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02/04/2003 | SUISSE | N°C.166/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 avril 2003, C.166/02


{T 7}
C 166/02

Arrêt du 2 avril 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Vallat

Secrétariat d'Etat à l'économie, Division du marché du travail et, de
l'assurance-chômage, Bundesgasse 8, 3003 Berne, recourant,

contre

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura,
rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont, intimé,

concernant A.________

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
as

surances,
Porrentruy

(Jugement du 7 juin 2002)

Faits :

A.
Après avoir quitté son poste de directeur de B.__...

{T 7}
C 166/02

Arrêt du 2 avril 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Vallat

Secrétariat d'Etat à l'économie, Division du marché du travail et, de
l'assurance-chômage, Bundesgasse 8, 3003 Berne, recourant,

contre

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura,
rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont, intimé,

concernant A.________

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 7 juin 2002)

Faits :

A.
Après avoir quitté son poste de directeur de B.________ SA à
C.________,
A.________, né en 1953, a été engagé dès le 1er janvier 2001 par
D.________
SA, à C.________, en tant que responsable assurance de qualité. Il a
exercé
cette activité à 80 %, la complétant, à concurrence de 20 % par
l'exécution
de mandats (E.________ SA et F.________). Le 31 janvier 2001, il a
fait
inscrire au registre du commerce la raison individuelle G.________
management.

A l'échéance de ce contrat de travail de durée déterminée, au 30 juin
2001,
l'assuré a demandé à bénéficier de l'indemnité de chômage.

Le 4 septembre 2001, la Caisse de chômage de la communauté sociale
interprofessionnelle (ci-après: la caisse) a soumis le cas de
A.________ au
Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura
(ci-après: le
SAMT), pour examen de son aptitude au placement. La caisse exposait
que
l'assuré, indépendant à 20 % et qui avait encore des engagements,
s'était
annoncé sur la base d'une disponibilité au placement de 80 %, mais
cherchait
en priorité un travail fixe à plein temps.

A la même époque, la société H.________ Management Sàrl a été
constituée -
depuis le 27 août 2001, A.________ est inscrit au registre du
commerce en
qualité de gérant avec signature individuelle - et la raison
individuelle
G.________ management a été transformée en I.________ (le 17
septembre 2001).
Par l'intermédiaire de cette dernière raison de commerce, l'assuré a
conclu
le 4 octobre 2001 un «contrat de service» avec la société J.________
SA. Il
s'agissait d'adapter cette entreprise aux normes ISO 9001: 2000 et
ISO 14001:
1996 dans un délai de 9 mois à raison de 72 journées au maximum.

Par décision du 5 octobre 2001, le SAMT a reconnu l'aptitude au
placement de
A.________ dans le cadre d'une perte de travail de 80 % du 1er
juillet au 30
septembre 2001 et de 50 % depuis lors.

B.
Par jugement du 7 juin 2002, le Tribunal cantonal de la République et
canton
du Jura a rejeté le recours formé contre cette décision par le
Secrétariat
d'Etat à l'économie (seco).

C.
Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce
jugement,
concluant à son annulation et à ce que l'assuré soit déclaré inapte au
placement. Le SAMT conclut au rejet du recours, cependant que
A.________ a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Il s'agit d'examiner l'aptitude au placement de l'assuré dès le 1er
juillet
2001, compte tenu des charges qu'il assume à titre indépendant.

2.
2.1L'assuré n'a droit à l'indemnité de chômage que s'il est apte au
placement
(art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à être placé le chômeur
qui est
disposé à accepter un travail convenable et est en mesure et en droit
de le
faire (art. 15 al. 1 LACI). L'aptitude au placement comprend ainsi
deux
éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté
de
fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative
salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes
inhérentes à sa
personne, et d'autre part la disposition à accepter un travail
convenable au
sens de l'art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de
prendre
un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité
suffisante
quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au
nombre des
employeurs potentiels (ATF 125 V 58 consid. 6a, 123 V 216 consid. 3
et la
référence). Est notamment réputé inapte au placement l'assuré qui n'a
pas
l'intention ou qui n'est pas à même d'exercer une activité salariée,
parce
qu'il a entrepris - ou envisage d'entreprendre - une activité
lucrative
indépendante, cela pour autant qu'il ne puisse plus être placé comme
salarié
ou qu'il ne désire pas ou ne puisse pas offrir à un employeur toute la
disponibilité normalement exigible. L'aptitude au placement doit par
ailleurs
être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l'existence
d'autres obligations ou de circonstances personnelles particulières,
un
assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures
déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être en
effet
considéré comme inapte au placement lorsqu'une trop grande limitation
dans le
choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de
trouver un
emploi (ATF 112 V 327 consid. 1a et les références; DTA 1998 no 32 p.
176
consid. 2).

