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31/03/2003 | SUISSE | N°5C.3/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 mars 2003, 5C.3/2003


{T 0/2}
5C.3/2003 /frs

Arrêt du 31 mars 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

S. ________,
demandeur et recourant,
représenté par Me Jacques-Henri Wanner, avocat, rue du Petit-Chêne
18, case
postale 3420, 1002 Lausanne,

contre

Lausanne-Sports, section football, Plaines du Loup 7, 1018 Lausanne,
Y.________,
défendeurs et intimés,
tous deux représentés par Me Baptiste Rusconi, avocat, case postale
3632,

1002 Lausanne.

contrat d'assurance,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal...

{T 0/2}
5C.3/2003 /frs

Arrêt du 31 mars 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

S. ________,
demandeur et recourant,
représenté par Me Jacques-Henri Wanner, avocat, rue du Petit-Chêne
18, case
postale 3420, 1002 Lausanne,

contre

Lausanne-Sports, section football, Plaines du Loup 7, 1018 Lausanne,
Y.________,
défendeurs et intimés,
tous deux représentés par Me Baptiste Rusconi, avocat, case postale
3632,
1002 Lausanne.

contrat d'assurance,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud du 13 novembre 2002.

Faits:

A.
S. ________ était footballeur professionnel de niveau international.
En 1982,
alors qu'il jouait avec le Football Club (FC) Zurich, il a été
transféré au
Lausanne-Sports, section football (ci-après: le Lausanne-Sports), qui
a payé
au FC Zurich la somme de 300'000 fr. en contrepartie de ce transfert.

Le 1er juillet 1982, S.________ a conclu avec le Lausanne-Sports un
contrat
de travail pour joueur de Ligue nationale pour une durée de trois ans,
prévoyant un salaire fixe annuel de 84'000 fr. et les primes
énumérées dans
deux annexes. Cette convention contenait également une disposition
selon
laquelle le joueur était assuré par le Club contre les accidents
professionnels et non professionnels, les prestations prévues étant le
paiement des frais de traitement illimités, la couverture de la perte
de gain
par le versement du salaire fixe annuel pendant 720 jours et, en cas
d'invalidité, une somme conventionnelle de 100'000 fr. La
contribution de
S.________ au bénéfice de cette assurance était de 3'000 fr. par an,
prélevés
sur son salaire.

B.
S.________ a été inclus dans une police d'assurance collective
accidents n°
xxx conclue le 1er juillet 1982 par le Lausanne-Sports auprès de
A.________,
société suisse d'assurances. Les prestations assurées étaient
notamment un
capital en cas d'invalidité. Les conditions particulières annexées au
contrat
disposaient que les prestations dues devaient être versées
intégralement au
Lausanne-Sports, sans que d'autres personnes eussent un droit contre
A.________.

Le 1er septembre 1982 est entrée en vigueur une version amendée de ce
contrat. Les modifications portaient notamment sur le montant de
l'indemnité
due en cas d'invalidité, mais les conditions particulières annexées au
contrat disposaient toujours que cette indemnité devait être versée au
Lausanne-Sports.

C.
Le contrat n° xxx a ensuite été divisé en deux contrats distincts,
avec des
bénéficiaires différents.

C.a C'est ainsi que d'une part, un nouveau contrat d'assurance
collective n°
xxx (ci-après: l'assurance collective) est entré en vigueur le 1er
février
1983. Ce contrat prévoyait notamment le versement aux joueurs
assurés, en cas
de décès ou d'invalidité, d'un capital qui était fixé à 100'000 fr.
en ce qui
concerne S.________.

C.b D'autre part, le Lausanne-Sports a signé le 14 février 1983 une
proposition d'assurance, intitulée "affaire nouvelle", pour une
"assurance en
cas d'accidents" (ci-après: l'assurance "casco-joueur"). Cette
proposition
indique le numéro de police yyy, le preneur d'assurances étant le
Lausanne-Sports et la personne assurée S.________. Le capital assuré
pour le
cas de décès comme pour le cas d'invalidité était de 500'000 fr. Sous
la
rubrique "bénéficiaire du capital en cas de décès", la proposition
indique le
Lausanne-Sports.

Le 4 mars 1983, A.________ a ainsi établi une police d'"assurance en
cas
d'accident" n° yyy, accompagnée de conditions particulières prévoyant
notamment qu'"en cas de décès ou d'invalidité de l'assuré, les
prestations
doivent être versées à la Société du Lausanne-Sports". Cette police a
ensuite
été remplacée avec effet au 1er janvier 1984 par une nouvelle police
du 2
mars 1984, mais le capital assuré et les conditions particulières
sont restés
inchangés.

