqué, à moins que le recourant
n'établisse que l'autorité cantonale a constaté les faits de manière
inexacte
ou incomplète en violation de la Constitution (ATF 118 Ia 20 consid.
5a).
Toutefois, l'allégation de faits nouveaux est exceptionnellement
autorisée
lorsqu'il s'agit notamment d'un cas où seule la motivation de la
décision
attaquée suscitait leur présentation (ATF 118 Ia 369 consid. 4d).

En l'occurrence, le recourant n'établit pas que les exceptions
susmentionnées
seraient réalisées. La Cour de céans ne tiendra donc pas compte des
faits
allégués qui ne figurent pas dans l'arrêt attaqué. Tel est ainsi le
cas,
notamment, des affirmations selon lesquelles la valeur de rachat de
"l'assurance-vie capitalisation" s'élèverait à 15'000 fr., que
l'intimé
effectuerait de nombreuses tournées à l'étranger aux frais de son
employeur
et qu'il aurait laissé des impayés s'élevant à 260'000 fr. environ.

1.3 D'après l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit
contenir un
exposé des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste la violation. Le recourant ne saurait se
contenter
de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF
125 I 71
consid. 1c, 492 consid. 1b; 122 I 70 consid. 1c, 168 consid. 2b; cf.
aussi
ATF 128 III 50 consid. 1c; 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid.
1c). Le
Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des moyens articulés de
façon
lacunaire ou lorsque le recourant se borne à une critique de nature
appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b et les arrêts cités).
Ainsi, dans un recours pour arbitraire, le recourant ne peut se
contenter de
mentionner formellement ce moyen en opposant sa thèse à celle de
l'autorité
cantonale et de critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une
procédure d'appel où l'autorité peut revoir librement l'application
du droit.
Il doit au contraire démontrer, par une argumentation claire et
précise, en
quoi l'arrêt attaqué serait arbitraire, ne reposerait sur aucun motif
sérieux
et objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait gravement le
sens de la
justice et de l'équité (ATF 125 I 492 consid. 1b; 117 Ia 10 consid.
4b; 110
Ia 1 consid. 2a; 107 Ia 186; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 127
I 54
consid. 2b, 60 consid. 5a; 125 I 166 consid. 2a; 125 II 129 consid.
5b).

C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les
moyens
soulevés par le recourant.

2.
D'après l'arrêt attaqué, l'intimé obtenait en 1995 un salaire mensuel
net
d'environ 3'400 fr. En octobre 2000 (date de la réquisition de
poursuite), il
travaillait comme administrateur de la Fondation Z.________ et
percevait à ce
titre un salaire mensuel net de 7'419 fr. Son minimum vital (élargi),
qui
totalisait 5'399 fr., comprenait 1'010 fr. de montant de base, 1'350
fr. de
loyer, charges comprises, 262 fr. de prime d'assurance-maladie, 49 fr.
d'abonnement de bus, 928 fr. d'impôts cantonal, communal et fédéral,
ainsi
que 1'800 fr. de contributions d'entretien dues à ses deux filles,
nées
respectivement le 24 juin 1989 et le 17 avril 1992, pensions qui
augmenteront
de 200 fr. par enfant aux âges de 10 et 15 ans. Ainsi, le revenu de
l'intimé
ne dépassait son minimum vital (élargi) que de 37% (7'419 fr. = 137%
de 5'399
fr.). Or, toujours selon le Tribunal cantonal, le débiteur n'atteint
le seuil
du retour à meilleure fortune que lorsque son revenu dépasse son
minimum
vital (élargi) de 66%, à tout le moins de 50%. L'intimé ne
remplissant pas ce
critère, il ne réalisait pas les conditions de l'art. 265 al. 2 LP.

3.
Le recourant affirme que les juges cantonaux sont tombés dans
l'arbitraire en
refusant de considérer la valeur de rachat de "l'assurance-vie
capitalisation" comme un nouvel actif entraînant le retour à meilleure
fortune de l'intimé.