2.2 L'aptitude au placement n'est pas sujette à fractionnement en ce
sens
qu'il existerait des situations intermédiaires entre l'aptitude et
l'inaptitude au placement (aptitude partielle). Mais c'est sous
l'angle de la
perte de travail à prendre en considération (art. 11 al. 1 LACI)
qu'il faut,
le cas échéant, tenir compte du fait qu'un assuré au chômage ne peut
ou ne
veut pas travailler à plein temps (ATF 126 V 126 consid. 2 et les
références). Par ailleurs, selon la jurisprudence, l'assuré qui
entend,
quelles que soient les circonstances, poursuivre une activité (même
indépendante et exercée à temps partiel) qu'il a prise durant une
période de
contrôle ne peut être indemnisé en gain intermédiaire (art. 24 LACI)
s'il n'a
pas la volonté de retrouver son statut antérieur de salarié. Ce mode
d'indemnisation suppose en effet donnée l'exigence d'aptitude au
placement de
l'intéressé; cette exigence est cependant tempérée dans cette
hypothèse en ce
sens que l'assuré doit être disposé à abandonner aussi rapidement que
possible son activité actuelle au profit d'un emploi réputé
convenable qui
s'offrirait à lui ou qui lui serait assigné par l'administration
(arrêt non
publié R. du 15 mai 1997 [C 67/96]).

3.
3.1En substance, les premiers juges ont considéré qu'il convenait
d'examiner
l'aptitude au placement de l'assuré de manière distincte selon les
périodes
en cause. Pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2001,
l'aptitude au
placement de l'assuré, qui avait démontré sa volonté de retrouver une
activité salariée, dont le mandat pour l'entreprise F.________
touchait à sa
fin et qui n'avait accepté celui de l'entreprise E.________ SA que
dans le
but de diminuer son dommage, était entière. Pour la période
postérieure,
l'assuré était apte au placement, dans le cadre d'une perte de
travail à
prendre en considération de 50 % (le 50 % restant étant notamment
occupé par
le contrat de service conclu avec J.________ SA [40 %]).

Pour sa part, le seco reproche aux premiers juges de n'avoir pas
considéré la
situation dans son ensemble. L'assuré désirant en réalité compléter
son
activité indépendante à temps partiel par une activité salariée, il
devait
être considéré comme un assuré au chômage partiel au sens de l'art.
10 al. 2
let. b LACI, dont la disponibilité pour le marché du travail devait
être
déterminée en fonction de la totalité des temps partiels en cause.
L'activité
indépendante de l'assuré aurait dû être considérée comme un gain
intermédiaire afin de «prévenir un éventuel enrichissement illégitime
du fait
que les revenus de l'activité indépendante échappaient au contrôle de
l'assurance-chômage (les revenus de l'activité indépendante, ajoutés
au
montant des indemnités de chômage versées, pouvant en effet dépasser
le
montant des indemnités de chômage que l'assuré aurait obtenu
normalement s'il
avait eu une disponibilité complète pour le marché du travail)».
Enfin, sa
disponibilité pour un employeur éventuel serait douteuse, l'activité
indépendante ne pouvant être exercée en-dehors des heures normales de
travail.

