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02/04/2003 | SUISSE | N°2A.594/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 avril 2003, 2A.594/2002


{T 0/2}
2A.594/2002 /svc

Arrêt du 2 avril 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Revey.

Office fédéral des étrangers
(actuellement Office fédéral de l'immigration,
de l'intégration et de l'émigration), 3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
et ses enfants B.________, C.________ et D.________,
intimés,
tous quatre représentés par Me Jean-Pierre Wavre, avocat, rte de
Florissant
64,

1206 Genève,
Office cantonal de la population du canton de Genève, case postale
51, 1211
Genève 8,
Commission cantonale...

{T 0/2}
2A.594/2002 /svc

Arrêt du 2 avril 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Revey.

Office fédéral des étrangers
(actuellement Office fédéral de l'immigration,
de l'intégration et de l'émigration), 3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
et ses enfants B.________, C.________ et D.________,
intimés,
tous quatre représentés par Me Jean-Pierre Wavre, avocat, rte de
Florissant
64, 1206 Genève,
Office cantonal de la population du canton de Genève, case postale
51, 1211
Genève 8,
Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de
Genève,
boulevard Helvétique 27, 1207 Genève.

refus de regroupement familial,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission
cantonale
de recours de police des étrangers du canton de Genève du 29 octobre
2002.

Faits:

A.
A. ________, ressortissant macédonien né en 1963, vit à P.________
depuis
1992. Le 4 février 1992, il a divorcé de sa première épouse, une
compatriote
nommée R.________, puis s'est remarié le 22 juin suivant avec une
ressortissante suisse, ce qui lui a permis d'obtenir une autorisation
de
séjour. Il a toutefois divorcé en 1996.

L'intéressé est le père de trois enfants issus de son premier
mariage, à
savoir B.________ né en 1988, C.________ né en 1989 et D.________ né
en 1995,
soit après le divorce prononcé en 1992.

Le 19 août 1997, A.________ a épousé en troisièmes noces S.________,
une
compatriote actuellement titulaire d'une autorisation
d'établissement, dont
il avait eu un enfant prénommé U.________, né en 1994.

B.
Le 30 avril 2001, l'intéressé a déposé devant l'Office cantonal
genevois de
la population une demande de regroupement familial en faveur de ses
trois
fils B.________, C.________ et D.________. Il exposait avoir obtenu
la garde
et l'autorité parentale sur ces enfants, par décisions des 29 juin et
12
juillet 2000 prononcées par les autorités de Macédoine, et vouloir les
préserver de la situation instable et dangereuse régnant dans leur
pays
d'origine.

Le 3 août 2001, A.________ a précisé à l'Office cantonal avoir requis
le
transfert précité de la garde et de l'autorité parentale au motif que
sa
première épouse, qui s'était remariée, ne pouvait plus s'occuper des
enfants,
notamment en raison des conditions économiques difficiles dans
lesquelles
elle vivait.

Par décision du 28 septembre 2001, l'Office cantonal a rejeté la
demande de
regroupement familial, retenant en particulier que la relation que les
enfants entretenaient avec leur père n'était pas prépondérante
vis-à-vis de
celle tissée avec leur mère.

Le 1er novembre 2001, A.________ a déféré ce prononcé devant la
Commission
cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève,
alléguant
que ses parents élevaient leurs petits-fils depuis le transfert de la
garde
et de l'autorité parentale en été 2000, la mère ne s'occupant plus de
ses
enfants, mais qu'ils n'étaient plus en mesure d'assumer correctement
cette
tâche. A l'appui, A.________ a déposé une déclaration notariée de ses
parents
allant dans ce sens, ainsi que diverses attestations du médecin
traitant et
des maîtres des enfants.

