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1A.128/2002 /col
Arrêt du 3 avril 2003
Ire Cour de droit public
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Fonjallaz.
Greffier: M. Jomini.
République et canton de Neuchâtel,
recourante,
agissant par le Conseil d'Etat, Château, 2001 Neuchâtel,
contre
les époux B.________,
intimés, représentés par Me Claire-Lise Oswald-Binggeli, avocate, rue
de
l'Evole 15, case postale 1107, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, case
postale
3174, 2001 Neuchâtel 1,
Commune de Fenin-Vilars-Saules, 2063 Vilars.
Plan d'affectation cantonal
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif de la
République et canton de Neuchâtel
du 22 mai 2002.
Faits:
A.
Les époux B.________ sont copropriétaires de la parcelle (article) n°
1513 du
cadastre de la commune de Fenin-Vilars-Saules, dans la région de
Chaumont.
Cette région, qui s'étend sur le territoire de plusieurs communes,
fait
partie des "sites naturels" recensés par le Grand Conseil de la
République et
canton de Neuchâtel dans le Décret du 14 février 1966 concernant la
protection des sites naturels du canton (ci-après: le Décret). Ce
Décret, qui
comporte un plan, délimite notamment des "zones de crêtes et de
forêts", en
principe inconstructibles (art. 2 du Décret), et des "zones de
constructions
basses", destinées en premier lieu à la construction de résidences
secondaires ou de logements de vacances (art. 3 ss du Décret). Selon
ce plan,
une grande partie de la région de Chaumont est soumise au régime de
la zone
de crêtes et de forêts. La parcelle des époux B.________, d'une
surface de
4'000 m2 avec une maison d'habitation, se trouve dans l'une des deux
zones de
constructions basses de cette région.
B.
Le Département de la gestion du territoire de la République et canton
de
Neuchâtel (ci-après: le Département cantonal) a mis à l'enquête
publique en
1997 un projet de plan de nouvelle délimitation des zones de
constructions
basses à Chaumont. Ce projet prévoit une réduction de ces zones et
l'affectation des terrains déclassés à la zone de crêtes et de
forêts. Le
plan mis à l'enquête publique comporte également la délimitation des
secteurs
forestiers dans le périmètre des anciennes zones de constructions
basses
(constatation de la nature forestière - cf. art. 10 de la loi
fédérale sur
les forêts [LFo, RS 921.0]).
Selon ce projet, la partie est de la parcelle n° 1513 - là où se
trouve le
bâtiment d'habitation - est incluse dans la nouvelle zone de
constructions
basses, le solde, soit un peu plus de la moitié de la surface, étant
inconstructible. Le plan indique par ailleurs la présence d'une forêt
sur une
parcelle contiguë au sud (n° 1484), la limite de la forêt
correspondant à la
limite de propriété. Les époux B.________ se sont opposés, durant
l'enquête
publique, aussi bien au plan réduisant la zone de constructions
basses qu'au
plan délimitant les secteurs forestiers, en demandant que la totalité
de leur
parcelle soit constructible; ils faisaient valoir en substance que
les autres
terrains déjà bâtis du voisinage n'étaient pas soumis aux mêmes
restrictions
et ils mettaient en doute la nature forestière de la végétation sur la
parcelle adjacente, en contestant les restrictions liées à la
présence d'une
forêt à proximité, à cause des règles du droit cantonal restreignant
l'implantation de constructions à moins de 30 m de la lisière. Le
Département
cantonal a rejeté, par une décision prise le 25 novembre 1999, les
oppositions des époux B.________ au plan réduisant la zone de
constructions
basses et au plan délimitant les secteurs forestiers.
C.
Les époux B.________ ont recouru contre cette décision auprès du
Tribunal
administratif cantonal. Celui-ci a, par un arrêt rendu le 22 mai
2002, admis
partiellement le recours et annulé la décision du Département
cantonal "dans
la mesure où elle [levait] l'opposition des recourants au plan de la
zone de
constructions basses de Chaumont", leur terrain devant "être inclus
dans son
intégralité dans la zone de constructions basses" (ch. 1 et 2 du
dispositif).