3.1 Les juges cantonaux se sont d'abord préoccupés du sort des primes
de
ladite assurance, qu'ils ont décidé d'exclure du minimum vital
(élargi) de
l'intimé. En d'autres termes, ils ont retenu qu'elles relevaient de la
nouvelle fortune du débiteur. S'agissant ensuite de la valeur de
rachat, ils
ont exposé qu'elle constituait effectivement un élément de patrimoine
- sans
en préciser le montant éventuel -, mais qu'il tombait sous le sens
que l'on
ne pouvait compter dans la nouvelle fortune du débiteur à la fois les
primes
payées et l'épargne ainsi accumulée.

3.2 Le recourant n'indique pas en quoi ce raisonnement serait
insoutenable.
En particulier, il ne s'attache pas à démontrer en quoi le Tribunal
cantonal
devait, sous peine d'arbitraire, considérer comme nouvelle fortune du
débiteur à la fois les primes et la valeur de rachat, voire
uniquement la
seconde au lieu des premières.

Ce grief est dès lors irrecevable, faute de respecter les exigences de
motivation posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

4.
4.1Le recourant affirme que les juges cantonaux ont arbitrairement
interprété
la notion de retour à meilleure fortune de l'art. 265 al. 2 LP. Il
leur
reproche de ne reconnaître un tel retour que lorsque le revenu du
débiteur
dépasse son minimum vital (élargi) de 50%, voire de 66%, alors qu'ils
incluent dans ce minimum, notamment, les impôts et les contributions
d'entretien destinées aux enfants. De son point de vue, il s'ensuit
que,
"selon la pratique cantonale, plus les charges du débiteur sont
importantes,
plus celui-ci pourra exciper du non-retour à meilleure fortune". En
outre, le
recourant soutient que la décision est arbitraire dans son résultat,
dès lors
que l'intimé a doublé son salaire depuis sa faillite et qu'il
dispose, après
déduction de toutes ses charges (hormis le montant de base), de 3'030
fr.
pour ses besoins propres (7'419 fr. - 5'399 fr. + 1'010 fr.), somme
qui
correspond à 40% de son salaire net.

4.2 Bien que la formulation de ces griefs soit quelque peu abstraite
et
confuse, on comprend de manière suffisamment claire, sous l'angle de
l'art.
90 al. 1 let. b OJ, que le recourant critique le schématisme de la
méthode de
calcul abstraite choisie par la cour cantonale, méthode qui selon lui
aboutit
à un résultat arbitraire. Il y a donc lieu d'entrer en matière.

5.
5.1D'après l'art. 265 al. 2 LP, dans sa version en vigueur depuis le
1er
janvier 1997, une nouvelle poursuite ne peut être requise sur la base
de
l'acte de défaut de biens après faillite que si le débiteur revient à
meilleure fortune; sont également considérées comme meilleure fortune
les
valeurs dont le débiteur dispose économiquement.

Abstraction faite de sa seconde phrase, l'art. 265 al. 2 LP
n'explicite pas
la notion de meilleure fortune. Il sied donc de se tourner vers la
jurisprudence et la doctrine, dont les considérations émises sous
l'empire de
l'ancien art. 265 al. 2 LP demeurent pertinentes (cf. Message du
Conseil
fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la
poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III 1 ss, spéc. n°
207.63 p.
181 s.).
5.1.1 L'art. 265 al. 2 LP vise à permettre au débiteur de se relever
de sa
faillite et de se construire une nouvelle existence, à savoir de se
rétablir
sur le plan économique et social, sans être constamment soumis aux
poursuites
des créanciers perdants de la faillite. Le débiteur doit ainsi avoir
acquis
de nouveaux actifs auxquels ne correspondent pas de nouveaux passifs,
c'est-à-dire de nouveaux actifs nets. Le revenu du travail peut
également
constituer un nouvel actif net, partant entraîner un retour à
meilleure
fortune, lorsqu'il dépasse le montant nécessaire au débiteur pour
mener une
vie conforme à sa condition et qu'il lui permet de réaliser des
économies. Il
ne suffit donc pas que le débiteur dispose de ressources supérieures
au
minimum vital de l'art. 93 LP, encore faut-il qu'il puisse adopter un
train
de vie correspondant à sa situation et, en plus, épargner (ATF 109
III 93
consid. 1b; 99 Ia 19 consid. 3; 79 I 113 consid. 3 p. 115).
Inversement, il
sied d'éviter que le débiteur ne dilapide ses revenus au détriment de
ses
anciens créanciers sous le couvert de l'exception du non-retour à
meilleure
fortune (cf. art. 2 CC; Message, loc. cit.).

Savoir quels sont les éléments à prendre en compte à ce propos, en
particulier quel est le montant concrètement nécessaire au débiteur
pour
mener un train de vie conforme à sa situation, relève du pouvoir
d'appréciation du juge (ATF 109 III 93 consid. 1b; 99 Ia 19 consid.
3b).

5.1.2 La doctrine considère que la somme en cause doit couvrir
notamment les
postes du minimum vital (élargi) de l'art. 93 LP (soit un montant de
base
auquel s'ajoutent les dépenses indispensables telles que le loyer, le
chauffage, les primes d'assurance-maladie, etc.), à élargir des
dépenses
incompressibles telles que les impôts, puis à augmenter de certains
frais
usuels tels que ceux entraînés par un véhicule, la radio, la
télévision, le
téléphone, voire un ordinateur, ainsi que certaines assurances
privées. A
cela doit enfin s'additionner un certain supplément, dès lors que le
montant
de base de l'art. 93 LP, destiné à couvrir l'alimentation,
l'habillement, les
soins corporels, les frais culturels, etc., ne représente par
définition
qu'un minimum vital, partant une somme insuffisante pour satisfaire
les
besoins d'un débiteur en droit de mener un train de vie conforme à sa
situation (cf. Beat Fürstenberger, Einrede des mangelnden und
Feststellung
neuen Vermögens nach revidiertem Schuldbetreibungs- und
Konkursgesetz, thèse
Bâle 1999, p. 21 ss, spéc. p. 33 s.; Beat Gut/Felix Rajower/ Brigitta
Sonnenmoser, Rechtsvorschlag mangels neuen Vermögens, PJA 1998 p. 529
ss,
spéc. p. 541; Rico Baumgartner, Die Bildung neuen Vermögens gemäss
Art. 265
Abs. 2 SchKG, thèse Zurich 1988, p. 30 ss; Hans Wüst, Die
Geltendmachung der
Konkursverlustforderung, thèse Zurich 1981, p. 116 ss).

5.1.3 Les jurisprudences cantonales publiées correspondent à
l'opinion de la
doctrine. En pratique, les tribunaux déterminent fréquemment le seuil
du
retour à meilleure fortune en tenant compte du montant de base et des
dépenses indispensables relevant de l'art. 93 LP, en y ajoutant les
dépenses
incompressibles et les frais usuels, puis en additionnant encore au
titre de
supplément un certain pourcentage du montant de base, à raison de 50%
dans

les cantons de Soleure et d'Argovie, de 66% dans le canton de Zurich
et de
100% dans les cantons de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, de Neuchâtel
et du
Valais (cf., respectivement pour chaque canton, Rudolf Junker,
Rechtsvorschlag: kein neues Vermögen, in Solothurner Festgabe zum
Schweizerischen Juristentag 1998, p. 579 ss, spéc. n. 147 p. 603;
AGVE 1990
p. 51 consid. 3b; ZR 84/1985 n° 58 consid. 6 et 8; RSJ 81/1985 p.
293; BJM
2001 p. 117 consid. 3; RJN 1986 p. 308 consid. 4a; RVJ 1996 p. 299
consid.
3b).