Entendu le 29 octobre 2002 par la Commission cantonale de recours,
l'intéressé a déclaré avoir gardé des contacts étroits avec ses
enfants,
notamment par le biais de visites, et leur verser 500 à 600 fr. par
mois. Le
grand-père étant entre-temps décédé, les enfants demeuraient seuls
avec la
grand-mère, âgée de soixante-deux ans, et fréquentaient l'école. Leur
mère
n'avait plus de relations avec eux depuis deux ans et ne participait
pas à
leur entretien. Par décision du même jour, la Commission cantonale de
recours
a admis le recours, considérant en particulier que A.________ avait
maintenu
des liens étroits et prépondérants avec ses fils pendant la
séparation.

C.
Agissant le 5 décembre 2002 par la voie du recours de droit
administratif,
l'Office fédéral des étrangers (actuellement l'Office fédéral de
l'immigration, de l'intégration et de l'émigration) demande au
Tribunal
fédéral d'annuler la décision du 29 octobre 2002 de la Commission
cantonale
de recours et de confirmer le prononcé du 28 septembre 2001 de
l'Office
cantonal refusant la délivrance des autorisations de séjour
sollicitées en
faveur de B.________, C.________ et D.________. Dénonçant une mauvaise
application de l'art. 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits
de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS
0.101),
il fait valoir que A.________ n'a pas noué de réelle relation
prépondérante
avec ses trois fils, qu'il n'existe pas de changement de circonstances
rendant nécessaire le regroupement familial et que la demande repose
principalement sur des motifs économiques, matériels et de sécurité.

D.
La Commission cantonale de recours renonce à formuler des
observations.
L'Office cantonal renvoie à ses déterminations adressées le 10
septembre 2002
à l'autorité intimée et propose implicitement l'admission du recours.
A.________ conclut à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a; 128 II 56 consid. 1, 66
consid.
1 et la jurisprudence citée).

1.1 Selon l'art. 103 lettre b OJ, a qualité pour former un recours de
droit
administratif le département compétent ou, lorsque le droit fédéral le
prévoit, la division compétente de l'administration fédérale. En
vertu de
l'art. 14 al. 2 de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur
l'organisation du
Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1),
entrée en
vigueur le 1er janvier 2000, l'Office fédéral de l'immigration, de
l'intégration et de l'émigration est habilité à former des recours de
droit
administratif, dans les domaines du droit des étrangers et de la
nationalité,
contre des décisions cantonales de dernière instance.

Fondée sur le droit public fédéral (art. 97 al. 1 OJ en relation avec
l'art.
5 PA), la décision attaquée a été rendue par une autorité judiciaire
statuant
en dernière instance cantonale (art. 98 lettre g et 98a al. 1 OJ).
Elle peut
donc faire l'objet d'un recours de droit administratif de la part de
l'Office
fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration.

Le droit de recours de l'autorité fédérale vise à assurer l'exécution
correcte du droit public fédéral. Ainsi, l'autorité fédérale
recourante n'est
en principe pas tenue de démontrer un intérêt public particulier à
l'annulation de la décision attaquée. Il suffit que les questions
soumises
soient concrètes et non pas simplement théoriques (ATF 129 II 11
consid. 1.1;
127 II 32 consid. 1b; 125 II 633 consid. 1a et les références citées).

1.2 Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes
requises, le
présent recours est recevable (cf. art. 106 ss OJ).

2.
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit
administratif peut
être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus du
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office
l'application du
droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitutionnels (ATF
128 II
56 consid. 2b; 126 V 252 consid. 1a; 125 II 508 consid. 3a). Comme il
n'est
pas lié par les motifs que les parties invoquent, il peut admettre le
recours
pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au
contraire,
confirmer la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus
par
l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 128 II 145 consid.
1.2.2;
127 II 264 consid. 1b et les arrêts cités).

