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04/04/2003 | SUISSE | N°2C.2/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 avril 2003, 2C.2/2000


{T 0/2}
2C.2/2000/dxc

Séance du 4 avril 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Zappelli, juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

X. ________,
demanderesse,
représentée par Me Catherine Jaccottet Tissot, avocate, place Pépinet
4, case
postale 3309, 1002 Lausanne,

contre

Etat de Vaud, 1014 Lausanne, représenté par
Me Etienne Laffely, avocat, rue St-Pierre 2,
case postale 2673, 1002 Lausanne.

dommages et in

térêts,

procès civil direct contre Etat de Vaud.

Faits:

A.
X. ________ est née le 21 juillet 1954. Titula...

{T 0/2}
2C.2/2000/dxc

Séance du 4 avril 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Zappelli, juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

X. ________,
demanderesse,
représentée par Me Catherine Jaccottet Tissot, avocate, place Pépinet
4, case
postale 3309, 1002 Lausanne,

contre

Etat de Vaud, 1014 Lausanne, représenté par
Me Etienne Laffely, avocat, rue St-Pierre 2,
case postale 2673, 1002 Lausanne.

dommages et intérêts,

procès civil direct contre Etat de Vaud.

Faits:

A.
X. ________ est née le 21 juillet 1954. Titulaire d'un diplôme en
travail
social délivré par l'Institut d'études sociales de Genève, en 1993,
et ayant
notamment exercé une activité d'assistante sociale à l'hôpital de
zone de
St-Loup à Orbe, elle a été engagée comme assistante sociale à 50% au
Service
de protection de la jeunesse du canton de Vaud, dès le 1er juin 1992;
elle a
été affectée au groupe des placements familiaux. Le 1er novembre
1993, elle a
été promue en qualité d'assistante sociale B (classe 17/19). Son
traitement a
été fixé dès cette date à 29'993 fr. Le 1er juin 1994, elle a été
nommée
fonctionnaire en cette qualité.

Le 1er février 1996, elle a été transférée dans le groupe des
assistantes
sociales du secteur de la Broye, dont la cheffe était A.________,
avec qui
elle a d'emblée entretenu des relations de travail tendues. Un rapport
d'évaluation intermédiaire du travail de X.________, établi le 20
septembre
1996 par B.________, adjoint du chef de service, et par A.________,
fait état
à la charge de l'intéressée de quelques lacunes et conclut à la
nécessité de
son développement en matière de savoir-faire et de "savoir-être". Il
est
notamment relevé: "(...) La formation à l'approche systémique que
suit Mme
X.________ devrait permettre d'y contribuer. Toutefois, cette
formation ne
saurait remplacer l'engagement personnel de Mme X.________ dans cette
évolution personnelle indispensable à la fonction d'assistante
sociale au
Service de protection de la jeunesse."

Le 17 avril 1997, X.________ a demandé à pouvoir travailler à 60%, ce
qui lui
a été refusé le 16 mai 1997 par B.________, qui a invoqué les mesures
d'économie que l'Etat de Vaud se devait de réaliser. Une deuxième
demande
d'augmentation de son taux d'activité à 80%, formulée en novembre
1997, pour
remplacer un collègue quittant son poste de Renens, a été également
refusée.
En février 1998, elle a, en vain, formulé une troisième demande
d'augmentation de son taux d'activité à la suite du départ d'un
collègue à la
retraite.

B.
Les relations entre X.________ et sa supérieure hiérarchique,
A.________,
s'étant détériorées, il a été décidé le 13 mai 1998, lors d'un
entretien avec
C.________, chef du Service de protection de la jeunesse, qu'une
enquête
serait mise en oeuvre aux fins d'analyser la situation de
l'intéressée au
sein du service. Ce n'est cependant que le 30 mars 1999, les parties
n'étant
pas parvenues à se mettre d'accord plus tôt sur la personne des
enquêteurs,
que Francine Jeanprêtre, Conseillère d'Etat à la tête du Département
de la
formation et de la jeunesse, a mandaté Y.________, cheffe du bureau de
l'égalité, et Z.________, ancien chef de service, pour mener une
enquête
administrative au sujet du mobbing dont X.________ se disait la
victime au
sein du Service de protection de la jeunesse. En juin, l'enquêteur
Z.________
a été remplacé par W.________, responsable des relations humaines au
Département de la sécurité et de l'environnement.

Entre-temps, dès le 2 juin 1998, X.________ avait été mise au
bénéfice d'un
certificat d'incapacité de travail pour cause de maladie. Le 1er
octobre
1998, son médecin traitant, le psychiatre P.________, a attesté que sa
patiente était "(...) pour des raisons médicales, incapable de
travailler au
Service de protection de la jeunesse, aussi longtemps que la procédure
engagée à propos d'une suspicion de mobbing ne sera pas réglée", mais
qu'elle
était "capable de travailler dans un autre service de l'Etat, dès le 5
octobre 1998."

Le 30 septembre 1998, l'intéressée a demandé à être transférée dans
un autre
service de l'Etat. Son dossier de candidature a été traité par le
responsable
du bureau de réinsertion professionnelle qui a cherché, sans succès, à
fournir des stages à l'intéressée, notamment au CHUV. Une place
vacante à
l'office du Tuteur général n'a pas trouvé l'agrément de X.________ en
raison
des contacts avec le Service de protection de la jeunesse que ce poste
impliquait. Le 31 mars 1999, C.________ a proposé à l'intéressée de
travailler sous sa responsabilité exclusive, ce que X.________ a
refusé,
disant craindre de ne pas être suffisamment encadrée et de se
retrouver en
contact avec A.________. De son côté et parallèlement aux démarches
menées
par l'Etat de Vaud, X.________ a recherché un emploi à l'intérieur et
en
dehors de l'administration, cela sans succès. Le 4 septembre 2000,
elle a
commencé un stage de réinsertion, financé par l'Etat, auprès de
l'association
"Appartenances", à raison d'un taux d'occupation de 80%, avec un
salaire
mensuel brut de 4'960 fr. Ce stage a pris fin à la fin février 2001.
Depuis
le 1er septembre 2001, X.________ travaille à mi-temps en qualité
d'assistante sociale A au service de l'hôpital Bellevue, à
Yverdon-les-Bains.
Depuis le 1er mars 2002, elle travaille en outre à 50% pour l'Etat de
Vaud en
qualité d'assistante sociale A au sein de l'Ecole de perfectionnement,
service de l'enseignement secondaire.

C.
En septembre 1999, les personnes désignées pour enquêter au sujet du
mobbing
ont déposé leur rapport. Elles concluent que "(...) Tant les
témoignages que
l'examen des pièces au dossier ont confirmé le fait que Mme
X.________ a été
victime d'un comportement illicite, provenant de sa cheffe de groupe,
Mme
A.________" en relevant que "(...) Ce comportement s'est manifesté par
différents agissements qui se sont produits fréquemment, pendant une
durée de
3 ans environ et dont on peut retenir les éléments suivants:
- une communication négative, non éthique
- une très grande agressivité
- une disqualification professionnelle permanente
- des abus de pouvoirs répétés
- des tracasseries de tout genre (horaires, vacances, etc.)
(...) Les dommages subis par la victime sont très graves:
Elle a été profondément agressée et humiliée
Elle est absente de son milieu professionnel depuis plus de 15 mois
Elle doute d'elle et de ses capacités professionnelles
Elle est en proie à une anxiété permanente
Elle n'arrive plus à se projeter dans l'avenir
Elle est exposée à une détérioration de ses conditions d'existence:
baisse de
ses revenus, incertitudes quant à son avenir professionnel
Elle subit une détérioration de sa santé (situation de stress
post-traumatique) (...)."

A la suite de ce rapport, par lettre du 14 décembre 1999, X.________ a
formulé ses prétentions relatives au préjudice matériel et moral
qu'elle
disait avoir subi. Par lettre du 21 février 2000 de Francine
Jeanprêtre, le
Département de la formation de formation et de la jeunesse a admis que
X.________ avait été la victime d'un harcèlement psychologique et lui
a fait
part des offres de l'Etat de Vaud aux fins de réparer le dommage. Ces
propositions ont été refusées et, durant le printemps 2000, les
parties ont
poursuivi leurs pourparlers. Lors de la séance réunissant les parties
le 7
avril 2000, l'Etat a accepté de verser à X.________ une somme de
10'000 fr. à
valoir sur la somme susceptible d'être versée au terme des
négociations. Par
lettre du 19 mai 2000, le Département de la formation et de la
jeunesse a
proposé le paiement de l'intégralité du salaire "jusqu'à ce jour",
l'aide à
la réinsertion professionnelle avec salaire jusqu'au 31 août 2000,
pour un
taux d'occupation de 50%, et une indemnité pour tort moral de 8'000
fr. Ces
nouvelles propositions n'ont pas été acceptées par l'intéressée qui a
déposé,
le 12 juillet 2000, un recours administratif pour déni de justice
auprès du
Conseil d'Etat en se plaignant du défaut de décision la concernant.

D.
Le 4 octobre 2000, X.________ a saisi le Tribunal fédéral d'une
demande de
dommages-intérêts contre l'Etat de Vaud, au sens de l'art. 42 OJ. Elle
conclut: "L'Etat de Vaud est le débiteur de X.________ et lui doit
immédiat
paiement de la somme de 148'946 fr. 80 (cent quarante-huit mille neuf
cent
quarante-six francs et huitante centimes) avec intérêts à 5% dès le 6
décembre 1999."
Dans sa réponse du 17 janvier 2001, l'Etat de Vaud conclut au rejet de
l'action.

Les parties ont répliqué et dupliqué. Lors de la séance de débats
préparatoires du 13 novembre 2001, la tentative de conciliation a
échoué. Le
juge délégué a cependant accordé aux parties une suspension de la
procédure
pour leur permettre de poursuivre des pourparlers transactionnels.
Ceux-ci
ayant échoué, la reprise de l'instruction de la cause a été ordonnée
le 10
mai 2002. Les parties ont chacune déposé un mémoire complémentaire,
respectivement les 12 juin et 4 juillet 2002.

Le 5 septembre 2002, la délégation de la Cour a entendu les témoins
C.________, Y.________, K.________, E.________, F.________,
G.________ et
H.________. La demanderesse a produit une lettre du 23 juillet 2002 du
médecin cantonal adjoint, faisant état de l'épuisement de X.________
provoqué
par le cumul de ses deux postes à 50% dans deux sites différents.

La procédure préparatoire a été close. La demanderesse a expressément
sollicité que des débats avec plaidoiries soient tenus.

Les 20 septembre et 10 octobre 2002, les parties se sont déterminées
sur le
procès-verbal de l'audience du 5 septembre 2002.

Les débats principaux avec plaidoiries ont eu lieu le 4 avril 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Selon l'art. 3 PCF, le Tribunal fédéral examine d'office la
recevabilité
de l'action.

Aux termes de l'art. 42 OJ - abrogé le 1er janvier 2001 (RO 2000 2719
ss),
mais en vigueur au moment du dépôt de la demande et donc applicable à
la
présente espèce -, le Tribunal fédéral est compétent pour juger en
instance
unique de contestations de droit civil entre un canton d'une part et
des
particuliers d'autre part, lorsque l'une des parties le requiert en
temps
utile et que la valeur litigieuse est d'au moins 8'000 fr. Le
tribunal, en ce
cas, est compétent soit que, d'après la législation cantonale, la
cause doive
être traitée en la procédure ordinaire, soit qu'elle relève
d'autorités
spécialement désignées et statuant suivant une procédure spéciale.
Sont des
contestations de droit civil au sens de l'art. 42 al. 1 OJ, non
seulement
celles qui sont soumises au droit privé stricto sensu, mais également
d'autres prétentions patrimoniales contre l'Etat, lorsque sa
responsabilité
légale, contractuelle ou quasi contractuelle est engagée en vertu du
droit
public. Cette notion large comprend notamment les actions en
réparation du
dommage causé par des actes de puissance publique, licites ou
illicites,
engageant la responsabilité légale du canton (ATF 118 II 206 consid.
2c;
Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, Berne 1990, vol. II, n. 2.1.1 ad art. 42). Selon la
jurisprudence, l'action doit être considérée comme ayant été engagée
en temps
utile au sens de l'art. 42 al. 1 OJ, lorsque le demandeur s'adresse au
Tribunal fédéral avant de saisir du même litige une autorité de
jugement
cantonale (ATF 121 III 204 consid. 1a; Poudret, op. cit., n. 2.4 ad
art. 42
OJ; Thomas Hugi Yar, Direktprozesse, in Geiser/Peter/Münch,
Prozessieren vor
Bundesgericht, 2e éd., 1998, n. 7.9 p. 249).

1.2 Le défendeur estime que l'action est prématurée, car les
prétentions
pécuniaires de la demanderesse seront tranchées à l'issue des
investigations
et de la procédure d'évaluation la concernant qui sont en cours de
réalisation au sein de l'Etat.

Or, il n'apparaît pas que les investigations et la procédure
d'évaluation, au
demeurant apparemment terminées à ce jour, aient eu pour objet de
statuer sur
les prétentions pécuniaires de X.________. Celle-ci a négocié avec
l'Etat en
vue d'obtenir réparation du dommage dont elle se plaint, cela depuis
décembre
1999, soit dès que les parties ont eu connaissance du rapport
d'enquête, et
jusqu'en mai 2000. Le 19 mai 2000, l'Etat, par lettre du Département
de la
formation et de la jeunesse, a formulé une offre de règlement du
litige qui
n'a pas été acceptée. La position de l'Etat a été réaffirmée sur la
question
du taux d'activité de X.________ par courrier du 5 septembre 2000.
Celle-ci a
maintenu ses exigences par lettres des 15 septembre et 3 octobre
2000, avant
d'ouvrir action auprès de la cour de céans le 4 octobre 2000.

Il n'y a donc pas eu de procédure engagée auprès d'une juridiction
cantonale
au sujet des prétentions de la demanderesse avant l'ouverture de la
présente
action.

Quant à la procédure introduite devant le Conseil d'Etat du canton de
Vaud
par recours administratif du 12 juillet 2000 fondé sur un prétendu
déni de
justice, sur le sort de laquelle, d'ailleurs, les parties n'ont pas
informé
la cour de céans, elle ne concerne que les questions de la garantie
du droit
au salaire au-delà du 31 août 2000 et de la reconnaissance d'un taux
d'activité de 80% dès le 1er janvier 2000; elle ne recouvre donc
pas
les
prétentions financières qui font l'objet de la présente procédure.

Il en résulte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur l'action de
X.________,
introduite en temps utile au sens de l'art. 42 al. 1 OJ.

2.
En principe, les agents publics répondent de leurs actes illicites
selon les
dispositions ordinaires des art. 41 ss CO. Toutefois, la législation
fédérale
ou cantonale peut déroger à ces règles en ce qui concerne la
responsabilité
encourue par ces agents publics pour le dommage ou le tort moral
qu'ils
causent dans l'exercice de leur charge (art. 61 al. 1 CO). Lorsque de
telles
normes existent, la responsabilité des agents publics échappe au
droit civil
fédéral (ATF 122 III 101 consid. 2; arrêt non publié 2C.1/1999 du 12
septembre 2000, consid. 2a et la jurisprudence citée).

2.1 La demanderesse fonde son action sur la loi vaudoise du 16 mai
1961 sur
la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents
(ci-après: LREC)
qui règle la réparation du dommage que les agents de l'Etat causent à
des
tiers d'une manière illicite (art. 4). Les actions fondées sur cette
loi
ressortissent aux tribunaux ordinaires (art. 14). A la différence du
droit
privé qui subordonne la responsabilité aquillienne à une faute (art.
41 CO),
le texte de l'art. 4 LREC n'exige, pour engager la responsabilité de
l'Etat,
qu'un acte objectivement illicite, un dommage et un lien de causalité
entre
l'un et l'autre (arrêt 2C.2/1998 du 31 janvier 2000, consid. 3). Aux
termes
de l'art. 8 LREC, les dispositions du code des obligations relatives
aux
obligations résultant d'actes illicites sont applicables par analogie
à titre
de droit cantonal.

2.2 La loi précitée ne définit pas l'illicéité. La notion d'illicéité
est la
même en droit privé fédéral et en droit public cantonal (arrêt du
Tribunal
fédéral 4C.229/2000 du 27 novembre 2001, reproduit in SJ 2002 I 253,
consid.
3a). D'une manière générale, l'acte illicite se définit comme un acte
ou une
omission objectivement contraire à une règle du droit écrit ou non
écrit et
qui porte atteinte soit à un droit absolu du lésé, soit à son
patrimoine.
Dans ce dernier cas toutefois, il faut encore que la norme violée ait
pour
but de protéger le bien juridique lésé, soit les droits patrimoniaux,
pour
que l'illicéité soit réalisée (voir notamment ATF 123 III 306 consid.
4a; 121
III 350 consid. 5b et la jurisprudence citée).

2.3 La demanderesse se plaint d'avoir été la victime de mobbing de la
part de
sa supérieure hiérarchique, A.________, et d'avoir été de ce fait
atteinte
dans sa santé au point d'être empêchée de travailler dans le poste
qu'elle
occupait au sein du Service de protection de la jeunesse en qualité
d'assistante sociale. Elle demande à l'Etat la réparation du dommage
matériel
et du tort moral qu'elle dit avoir subis du fait de ces agissements.

Il y a mobbing, ou harcèlement psychologique, lorsque une ou des
personnes
cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur
son lieu
de travail, par un enchaînement de propos et/ou d'agissements
hostiles,
répétés fréquemment pendant une période assez longue (Jean-Bernard
Waeber, Le
mobbing ou harcèlement psychologique au travail, quelles solutions?,
in
AJP/PJA 1998 p. 792, et les références citées). L'arrêté du Conseil
d'Etat du
23 juin 1999 relatif à la lutte contre le harcèlement au travail dans
l'administration cantonale vaudoise définit à son art. 2 ce
harcèlement comme
un enchaînement de propos ou d'agissements hostiles qui altèrent le
climat de
travail et se traduisent, notamment, par des comportements, des
paroles, des
actes, des gestes, des écrits unilatéraux, répétés fréquemment
pendant une
certaine période, et par lesquels une ou plusieurs personnes
cherchent à
nuire ou portent atteinte à la personnalité, à la dignité ou à
l'intégrité
psychique ou physique d'une personne ou mettent en péril son emploi.
En droit
privé, les actes de mobbing sont prohibés par l'art. 328 al. 1 CO qui
prescrit: "L'employeur protège et respecte, dans les rapports de
travail, la
personnalité du travailleur; il manifeste les égards voulus pour sa
santé et
veille au maintien de la moralité. En particulier, il veille à ce que
les
travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement et qu'ils ne soient
pas, le
cas échéant, désavantagés en raison de tels actes." L'employeur qui
n'empêche
pas que son employé subisse un mobbing contrevient à l'art. 328 CO
(ATF 125
III 70 consid. 2a p. 73). La violation des obligations prévues à
l'art. 328
CO entraîne l'obligation pour l'employeur de réparer le préjudice
matériel et
le tort moral causés par sa faute ou celle d'un autre employé
(Gabriella
Wennubst, Mobbing, le harcèlement psychologique analysé sur le lieu de
travail, Lausanne 1999, p. 160, et les auteurs cités).

L'art. 328 CO n'est pas applicable comme tel aux rapports de droit
public
entre un fonctionnaire cantonal et l'Etat (art. 342 al. 1 CO). Les
dispositions du code des obligations seraient tout au plus
applicables par
analogie, en cas de lacune dans les dispositions de droit public (ATF
75 II
329, p. 332; Rehbinder, Commentaire bernois, n. 4 ad art. 342 CO).
Comme en
droit privé cependant, l'Etat a le devoir de protéger ses agents pour
leur
permettre d'exercer leurs fonctions (Blaise Knapp, Précis de droit
administratif, 4ème édition, Bâle 1991, n. 3082); il doit notamment
éviter
qu'ils ne subissent une atteinte illicite à leur personnalité, au
sens des
art. 28 ss CC. Selon l'arrêté du 23 juin 1999 précité (article
premier), qui
n'était pas encore en vigueur au moment des faits, le harcèlement
psychologique et le harcèlement sexuel constituent une atteinte
illicite à la
personnalité et ne sont pas tolérés dans l'administration vaudoise.

2.4 En l'occurrence, au vu des conclusions de l'enquête menée en
1999, l'Etat
de Vaud a, par lettre du 21 février 2000 du Département de la
formation et de
la jeunesse, expressément reconnu que X.________ avait été la victime
d'un
harcèlement psychologique de la part de sa supérieure directe. Durant
toutes
les tractations qui ont suivi cette reconnaissance, celle-ci n'a
jamais été
remise en question quant à son principe; seules les conséquences
pécuniaires
du mobbing ont fait l'objet de pourparlers, demeurés infructueux. Dans
l'échange d'écritures au cours de la présente procédure, le défendeur
a paru
vouloir revenir sur la question de l'existence du mobbing qui, selon
lui,
aurait été admis de façon trop expéditive. Il ne l'a toutefois pas
formellement contesté et n'a pas requis l'administration de preuves
tendant à
établir que le harcèlement dont se plaint la demanderesse n'aurait en
réalité
pas eu lieu. Lors des plaidoiries, le défendeur a du reste
expressément
reconnu l'existence du mobbing.

Il convient dès lors de retenir que la demanderesse a bien subi un
harcèlement psychologique de la part de sa supérieure directe,
A.________, ce
qui constitue un acte illicite, et que l'Etat de Vaud doit réparer le
préjudice en résultant.

3.
Au vu du renvoi de l'art. 8 LREC aux règles générales du CO, ce sont
les art.
42 ss CO qui s'appliquent à la fixation du montant de l'indemnité et
aux
modalités de la réparation. Il en résulte que la demanderesse devra
apporter
la preuve de l'existence d'un dommage, lequel est défini de la même
façon
qu'en droit privé, et le déterminer de manière concrète.

Selon la définition émanant de la jurisprudence, le dommage
juridiquement
reconnu réside dans une diminution involontaire de la fortune nette;
il peut
consister en une réduction de l'actif, en une augmentation du passif
ou dans
un gain manqué; il correspond à la différence entre le montant actuel
du
patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint si l'événement
dommageable ne s'était pas produit (ATF 127 III 73 consid. 4a, 403
consid.
4a; 126 III 388 consid. 11a). Le dommage doit en outre être certain,
c'est-à-dire qu'il existe déjà ou qu'il se produira inévitablement
(Pierre
Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., Berne 1997, p.
472
ss). Si la preuve précise concernant l'existence et le montant du
dommage ne
peut pas être fournie, l'art. 42 al. 2 CO prévoit que celui-ci puisse
être
établi par le juge sur la base des indices fournis par le dossier et
compte
tenu du cours ordinaire des choses. Dans ce cas également, le
demandeur est
tenu de fournir tous les éléments qui concourent à démontrer
l'existence d'un
préjudice et qui permettent d'en estimer le montant. Les faits
allégués par
la partie lésée doivent par conséquent être pour le moins propres à
prouver
l'existence d'un dommage et à rendre perceptible son ordre de
grandeur. La
conclusion selon laquelle un dommage d'une importance déterminée
s'est avéré
doit apparaître vraisemblable au juge. Il se justifie par conséquent
de
n'accorder une réparation du dommage que lorsque l'existence du
préjudice
invoqué par le demandeur apparaît comme pratiquement certaine et non
seulement si elle apparaît comme possible (ATF 122 III 219 consid.
3a).

Enfin, pour qu'un dommage puisse être réparé, il faut qu'il existe
entre
celui-ci et les faits reprochés au défendeur un lien de causalité
naturelle
et adéquate. Selon la jurisprudence constante, un lien de causalité
est
adéquat quand un événement est propre, selon le cours ordinaire des
choses et
l'expérience générale de la vie, à produire ou à favoriser une
conséquence
semblable à celle qui s'est réalisée concrètement (ATF 121 III 350
consid.
7a; 119 Ib 334 consid. 4 et 5).