5.1.4 Cela étant, il sied d'ajouter quelques remarques. D'une part,
la notion
de train de vie conforme à sa situation doit être déterminée en
relation avec
la situation du débiteur à l'époque de la procédure fondée sur l'art.
265 al.
2 LP, et non par rapport à celle qui était la sienne à l'issue de sa
faillite. En effet, conformément à la jurisprudence fédérale qui
précède, le
débiteur doit disposer du montant nécessaire pour mener une nouvelle
existence après sa faillite, soit en particulier se rétablir sur les
plans
professionnel, social et financier. Or, mesurer cette somme à l'aune
de sa
situation à l'issue de sa faillite risquerait de le bloquer à ce stade
initial. D'autre part, il convient de se garder d'un schématisme
excessif
dans le calcul du seuil du retour à meilleure fortune. La notion de
train de
vie conforme à sa situation implique par définition une
individualisation.
Or, le système précité au consid. 5.1.3, consistant à calculer le
"supplément" en multipliant par le même facteur un montant de base
identique
pour tous les débiteurs du canton, va précisément à l'encontre d'une
telle
individualisation, quand bien même les autorités peuvent aménager des
correctifs en appréciant de manière plus ou moins extensive les postes
relevant des "dépenses indispensables" ou des "frais usuels". Enfin,
il sied
de ne pas perdre de vue que les créances constatées par un acte de
défaut de
biens se prescrivent par vingt ans (art. 149a al. 1 LP) - sous
réserve d'une
interruption de prescription -, ce qui correspond en principe à la
plus
grande partie de la vie active du débiteur.

5.2 En l'espèce, l'arrêt attaqué doit être confirmé dans la mesure où
le
Tribunal cantonal englobe, dans le minimum vital élargi de l'intimé,
les
impôts ainsi que les contributions d'entretien dues aux enfants (cf.
consid.
5.2.1). En revanche, force est de constater que le Tribunal cantonal
est
tombé dans l'arbitraire dans la mesure où il définit le seuil du
retour à
meilleure fortune par une méthode consistant à augmenter d'un taux
allant de
50 à 66% l'ensemble des postes du minimum vital élargi du débiteur
(cf.
consid. 5.2.2).
5.2.1 Certes, comme le relève le recourant, les impôts
n'appartiennent pas au
minimum vital au sens de l'art. 93 LP, dès lors que l'Etat ne saurait
être
privilégié à cet égard vis-à-vis des autres créanciers (ATF 126 III 89
consid. 3b; 95 III 39 consid. 3). Toutefois, conformément au consid.
5.1
ci-dessus, le seuil du retour à meilleure fortune n'équivaut
précisément pas
au minimum strict du droit des poursuites, mais à un montant
supérieur, à
savoir à la somme nécessaire au débiteur pour mener un train de vie
conforme
à sa situation et, en plus, épargner. Or, s'acquitter de ses impôts
ressortit
à un tel standard, de sorte qu'il n'est pour le moins pas arbitraire
d'en
tenir compte (cf. arrêts cantonaux précités ZR 84/1985 n° 58 consid.
7f; BJM
2001 p. 117 consid. 3; RJN 1986 p. 308 consid. 4b; Wüst, op. cit., p.
119).
Quant aux contributions d'entretien dues aux enfants en vertu de la
loi,
elles bénéficient de l'art. 93 LP (ATF 121 III 20 consid. 3a). Au
demeurant,
le recourant n'explicite pas en quoi leur prise en considération
mènerait,
comme il le soutient, à favoriser indûment les parents séparés de
leurs
enfants, pas davantage qu'il ne prétend que le montant de 1'800 fr.
mis à la
charge de l'intimé pour ses deux filles serait excessif.