En revanche, le Tribunal administratif a rejeté le recours "dans la
mesure où
il [était] dirigé contre le plan de délimitation des secteurs
forestiers"
(ch. 3 du dispositif).
D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Conseil
d'Etat de
la République et canton de Neuchâtel demande, au nom du canton, au
Tribunal
fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Il prétend que
l'extension de la zone à bâtir sur la parcelle des époux B.________
viole le
droit fédéral de l'aménagement du territoire. Il reproche au Tribunal
administratif un abus de son pouvoir d'appréciation ainsi qu'une
constatation
manifestement inexacte des faits pertinents.
Les époux B.________ et la commune de Fenin-Vilars-Saules (partie
intéressée)
concluent au rejet du recours.
Les Offices fédéraux du développement territorial (ODT) et de
l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) ont été invités à
faire
part de leur avis au sujet du recours.
E.
Par une ordonnance du 5 juillet 2002, le Président de la Ire Cour de
droit
public a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par le canton
recourant.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48, 177 consid. 1 p.
179 et
les arrêts cités).
1.1 Les décisions prises en dernière instance cantonale en vertu de
la loi
fédérale sur les forêts peuvent faire l'objet d'un recours de droit
administratif au Tribunal fédéral (art. 97 ss OJ, notamment art. 98
let. g
OJ, auxquels renvoie l'art. 46 al. 1 LFo). Pour pouvoir utiliser
cette voie
de droit, un canton doit en principe - sauf dans l'hypothèse, non
réalisée
ici, où il agit à l'instar d'un simple particulier - pouvoir se
prévaloir
d'un droit de recours accordé par la législation fédérale,
conformément à
l'art. 103 let. c OJ. L'art. 46 al. 3 LFo prévoit précisément, dans ce
domaine, un droit de recours des cantons, en indiquant qu'il est régi
par
l'art. 12 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du
paysage
(LPN; RS 451) et qu'il porte aussi sur les décisions prises en vertu
des art.
5, 7, 8, 10, 12 et 13 LFo.
1.2 Le projet du Département cantonal consiste d'une part à revoir la
délimitation des zones d'un plan d'affectation cantonal (zone de
crêtes et de
forêts, zone de constructions basses), et d'autre part à délimiter des
secteurs forestiers. La décision sur les oppositions ainsi que l'arrêt
attaqué font la distinction entre ces deux objets. Cela étant, la
délimitation des secteurs forestiers, ou constatation de la nature
forestière
dans les zones concernées, est une décision prise en application de
la loi
fédérale sur les forêts, mais qui doit être coordonnée avec la
révision du
plan d'affectation; une telle procédure de constatation est en effet
exigée,
en pareil cas, par l'art. 10 al. 2 LFo, "là où les zones à bâtir
confinent et
confineront à la forêt" (cf. aussi art. 13 LFo).
La constatation, par le Département cantonal, de la nature forestière
d'un
terrain directement voisin de la parcelle des intimés a été contestée
devant
le Tribunal administratif, mais le recours des intimés a été rejeté
sur ce
point. Le canton recourant n'aurait ainsi aucun intérêt à demander au
Tribunal fédéral de modifier, à ce propos, l'arrêt attaqué; il ne le
fait du
reste pas.
1.3 Le canton recourant fait cependant valoir que la présence d'un
massif
forestier sur la parcelle voisine de celle des intimés a pour
conséquence une
interdiction de construire sur une distance de 30 m depuis la lisière
de la
forêt; cette bande de terrain - en l'occurrence sur la parcelle des
intimés -
ne devrait par conséquent pas être incluse dans la zone à bâtir. Or
l'arrêt
attaqué, en admettant partiellement le recours des intimés, a
précisément
étendu la zone à bâtir à cet endroit.