En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'occurrence,
contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits
constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ). Aussi la possibilité
d'alléguer des faits nouveaux ou de faire valoir de nouveaux moyens
de preuve
est-elle très restreinte (ATF 128 II 145 consid. 1.2.1; 125 II 217
consid.
3a). Selon la jurisprudence, seules sont admissibles dans ce cas les
preuves
que l'instance inférieure aurait dû retenir d'office, et dont le
défaut
d'administration constitue une violation de règles essentielles de
procédure
(ATF 124 II 409 consid. 3a; 121 II 97 consid. 1c et les références
citées).
De même, les modifications ultérieures de l'état de fait ne peuvent
normalement pas être prises en considération, car on ne saurait
reprocher à
une autorité d'avoir mal constaté les faits, au sens de l'art. 105
al. 2 OJ,
lorsque ceux-ci ont changé après sa décision (ATF 121 II 97 consid.
1c; 107
Ib 167 consid. 1b et les références citées).
En l'espèce, les pièces produites par l'intimé pour la première fois
devant
le Tribunal fédéral (nos 21 à 23 de son chargé complémentaire) ne
respectent
pas ces conditions, si bien qu'elles sont irrecevables.

3.
3.1Aux termes de l'art. 17 al. 2 3ème phrase de la loi fédérale du 26
mars
1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS
142.20), les
enfants célibataires de moins de dix-huit ans ont le droit d'être
inclus dans
l'autorisation d'établissement de leurs parents aussi longtemps
qu'ils vivent
auprès d'eux. En l'espèce, l'intimé ne possède pas une telle
autorisation, de
sorte qu'il ne bénéficie pas de cette disposition.

3.2 D'après la jurisprudence, l'art. 8 CEDH, qui garantit le respect
de la
vie privée et familiale, confère un droit à une autorisation de
séjour à
l'enfant mineur étranger d'un ressortissant suisse, ou d'un étranger
titulaire d'une autorisation d'établissement, lorsque les liens noués
entre
eux sont étroits et effectifs (ATF 124 II 361 consid. 1b; 122 II 1
consid.
1e, 289 consid. 1c, 385 consid. 1c). Ainsi, l'étranger qui ne possède
qu'une
autorisation de séjour ne peut pas invoquer l'art. 8 CEDH, à moins
qu'il ne
puisse prétendre à un droit de présence en Suisse, c'est-à-dire à un
droit
certain à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 126 II 377
consid.
2b; 122 II 385 consid. 1c; 119 Ib 91 consid. 1c). En l'espèce,
l'intimé a
droit à une autorisation de séjour en sa qualité de conjoint d'une
étrangère
titulaire d'une autorisation d'établissement (art. 17 al. 2 1ère
phrase
LSEE), si bien qu'il peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH.

3.3
3.3.1Le but de ce que l'on appelle le regroupement familial est de
permettre
aux enfants et aux parents de vivre les uns avec les autres. La
jurisprudence
considère ainsi que l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE est d'abord
conçu pour
les familles où les parents font ménage commun, de sorte que cette
disposition doit être appliquée de manière plus restrictive lorsque
les
parents sont séparés ou divorcés (ATF 129 II 11 consid. 3.1; 126 II
329
consid. 2a et les références citées).

Les restrictions dont fait l'objet l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE
lorsqu'il
concerne des parents séparés ou divorcés, s'appliquent également par
analogie
à l'art. 8 CEDH. En effet, si cette disposition peut faire obstacle,
dans
certaines circonstances, à une mesure d'éloignement qui empêche ou
rend très
difficile le maintien de la vie familiale, elle n'octroie en revanche
pas de
droit absolu à l'entrée ou au séjour en Suisse de membres de la
famille (ATF
125 II 633 consid. 3a; 124 II 361 consid. 3a).