En cas de lésion corporelle, par quoi il faut entendre toute atteinte
à la
santé physique ou à la santé mentale de la victime (Deschenaux/
Tercier, La
responsabilité civile, 2e éd., Berne 1982, p. 226, n. 6), le dommage
consiste
dans l'impossibilité pour la victime d'utiliser pleinement sa
capacité de
travail; il suppose que cette entrave cause un préjudice économique;
ce qui
est déterminant, est non pas l'atteinte à la capacité de travail
comme telle,
mais la diminution de la capacité de gain (ATF 127 III 403 consid.
4a). Le
calcul concret des conséquences pécuniaires de l'incapacité de travail
jusqu'au moment du jugement implique d'abord la détermination du gain
que le
lésé aurait obtenu par son activité professionnelle s'il n'avait pas
subi de
lésion, compte tenu des améliorations ou changements de profession
probables.
Puis, il y a lieu de déduire de ce gain le revenu effectif de
l'activité
professionnelle exercée durant la même période. La différence
représente le
dommage concret issu de l'incapacité de travail (ATF 99 II 214
consid. 3a).

3.1 Il n'est pas contesté que la demanderesse s'est trouvée, à la
suite du
harcèlement psychologique dont elle a été la victime, totalement
incapable de
travailler du 2 juin au 5 octobre 1998. Le 1er octobre 1998, son
médecin
traitant l'a déclarée "incapable de travailler au Service de
protection de la
jeunesse, aussi longtemps que la procédure engagée à propos d'une
suspicion
de mobbing ne sera pas réglée", mais en revanche, "capable de
travailler dans
un autre service de l'Etat, dès le 5 octobre 1998", cela sans
restriction et
donc à 100%.

Il reste à examiner si cette incapacité de gain relative causée par le
mobbing a entraîné un dommage dont le défendeur devrait réparation.

A cet égard, la demanderesse fait valoir en substance qu'elle a subi
un
préjudice matériel consistant dans:
a) le non-paiement d'heures supplémentaires, pour le montant de 6'678
fr. 50
fr.;
b) le montant correspondant à des vacances non prises, soit 7'960 fr.;
c) la non-acceptation de ses demandes d'augmenter son taux d'activité
en
1997, 1998, 1999 et 2000, soit en tout 57'701 fr.;
d) des retenues indues de salaire en 1999 et 2000, soit en tout 8'807
fr. 30;
e) les conséquences du défaut de promotion dans une fonction
supérieure, soit
2'800 fr.;
f) les conséquences de la remise tardive d'un certificat de travail,
soit
5'000 fr.;
g) l'atteinte à sa réputation professionnelle, chiffrée à 30'000 fr.;

Elle réclame en outre, à titre de réparation du tort moral, la somme
de
30'000 fr.

L'ensemble de ses prétentions se monte donc à 148'946 fr. 80.

3.2 Le défendeur estime avoir en tout état de cause versé davantage
que ce à
quoi l'obligeait la loi et, de ce fait, ne plus rien devoir à la
demanderesse, que ce soit à titre de réparation du dommage matériel
ou pour
le tort moral.

Pour décider si la demanderesse doit se voir allouer une réparation,
il
convient d'examiner s'il subsiste pour elle un dommage qui, on l'a vu
ci-dessus (ch. 3), est égal à la différence entre le patrimoine du
lésé si
l'événement dommageable ne s'était pas produit et son patrimoine
actuel.

3.2.1 Pour les années 2001 et 2002, la demanderesse n'allègue pas
avoir été,
en raison du mobbing, privée d'un revenu. Elle ne requiert dès lors
aucune
indemnité de ce chef pour ces années-là.

3.2.2 Pour la période s'étendant de juin 1998 à la fin décembre 2000,
si elle
n'avait pas été la victime d'un harcèlement, X.________ aurait
touché, en
travaillant à 50% - sans tenir compte de ses prétentions, dont le
bien-fondé
sera examiné ci-après, pour des heures supplémentaires, pour une
hypothétique
augmentation de son taux d'activité, pour les suites d'une
hypothétique
promotion et selon le calcul, en soi non contesté quant aux chiffres,
produit

par le défendeur -, un salaire net de 94'308.27 fr. au total entre
juin 1998
et décembre 2000.

Or, elle a effectivement obtenu de l'Etat de Vaud le gain suivant:
- en 1998, le gain qu'elle aurait touché sans le mobbing, soit:
20'759.67
fr.;
- en 1999, 30'329.80 fr., au lieu de 34'694 fr.;
- en 2000, elle a gagné davantage que ce qu'elle aurait obtenu à 50%,
mais
elle a travaillé plus dès septembre 2000, cela pour un salaire de base
sensiblement équivalent. Elle n'a donc pas bénéficié d'un
enrichissement,
lequel devrait être porté en déduction de son dommage (cf. par
exemple: ATF
95 II 333 consid. 4; Alfred Keller, Haftpflichtrecht im Privatrecht,
Vol. II,
2e éd., Berne 1998, p. 42), car elle a fourni une prestation
supplémentaire
en contrepartie de ce gain. Elle aurait touché 38'854 fr. 80 et elle
a obtenu
effectivement, sans tenir compte du travail supplémentaire, 5'920 fr.
de
moins, correspondant à la réduction de 20% du salaire appliquée de
janvier à
fin août 2000, soit 32'934 fr.;

X.________ a en outre obtenu de l'Etat le montant de 10'000 fr. à
titre
d'avance sur le dommage supposé.

Elle a donc touché, sans tenir compte de sa rétribution pour le
travail
excédant son taux d'emploi de 50%:
- 84'023 fr. (20'759 fr. 67 + 30'329 fr. 80 + 32'934 fr.) au titre de
salaire
net
- 10'000 fr. (avance sur le dommage supposé)
__________
94'023 fr.
Cela représente une différence à la charge de l'Etat de 285 fr.
(94'308 fr. -
94'023 fr.).

4.
Il convient ici d'examiner le sort des autres prétentions de la
demanderesse.

4.1 X.________ fait valoir qu'elle avait accompli, au moment où elle
a cessé
de travailler pour des motifs médicaux, 207 heures supplémentaires de
travail
qu'elle chiffre, compte tenu du salaire qu'elle touchait alors, à 33
fr. 20
l'heure, soit en tout 6'878 fr. 50.
Tout en relevant que la demanderesse n'a pas établi que ces heures
supplémentaires aient été ordonnées par l'employeur, le défendeur n'en
conteste pas l'existence; il estime cependant qu'elles seraient en
tout état
de cause compensées par le fait que la demanderesse a cessé de
travailler dès
le 2 juin 1998 et jusqu'au début du mois de septembre 2000.

La loi vaudoise du 9 juin 1947 sur le statut général des fonctions
publiques
cantonales (ci-après: StF/VD) (abrogée entre-temps, sous réserve de
quelques
articles, par la loi du 12 novembre 2001 sur le personnel de l'Etat
de Vaud
entrée en vigueur le 1er janvier 2003) prévoit à son art. 16 que
lorsque les
besoins du service l'exigent, tout fonctionnaire peut être astreint à
des
heures de travail supplémentaires (al. 1). Ces heures doivent être
compensées
dans les six mois par des congés, à défaut de quoi elles donnent
droit à une
rétribution supplémentaire dont le Conseil d'Etat arrête le mode et
le taux
par des dispositions générales (al. 2). Sauf en cas de nécessité
absolue, le
total des heures de travail supplémentaires effectuées par un
fonctionnaire
en une année ne doit pas dépasser les maxima fixés pour les relations
d'emploi privé par les lois fédérales et cantonales (al. 3). Quant à
l'arrêté
du 22 décembre 1950 d'application du StF/VD (ci-après: l'Arrêté), il
précise
à son art. 15 que les heures supplémentaires ne sont ordonnées que
dans les
cas particuliers et justifiés (al. 1). Seules les heures
supplémentaires
expressément ordonnées peuvent faire l'objet d'une compensation ou
d'une
rétribution spéciale (1/2219 du traitement annuel, sous réserve d'un
montant
maximum fixé par le Conseil d'Etat): à défaut de compensation, l'heure
supplémentaire donne droit à rétribution pour les titulaires de
fonctions
dont la classe maximum est égale ou inférieure à la classe 25 (al.
2). Sauf
circonstances extraordinaires, le maximum d'heures de travail
supplémentaires
qui peuvent être exigées, qu'elles soient compensées ou rétribuées,
est de
180 heures par année (al. 3).
En l'occurrence, X.________ était titulaire d'une fonction inférieure
à la
classe 25. Elle a donc en principe droit à la rétribution de ses
heures
supplémentaires. Il n'est pas possible de contrôler le nombre exact
d'heures
supplémentaires effectuées par l'intéressée autrement que par le
décompte
qu'elle a rempli elle-même. L'Etat de Vaud ne conteste cependant pas
formellement les relevés établis par la demanderesse; il s'y réfère
dans ses
écritures, de sorte qu'il y a lieu d'admettre que de 1997 à juin 1998,
X.________ avait, même si cela paraît considérable, bel et bien
accompli 207
heures supplémentaires. En appliquant le mode de calcul indiqué par
l'art. 15
de l'Arrêté, la demanderesse a droit à ce titre à 207 x 1/2219 de
36'718 fr.
50 (traitement annuel de 1998), soit à 3'425 fr.
Or, les heures supplémentaires effectuées par la demanderesse n'ont
pas été
expressément ordonnées par l'employeur. Celles-ci ne donnent donc
aucun droit
à une rétribution. Il ne faut cependant pas perdre de vue que durant
cette
période, la demanderesse a subi un mobbing de la part de sa supérieure
directe et qu'elle a dû travailler dans des conditions
particulièrement
difficiles. Il est hautement probable que les heures supplémentaires
aient
été rendues nécessaires du fait du harcèlement psychologique, qui l'a
empêchée de mener à bien ses tâches durant son temps de travail
réglementaire. Compte tenu des circonstances très particulières du cas
concret, on peut admettre que la demanderesse a droit au paiement des
ses
heures supplémentaires représentant un montant de 3'425 fr.
Il va de soi que cette somme est allouée dans la mesure où, comme on
le verra
ci-après (consid. 4.3), les prétentions pécuniaires de la demanderesse
consécutives à une hypothétique augmentation de son taux d'activité à
60 ou à
80% n'ont pas été admises. En effet, si X.________ avait été en droit
de
travailler à 60% au moins dès l'été 1997 et jusqu'en juin 1998, elle
n'aurait
pas pu obtenir dans ce cas le paiement d'heures supplémentaires en
plus du
salaire qu'elle aurait touché en travaillant à 60, voire à 80%.