L'art. 17 LFo dispose que les constructions et installations à
proximité de
la forêt peuvent être autorisées uniquement si elles n'en
compromettent ni la
conservation, ni le traitement, ni l'exploitation (al. 1). Il
appartient aux
cantons de fixer la distance minimale appropriée qui doit séparer les
constructions et les installations de la lisière de la forêt (al. 2).
Aux
termes de l'art. 16 de la loi cantonale neuchâteloise sur les forêts,
cette
distance est de 30 m, sauf dérogations ou exceptions. A l'évidence,
le régime
de l'art. 17 LFo n'impose pas une affectation en zone non
constructible (zone
agricole, zone à protéger ou autre zone: cf. art. 16, 17 ou 18 al. 1
de la
loi fédérale sur l'aménagement du territoire [LAT; RS 700]) pour les
terrains
situés à proximité de la forêt, à l'extérieur de celle-ci - d'après
une
constatation effectuée selon l'art. 10 LFo -, ce qui signifie que leur
affectation n'est pas régie par les normes du droit forestier fédéral
(cf.
aussi art. 18 al. 3 LAT a contrario). Ces normes se bornent à fixer
les
exigences nécessaires à la protection et à la conservation de la
forêt,
exigences qui ne sont pas, en elles-mêmes, incompatibles avec un
classement
en zone à bâtir, nonobstant ces restrictions. C'est une autre
question de
déterminer, sur la base d'une pesée globale des intérêts, qui pourra
tenir
compte des caractéristiques naturelles ou paysagères de l'endroit en
fonction
de la présence d'une forêt à proximité, si les conditions pour un tel
classement sont réunies (cf. art. 15 LAT); ce sont alors les règles
du droit
de l'aménagement du territoire qui s'appliquent. D'après les
conclusions et
l'argumentation du recours de droit administratif, tel est l'objet de
la
contestation. Il s'ensuit que le canton ne peut pas se prévaloir, à ce
propos, du droit de recours de l'art. 46 al. 3 LFo.
1.4 La loi fédérale sur l'aménagement du territoire n'ouvre pas la
voie du
recours de droit administratif contre une décision, prise en dernière
instance cantonale, relative à l'adoption ou à la révision d'un plan
général
d'affectation; conformément à l'art. 34 al. 3 LAT, seule la voie du
recours
de droit public, pour violation de droits constitutionnels des
citoyens (art.
84 al. 1 let. a OJ), peut entrer en considération (cf. ATF 123 II 88
consid.
1a p. 91, 289 consid. 1b p. 291). Or il n'y a pas lieu d'envisager, en
l'espèce, la conversion du recours de droit administratif en recours
de droit
public car, dans l'accomplissement de ses tâches en matière
d'aménagement du
territoire, un canton n'est pas titulaire des droits constitutionnels
des
citoyens, droits qui existent précisément contre lui (cf. ATF 125 I
173
consid. 1b p. 175; 121 I 218 consid. 2a p. 219; arrêt 1A.228/2002 du
25
février 2003 destiné à la publication, consid. 1.5). Les conclusions
du
recourant sont donc irrecevables.
2.
Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire (art. 156 al.
2 OJ).
Le canton recourant doit en revanche être condamné à payer aux
intimés,
assistés par un avocat, une indemnité à titre de dépens (art. 159 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est irrecevable.
2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
3.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à titre de dépens aux époux
B.________,
solidairement entre eux, est mise à la charge de la République et
canton de
Neuchâtel.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire des intimés,
à la
commune de Fenin-Vilars-Saules, au Conseil d'Etat et au Tribunal
administratif de la République et canton de Neuchâtel, ainsi qu'à
l'Office
fédéral du développement territorial et à l'Office fédéral de
l'environnement, des forêts et du paysage.
Lausanne, le 3 avril 2003
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: