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08/04/2003 | SUISSE | N°1P.19/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 avril 2003, 1P.19/2003


{T 0/2}
1P.19/2003 /svc

Arrêt du 8 avril 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
B.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Philippe Cottier, avocat, place du
Molard 3,
case postale 3199, 1211 Genève 3,

contre

ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires, bd
Helvétique 27,
1205 Genève,
intimée, représentée par Me Car

lo Sommaruga, avocat, rue de
Chantepoulet 1-3,
case postale 1080,
1211 Genève 1,
Département de l'aménagement, de l'équipemen...

{T 0/2}
1P.19/2003 /svc

Arrêt du 8 avril 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
B.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Philippe Cottier, avocat, place du
Molard 3,
case postale 3199, 1211 Genève 3,

contre

ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires, bd
Helvétique 27,
1205 Genève,
intimée, représentée par Me Carlo Sommaruga, avocat, rue de
Chantepoulet 1-3,
case postale 1080,
1211 Genève 1,
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la
République
et Canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève
8,
Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, rue des
Chaudronniers 3, 1204 Genève.

autorisation d'aliéner des appartements loués,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et Canton de Genève du 26 novembre 2002.

Faits:

A.
A. ________ et B.________ ont acquis de C.________, le 22 décembre
1995, dix
parts de copropriété par étages sur les dix-sept parts que compte
l'immeuble
situé à la rue O.________ à Genève. Cette vente avait été autorisée
en raison
d'une précédente autorisation d'aliéner accordée le 17 septembre
1993. Cinq
de ces lots ont été vendus à des personnes physiques ou morales,
A.________
et B.________ demeurant copropriétaires des lots nos 5.01, 5.03,
6.02, 6.03
et 8.02.

Le 22 mai 2001, le Département genevois de l'aménagement, de
l'équipement et
du logement (DAEL) a autorisé la vente du lot no 5.03 aux époux
D.________
et à E.________, ces derniers s'étant engagés à reprendre le contrat
de bail
de la personne occupant l'appartement.

Le 11 juillet 2001, le DAEL a également autorisé la vente du lot no
6.02 à
G.________, locataire de l'appartement qui désirait l'habiter
personnellement.

B.
Sur recours de l'Association genevoise de défense des locataires
(Asloca), la
Commission de recours en matière de constructions a annulé ces deux
autorisations par décision du 15 janvier 2002. Dans sa teneur au 2
juin 2001,
l'art. 39 al. 4 de la loi sur les démolitions, transformations et
rénovations
de maisons d'habitation (LDTR) prévoyait que les appartements acquis
en bloc
devaient être revendus de la même manière. L'intérêt privé des
acquéreurs
potentiels était limité, puisque ceux-ci disposaient déjà d'un
appartement
dans le même immeuble.

C.
Par arrêt du 26 novembre 2002, le Tribunal administratif a
partiellement
confirmé cette décision. Que ce soit en septembre 1993 (acquisition
par
C.________ de la seconde moitié des parts de copropriété de tout
l'immeuble)
ou en décembre 1995 (acquisition de dix lots par B.________ et
A.________),
les deux appartements n'avaient pas fait l'objet précédemment d'une
vente
individualisée. L'intérêt public au maintien du parc locatif
l'emportait sur
les intérêts privés des acheteurs et vendeurs. L'intérêt des
acquéreurs du
lot no 5.03 apparaissait de pure convenance, puisqu'ils étaient
propriétaires
d'un logement dans le même immeuble, et la promesse de reprendre le
bail
actuel ne présentait pas une garantie suffisante. En revanche,
l'acquéreur du
lot no 6.02 occupait déjà l'appartement en question, de sorte qu'une
autorisation pouvait être envisagée sur la base de l'art. 39 al. 3
LDTR. La
cause était renvoyée au DAEL sur ce point.

D.
A.________ et B.________ forment un recours de droit public contre ce
dernier
arrêt. Ils en demandent l'annulation dans la mesure où il confirme la
décision précédente.