Les conditions générales d'assurance annexées aux polices des 4 mars
1983 et
2 mars 1984 indiquent expressément qu'il s'agit d'une "assurance
contre la
maladie et les accidents", et les propositions d'assurance ainsi que
les
polices mentionnent comme "personne à assurer" S.________. La Cour
civile du
tribunal cantonal vaudois a toutefois retenu en fait, dans son
jugement du 16
novembre 2001 (cf. lettre F infra), qu'au moyen de ce contrat
d'assurance, le
Lausanne-Sports et A.________ ont entendu assurer le dommage
patrimonial que
subirait le club en cas d'incapacité de S.________ de continuer à
jouer au
football, cela en raison de l'importance des sommes versées au moment
de
l'engagement du joueur; en garantie des indemnités de transfert
payées pour
certains joueurs, et à la demande de tiers finançant ces indemnités,
le club
avait pour habitude de conclure de telles assurances "casco-joueur",
dont la
prestation, en cas d'invalidité ou de décès, était versée au club
puis au
tiers qui avait financé l'indemnité de transfert.
Au moment de son engagement, S.________ n'a pas été informé de la
conclusion
d'une assurance "casco-joueur" ou de l'intention du Lausanne-Sports de
conclure une telle assurance. C'est à son insu que le Lausanne-Sports
a
conclu l'assurance "casco-joueur".

D.
Le 13 août 1983, S.________ a été victime d'un accident lors d'un
match
amical. Depuis lors, il n'a plus été en mesure de jouer au football
et sa
carrière a été interrompue.

Le 26 juillet 1984, le Lausanne-Sports à notifié à A.________ qu'il a
cédé
tous ses droits issus de la police d'assurance "casco-joueur" à
X.________.
Ce dernier est décédé en 1987; son fils Y.________ est son seul
héritier.

Après s'être dans un premier temps opposée à faire intervenir
l'assurance
collective, en contestant le lien de causalité entre l'accident et
l'état de
S.________, A.________ a accepté, au titre des prestations issues de
cette
assurance couvrant la perte de salaire et les frais médicaux, de
verser une
somme totale de 300'000 fr. En 1989, elle a encore versé à S.________
un
montant de 300'000 fr. à titre transactionnel, au titre de capital
invalidité.

En 1991, S.________ a actionné A.________ devant le Tribunal de
commerce de
Zurich pour un montant de 450'000 fr., en invoquant l'assurance
"casco-joueur" et en se fondant sur l'art. 87 LCA. Dans le cadre de ce
procès, les parties ont transigé sur un montant de 200'000 fr., qui
dans
l'esprit de A.________ devait régler définitivement, et ceci
également à
l'égard du Lausanne-Sports et de Y.________, le litige relatif à
l'assurance
"casco-joueur".

En définitive, A.________ a ainsi versé à S.________ le montant de
300'000
fr. au titre des prestations issues de l'assurance collective, le
montant de
300'000 fr. à la suite de la transaction passée pour le capital
invalidité et
le montant de 200'000 fr. à titre transactionnel au terme du procès
intenté à
Zurich, soit la somme totale de 800'000 fr.

E.
Par lettre du 13 octobre 1989 au conseil de S.________, A.________
avait
indiqué qu'à la suite du décès de X.________, les droits et
obligations de la
cession avaient été repris par d'autres parties; en attendant qu'un
accord
intervînt entre celles-ci, l'indemnité avait été payée en deux fois,
les 20
avril et 19 août 1988, sur un compte bloqué auprès de l'UBS.
A.________ a
effectivement versé un montant de 450'000 fr. sur un compte bloqué à
l'UBS en
faveur du LausanneSports et de Y.________.

Le 6 novembre 1989, un commandement de payer de 450'000 fr. a été
notifié au
Lausanne-Sports sur réquisition de S.________, qui indiquait comme
cause de
la créance le "recouvrement de l'indemnité de 450'000 fr. touchée sans
droit". Un commandement de payer au contenu identique a été notifié
le 12
novembre 1990. Le LausanneSports a chaque fois formé opposition. Deux
commandements de payer pour le même montant et la même cause ont été
notifiés
les 6 novembre 1989 et 1er novembre 1990 à Y.________, qui y a
également
formé opposition.

F.
Par demande du 24 novembre 1993, S.________ a ouvert action devant la
Cour
civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud, en concluant au
paiement par
le Lausanne-Sports, section football, et par Y.________,
solidairement entre
eux subsidiairement chacun pour la part que justice dirait, de la
somme de
400'000 fr. avec intérêt au taux de 5% l'an dès le dépôt de la
demande. Les
défendeurs ont conclu au rejet des conclusions de la demande et ont
déclaré
se prévaloir de la prescription.

