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01/04/2003 | SUISSE | N°4C.378/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 avril 2003, 4C.378/2002


{T 0/2}
4C.378/2002 /ech

Arrêt du 1er avril 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme de Montmollin.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me François Mudry, avocat, rue
de
l'Athénée 22, case postale 207, 1211 Genève 12,

contre

B.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Marie-Flore Dessimoz, avocate,
chemin
du Grand-Puits 42, 1217 Meyrin.

résiliation d'un contrat de société simple; montant dû au titre d

e
liquidation

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 11...

{T 0/2}
4C.378/2002 /ech

Arrêt du 1er avril 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme de Montmollin.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me François Mudry, avocat, rue
de
l'Athénée 22, case postale 207, 1211 Genève 12,

contre

B.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Marie-Flore Dessimoz, avocate,
chemin
du Grand-Puits 42, 1217 Meyrin.

résiliation d'un contrat de société simple; montant dû au titre de
liquidation

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 11 octobre 2002.

Faits:

A.
A. ________, paysagiste, était propriétaire depuis 1971 de la
parcelle n° 141
de la commune X.________, d'une superficie de 2 786 m2, située pour
l'essentiel en zone agricole.

Désireux de mettre en valeur son bien-fonds, A.________ s'est
approché de
l'architecte B.________, qu'il a rencontré en janvier 1991. Dès ce
moment,
B.________ a mené, seul ou parfois accompagné de A.________, toutes
les
démarches administratives et politiques nécessaires au déclassement du
terrain auprès des autorités cantonales et communales.

En 1992, un projet de révision du plan directeur a prévu le
déclassement
total de la parcelle n° 141 en zone 4B, ce qui impliquait des
restrictions
importantes à la constructibilité. Le maire de X.________ avait
toutefois
annoncé son intention d'étendre la zone constructible à l'immeuble de
A.________.

En 1996, les démarches en vue du déclassement paraissaient en bonne
voie
d'aboutir. B.________, qui n'avait pas encore été rémunéré pour
l'activité
qu'il avait déployée, a proposé à A.________ de former une société
simple. A
cet effet, il a préparé un contrat que son interlocuteur a signé le
28 août
1996, un mois après l'avoir reçu.

Le but de la société simple consistait dans l'obtention d'une
modification du
régime de zone applicable à la parcelle n° 141, puis dans la
promotion, la
construction et la vente des immeubles qui pourraient y être érigés
(art. 1).
L'apport de A.________ consistait en la mise à disposition de la
parcelle n°
141 (art. 2), celui de B.________, en l'ensemble du travail qu'il
avait
effectué "jusqu'à et y compris" le déclassement de ladite parcelle en
zone
constructible (art. 3). Les parties confiaient à B.________ le mandat
complet
d'architecte au tarif A de la norme 102 SIA pour la réalisation des
futurs
immeubles sur la parcelle n° 141 (art. 4). Elles étaient d'autre part
convenues d'unir leurs efforts pour obtenir une mise en valeur
optimale du
bien-fonds et, partant, le meilleur prix possible, se réservant de
décider,
selon les circonstances, s'il était préférable de vendre la parcelle
après
l'obtention des autorisations définitives de construire ou après
l'achèvement
des constructions proprement dites, auquel cas A.________, en sa
qualité de
propriétaire inscrit au registre foncier, s'engageait à faire noter
dans les
actes de vente la reprise du mandat d'architecte par le ou les
acquéreurs
(art. 5 et 6). Le contrat indiquait que dans tous les cas le prix de
vente
inclurait le coût des constructions éventuelles ainsi que la
rémunération de
l'architecte pour les prestations qu'il aurait réalisées jusqu'à la
vente
(art. 7). La valeur du terrain nu, c'est-à-dire sans le coût
d'éventuelles
constructions et sans la rémunération de l'architecte, était fixée à
200 fr.
le m2 (soit 557 200 fr. pour l'ensemble de la parcelle). Pour le cas
où le
prix de vente du terrain nu était supérieur à la valeur de 200 fr. le
m2
admise par les parties, la différence entre celle-ci et le prix
obtenu serait
considérée comme bénéfice de la société simple et partagée à parts
égales
entre les deux associés. Pour le cas où le prix de vente du terrain
nu devait
être inférieur à la valeur de 200 fr. le m2 admise par les parties,
A.________ s'engageait à verser à B.________ la somme de 70 000 fr.
au titre
d'indemnité pour l'ensemble du travail qu'il avait effectué en vue
d'obtenir
le déclassement de la parcelle n° 141 en zone constructible (art. 8).
Le
contrat réglait encore expressément l'hypothèse du décès des parties.
Ainsi,
en cas de disparition de A.________, ses héritiers se voyaient
reconnaître le
droit de reprendre ses droits et obligations dans le contrat, soit de
dénoncer celui-ci moyennant le rachat de la part de B.________, part
dont la
valeur était fixée à la somme forfaitaire de 200 000 fr. (art. 9). Si
ce
dernier venait à mourir, la société devait être dissoute; dans ce
cas, ses
héritiers n'avaient que le droit de prétendre à la restitution de son
apport,
fixé à la somme forfaitaire de 70 000 fr. (art. 10).