3.3.2 Lorsque les parents sont séparés ou divorcés, celui d'entre eux
qui a
librement décidé de venir en Suisse ne peut se prévaloir du droit d'y
faire
venir son enfant lorsqu'il entretient avec celui-ci des contacts moins
étroits que l'autre parent resté à l'étranger, ou que les membres de
la
famille qui en prennent soin, et qu'il peut maintenir les relations
existantes. Dans un tel cas, où le regroupement familial ne peut être
que
partiel, il n'existe en effet pas un droit inconditionnel de l'enfant
vivant
à l'étranger de rejoindre le parent établi en Suisse, à moins qu'il
n'entretienne avec celui-ci une relation familiale prépondérante et
que la
nécessité de sa venue soit établie. Pour en juger, il ne faut pas
tenir
compte seulement des circonstances passées; les changements déjà
intervenus,
voire les conditions futures, peuvent également être déterminants. En
ce
sens, on ne peut se fonder dans tous les cas uniquement sur le fait
que
l'enfant a vécu jusque-là dans un pays étranger où il a noué ses
attaches
principales, sans quoi le regroupement familial ne serait
pratiquement jamais
possible. Il faut examiner chez lequel de ses parents l'enfant a vécu
jusqu'alors ou, en cas de divorce, auquel de ceux-ci le droit de
garde a été
attribué; si l'intérêt de l'enfant s'est modifié entre-temps,
l'adaptation à
la nouvelle situation familiale devrait en principe être d'abord
réglée par
les voies du droit civil. Toutefois, sont réservés les cas où les
nouvelles
relations familiales sont clairement définies - par exemple lors du
décès du
parent titulaire du droit de garde ou lors d'un changement marquant
des
besoins d'entretien - et ceux où l'intensité de la relation est
transférée
sur l'autre parent (ATF 124 II 361 consid. 3a et les références

citées: ATF
122 II 385 consid. 4b; 119 Ib 81 consid. 4a et b; 118 Ib 153 consid.
2c et
d).

Le fait qu'un enfant vienne en Suisse peu avant sa majorité, alors
qu'il a
longtemps vécu séparément de celui de ses parents établi en Suisse,
constitue
généralement un indice d'abus du droit au regroupement familial. Il
faut
cependant tenir compte de toutes les circonstances particulières du
cas qui
sont de nature à justifier un regroupement familial tardif, comme par
exemple
une modification importante de la situation familiale et des besoins
de
l'enfant, telle qu'elle peut notamment se produire après le décès du
parent
vivant à l'étranger (cf. ATF 126 II 329 consid. 2b; 125 II 585
consid. 2a;
119 Ib 81 consid. 3a; 118 Ib 153 consid. 2b). Le cas échéant, il y a
lieu
d'examiner s'il existe dans le pays d'origine des alternatives, en ce
qui
concerne la prise en charge de l'enfant, qui correspondent mieux à ses
besoins spécifiques; on songera notamment aux enfants proches ou
entrés dans
l'adolescence qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine, et pour
lesquels une émigration vers la Suisse pourrait être ressentie comme
un
déracinement difficile à surmonter et devrait donc, autant que
possible, être
évitée; toutefois, la jurisprudence rendue à propos des art. 17 al. 2
LSEE et
8 CEDH ne doit pas conduire à n'accepter le regroupement familial que
dans
les cas où aucune alternative ne s'offre pour la prise en charge de
l'enfant
dans son pays d'origine (cf. ATF 126 II 329 consid. 3a; 125 II 633
consid.
3a).