4.2 La demanderesse réclame ensuite 7'960 fr. au titre de vacances non
prises, cinq semaines en 1998, quatre semaines en 1999 et deux
semaines en
2000, soit en tout onze semaines.
Il est établi à cet égard que la demanderesse avait pris des vacances,
annoncées officiellement du mercredi 10 au jeudi 25 août 2000, soit
juste
avant de commencer le stage que l'Etat de Vaud avait organisé pour
elle. Or,
dès la fin juillet, elle savait qu'elle allait commencer un stage au
début
septembre. Elle n'établit pas avoir été empêchée de prendre ses
vacances
avant le 10 août, soit à tout le moins dès le jour où elle a annoncé
ses
vacances par l'entremise de son avocat, le 4 août 2000, et cela
jusqu'à la
fin de la semaine précédant le début de son stage, c'est-à-dire
durant 4
semaines. Il en résulte qu'elle n'avait en tout cas plus droit à des
vacances
en 2000.

Pour le reste, le droit aux vacances est réglé par l'art. 73 StF/VD
et l'art.
55 de l'Arrêté. Selon l'art. 73 al. 1 StF/VD, les fonctionnaires ont
droit,
chaque année, à des vacances payées de quatre semaines au minimum. La
demanderesse, née en 1954, avait droit à quatre semaines (art. 55 al.
1 de
l'Arrêté). L'art. 55 de l'Arrêté précise encore que lorsque les
absences pour
cause de maladie, d'accident, de service militaire ou de congé
prolongé ne
comptant pas comme temps de service ont dépassé 60 jours par année,
les
vacances sont réduites de un douzième par mois complet d'absence, dès
et y
compris le deuxième mois d'absence (al. 2); lorsqu'une absence
entraînant une
réduction de vacances survient après les vacances de l'année en
cours, la
réduction s'opère sur les vacances de l'année suivante (al. 3); les
vacances
sont accordées et prises pendant l'année civile correspondante; elles
peuvent
exceptionnellement être reportées à l'année suivante au plus tard,
moyennant
l'autorisation expresse du responsable hiérarchique (al. 5).

En l'espèce, il n'est pas nécessaire de déterminer si la demanderesse
dispose
ou non d'un éventuel solde de vacances pour 1997 à 1999 et donc d'un
droit à
une compensation pour des vacances non prises. Car la demanderesse ne
peut de
toute manière pas faire valoir, comme on le verra ci-après, un droit
aux
vacances, quand bien même elle aurait vraisemblablement pu bénéficier
normalement de ses vacances en 1998, 1999 et 2000, si elle n'avait
pas été
l'objet de mobbing.
Selon la définition admise en droit privé, qui doit trouver
application en
droit public, les vacances ont pour objectif le repos et la remise en
forme
du travailleur durant quelques semaines au moins, quatre semaines en
général
(ATF 128 III 271 consid. 4a/aa). Lorsque le travailleur, en cas de
résiliation du contrat, est contraint de faire une recherche intensive
d'emploi, le temps qu'il y consacre ne peut être assimilé à des
vacances. En
effet, le paiement des vacances se justifie lorsque le travailleur,
privé de
ses ressources, est obligé de rechercher un nouvel emploi et ne peut
véritablement organiser et prendre des vacances. En revanche, lorsque
le
travailleur, comme en l'espèce, est indemnisé pendant une longue
période au
cours de laquelle il ne travaille pas, on peut admettre que cette
indemnité
inclut le droit aux vacances (ATF 117 II 270 consid. 3b; arrêt
4C.250/1996 du
21 octobre 1996 publié in SJ 1997 p. 149, consid. 3b/cc).
En l'occurrence, la demanderesse, qui a cessé de travailler dès juin
1998 et
jusqu'au 4 septembre 2000 et qui était apte à travailler à 100% dès
octobre
1998, même si elle a consacré un certain temps à des recherches
d'emploi, aux
côtés des efforts déployés à cet égard par son employeur, ainsi qu'à
des
tractations en vue de résoudre le litige, tout en continuant à
percevoir son
salaire, a pu amplement disposer du temps nécessaire, durant plus de
deux
ans, pour prendre des vacances, telles qu'elles sont définies par la
jurisprudence précitée.

Il s'ensuit le rejet de ses prétentions à une indemnité de ce chef.

4.3 La demanderesse allègue l'existence d'un dommage consécutif au
refus par
l'Etat de Vaud d'augmenter son taux d'activité. A ce titre, elle
expose
qu'elle aurait pu travailler à 60% dès juillet 1997, puis à 80% dès
le 1er
octobre 1998 jusqu'au jour de la demande le 4 octobre 2000. Le refus
de son
employeur de donner suite à ses requêtes d'augmentation de son taux
d'activité serait une composante du mobbing dont elle se plaint. Elle
réclame
de ce chef 3'303 fr. 65 pour 1997, 20'279 fr. 35 pour 1998, 20'898
fr. 80
pour 1999 et 13'219.20 fr. pour la période de janvier à août 2000.
Le défendeur conteste le bien-fondé de ces conclusions. Il allègue
qu'il
n'aurait pas pu donner suite à la première requête en raison des
économies
qu'il devait réaliser à l'époque et, pour les postes demandés en
1997/1998,
parce que le premier de ceux-ci dépassait les compétences de
l'intéressée et,
pour le second, parce qu'il devait être occupé par un homme.