3.2 Au terme du contrat de durée déterminée qui le liait à la société
anonyme
D.________, l'assuré avait la charge de deux mandats (E.________ SA et
F.________), qui l'occupaient globalement à concurrence de 20 % au
maximum.
L'importance toute relative de chacun de ces mandats - ni l'un ni
l'autre
n'excédait 10 à 15 % - et les circonstances dans lesquelles l'assuré
les a
acceptés - il s'agissait de compenser, à concurrence de 20 % la perte
de
travail qu'il avait subie, après avoir quitté son emploi auprès de
B.________
SA, en acceptant de travailler pour D.________ à 80 % -, permettent
encore de
considérer que l'assuré avait la possibilité et la volonté de se
mettre au
service d'un employeur potentiel et qu'il était, partant, apte au
placement,
à tout le moins dans la mesure relativisée exigée par la
jurisprudence dans
une telle hypothèse (supra consid. 2.2). Contrairement à ce que
soutient le
recourant, les circonstances survenues postérieurement, en
particulier depuis
la fin septembre 2001, et qui n'étaient alors pas connues, ne
permettent pas
de remettre en cause, de manière rétrospective, la volonté exprimée
par
l'assuré dans les offres d'emploi datant de cette période, de
retrouver une
activité salariée à plein temps. Pour le surplus, le recourant ne
peut rien
déduire en sa faveur de la jurisprudence à laquelle il se réfère (DTA
2002 no
6 p. 55). La cour de céans a eu, sur ce point, l'occasion de préciser
que
cette jurisprudence ne saurait être interprétée de manière générale et
absolue en ce sens qu'une personne partiellement au chômage ne serait
pas
apte au placement seulement parce qu'elle n'est pas prête à
abandonner une
activité exercée à temps partiel au bénéfice d'une autre activité,
hypothétique, plus étendue (arrêt H. du 14 octobre 2002 [C 190/02]).

3.3 Tout autre est, en revanche, la situation durant la période
suivante. Les
démarches entreprises dès le mois de septembre 2001 pour maintenir
une raison
individuelle (I.________ constituée le 17 septembre 2001) malgré
l'abandon de
G.________ - la presque homonyme H.________ Management Sàrl ayant été
constituée le 27 août 2001 -, ainsi que les investissements consentis
par
l'assuré, même s'ils sont, selon ses dires, demeurés inférieurs à
10'000 fr.
(procès-verbal d'entretien du 26 septembre 2001) ne permettent plus,
en
relation avec la conclusion du contrat de services avec J.________ SA
et le
maintien du mandat de F.________ (soit, au total une occupation de
l'ordre de
50 %), d'admettre que l'assuré avait toujours la volonté de retrouver
son
statut antérieur de travailleur dépendant. Aussi, cette activité
indépendante
prise durant une période de contrôle ne saurait-elle ouvrir le droit
à une
indemnisation basée sur la prise en compte de gains intermédiaires
(supra
consid. 2.2).

Il convient, en outre, de constater qu'aux termes du contrat de
services qui
liait l'assuré à J.________ SA, la planification détaillée des
activités
était tributaire des priorités internes de l'entreprise; le
calendrier devait
être adapté régulièrement selon l'évolution du projet. Que
l'accomplissement
de ce mandat exigeât une grande souplesse de la part de l'assuré est
également confirmé par le planing de ses activités pour le mois
d'octobre
2001: ses interventions, dont le total représente 60 heures environ
(37,5 %
d'un plein temps), ont été réparties sur 12 jours dans le mois, tous
jours de
la semaine confondus à l'exception des samedis et des dimanches, à
raison
d'une durée quotidienne de 2 à 10 heures. Force est de constater
qu'une telle
organisation du travail, typique des activités d'un consultant
indépendant,
si elle peut, le cas échéant, s'accommoder de l'exécution d'autres
mandats,
n'est guère compatible avec l'exercice simultané d'une activité
salariée. Par
ailleurs, en l'absence de toute clause expresse de substitution dans
le
contrat de service (cf. art. 398 al. 3 CO) et compte tenu des
obligations qui
lui incombaient dans la direction, la gestion et la mise en oeuvre du
projet,
il est pour le moins douteux que l'assuré eût pu, comme il l'affirme,
transférer à un autre ingénieur l'exécution de ce mandat. On ne voit
dès lors
pas comment il aurait pu, concrètement, ménager dans son emploi du
temps des
disponibilités suffisantes pour se mettre au service d'un employeur,
et cela
quelle que soit la perte de travail prise en considération. Il
s'ensuit que,
contrairement à la solution retenue par les premiers juges et le
SAMT, il
n'est pas possible, en l'espèce, de reconnaître l'aptitude au
placement de
l'assuré, fût-ce dans le cadre d'une perte de travail à prendre en
considération de 50 % seulement.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal cantonal
de la
République et canton du Jura, du 7 juin 2002, ainsi que la décision du
Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura, du 5
octobre
2001 sont annulés. L'assuré est déclaré inapte au placement dès le 1er
octobre 2001.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à A.________, à la
Caisse
d'assurance-chômage de la Communauté Sociale Interprofessionnelle,
Porrentruy, au Tribunal cantonal
de la République et canton du Jura,
Chambre
des assurances, et à l'Office régional de placement.

Lucerne, le 2 avril 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.166/02
Date de la décision : 02/04/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-02;c.166.02 ?
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