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09/04/2003 | SUISSE | N°C.121/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 avril 2003, C.121/02


{T 7}
C 121/02

Arrêt du 9 avril 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

Secrétariat d'Etat à l'économie, Division du marché du travail et de
l'assurance-chômage, Bundesgasse 8, 3003 Berne, recourant,

contre

F.________, intimé, représenté par Me Bertrand Reich, avocat,
boulevard
St-Georges 72, 1205 Genève,

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 7 mars 2002)

Fait

s :

A.
F. ________ a déposé une demande d'indemnité de chômage auprès de la
Caisse
cantonale genevoise de chômage (ci...

{T 7}
C 121/02

Arrêt du 9 avril 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

Secrétariat d'Etat à l'économie, Division du marché du travail et de
l'assurance-chômage, Bundesgasse 8, 3003 Berne, recourant,

contre

F.________, intimé, représenté par Me Bertrand Reich, avocat,
boulevard
St-Georges 72, 1205 Genève,

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 7 mars 2002)

Faits :

A.
F. ________ a déposé une demande d'indemnité de chômage auprès de la
Caisse
cantonale genevoise de chômage (ci-après: la caisse), dans laquelle il
indiquait être domicilié à B.________. Il a bénéficié d'indemnités de
chômage
dès le 8 janvier 1997.

Le 7 octobre 1997, l'assuré a été entendu par la section des enquêtes
de
l'Office cantonal genevois de l'emploi (ci-après: l'OCE) au sujet de
son
domicile et lieu de résidence. A réception du rapport d'enquête, la
caisse a,
par décision du 22 octobre 1997, nié le droit à l'indemnité de
chômage de
F.________ à partir du 8 janvier 1997, motif pris qu'il n'était pas
domicilié
en Suisse. Par décision du 28 avril 1998, qui n'a pas été contestée,
l'OCE a
rejeté la réclamation formée par l'assuré.

Le 17 août 1998, la caisse a demandé à F.________ la restitution de
14'164
fr. 45 à titre d'indemnités indûment touchées du 8 janvier au 30
septembre
1997. A la suite d'un rappel de la caisse pour la totalité du montant

(courrier du 14 mars 2001), l'intéressé a sollicité la remise de
l'obligation
de restituer la somme réclamée. Cette demande a été rejetée par l'OCE,
section assurance-chômage, au motif que le requérant ne pouvait se
prévaloir
de sa bonne foi, par décision du 18 juillet 2001, confirmée sur
réclamation
par le groupe réclamations de l'OCE (décision du 17 octobre 2001).

B.
Par jugement du 7 mars 2002, la Commission cantonale genevoise de
recours en
matière d'assurance-chômage (ci-après: la commission) a admis le
recours
formé par F.________, retenant la bonne foi de ce dernier, et a
renvoyé la
cause à l'autorité inférieure pour qu'elle examine la demande de
remise sous
l'angle de la rigueur particulière, puis prenne une nouvelle décision.

C.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) interjette recours de droit
administratif contre ce jugement et conclut à son annulation.

L'intimé conclut au rejet du recours.
Pour sa part, l'OCE, groupe réclamations, conclut implicitement à
l'admission
du recours, tandis que la section assurance-chômage de l'OCE a
expressément
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 Le litige porte sur les conditions de la remise de l'obligation de
restituer au sens de l'art. 95 al. 2 LACI, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au
31 décembre 2002 applicable en l'espèce (ATF 127 V 467 consid. 1, 121
V 366
consid. 1b), singulièrement sur celle de la bonne foi de l'intimé.
Dès lors, la décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou
le refus
de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit
se borner
à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y
compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2
OJ).

1.2 Selon l'art. 95 al. 2 LACI, si le bénéficiaire était de bonne foi
en
acceptant des prestations indues et si leur restitution devait
entraîner des
rigueurs particulières, on y renoncera, sur demande, en tout ou
partie.