La réglementation cantonale en la matière n'oblige pas l'Etat à
donner suite
à une requête d'augmenter le taux d'activité d'un fonctionnaire. La
faculté
de nommer, ou de ne pas nommer un fonctionnaire, cela pour un taux
d'activité
donné, est un droit discrétionnaire de l'Etat, qui l'exerce en se
gardant
d'agir de manière arbitraire, ce qui serait contraire à l'art. 9 Cst.
Dans le
canton de Vaud, le Conseil d'Etat est compétent pour nommer et pour
fixer le
taux d'activité avec possibilité de délégation au département, voire
de
sous-délégation au sein de celui-ci (art. 6 StF/VD).
Si, en revanche, il peut être démontré que l'employé aurait
certainement
rempli les conditions d'une augmentation de son taux d'activité et
que le
refus par l'Etat d'y procéder relève de la pure chicane, assimilable
à du
mobbing, il pourrait exister une prétention à des dommages-intérêts.
En l'occurrence, entendu comme témoin le 4 octobre 2002, C.________,
ancien
chef du Service de protection de la jeunesse, a déclaré: "Concernant
les
demandes du taux d'activité de Mme X.________, le refus de l'accepter
était
dû essentiellement à la personne de Mme X.________ elle-même, dont
l'appréciation positive de notre part s'est détériorée surtout dès le
moment
où sont apparus les problèmes d'intégration dans le groupe où se
trouvait Mme
A.________. Je dois expliquer que le travail dans notre service
supposait un
contrat de confiance; les employés avaient une grande autonomie et,
dans le
cas de Mme X.________, cela était problématique, car elle avait un
constant
besoin de soutien, ce qu'elle nous a d'ailleurs reproché. J'ai eu des
entretiens avec Mme X.________ au cours desquels a été évoquée
l'augmentation
du taux d'activité, mais il n'y a pas eu d'entretien spécifiquement
destiné à
cette question (...) Je ne disposais pas, pour apprécier le cas de Mme
X.________, uniquement des renseignements de Mme A.________, mais de
divers
collaborateurs. M. B.________, mon adjoint, était chargé de
l'organisation du
travail social et de la supervision du service; il disposait de
renseignements provenant de diverses sources."
Il ressort de ces déclarations que le refus d'augmenter le taux
d'activité de
l'intéressée, en ce qui concerne en tout cas la première demande,
n'était à
tout le moins pas dû principalement à des soucis d'économie, mais à la
personne de la demanderesse elle-même. Les doutes concernant les
capacités de
l'intéressée sont apparus au moment où surgissaient
ses problèmes
d'intégration. Le refus de donner suite aux requêtes de la
demanderesse, en
tout cas à la première, est donc lié chronologiquement au harcèlement
dont
elle a été la victime. Il n'est dès lors pas exclu que sans ces
problèmes
d'intégration, d'une certaine manière liés au mobbing, une demande
d'augmentation du taux d'activité eût pu être admise.
L'hypothèse demeure cependant fragile. S'il y a lieu de reconnaître
que la
demanderesse a subi un harcèlement psychologique de la part de sa
supérieure
directe, cela ne signifie pas a contrario que son travail fût
irréprochable
et qu'une demande d'augmentation de son taux d'activité eût sans
doute été
acceptée. Des réserves ont été formulées quant à la qualité de son
travail
par le témoin C.________. Dans le rapport d'évaluation du 20
septembre 1996
sont relevées à cet égard les critiques de A.________, qu'il y a
certes lieu
d'apprécier avec retenue, compte tenu du contexte tendu entre ces deux
personnes. Mais il y aussi les doutes de B.________, adjoint du chef
de
service, sur la capacité de l'intéressée à développer son
savoir-faire et son
savoir-être dans l'action sociale pour parvenir à dépasser le stade de
l'analyse, de l'observation et de l'évaluation des problématiques
pour passer
activement à la mise en perspective et en oeuvre concrète de projets,
d'objectifs et de ressources auprès et avec les familles et mineurs en
danger. En conclusion, il était demandé à X.________ un engagement
personnel
dans cette évolution indispensable à la fonction d'assistante sociale
au
Service de protection de la jeunesse. Il est vrai que la demanderesse
a
contesté ces reproches. Consultée par l'intéressée, la Commission
consultative du personnel (COCOP) a réagi à ce rapport d'évaluation en
soulevant avant tout des objections de forme; elle demande que la
phase
d'évaluation ne se prolonge pas au-delà du premier trimestre 1997 et
relève
que "si les conclusions concernant le travail de l'intéressée devaient
s'avérer globalement positives, (...) le SPJ confirme Mme X.________
dans son
poste et la considère comme une employée à part entière (...)."
Quoi qu'il en soit, le fardeau de la preuve du dommage incombait à la
demanderesse (art. 42 al. 1 CO). Or celle-ci n'a pas apporté la
preuve, ni
rendu suffisamment vraisemblable, que sans le mobbing dont elle a été
la
victime, elle eût donné satisfaction à l'Etat au point d'obtenir une
augmentation de son taux d'activité. Cette hypothèse ne revêt en tout
cas pas
le caractère de certitude ou, à tout le moins, de forte probabilité
exigée
par la jurisprudence précitée (ATF 122 III 219 consid. 3). Il
convient dès
lors de rejeter la conclusion de la demanderesse tendant à une
indemnité liée
au refus d'une hypothétique augmentation du taux d'activité.

4.4 La demanderesse estime avoir subi des retenues indues sur son
salaire.
Elle réclame à ce titre
- 3'154 fr. 30 pour 1999 et
- 5'653 fr. pour 2000, soit en tout:
____________
8'807 fr.30, représentant les retenues de salaire de 20% que l'Etat a
appliquées dès septembre 1999, conformément à l'art. 57 StF/VD.
Le défendeur conteste devoir ce montant. Il allègue en outre que
X.________ a
touché son plein salaire depuis juin 1998 jusqu'au 31 août 2000.
Or, il résulte du tableau produit dans le mémoire complémentaire du
défendeur
que l'Etat a bel et bien retenu 20% du salaire de la demanderesse dès
juin
1999, soit en tout 4'395 fr., et 20% du salaire de janvier à août
2000, y
compris sur le 13ème salaire, soit en tout 5'920 fr. 80. Ces chiffres
corroborent les certificats de salaire produits par la demanderesse.
Il est
vrai que l'Etat avait admis le paiement du plein salaire au-delà de
l'échéance légale, soit jusqu'au 31 août 2000. Il s'agissait
cependant d'une
"proposition", formulée parmi d'autres qui ont été refusées par la
demanderesse au cours des pourparlers transactionnels, et par
laquelle le
défendeur n'était plus tenu à la suite de l'ouverture de la présente
action.
Si la demanderesse n'avait pas été empêchée de travailler en raison du
harcèlement dont elle a été la victime, elle aurait touché son plein
salaire,
comme on l'a vu au chiffre 3.2 ci-dessus. Elle a donc droit en
principe au
20% du salaire qui lui a été retenu en application des dispositions
légales.
Il en a cependant déjà été tenu compte dans le calcul du dommage
matériel
résultant de la différence entre ce qu'aurait touché la demanderesse
sans le
mobbing et ce qu'elle a effectivement obtenu de l'Etat (ch. 3.2
ci-dessus).

4.5 La demanderesse allègue que, compte tenu de son expérience et de
ses
années de service, elle aurait dû être promue en qualité d'assistante
sociale
A dès juillet 1999. Elle chiffre le préjudice résultant de sa
non-promotion à
200 fr. par mois, soit 1'200 fr. pour 1999 et 1'600 fr. jusqu'au 31
août
2000, soit en tout à 2'800 fr.
Le défendeur conteste devoir une indemnité de ce chef.
Selon l'art. 13 StF/VD, la promotion, soit la désignation d'un
fonctionnaire
à une fonction supérieure, n'intervient qu'en cas de vacance. Elle est
soumise aux mêmes règles que la nomination. Toutefois, elle est
immédiatement
définitive. Et l'art. 10 de l'Arrêté précise que "l'avancement, soit
le
passage de la catégorie III à II, ou II à I, n'est possible qu'après
six ans
de fonction dans la catégorie inférieure et pour autant que le
fonctionnaire
ait fait preuve de réels mérites ou de connaissances particulières
(...)."
La décision d'avancement, comme celle de nomination, sont laissées à
la
discrétion de l'Etat. Il n'y a donc pas d'avancement automatique ou
obligatoire dans une fonction supérieure, ce que confirmait
K.________ lors
de l'entretien du 9 mai 2000. L'avancement après six ans de fonction
n'est
par conséquent que "possible", et il est assorti de conditions.
En l'espèce, la demanderesse a certes obtenu la promotion désirée
puisqu'elle
a été engagée en qualité d'assistance sociale A par l'hôpital
d'Yverdon, mais
cet avancement ne date que du 15 août 2001 et fait suite à un stage
de six
mois organisé par l'Etat auprès de l'association "Appartenances". La
demanderesse n'établit pas qu'elle eût fait preuve des réels mérites
ou des
connaissances particulières lui assurant certainement ou au moins très
vraisemblablement une promotion de la catégorie d'assistante sociale
B à
celle d'assistante sociale A dès juillet 1999 déjà.

Il s'ensuit le rejet de cette prétention.