G.
Par jugement du 16 novembre 2001, la Cour civile a débouté le
demandeur avec
suite de frais et dépens. La motivation de ce jugement peut être
résumée
comme suit:
G.aLe demandeur, qui n'est pas partie au contrat d'assurance
"casco-joueur"
litigieux conclu entre le Lausanne-Sports et A.________, invoque un
avis de
droit que le Professeur Alexandre Berenstein lui a donné le 12
février 1990.
Il soutient qu'en sa qualité d'assuré, il a un droit direct en
paiement de
l'indemnité en vertu de l'art. 87 LCA. Il exerce ainsi une action en
enrichissement illégitime et invoque également la gestion d'affaires
contre
les défendeurs, qui auraient touché sans droit le montant de 450'000
fr. de
A.________. Pour leur part, les défendeurs plaident l'existence d'un
contrat
d'assurance "casco-joueur", dans lequel le Lausanne-Sports serait à
la fois
preneur d'assurance et assuré. Se référant à Jean-Baptiste Zufferey
(Les
contrats du sport professionnel face aux bonnes moeurs, RSJ 1990 p.
113 ss),
ils soutiennent que le contrat litigieux n'aurait pas pour objet une
chose
impossible, illicite ou contraire aux moeurs au sens de l'art. 20 CO.

G.b L'assurance "casco-joueur" litigieuse, dont les conditions
particulières
stipulent que les prestations doivent être versées au
Lausanne-Sports, vise à
couvrir le patrimoine du club au cas où celuici subit une perte du
fait de
l'invalidité d'un joueur qui ne pourra plus être cédé à un autre club
contre
le versement d'une indemnité et qu'il faudrait remplacer, le cas
échéant en
versant une nouvelle indemnité de transfert pour un nouveau joueur.
Il s'agit
donc d'une assurance de dommage, et non d'une assurance de personnes,
pour
laquelle le club est à la fois preneur et bénéficiaire.

G.c Une assurance en faveur d'un tiers confère à ce dernier un droit
propre
et constitue un cas de stipulation pour autrui selon l'art. 112 al. 2
CO.
Inversement, lorsque l'assurance ne confère pas de droit propre à la
personne
assurée parce que son but est de préserver le patrimoine du preneur,
l'assuré
n'est pas le bénéficiaire d'une stipulation pour autrui. Il en va
précisément
ainsi en l'espèce, où la volonté intime et concordante des parties au
contrat
d'assurance "casco-joueur" ne fait aucun doute: A.________ et le
LausanneSports ont entendu conclure une assurance de dommage, soit
assurer le
dommage patrimonial qu'entraînerait pour le club le décès ou
l'invalidité
d'un de ses joueurs. Les parties étaient en droit de conclure un tel
contrat,
qui n'est ni impossible, ni illicite, ni contraire aux moeurs.

G.d L'art. 87 LCA constitue un cas de stipulation pour autrui au sens
de
l'art. 112 al. 2 CO. Or, comme déjà dit, le contrat d'assurance
"casco-joueur" litigieux ne confère aucun droit propre au joueur
assuré parce
que son but est de préserver le patrimoine du club, preneur
d'assurance; de
par la volonté des parties à ce contrat, le joueur n'est pas le
bénéficiaire
d'une stipulation pour autrui. Au demeurant, dans la mesure où le
litige
relatif à la prétention du demandeur fondée sur l'art. 87 LCA a été
réglé par
transaction passée devant le Tribunal de commerce de Zurich et entrée
en
force de chose jugée, il n'y aurait de toute manière pas lieu de
statuer à
nouveau sur une action dont le fondement est identique.

H.
Contre ce jugement, le demandeur exerce un recours en réforme au
Tribunal
fédéral. Il conclut principalement, avec suite de frais et dépens, à
ce que
le jugement attaqué soit réformé en ce sens que les défendeurs soient
condamnés, solidairement entre eux subsidiairement chacun pour la
part que
justice dira, à lui payer la somme réduite à 250'000 fr. avec intérêt
au taux
de 5% l'an dès le dépôt de la demande, des dépens de première
instance lui
étant alloués par 25'570 fr. A titre subsidiaire, le demandeur
conclut à ce
que le jugement attaqué soit annulé et la cause renvoyée à l'autorité
cantonale pour qu'elle rende un nouveau jugement dans le sens des
conclusions
principales en réforme.

Il n'a pas été demandé de déterminations sur le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le jugement attaqué tranche une contestation civile portant sur des
droits de
nature pécuniaire, et les droits contestés dans la dernière instance
cantonale dépassent largement la valeur d'au moins 8'000 fr. fixée
par l'art.
46 OJ, si bien que le recours est recevable au regard de cette
disposition.
Par ailleurs, le jugement attaqué constitue une décision finale prise
par le
Tribunal suprême du canton de Vaud et qui ne peut pas être l'objet
d'un
recours ordinaire de droit cantonal pour violation du droit fédéral
(cf. art.
43 OJ), de sorte que le recours est également recevable du chef de
l'art. 48
al. 1 OJ.