5.2.2 S'agissant de la méthode consistant à soumettre l'ensemble des
postes
du minimum vital élargi à une majoration allant de 50 à 66%, le
Tribunal
cantonal se réfère à des "pratiques cantonales identiques", en citant
Hans
Fritzsche/Ulrich Walder, Schuldbetreibung und Konkurs nach
schweizerischem
Recht, vol. II, 3e éd., Zurich 1993, p. 398 s. Toutefois, les taux de
50 à
66% mentionnés par ces auteurs (n. 35) s'appliquent exclusivement au
montant
de base, et non pas au minimum vital élargi. Sous cet angle, la
motivation du
Tribunal cantonal apparaît difficilement compréhensible. Ce procédé
s'avère
même arbitraire, dès lors qu'appliquer une majoration à l'ensemble
des postes
du minimum vital élargi revient, comme le soutient le recourant, à
favoriser
les débiteurs ayant des charges élevées, par exemple un loyer
important -
néanmoins adapté à un train de vie conforme à leur situation -, par
rapport à
ceux qui se contentent d'un logement à moindre coût (cf. Wüst, op.
cit., p.
117 et 120 et arrêt neuchâtelois précité). Majorer pareillement les
impôts
conduit en outre à avantager doublement les débiteurs bénéficiant de
ressources importantes, puisque la charge fiscale s'accroît avec le
revenu,
ce qui ne saurait être compatible avec le but de la loi.
Dans le cas d'espèce, même en appliquant au montant de base la
majoration
maximale admise par les cantons mentionnés ci-dessus, soit 100%
(Bâle-Ville,
Bâle-Campagne, Neuchâtel et Valais), la somme nécessaire à l'intimé
pour
mener un train de vie conforme à sa situation atteindrait seulement
6'409
fr., selon les chiffres retenus par le Tribunal cantonal (5'399 fr. +
1'010
fr.), à savoir un montant inférieur de 1'010 fr. à son revenu (de
7'419 fr.).
En d'autres termes, la méthode du Tribunal cantonal revient à
augmenter de
200% le montant de base, à savoir à le tripler, alors que les cantons
les
plus généreux envers le débiteur se contentent de le doubler.

Par conséquent, la méthode du Tribunal cantonal consistant à
appliquer une
majoration de 50 à 66% à l'ensemble des postes du minimum vital
élargi est
non seulement arbitraire en elle-même, mais conduit en outre à un
résultat
arbitraire. Le recours est dès lors bien fondé sur ce point.

Encore faut-il relever que cela ne signifie pas que l'intimé soit
nécessairement revenu à meilleure fortune. Il appartiendra au Tribunal
cantonal de procéder à de nouveaux calculs dans le cadre de son
pouvoir
d'appréciation. Il lui incombera ainsi de revoir les différents postes
déterminant le seuil du retour à meilleure fortune, notamment
d'établir et de
prendre en considération les dépenses usuelles (consid. 5.1.2), pour
autant
que le poursuivi en fasse valoir (cf. Pierre-Robert Gilliéron,
Commentaire de
la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. III,
Lausanne 2001, n. 18 ad art. 265a LP).

6.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure où il
est
recevable et le prononcé attaqué annulé. L'intimé, qui succombe, doit
être
condamné aux frais et dépens de la procédure (art. 156 al. 1 et 159
al. 2
OJ). La demande d'assistance judiciaire du recourant devient ainsi
sans objet
(art. 152 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt
attaqué
est annulé.

2.
La requête d'assistance judiciaire du recourant est déclarée sans
objet.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'intimé.

4.
L'intimé versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 10 avril 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.271/2002
Date de la décision : 10/04/2003
2e cour civile

Analyses

Art. 265 al. 2 LP; détermination du seuil du retour à meilleure fortune. Le seuil du retour à meilleure fortune équivaut au montant permettant au débiteur de mener un train de vie conforme à sa situation et, en plus, d'épargner. Méthodes de détermination de ce montant (consid. 5.1). Il est arbitraire de définir ce montant par une méthode consistant à appliquer une majoration de 50 à 66% à l'ensemble des postes du minimum vital élargi du débiteur (consid. 5.2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-10;5p.271.2002 ?
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