Quelques temps après, B.________ a demandé à un collègue, C.________,
de
s'associer avec lui et d'établir un projet de construction de villas
sur la
parcelle de A.________. C.________ a élaboré le dossier de plans
nécessaires
au dépôt d'une requête en autorisation de construire.

Le nouveau plan de zones, mis à l'enquête publique dans la feuille
officielle
du 9 mai 1997, n'avait pas suscité d'opposition. Le 28 mai 1998, le
Grand
Conseil du canton de Genève a voté partiellement le nouveau plan de
zones de
la commune X.________. La parcelle n° 141 est passée en zone
constructible.

Durant ce temps, B.________, son associé C.________, de même que
A.________,
seuls ou ensemble, continuaient toujours à s'occuper du projet
immobilier,
cherchant des clients, soumettant de façon informelle le projet au
Département cantonal de l'aménagement,
de l'équipement et du logement, ou encore rencontrant le maire de
X.________.

B.
Par courrier recommandé du 29 septembre 1998, A.________ a mis un
terme
immédiat au contrat de société simple, prétendant que ce dernier
contenait
des "clauses exorbitantes pour ne pas dire léonines". B.________ s'y
est
opposé. Rappelant l'activité importante qu'il avait déployée pour le
déclassement de la parcelle, il a soutenu que l'exécution du contrat
de
société simple devait être poursuivie jusqu'à l'obtention de
l'autorisation
définitive de construire, après quoi les parties décideraient s'il
fallait
vendre avant ou après la réalisation des villas prévues. A.________
n'est pas
revenu sur sa décision. Invoquant le fait que la conjoncture s'était
modifiée
depuis 1996, il a invité B.________ à formuler ses réclamations de
frais et
honoraires, ce que ce dernier a fait en lui adressant une facture le
17
novembre 1998. Par lettre du 3 décembre 1998, l'architecte a réclamé
à son
ancien associé la restitution de son apport, fixé contractuellement à
70 000
fr., ainsi que le paiement de sa facture, d'un montant de 64 818 fr.
(62 818
fr. pour ses activités d'architecte proprement dites et 2000 fr. de
frais de
géomètre). A.________ a contesté la note d'honoraires du 17 novembre
1998 en
niant avoir jamais donné à B.________ le mandat de procéder à une
quelconque
étude.

Par publications dans la FAO des 5 janvier et 28 février 2001,
A.________ a
obtenu l'autorisation définitive de construire sur son terrain quatre
villas
jumelées avec couverts à voitures. Parallèlement à la procédure
d'autorisation de construire, A.________ avait morcelé son bien-fonds
en
différentes parcelles, vendues entre 253 fr. et 458 fr. le m2.

C.
Par acte du 12 février 1999, B.________ a assigné A.________ en
paiement de
70 000 fr. correspondant à la valeur de son apport, de 64 818 fr. 70
équivalant aux prestations effectuées par lui après le déclassement
de la
parcelle, de 19 804 fr. pour résiliation en temps inopportun du
mandat, et de
139 300 fr. à titre de part à la plus value acquise par la parcelle
n° 141 à
la date de la dissolution de la société simple, le tout avec
intérêts. Après
avoir commis un expert, le Tribunal de première instance du canton de
Genève
a condamné le défendeur à verser les sommes de 64 818 fr. 70 et de 70
000 fr.
avec intérêts à 5 % dès le 3 décembre 1998 réclamées par le
demandeur. Ce
dernier s'est vu également reconnaître le droit à la moitié du
bénéfice de
liquidation de la société simple, arrêtée par le tribunal à 122 565
fr. 65
avec intérêts à 5 % dès le 12 février 1999, sa prétention portant sur
le
versement d'une indemnité pour résiliation en temps inopportun étant
en
revanche écartée.