4.6 La demanderesse allègue que la remise, tardive, d'un certificat de
travail à ses yeux incomplet, le 27 juin 2000, l'a entravée dans ses
démarches visant à rechercher un emploi. Elle réclame 5'000 fr. à ce
titre,
que le défendeur conteste lui devoir.
La demanderesse a demandé un certificat de travail intermédiaire, par
lettre
du 14 décembre 1999 qui contenait une série d'autres revendications
pécuniaires. Le 21 février 2000, une offre a été formulée par Francine
Jeanprêtre, Conseillère d'Etat, comportant la délivrance du certificat
demandé. Le 3 mars 2000, l'intéressée a refusé cette offre et a
réclamé des
entrevues. Celles-ci ont eu lieu les 7 avril, 9 et 26 mai 2000. Lors
de cette
dernière séance, les parties sont tombées d'accord sur la délivrance
d'un
certificat, qui a été envoyé le 31 mai. Le 11 juillet 2000, la
demanderesse a
contesté la teneur de cette pièce, en exigeant davantage de
précisions quant
au travail accompli dans sa fonction et se plaignant de ce que ce
certificat
ne contienne aucune appréciation positive. Un nouveau certificat,
contenant
une appréciation, au demeurant modérément positive, sur la qualité du
travail
de l'intéressée, a été dressé le 8 décembre 2000.
La demanderesse pouvait exiger que le certificat porte une
appréciation sur
la qualité de son travail. L'art. 77 StF/VD précise en effet à cet
égard
qu'au moment où ils quittent leurs fonctions, les fonctionnaires
peuvent
exiger un certificat indiquant la nature et la durée de l'emploi (al.
1); ce
certificat ne porte en outre sur la qualité du travail et sur la
conduite du
fonctionnaire que si celui-ci le demande expressément (al. 2), ce
qu'a fait
l'intéressée lors de la séance du 7 avril 2000. Elle ne pouvait en
revanche
exiger que cette appréciation fût "positive" que dans la mesure où ses
qualités le justifiaient de façon objective.
Il y a lieu dès lors de reconnaître que la réponse de l'employeur sur
ce
point, si elle n'a pas été tardive, puisqu'elle a suivi rapidement les
pourparlers concernant cet objet, a été incomplète, le certificat
comportant
quelques omissions. Mais il n'est pas établi que ces omissions aient
causé un
dommage à la demanderesse. Celle-ci a pu exercer une activité à près
de 80%
dès septembre 2000 et elle n'a élevé aucune prétention pécuniaire
pour la
période ultérieure. Le retard dans la délivrance dudit certificat
était
d'ailleurs dû en partie aux difficultés des pourparlers dont le
défendeur,
placé devant des revendications de plus en plus considérables, au
point de se
révéler excessives, ne saurait être tenu pour seul responsable.

Il en résulte que les prétentions de la demanderesse sur ce point
doivent
être rejetées.

4.7 La demanderesse allègue que le chef du Service de protection de la
jeunesse a fourni des renseignements négatifs sur son compte auprès
de divers
employeurs potentiels ou, à tout le moins, ne l'a pas recommandée. De
plus,
l'Etat a refusé de diffuser toute information concernant la
réhabilitation de
l'intéressée en dehors de son service. La demanderesse réclame de ce
chef une
indemnité de 30'000 fr. motivée par une atteinte à sa réputation
professionnelle.
Le défendeur conteste être responsable de l'éventuel préjudice
allégué.
L'instruction a permis d'établir que la demanderesse a présenté, sans
succès,
de très nombreuses offres d'emploi auprès de diverses institutions et
services sociaux du canton ainsi qu'auprès d'employeurs privés, cela
dès 1995
déjà, soit avant que ne naisse le présent litige. Dès le début de
1998 et
jusqu'en juillet 2000, elle a déposé vingt et une offres d'emploi qui
n'ont
pas été acceptées. L'Etat de Vaud a de son côté cherché des solutions
aux
fins de replacer la demanderesse; celle-ci demeurait en effet
formellement
attachée au Service de protection de la jeunesse, mais sans pouvoir y
travailler, ce qui n'était pas plus satisfaisant pour l'Etat que pour
l'employée. Un stage a finalement été trouvé par l'employeur, ce qui
a permis
de débloquer la situation.

C. ________ a contesté avoir jamais donné des renseignements négatifs
sur le
compte de l'intéressée. Entendu en qualité de témoin par la
délégation de la
cour de céans, il a déclaré à cet égard: "J'ai eu des téléphones
d'éventuels
futurs employeurs de Mme X.________. (...) Je me suis toujours
efforcé de
donner des informations assez neutres. Je n'ai pas donné
d'informations
spontanément très positives, mais je n'ai pas donné d'informations
négatives
non plus. J'ai notamment été interpellé par la Fondation
"Appartenances", où
Mme X.________ a travaillé, ce qu'elle n'aurait pu faire si j'avais
donné des
renseignements négatifs (...)." A la question de la demanderesse
évoquant le
cas du directeur de l'institution "La Fontanelle", qui aurait reçu des
renseignements négatifs, le témoin répond : "J'ignore ce fait, mais
je doute
que M. I.________, qui était très prudent, ait pu donner des
renseignements
tranchés sur Mme X.________."
Toujours au sujet de ces renseignements sur le compte de l'intéressée,
entendu comme témoin le 5 septembre 2002, K.________, ancien
conseiller
personnel de Francine Jeanprêtre, a déclaré: "(...) objectivement,
lorsque
quelqu'un a été détruit par le mobbing, sa réinsertion est difficile.
Les
pires patrons disent que c'est 'une emmerdeuse' et les meilleurs
qu'il sera
difficile de l'employer. Dans le cas de Mme X.________, cela a été
compliqué
par le fait du milieu très particulier des assistants sociaux et du
fait
qu'il existait un secteur dans lequel elle ne pouvait pas travailler.
Il
apparaît certes dans certains documents qu'elle a refusé certaines
choses,
mais je pense que ces difficultés sont davantage inhérentes à la
situation
que dues à de la mauvaise volonté."
Quant au témoin E.________, conseiller du Bureau de réinsertion
professionnelle rattaché au Service du personnel de l'Etat, il a
précisé à ce
sujet, lors de la même séance: "Je n'ai pas connaissance de mauvais
renseignements donnés par l'Etat de Vaud sur Mme X.________ à
d'éventuels
futurs employeurs. Il est d'expérience générale que des personnes
dans la
situation de Mme X.________ aient le sentiment qu'on les empêche de
trouver
un autre emploi."
Il ressort de ces pièces et témoignages qu'il n'est pas établi que
l'employeur ait eu un comportement propre à entraver la demanderesse
dans ses
recherches d'un nouvel emploi, à l'intérieur comme à l'extérieur de
l'administration. Il est certes plausible que l'intéressée n'ait pas
été
chaudement recommandée à d'éventuels futurs employeurs et que la
neutralité
des renseignements fournis ait pu dissuader certains d'entre eux de
retenir
sa candidature. Compte tenu des doutes concernant les capacités de
l'intéressée, cette neutralité ne peut être en soi reprochée à l'Etat
qui
avait au demeurant intérêt à ce que cette fonctionnaire, payée mais
non
productive, retrouve au plus vite un travail.
Quant au reproche de n'avoir pas expressément fait connaître la
réhabilitation de l'intéressée en dehors de son service, il n'est pas
justifié.
Lors des négociations au sujet des revendications de la
demanderesse, le 7 avril 2000, la question de sa réhabilitation fut
abordée
(6ème revendication) et il a été constaté que l'intéressée avait été
réhabilitée au sein de l'administration, par une communication du
Département. La demanderesse a alors exigé davantage, soit la
publication
d'un article dans la Gazette de l'Etat. Le représentant de l'Etat a
souligné
qu'une telle démarche, dans la mesure où une telle publication était
réalisable, était susceptible d'entraîner des effets négatifs par la
publicité accrue donnée à ce cas. L'avocate de l'intéressée a paru
partager
ces craintes mais la demanderesse a persisté dans sa requête.
La position de l'Etat à cet égard, par son souci de ne pas accroître
la
publicité donnée à ce cas, cela dans l'intérêt même de X.________,
paraît
raisonnable. C'est au contraire la publication d'un tel article qui
eût été
susceptible d'entraîner un dommage pour la demanderesse.
En définitive, l'Etat ne peut rien se voir reprocher sur ces points
et la
prétention de la demanderesse à une indemnité de 30'000 fr. doit être
rejetée.