4.
4.1En l'espèce, l'intimé a quitté volontairement la Macédoine pour la
Suisse
en 1992 alors que ses deux aînés étaient en bas âge et le cadet pas
encore
né. Les trois enfants ont ainsi toujours vécu dans leur pays
d'origine, où
ils ont été élevés par leur mère et leurs grands-parents paternels.
Certes,
la Commission cantonale de recours a considéré en fait que
l'intéressé avait
conservé pendant les dix années de séparation des relations étroites
avec ses
fils, par le biais de visites en Macédoine, téléphones, lettres et
envois
réguliers de contributions d'entretien. Toutefois, le maintien de ces
contacts n'a rien que de très naturel et ne saurait, à lui seul,
suffire à
imprimer à cette relation familiale le caractère prépondérant exigé
par la
jurisprudence. Pour qu'il en fût ainsi, il aurait fallu que l'intimé
ait,
pendant toute la période de son absence, assumé la responsabilité
principale
de l'éducation de ses enfants en intervenant, à distance, de manière
décisive
pour régler l'existence de ceux-ci dans les grandes lignes, au point
de
reléguer leur mère et leurs grands-parents au rôle de simples
exécutants. Au
demeurant, il ressort du dossier que l'intimé n'a reçu ses enfants en
Suisse
qu'à une seule reprise, de juin à octobre 1997, montrant par là qu'il
ne
ressentait pas grand besoin de leur faire découvrir son cadre de vie.
Par
conséquent, les liens noués entre l'intimé et ses fils, que tous
quatre
pourront du reste maintenir à l'avenir, ne l'emportent pas sur les
relations
que les enfants ont tissées avec leur mère, leur grand-mère (leur
grand-père
étant entre-temps décédé) et leur pays d'origine.

4.2 Il reste à examiner si des changements de circonstances rendent
nécessaire le regroupement familial.

4.2.1 La Commission cantonale de recours a considéré en fait que
l'autorité
parentale et la garde sur les enfants avaient été transférées à
l'intimé les
29 juin et 12 juillet 2000, que la mère négligeait ses enfants et
qu'elle
n'avait plus de contacts avec eux depuis deux ans. L'autorité
attaquée s'est
fondée à ce propos sur les affirmations de l'intimé exprimées d'abord
dans
son recours du 1er novembre 2001, puis à l'audience du 29 octobre
2002.

4.2.2 En premier lieu, le recourant soutient à juste titre qu'il
n'est pas
établi que la mère délaisse ses enfants et n'entretient plus de
relations
avec eux depuis deux ans.

Selon le jugement macédonien du 29 juin 2000, se trouvant au dossier,
la
garde et l'autorité parentale sur les deux aînés ont été transférées
au père
sur sa demande et avec le consentement de la mère, aux motifs que le
premier
pouvait offrir de meilleures conditions de vie, alors que la seconde,
qui
s'était remariée, n'avait pas les moyens d'entretenir ses enfants
mineurs.
Quant à la décision de transfert de la garde et de l'autorité
parentale sur
le cadet, prise le 12 juillet 2000 par le Centre des affaires
sociales de
Kumanovo et figurant au dossier, elle se fonde également sur des
raisons
économiques.

Toutefois, le transfert de la garde et de l'autorité parentale sur les
enfants à celui des parents établi en Suisse ne constitue pas à lui
seul un
changement de circonstances imposant la venue des enfants en Suisse;
encore
faut-il examiner les motifs légitimant cette décision. Ainsi, un
transfert
fondé sur des raisons simplement économiques ou matérielles n'est en
principe
guère significatif sous l'angle des art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE ou
8 CEDH,
dès lors que ces dispositions ont pour but de permettre le
regroupement
familial, et non pas d'assurer aux enfants un avenir plus favorable en
Suisse.

En l'espèce, il ressort des prononcés de transfert précités que
celui-ci
repose sur des motifs économiques, de sorte qu'il ne peut guère être
pris en
considération. Au demeurant, le fait que la mère ait accepté de
laisser les
enfants à leur père afin qu'ils bénéficient de meilleures conditions
économiques ne signifie nullement, pas plus que son remariage, qu'elle
néglige ses enfants ou qu'elle ne s'en soucie plus, même si l'on peut
concevoir qu'elle se soit moins investie dans leur éducation depuis
qu'elle
n'en a légalement plus la garde. Du reste, dans sa lettre du 3 août
2001
adressée à l'Office cantonal et présente au dossier, l'intimé
indiquait que
les enfants vivaient avec leur mère, ce qui contredit ses déclarations
précitées des 1er novembre 2001 et 29 octobre 2002, d'après
lesquelles la
mère ne s'occuperait plus des enfants depuis le transfert en été
2000. Dans
ces circonstances, la déclaration notariée des grands-parents du 12
octobre
2001, se trouvant au dossier et certifiant qu'ils ne peuvent plus
assumer
correctement l'éducation de leurs petits-fils vivant avec eux,
n'apparaît
guère probante.