Saisie par les deux parties, la Chambre civile de la Cour de justice
de
Genève a confirmé le jugement de première instance par arrêt du 11
octobre
2002, prononçant au surplus la mainlevée définitive d'une opposition
formée
par A.________ dans la poursuite n° ... .

D.
A.________ recourt en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 11
octobre 2002, dont il demande l'annulation. Sur le fond, ses
conclusions
tendent principalement au rejet de la demande, subsidiairement au
renvoi de
la cause à l'instance cantonale pour nouvelle décision sur la valeur
de la
parcelle litigieuse et la part de liquidation de la société simple.

B. ________ invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours dans la
mesure de
sa recevabilité.

La cour cantonale ne formule pas d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le défendeur dirige plusieurs de ses critiques contre des points de
fait de
la décision attaquée. Il convient de rappeler que, dans la procédure
du
recours en réforme, le Tribunal fédéral est lié par les constatations
des
magistrats cantonaux. Certes, la règle connaît des exceptions,
lorsque des
dispositions fédérales en matière de preuve ont été violées, s'il y a
lieu à
rectification de constatations reposant sur une inadvertance
manifeste (art.
63 al. 2 OJ) ou s'il faut compléter les constatations de fait de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci a considéré à tort des faits
régulièrement
allégués comme sans pertinence (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid.
2c; 126
III 59 consid. 2a). Il appartient toutefois au recourant de faire
valoir
expressément et précisément ces exceptions (art. 55 al. 1 let. c OJ).
En
l'occurrence, le défendeur, confondant le Tribunal fédéral avec une
juridiction d'appel, semble avoir totalement perdu de vue cette
condition, si
bien que les arguments qu'il soulève sur la base de constatations ne
ressortant pas de la décision attaquée ou les critiques qu'il dirige
contre
les constatations de l'expert doivent être écartées d'emblée.

2.
Selon l'arrêt cantonal, les premiers juges ont dénié au défendeur, à
juste
titre, le droit d'invoquer une erreur essentielle car il avait le
contrat à
disposition pendant suffisamment de temps avant de le signer. Le
défendeur ne
peut pas non plus se plaindre de lésion, car il s'est écoulé plus
d'un an
entre la signature du contrat et la déclaration de résiliation (art.
21 CO).
Avec raison, le défendeur ne conteste pas ces deux points devant le
Tribunal
fédéral. ll n'y a pas lieu d'y revenir.

3.
La Cour de justice a retenu que le demandeur avait déployé une
activité
déterminante pour l'obtention du déclassement de la parcelle
litigieuse en
zone constructible, intervenu le 28 mai 1998, soit avant la
déclaration de
résiliation de la société, admettant en outre que ce changement de
zone avait
fait augmenter la valeur du terrain par rapport à celle qui avait été
fixée
dans le contrat du 28 août 1996. Cette hausse de valeur constituait
donc un
gain revenant à la société, et même tout l'actif social, à prendre en
compte
dans la liquidation de la société. Concrètement, les autorités
cantonales ont
estimé que les dates de dissolution et de liquidation de la société
coïncidaient, faute d'affaires à continuer après la déclaration de
résiliation contenue dans le courrier du 29 septembre 1998 du
défendeur. A ce
moment, le terrain pouvait être estimé, selon l'expert judiciaire, à
336 fr.
40 le m2, soit à 937 150 fr. L'actif social se montait donc à 379 950
fr.
(937 150 fr. moins 557 200 fr. représentant la valeur de la parcelle
à 200
fr. le m2). De cette somme, il y avait lieu de déduire les montants
nécessaires au paiement des dettes sociales, au remboursement des
dépenses et
avances de chacun des associés ainsi qu'au remboursement des apports,
le
solde étant réparti par moitié entre les parties. Les autorités
cantonales
ont ainsi admis que la société était redevable des honoraires
facturés par le
demandeur, quand bien même celui-ci s'était substitué un tiers, étant
observé
encore que les montants facturés avaient été jugés pleinement
justifiés par
l'expert. S'agissant des apports, la cour a retenu que le demandeur
avait
droit à reprendre les 70 000 fr. que lui reconnaissait le contrat de
société
simple, le défendeur ayant quant à lui déjà repris possession du sien,
constitué par sa parcelle. En définitive, les instances cantonales
ont donc
estimé que le bénéfice de liquidation au 29 septembre 1998 équivalait
à
l'actif social de 379 950 fr., dont à soustraire les honoraires du
demandeur
par 64 818 fr. 70 et la restitution de l'apport du même, par 70 000
fr., ce
qui donnait un solde de 245 131 fr. 30. Les parties avaient chacune
droit à
la moitié de ce dernier montant, soit à 122 565 fr. 65.