En ce qui concerne la notion de bonne foi, la jurisprudence
développée à
propos de l'art. 47 al. 1 LAVS (disposition qui était en vigueur
jusqu'au 31
décembre 2002 [entrée en vigueur de la Loi fédérale sur la partie
générale du
droit des assurances sociales, LPGA, au 1er janvier 2003], applicable
en
l'espèce; ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b) vaut par
analogie en
matière d'assurance-chômage (DTA 2001 n° 18 p. 162 consid. 3a). C'est
ainsi
que l'ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu'il n'avait pas droit
aux
prestations ne suffit pas pour admettre qu'il était de bonne foi. Il
faut
bien plutôt que le bénéficiaire des prestations ne se soit rendu
coupable,
non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune
négligence
grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la
remise, est
exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de
restituer
(ou violation du devoir d'annoncer ou de renseigner) sont imputables
à un
comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche,
l'intéressé peut
invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne
constituent
qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner
(ATF 112
V 103 consid. 2c et les références; DTA 2002 n° 38 p. 258 consid. 2a,
2001 n°
18 p. 162 consid. 3a).

2.
2.1Les premiers juges ont retenu en substance que l'assuré, de langue
maternelle italienne et ayant suivi sa scolarité en Italie, relevait
encore
des suites d'une importante opération à la colonne vertébrale et
connaissait
des difficultés financières et dans son couple au moment où il s'est
inscrit
auprès de l'OCE et a été entendu par son service des enquêtes. Par
ailleurs,
il disposait d'une autorisation d'établissement (permis C) dans
laquelle
était indiquée une adresse à B.________. L'ensemble de ces éléments
est,
selon l'instance cantonale de recours, de nature à susciter de
sérieux doutes
sur la compréhension qu'avait le recourant de la notion de domicile
et permet
de retenir qu'il n'a pas fait preuve d'un comportement dolosif en
indiquant,
lors de son inscription à l'assurance-chômage, être domicilié à
B.________.

2.2 En ce qui concerne la notion de domicile, il y a lieu de relever,
à
l'instar du recourant, que ce qui est déterminant au regard des
conditions du
droit à des indemnités de chômage, ce n'est pas l'exigence d'un
domicile
civil en Suisse, mais bien plutôt celle de la résidence habituelle
dans ce
pays, afin de rendre possible le contrôle du chômage subi par
l'assuré. Le
droit à l'indemnité de chômage suppose, selon l'art. 8 al. 1 let. c
LACI, la
résidence effective en Suisse, ainsi que l'intention de conserver
cette
résidence pendant un certain temps et d'en faire, durant cette
période, le
centre de ses relations personnelles (ATF 115 V 449 consid. 1a et la
référence). Il en découle que le principe prévu par l'art. 24 al. 1
CC, et
invoqué par l'intimé dans ses observations, selon lequel toute
personne
conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un
nouveau, n'entre pas en ligne de compte pour l'application de l'art.
8 al. 1
let. c LACI (arrêt P. du 31 juillet 2001, C 303/00).

3.
3.1En l'espèce, on ne saurait suivre l'opinion de l'instance
cantonale de
recours qui revient, en fin de compte, à vider la notion de bonne foi
d'une
partie de son contenu, en la réduisant à l'absence d'un comportement
dolosif,
question qui relève de la constatation des faits et lie la Cour de
céans. Or,
ainsi qu'on l'a vu (consid. 1.2), la bonne foi suppose également que
l'intimé
ait fait preuve de l'attention qu'on pouvait raisonnablement exiger
de lui,
compte tenu des circonstances. C'est là une question de droit que le
Tribunal
fédéral des assurances revoit librement (ATF 122 V 223 consid. 3).