4.2.3 A supposer même que le désintérêt de la mère soit avéré, il
n'est pas
établi, d'une part, que les enfants seraient désormais livrés à
eux-mêmes,
faute pour l'intimé d'avoir prouvé par des pièces pouvant être prises
en
considération que ni leur grand-mère paternelle, ni d'éventuels
membres de la
parenté maternelle (oncle, tante, grands-parents) ne pourraient s'en
occuper.
D'autre part, l'intéressé n'a pas davantage démontré qu'une
émigration vers
la Suisse répondrait au mieux aux besoins spécifiques des enfants.
Agés
respectivement de quatorze ans et demi, treize ans et demi et sept
ans et
demi lors de la décision attaquée, les enfants ont toujours vécu en
Macédoine, où ils sont scolarisés. Or, la venue en Suisse d'enfants
en âge
scolaire, dans un environnement culturel, linguistique et scolaire
complètement différent du leur, constituerait un déracinement social
et
familial qui les exposerait certainement, spécialement pour les deux
adolescents, à des difficultés d'intégration. De plus, les
attestations du 9
octobre 2001 de leur médecin traitant, figurant au dossier, indiquent
que
tous trois sont agités et anxieux, le cadet consultant un psychiatre.
Il est
dès lors vraisemblable que ces troubles aggraveraient encore leurs
problèmes
d'adaptation, au détriment même de leur équilibre. A ce propos, les
déclarations écrites du 10 octobre 2001 des maîtres des aînés,
également
versées au dossier, selon lesquelles le fait que ceux-ci suivent mal
l'enseignement, arrivent en retard à l'école et manquent d'hygiène
personnelle, "provient d'un manque d'affection et qu'on doit faire le
regroupement familial pour que l'enfant puisse aller rejoindre son
père qui
travaille en Suisse", ne sont guère convaincantes et paraissent
essentiellement dictées par les besoins de la cause.

4.3 Force est de retenir ainsi que la venue des enfants en Suisse
répond
avant tout à des motifs de convenances personnelles et économiques
qui, bien
qu'honorables, ne sauraient être pris en compte dans l'application de
l'art.
8 CEDH. Enfin, encore peut-on souligner que cette disposition ne tend
pas
davantage à protéger l'étranger contre les conséquences de la guerre
ou
contre des abus des autorités étatiques, les considérations de cet
ordre
relevant de la procédure d'asile.

Dans ces conditions, l'arrêt attaqué heurte le droit fédéral en
accordant aux
enfants de l'intimé une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8
CEDH.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis, la décision entreprise
annulée
et la demande de regroupement familial présentée en faveur des trois
enfants
de l'intimé rejetée. Succombant, l'intimé doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ en relation avec les art. 153 et 153a
OJ). Il
n'y a pas lieu d'allouer de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, la décision de la Commission cantonale de
recours de
police des étrangers du canton de Genève du 29 octobre 2002 est
annulée et la
demande de regroupement familial présentée en faveur de B.________,
C.________ et D.________ est rejetée.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de
A.________.

3.
La cause est renvoyée à la Commission cantonale de recours de police
des
étrangers du canton de Genève pour nouvelle décision sur les frais de
la
procédure cantonale.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à l'Office fédéral de
l'immigration,
de l'intégration et de l'émigration, au mandataire des intimés, ainsi
qu'à
l'Office cantonal de la population et à la Commission cantonale de
recours de
police des étrangers du canton de Genève.

Lausanne, le 2 avril 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.594/2002
Date de la décision : 02/04/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-02;2a.594.2002 ?
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