4.
4.1Le premier moyen du recours est fondé sur l'art. 532 CO. Le
défendeur
conteste l'existence d'une plus-value à partager entre les associés.

Exposant que, selon le contrat de société du 28 août 1996, les parties
étaient
convenues que le prix de vente de la parcelle litigieuse
dépassant la
somme de 200 fr. au m2 devait être considérée comme bénéfice de la
société,
le recourant prétend en substance qu'à défaut de vente au jour de
dissolution, la cour cantonale ne pouvait retenir l'existence d'un
bénéfice.
Les juges auraient intégré dans leur analyse de la situation de fait
au 29
septembre 1998 des événements qui se sont produits deux ans plus
tard. Aux
yeux du défendeur, l'obtention du déclassement en zone constructible
ne
confère pas encore de droit acquis à l'octroi d'une autorisation de
construire. A le suivre, la cour cantonale aurait dû s'interroger sur
la
question de savoir ce qui se serait passé pour les associés et la
répartition
d'un prétendu bénéfice s'il n'avait, aujourd'hui encore, pas vendu la
parcelle. Les parties se seraient trouvées dans la situation décrite
à l'art.
8 dernier alinéa du contrat: il n'y aurait pas eu de bénéfice à
partager et
le demandeur n'aurait pu prétendre qu'au paiement de 70 000 fr.

4.2 En l'espèce, le contrat de société ne contient aucune disposition
visant
l'hypothèse d'une dénonciation unilatérale par l'un des associés
selon l'art.
545 al. 1 ch. 6 CO. La société simple devait normalement durer
jusqu'à la
vente de la parcelle, après l'autorisation définitive de construire
ou après
l'achèvement des constructions proprement dites (art. 6 du contrat de
société), la seule autre cause de fin de la société expressément
réglée étant
le décès d'un associé (art. 9 et 10). Le défendeur se réfère en vain
à l'art.
8 pour prétendre que, en l'absence de vente, le demandeur n'aurait
droit qu'à
70 000 fr. au titre d'indemnité pour l'ensemble de son travail: la
clause
invoquée ne concerne que l'hypothèse de la vente du terrain; elle
règle les
relations financières entre les parties en fonction du prix de vente
finalement obtenu pour la parcelle, distinguant selon que le prix du
terrain
nu est supérieur à 200 fr. le m2, auquel cas le montant obtenu doit
être
considéré comme bénéfice de la société et partagé à parts égales
entre les
deux associés, ou inférieur, éventualité dans laquelle le demandeur
ne pourra
obtenir que la somme de 70 000 fr. au titre d'indemnité pour son
travail (cf.
art. 533 al. 3 CO); rien ne permet de retenir que les parties, en
adoptant
cette disposition, voulaient également envisager la possibilité d'une
liquidation de la société sans vente du terrain.

Dans ces circonstances, c'est à bon droit que la cour cantonale,
jugeant que
la réalisation du but social était devenue impossible (art. 545 al. 1
ch. 1
CO) en raison du désaccord des parties, a procédé aux opérations de
liquidation selon les règles des art. 548 ss CO. La méthode retenue
par les
premiers juges est conforme à l'art. 549 CO, à savoir la
détermination de
l'actif social dans un premier temps, puis le paiement des dettes
sociales,
le remboursement des dépenses et avances faites par les associés,
opérations
suivies de la restitution des apports puis de la répartition du
bénéfice ou
du déficit.

Les juges cantonaux ont considéré que l'actif social au jour de la
dissolution correspondait à l'augmentation de la valeur de la
parcelle mise à
disposition par le défendeur pendant la durée de la société simple.
Cette
opinion, qui respecte la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 105
II 204
consid. 2; Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., n° 6849), doit
être suivie
dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une augmentation due à des
facteurs
purement conjoncturels, mais bien du résultat de l'activité déployée
dans le
cadre de la société simple (Staehelin, Commentaire bâlois, n° 10 ad
art.
548-549 CO).