4.8 La demanderesse expose que sa santé a été gravement affectée par
le
mobbing dont elle a été l'objet. Elle estime qu'elle pourrait en
subir des
séquelles dans l'avenir, cela même si sa capacité de travail est
aujourd'hui
entière. Son préjudice aurait été accentué par l'inertie de l'Etat. La
demanderesse fait à nouveau valoir à ce sujet la tardiveté de l'envoi
d'un
certificat de travail qualifié d'incomplet et de trompeur.
Elle réclame en conséquence 30'000 fr. à titre d'indemnité pour tort
moral.
Le défendeur conteste entièrement cette prétention. Au cours des
pourparlers
transactionnels, l'Etat de Vaud avait cependant accepté de verser
8'000 fr.
pour le tort moral sur les 20'000 fr. que la demanderesse réclamait
alors à
ce titre.
Selon l'art. 6 LREC, dont les termes sont analogues à ceux des art.
47 et 49
CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières,
allouer à
la victime de lésions corporelles, ou, en cas de mort d'homme, à la
famille,
une indemnité équitable à titre de réparation morale (al. 1); celui
qui subit
une atteinte dans ses intérêts personnels peut réclamer des
dommages-intérêts
et, en outre, une indemnité à titre de réparation morale lorsqu'elle
est
justifiée par la gravité particulière du préjudice subi (al. 2).
En l'occurrence, la demanderesse se plaint du tort moral causé à la
fois par
l'atteinte à sa santé physique et par l'atteinte à sa personnalité.
En ce qui
concerne l'atteinte à sa santé, celle-ci n'a pas été très grave et
elle n'a
eu qu'un caractère passager. L'intéressée a certes été empêchée de
travailler
durant quatre mois, mais dès le 5 octobre 1998, elle a été reconnue
apte à
travailler à 100% en dehors du cadre du Service de protection de la
jeunesse.
L'atteinte à sa santé due au mobbing avait été considérée, à dire de
médecin,
comme terminée. A cet égard, il n'est pas établi que la demanderesse
risque
de subir à l'avenir une incapacité de travail liée au mobbing dont
elle a
fait l'objet. Le docteur P.________, médecin traitant de
l'intéressée, a
certes écrit, le 1er mars 2000, que: "(...) Nul ne peut dire quelles
seront à
long terme les répercussions de cette atteinte sur la santé de Mme
X.________
et sur sa capacité de travail. Il me semble que des réserves doivent
être
faites sur la responsabilité de l'Etat à cet égard, même si dans
quelques
mois peut-être Mme X.________ n'était plus employée de l'Etat (...)."
Ces
réserves, dictées par la prudence, ne suffisent pas pour admettre
qu'il
existe un risque concret d'atteinte future à la santé de la
demanderesse, en
relation de conséquence avec le mobbing, et ce d'autant plus que
depuis
l'établissement de ce certificat, elle a pu travailler normalement.
Quant à l'atteinte à la personnalité de la demanderesse, l'indemnité
destinée
à la compenser dépend avant tout de la gravité des souffrances
physiques ou
psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime (ATF 125
III 269
consid. 2a, concernant l'art. 49 CO). Une atteinte légère à la
considération
professionnelle d'une personne ne suffit pas à justifier une
indemnité (ATF
125 III 70 consid. 3).
Les indemnités pour atteinte à la personnalité ne sont en général pas
très
élevées. Elles ne dépassent guère 2'000 fr. en cas d'atteinte à
l'honneur,
5'000 à 7'000 fr. si la réputation de quelqu'un a été gravement et
durablement touchée (cf. arrêts cantonaux reproduits in Jahrbuch des
Schweizerischen Arbeitsrechts [JAR] 1996 p. 247 et 1999 p. 183,
concernant le
cas d'un harcèlement sexuel qui avait fortement et durablement
affecté la
santé psychique de la victime; Klaus Hütte/ Petra Ducksch, Die
Genugtuung, 3e
éd., Zurich, état 1999, Table XII/1). Dans l'arrêt 1C.1/1998 du 5
mars 2002,
le Tribunal fédéral a accordé la somme de 10'000 fr. au titre de
réparation
morale pour atteinte à la personnalité à un père de famille gravement
déconsidéré à la suite de l'accusation d'avoir abusé sexuellement de
sa nièce
et qui avait été rejeté par les habitants de son village, malgré son
acquittement au bénéfice du doute.
En l'occurrence, la demanderesse a subi un harcèlement psychologique
pendant
plus de deux ans. Ses souffrances ont été réelles; elles ont été
constatées
par le groupe d'enquêteurs et par ses amis ainsi que par diverses
personnes
qui se sont occupées de son cas (témoignages de G.________,
H.________,
Y.________, F.________). Une indemnité pour tort moral du chef de
l'atteinte
à sa personnalité est donc justifiée. La demanderesse a cependant
bénéficié
de l'aide de l'Etat pour sa réhabilitation. Elle a en particulier
trouvé une
oreille attentive et bienveillante en la personne de Francine
Jeanprêtre,
Conseillère d'Etat à la tête du Département de la formation et de la
jeunesse. Sa supérieure directe, A.________, s'est vu infliger une
sanction.
Le défendeur a déployé des efforts pour aider l'intéressée à se
replacer. En
2000/2001, il lui a organisé un stage, convenablement rétribué, et en
2002,
il a créé un emploi pour elle. Il a ainsi contribué à atténuer les
souffrances de la demanderesse.
Tout compte fait, pour l'ensemble des atteintes qu'elle a subies
(incapacité
de travail durant quatre mois, harcèlement psychologique), il est
équitable
d'allouer à la demanderesse une indemnité de 12'000 fr. au titre de
tort
moral.

5.
Les prétentions de la demanderesse peuvent donc être admises pour:
- 3'710 fr. (3'425 fr. + 285 fr.) en ce qui concerne le préjudice
matériel,
avec intérêts à 5% l'an dès le 4 octobre 2000, date du dépôt de la
demande et
- 12'000 fr. pour tort moral, avec intérêts à 5% l'an dès le 14
décembre
1999, date de la mise en demeure.

L'action doit dès lors être admise à concurrence de 15'710 fr. (3'710
fr. 12'000 fr.) et rejetée pour le surplus.

La demanderesse a laissé entendre au cours de la procédure qu'elle se
réservait le droit de réclamer un montant au titre de dommage
matériel futur.
Or il y a lieu de relever que les prétentions découlant du mobbing
ont été
définitivement tranchées dans le présent arrêt. Il incombait à la
demanderesse d'augmenter ses conclusions dans le cadre de la présente
procédure, si elle estimait avoir droit encore à un montant au titre
de
préjudice futur. Force est de constater que la demanderesse n'a pas
dûment
allégué et établi les éléments d'un tel poste du dommage, alors
qu'elle
aurait pu le faire dans cette procédure.

6.
Les frais et les dépens doivent être répartis, aucune des parties
n'obtenant
entièrement gain de cause (art. 156 al. 3 et 159 al. 3 OJ).

Une répartition purement proportionnelle des frais justifierait que la
demanderesse, qui a pris des conclusions exagérément élevées, en
supporte les
9/10. Il convient cependant de retenir que le défendeur a contesté
toute
dette envers la demanderesse qui a dû ouvrir action pour voir
admettre,
certes très partiellement, une partie de ses conclusions. Il paraît
donc
équitable de répartir les frais à raison de 2/5 à la charge de l'Etat
de Vaud
et de 3/5 à celle de la demanderesse. Celle-ci versera en outre à
l'Etat de
Vaud une indemnité à titre de dépens réduite dans la même proportion
(2/5).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
L'action est partiellement admise. L'Etat de Vaud est condamné à
payer à
X.________ la somme de 15'710 fr. avec intérêts à 5% l'an, dès le 4
octobre
2000 sur le montant de 3'710 fr. et dès le 14 décembre 1999 sur le
montant de
12'000 fr.

2.
L'émolument judiciaire de 10'000 fr. sera supporté à raison de 4'000
fr, par
l'Etat de Vaud et de 6'000 fr. par X.________.

3.
X.________ versera à l'Etat de Vaud une indemnité de 6'000 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties.

Lausanne, le 4 avril 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2C.2/2000
Date de la décision : 04/04/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-04;2c.2.2000 ?
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