L'Asloca conclut au rejet du recours. Elle demande que les recourants
soient
interpellés sur le maintien du contrat de bail portant sur
l'appartement n°
5.03.

Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le DAEL s'en
rapporte à
justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt
final
rendu en dernière instance cantonale. La partie incidente de cet
arrêt, qui
renvoie la cause au DAEL pour nouvel examen selon l'art. 37 al. 3
LDTR, n'est
pas attaquée. Les recourants, copropriétaires de l'appartement qu'ils
désirent vendre, ont en principe qualité pour agir (art. 88 OJ). Ils
ne
sauraient toutefois invoquer que leurs propres intérêts à
l'annulation de la
décision attaquée, le recours de droit public dans l'intérêt général
ou dans
l'intérêt de tiers étant exclu (ATF 126 I 43 consid. 1 p. 44 et la
jurisprudence citée).

L'Asloca invoque un fait nouveau, à savoir que le locataire de
l'appartement
n° 5.03 serait, depuis plusieurs mois, domicilié à une autre adresse.
Elle se
fonde sur un extrait de la version de novembre 2002 de Telinfo. Sauf
exceptions dont les conditions ne sont pas remplies en l'espèce, il
n'est pas
possible d'invoquer des moyens ou des faits nouveaux dans un recours
de droit
public (ATF 118 Ia 20 consid. 5a et l'arrêt cité), ni de produire des
pièces
nouvelles (ATF 108 II 69 consid. 1). On peut d'ailleurs se demander si
l'intimée ne pouvait pas se procurer auparavant le renseignement
qu'elle fait
valoir, et le soumettre en temps utile à la cour cantonale. Quoiqu'il
en
soit, le fait invoqué n'est pas déterminant pour l'issue de la cause,
et
l'interpellation des recourants à ce sujet ne se justifie pas.

2.
Les recourants invoquent la garantie de la propriété. Ils contestent
la pesée
des intérêts effectuée par la cour cantonale, fondée selon eux sur de
simples
hypothèses. Ils relèvent que les acheteurs, d'ailleurs domiciliés au
Maroc et
déjà propriétaires de l'appartement n° 5.04, sans l'avoir jamais
occupé, se
sont engagés à reprendre le contrat de bail et à ne pas habiter dans
l'appartement. Le risque de perdre un appartement à usage locatif
serait
purement théorique.

2.1 La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie
existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des
maisons
d'habitation et l'aliénation des appartements destinés à la location
(art. 1
al. 1 et 2 let. a et c LDTR), ce qui procède d'un intérêt public
important
(ATF 113 Ia 134 consid. 7a, 111 Ia 26 et les arrêts cités). Le refus
de
l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif
prépondérant
d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose n'est pas contraire
au
principe de la proportionnalité, pourvu que l'autorité administrative
effectue une pesée des intérêts en présence, et évalue l'importance
du motif
de refus au regard des intérêts privés en jeu (ATF 113 Ia 137).
L'art. 39 LDTR soumet ainsi à autorisation la vente d'appartements
d'habitation offerts jusque-là en location et entrant dans une
catégorie de
logement où règne la pénurie (al. 1). L'autorisation est refusée
lorsqu'un
motif prépondérant d'intérêt public ou général s'y oppose. Cet
intérêt réside
dans le maintien de l'affectation locative des appartements (al. 2).
L'art.
39 al. 4 LDTR, en vigueur depuis le 2 juin 2001, prévoit à son premier
paragraphe que la vente est autorisée notamment (let. b) lorsque
l'appartement était soumis à la PPE le 30 mars 1985 et avait déjà été
cédé de
manière individualisée. Selon l'art. 39 al. 4 deuxième paragraphe,
l'autorisation ne porte que sur un logement à la fois. Une
autorisation de
vente en bloc peut toutefois être autorisée pour des motifs
d'assainissement
financier, pour des appartements en propriété par étages offerts en
location,
l'acquéreur ne pouvant les revendre que sous la même forme, sous
réserve
d'une autorisation de vente individualisée.