La cour cantonale s'est déclarée convaincue, au regard de l'ensemble
des
faits, que le demandeur s'était dépensé sans compter pour tenter
d'obtenir le
déclassement souhaité. Elle a ajouté qu'il ne faisait aucun doute,
dans son
esprit, qu'il avait en tout cas contribué à l'obtention du
déclassement -
activité d'ailleurs explicitement reconnue dans le préambule du
contrat de
société simple - , même si son travail n'était pas la seule cause. Le
Tribunal fédéral est lié par cette constatation de fait (art. 63 al.
2 OJ;
123 III 110 consid. 2; 121 IV 207 consid. 2a), que le défendeur ne
discute
d'ailleurs plus. Ce dernier prétend toutefois que le déclassement du
terrain
en zone constructible ne pouvait en lui-même provoquer une hausse de
la
valeur du terrain. Seule l'obtention d'un permis de construire aurait
pu
avoir cet effet, dans la mesure où il n'existe aucun droit acquis à la
délivrance d'une autorisation de construire. Cet argument est
fallacieux. Il
est notoire que le classement en zone constructible d'un terrain est
un
facteur déterminant dans sa valeur vénale; les autorités compétentes
doivent
en effet, comme l'a retenu la cour cantonale, donner leur aval à tout
projet
respectant les conditions légales de construction, ce qui représente
une
garantie importante pour les nouveaux acquéreurs malgré l'incertitude
qui
demeure jusqu'à l'approbation du projet définitif. L'expert a du reste
confirmé cette situation: il ressort de son rapport que le prix de la
parcelle litigieuse en zone constructible le 29 septembre 1998
pouvait être
estimé à 350 fr. le m2, alors qu'en zone agricole le 28 août 1996 il
était de
200 fr. le m2 compte tenu du fait que le déclassement était
envisageable, et
entre 10 et 15 fr. le m2 si l'on faisait abstraction de ce dernier
élément.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que la cour cantonale
n'a pas
violé le droit fédéral en considérant l'augmentation de la valeur de
la
parcelle litigieuse durant l'existence de la société simple comme un
gain
revenant à la société et à partager entre les associés, nonobstant le
droit
du défendeur de reprendre en nature son apport (contrairement à la
règle
générale de 548 al. 1 CO) constitué de la seule mise à disposition
d'une
chose (art. 531 CO; Tercier, op. cit., n° 6686).

5.
5.1Dans un deuxième moyen, le défendeur invoque la violation des art.
1 et
164 CO. D'une part, il reproche à la cour cantonale d'avoir admis
qu'il avait
ratifié par actes concluants la sous-traitance des plans par le
demandeur à
son associé. D'autre part, il soutient que l'architecte n'a pas la
légitimation active pour faire valoir la créance de son associé,
faute de
cession de créance en bonne et due forme.

5.2 La critique consistant à nier la ratification par actes
concluants de la
part du défendeur du sous-mandat donné à l'associé du demandeur tombe
à faux:
c'est bien la conclusion du contrat (principal) d'architecte que les
autorités cantonales ont considérée comme établie au moins par actes
concluants, et non l'existence d'un accord portant sur la substitution
d'architecte. La cour cantonale a en effet admis, avec les premiers
juges,
que le défendeur avait confié au demandeur l'exécution des plans de
construction d'immeubles sur sa parcelle, retenant qu'il ne pouvait
pas
ignorer l'établissement effectif des plans en question et qu'il avait
même
évoqué le projet avec diverses personnes. De toute façon, le contrat
de
société mentionnait expressément en son art. 4 que les parties
attribuaient
au demandeur le mandat d'architecte au tarif A en vigueur de la norme
SIA
102. Le défendeur ne soutient plus devant le Tribunal fédéral n'avoir
jamais
passé de contrat d'architecte avec son ancien associé. L'arrêt
attaqué est
définitif sur ce point.

La cour cantonale a estimé qu'il importait peu que le demandeur,
surchargé,
ait chargé son associé architecte d'effectuer les plans relatifs à
cette
réalisation, tâche qui avait été remplie avec soin, ce que le
défendeur
n'avait jamais contesté, et facturée selon le tarif SIA prévu dans la
convention. Que l'on soumette les relations des parties au contrat
d'entreprise ou aux règles du mandat, le demandeur était en
l'occurrence en
droit de se substituer un sous-traitant ou un sous-mandataire;
n'aurait-il
d'ailleurs pas eu cette prérogative, que le défendeur aurait dû tout
de même
s'acquitter de la rémunération convenue ou usuelle, car le mandant ne
subissait pas de dommage et la prestation fournie était satisfaisante.