3.2 La bonne foi de l'intimé doit être examinée relativement à la
période
durant laquelle il a reçu les indemnités de chômage sujettes à
restitution,
soit les mois de janvier à septembre 1997 (cf. Meyer-Blaser, Die
Rückerstattung von Sozialversicherungsleistungen, ZBJV 1995 p. 481
ss). A
cette époque, l'intimé était au bénéfice d'une autorisation
d'établissement
(permis C) indiquant une adresse à B.________, correspondant à celle
qu'il a
inscrite sur la demande d'indemnités de chômage. Il ressort toutefois
de ses
déclarations au service d'enquêtes de l'OCE du 7 octobre 1997 qu'il
n'était
pas domicilié, ni ne résidait à l'adresse indiquée aux organes de
l'assurance-chômage, puisqu'il a expliqué vivre, depuis le 6 mars
1996, à
C.________ (France). Contredisant cette affirmation, l'intimé a par
la suite
soutenu qu'il n'avait jamais habité en France, mais toujours en Suisse
(procès-verbal de comparution personnelle du 7 mars 2002). En pareille
situation, il convient en général d'accorder la préférence aux
premières
déclarations de l'assuré, faites alors qu'il en ignorait peut-être les
conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être -
consciemment ou non - le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47
consid. 2a, 115 V 143 consid. 8c). Il n'y a pas de motif de s'écarter
de ce
principe dans le cas particulier. Ce d'autant plus qu'en réaction à
l'entretien d'enquête, l'intimé s'est limité à préciser que son
adresse a
toujours été en Suisse, alors que celle en France indiquée le 7
octobre 1997
concernait sa femme, sans toutefois expliquer où il avait
effectivement vécu
depuis le mois de janvier 1997 (courrier à l'OCE, groupe
réclamations, du 28
octobre 1997). A cet égard, l'attestation du 2 novembre 2001 signée
par un
ami de F.________ ne saurait être déterminante, dès lors qu'elle est
formulée
de manière très vague, mentionnant simplement que ce dernier «a reçu
l'hospitalité durant l'année 1997», à l'adresse X.________, sans
préciser la
durée du séjour. Or, l'intimé lui-même n'a demandé à l'OCE de prendre
note de
sa nouvelle adresse chez l'ami en question qu'à partir du 28 octobre
1997,
soit après la période litigieuse.

3.3 Si l'on peut certes penser, comme l'ont retenu les premiers
juges, que
l'intimé n'avait pas compris exactement la notion juridique du
domicile lors
de son inscription au chômage, la différence entre une simple adresse
de
correspondance (en Suisse) et le lieu de résidence (en France) ne lui
a en
revanche pas échappé, puisqu'il n'a jamais affirmé aux institutions de
l'assurance-chômage avoir vécu à l'adresse de B.________, se
contentant, le
28 octobre 1997, de mentionner qu'il avait désormais une nouvelle
adresse en
Suisse (en Ville de G.________).

Par conséquent, il y a lieu de retenir qu'au moment de s'inscrire à
l'assurance-chômage, l'intimé était en mesure, en faisant preuve de
l'attention qu'on pouvait raisonnablement exiger de lui, de faire la
différence entre une simple adresse de correspondance en Suisse -
qu'il
indiquait sans doute pour garder des liens officiels avec ce pays -
et le
lieu où il résidait effectivement qui n'a jamais, même au regard de
ses
déclarations ultérieures au 7 octobre 1997, correspondu à l'adresse
indiquée
aux organes de l'assurance-chômage. Dans ces conditions, la
juridiction
cantonale a violé le droit fédéral en accordant à F.________ la
remise de
l'obligation de restituer les indemnités versées à tort, sous l'angle
de la
condition de la bonne foi. Le jugement attaqué se révèle donc
contraire au
droit fédéral et doit être annulé.

4.
La présente procédure, qui n'a pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance mais la remise de l'obligation de restituer
de telles
prestations (cf. ATF 122 V 136 consid. 1), n'est pas gratuite (art.
134 OJ a
contrario). Les frais de justice seront dès lors supportés par
F.________
(art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale
genevoise de
recours en matière d'assurance-chômage du 7 mars 2002 est annulé.

2.
Les frais de justice, consistant en un émolument de 500 fr., seront
supportés
par F.________.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale de
recours en matière d'assurance-chômage, à l'Office cantonal de
l'emploi,
groupe réclamations, à l'Office cantonal de l'emploi, section
assurance-chômage, ainsi qu'à la Caisse cantonale genevoise de
chômage.

Lucerne, le 9 avril 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.121/02
Date de la décision : 09/04/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-09;c.121.02 ?
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