2.2 Les recourants se prévalent, pour l'essentiel, de l'intérêt des
acheteurs. Ces derniers n'ayant pas recouru contre l'annulation de
l'autorisation, les recourants n'ont pas qualité, au sens de l'art.
88 OJ,
pour soulever cet argument à leur place.

Quant à l'intérêt propre des vendeurs de se défaire de leurs lots de
copropriété, il relève lui aussi de l'opportunité, les recourants ne
prétendant pas que cette aliénation corresponde à un véritable
besoin. La
jurisprudence considère en effet qu'un intérêt purement économique
doit en
général céder le pas face à l'intérêt public au maintien de
l'affectation
locative des logements. En l'absence d'intérêts privés particuliers
dont il
appartenait aux recourants de démontrer l'existence, l'atteinte au
droit de
disposer n'apparaît pas disproportionnée (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4
p.
211-212 et les arrêts cités). La pesée des intérêts opérée par la cour
cantonale n'est donc pas critiquable.

3.
Les recourants invoquent le principe de non-rétroactivité. Ils
reprochent à
la commission, puis au Tribunal administratif, d'avoir appliqué par
anticipation les critères de l'art. 39 al. 4 LDTR imposant une
revente en
bloc, alors que cette disposition n'est entrée en vigueur que le 2
juin 2001
et que l'acquisition par les recourants avait eu lieu le 22 décembre
1995,
sans faire l'objet d'une réserve imposant une revente en bloc. Selon
ses
dispositions transitoires (art. 50), la LDTR ne s'appliquerait qu'aux
procédures pendantes lors de son entrée en vigueur. Les conditions de
limitation dans le temps, d'égalité de traitement, de
proportionnalité et de
la bonne foi ne seraient pas remplies pour imposer, rétroactivement,
une
revente en bloc des lots acquis en 1995.

3.1
Les recourants perdent de vue qu'au contraire de la commission, la
cour
cantonale n'a pas directement appliqué l'art. 39 al. 4 deuxième
paragraphe
LDTR, qui fixe les conditions d'une vente en bloc, mais s'est
interrogée sur
l'existence d'une vente individualisée préalable au sens de l'art. 39
al. 4
let. b LDTR, à titre de motif d'autorisation. L'arrêt attaqué n'a pas
pour
effet de poser de nouvelles conditions à la vente de 1995. Il n'y
avait dès
lors aucun problème de rétroactivité, et le Tribunal administratif
pouvait,
sans violer son obligation de motiver, se dispenser d'examiner cette
question.

3.2 C'est également sans arbitraire que le Tribunal administratif a
nié
l'existence d'une vente individualisée préalable. Tant la vente de
1993
(acquisition par C.________ de la seconde moitié des parts de
co-propriété de
tout l'immeuble) que celle de 1995 (acquisition de dix lots par
B.________ et
A.________) avaient fait l'objet d'une autorisation globale. Celle du
22
décembre 1995 se contente d'indiquer que les appartements sont
occupés par
différents locataires, sans toutefois individualiser les logements.
Dans ces
circonstances, il est indifférent que le département n'ait pas, dans
son
autorisation de 1995, expressément exclu une vente individualisée des
appartements concernés. Sur ce point également, les recourants
argumentent
sur la base de l'art. 39 al. 4 deuxième paragraphe, qui fixe les
conditions
d'une vente en bloc. Or, il suffit de constater que les deux
autorisations de
vente précitées portaient, la première sur la moitié de l'ensemble
des parts
de copropriété, la seconde sur dix parts de copropriété, pour un prix
de
vente fixé globalement. Il était dès lors pour le moins soutenable
d'estimer
qu'il n'y avait pas eu d'individualisation suffisante des parts
vendues pour
justifier une application de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la
mesure où
il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument
judiciaire
est mis à la charge des recourants, de même qu'une indemnité de dépens
allouée à l'intimée (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument de 4000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à l'Asloca, intimée,
à la
charge solidaire des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et au
Tribunal
administratif de la République et Canton de Genève.

Lausanne, le 8 avril 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.19/2003
Date de la décision : 08/04/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-08;1p.19.2003 ?
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