Cette opinion doit être confirmée. Comme la cour cantonale, on peut
laisser
ouverte la question de la nature juridique exacte du contrat passé
avec le
demandeur, en soulignant que dans la mesure où celui-ci avait pour
objet
l'établissement de plans susceptibles d'obtenir une autorisation, la
balance
penche plutôt en faveur du contrat d'entreprise (ATF 114 II 53
consid. 2b p.
56, confirmé in arrêt 4C.258/1999 du 23 novembre 1999, consid. 2a et
b). Il
n'est pas non plus nécessaire d'examiner si le demandeur pouvait
renoncer à
exécuter personnellement la tâche qu'il avait acceptée (art. 364 al.
2 CO et
398 al. 3 CO). Le défendeur n'allègue nullement qu'il ait subi un
dommage ou
que les plans aient été affectés d'un défaut. Niant avoir eu de
relations
avec l'associé du demandeur, il n'a jamais prétendu qu'il aurait
résilié le
contrat de société, et avec lui le contrat d'architecte, en raison de
la
sous-traitance. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la cour
cantonale
a considéré que le créancier des honoraires d'architecte restait le
demandeur. Dans le contrat d'entreprise, il ne se noue aucun rapport
juridique entre le sous-traitant et le maître principal (Gauch, Le
contrat
d'entreprise, n° 162), si bien que le premier n'a pas de droit à la
rémunération ni d'autres prétentions contractuelles à faire valoir
contre le
second (Gauch, op. cit., n° 173). La situation est semblable dans le
mandat:
le mandataire substitué n'a pas de créance contractuelle en
honoraires à
l'encontre du maître de l'ouvrage principal (Weber, Commentaire
bâlois, n° 7
ad art. 399 CO). Le demandeur est ainsi titulaire de la créance qu'il
invoque
à l'encontre du défendeur, sans que l'on puisse exiger de lui une
cession au
sens de l'art. 164 CO. Ce deuxième moyen est mal fondé.

5.3Dans un troisième moyen, intitulé "Disproportions dans le contrat
de
société du 28 août 1996", le défendeur s'en prend à l'interprétation
du
contrat de société, qui aurait été opérée à son détriment. Il fait
valoir que
même si les premiers juges étaient autorisés à conclure que la
résiliation du
contrat de société, selon l'art. 21 CO, ne pouvait intervenir plus de
deux
ans après la signature, ils auraient dû, en interprétant ses
déclarations,
atténuer les effets trop lourds pour lui de la convention signée.
Faute
d'avoir recherché son intime conviction, les instances cantonales
auraient
violé l'art. 18 CO. D'après l'économie du contrat, le demandeur ne
pouvait à
la fois prétendre au paiement de son activité d'architecte et à une
participation au bénéfice de la société.

5.4 Cette critique doit être également rejetée. On a déjà relevé que
la
dénonciation du contrat par le défendeur avait entraîné la
dissolution de la
société et sa liquidation conformément aux art. 548 ss CO, et que ce
cas de
figure n'était pas prévu par la convention des parties, en
particulier par
son art. 8. On a aussi vu que le demandeur était en droit de réclamer
le
paiement de sa note d'honoraires, jugée parfaitement fondée par
l'expert,
pour le travail qu'il avait effectué en conformité avec le contrat; à
ce
propos, il ne saurait donc y avoir violation de l'art. 42 al. 2 CO sur
l'évaluation du dommage. Le non-transfert de propriété de la parcelle
n° 141,
explicable pour des raisons fiscales et souvent observé dans la
pratique, ne
signifie pas que le demandeur n'avait pas l'intention de s'associer
pleinement avec le défendeur. Enfin, on rappellera que, selon les
constatations de fait de la cour cantonale, l'apport du défendeur
avait été
chiffré à un montant très élevé à l'époque de la conclusion du
contrat de
société simple, en anticipant dans une certaine mesure le
déclassement futur,
ce qui jouait en sa faveur puisque cette circonstance avait pour
effet de
diminuer sensiblement le bénéfice de la société simple.

6.
Le recourant qui succombe supportera les frais de justice et versera
une
indemnité de dépens à l'intimé (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 6500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 7500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 1er avril 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.378/2002
Date de la décision : 01/04/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-04-01;4c.378.2002 ?
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