2.
L'argumentation présentée
par le recourant à l'appui de ses
conclusions en
réforme peut être résumée comme suit:
2.1Le recourant reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir violé le
droit
fédéral en décidant que le contrat d'assurance en cause constituait
une
assurance de patrimoine, soit une assurance de dommages, et non une
assurance
de personnes, soit une assurance de somme. Il soutient qu'en l'espèce,
l'obligation de l'assureur n'était subordonnée qu'à la survenance de
l'événement assuré (l'invalidité), sans égard à ses conséquences
pécuniaires
pour le Lausanne-Sports, de sorte que le contrat litigieux devrait au
regard
de la jurisprudence (ATF 119 II 361) être qualifié d'assurance de
personnes.

2.2 Se référant ensuite longuement à l'avis de droit que lui a donné
le
Professeur Alexandre Berenstein, le recourant soutient que l'art. 87
LCA, qui
dispose que "l'assurance collective contre les accidents ou la
maladie donne
au bénéficiaire, dès qu'un accident ou une maladie est survenu, un
droit
propre contre l'assureur", s'applique également aux assurances
individuelles
et donc à l'assurance litigieuse. Dès lors que l'art. 87 LCA présente
un
caractère impératif, en ce sens qu'il ne peut être modifié au
détriment de
l'ayant droit (art. 98 LCA), le recourant affirme que l'assurance
litigieuse
lui donnait, en sa qualité de "bénéficiaire", un droit propre contre
A.________.

2.3 D'après le recourant, la cour cantonale, dans son interprétation
du
contrat d'assurance litigieux, aurait méconnu l'art. 19 CO, selon
lequel
l'objet d'un contrat peut être librement déterminé dans les limites
de la
loi. Or la question de savoir à qui doit revenir la prestation
d'assurance ne
peut être réglée librement par les parties contractantes, parce que le
législateur l'a déjà réglée, afin de protéger les intérêts légitimes
des
tierces personnes, à travers l'art. 87 LCA. Si les parties au contrat
litigieux ne voulaient pas que le recourant puisse avoir droit à la
prestation, elles auraient dû renoncer à l'assurance en cause.

Toujours selon le recourant, l'interprétation de ce contrat montre
que les
parties voulaient assurer pour un montant fixe de 500'000 fr.
l'invalidité du
demandeur en sa qualité de personne physique, en vue d'un accident.
L'obligation de l'assureur n'était pas liée à une quelconque perte de
patrimoine effective, de sorte qu'il s'agit bien d'une assurance de
somme
selon les art. 73 ss LCA.

2.4 Le recourant expose ensuite que malgré l'utilisation du terme
équivoque
de "bénéficiaire" à l'art. 87 LCA, il ne s'agit pas de la désignation
d'un
bénéficiaire au sens des art. 76 ss LCA, mais de la prétention
directe et
personnelle que le tiers assuré acquiert ipso iure contre l'assureur
dès que
l'accident se produit, en devenant alors l'ayant droit. Or puisqu'il
n'avait
pas la qualité d'ayant droit, le Lausanne-Sports, en tant que preneur
d'assurance, n'avait pas le droit de se désigner ou de désigner un
tiers
comme bénéficiaire au sens des art. 76 ss LCA.

2.5 Le recourant déduit de ce qui précède que les intimés n'ont
jamais eu de
créance à l'encontre de A.________ en paiement de la prestation
découlant du
contrat d'assurance litigieux, de sorte qu'en encaissant la somme de
450'000
fr. versée par A.________, ils se seraient enrichis à ses dépens sans
cause
légitime. Le recourant relève que les intimés ne sauraient faire
échec à sa
prétention fondée sur l'enrichissement illégitime en invoquant la
transaction
passé entre lui-même et A.________ devant le Tribunal de commerce de
Zurich,
puisqu'ils n'étaient pas partie à la procédure ni à la transaction:
celleci
constituait pour eux une res inter alios acta, qui, faute de mention
contraire expresse, ne déploie aucun effet entre les parties à la
présente
procédure.

3.
Il est constant que le recourant n'est pas partie au contrat
d'assurance
litigieux et que les parties contractantes n'ont entendu lui accorder
aucun
droit sur la base de ce contrat. Ses prétentions sont fondées
exclusivement
sur l'art. 87 LCA, qui confère au bénéficiaire d'une assurance
collective
contre les accidents ou la maladie un droit propre contre l'assureur.
Il
s'agit dès lors avant tout d'examiner si l'art. 87 LCA s'applique au
contrat
litigieux, puisqu'en cas de réponse négative à cette question, les
prétentions du recourant apparaîtraient dénuées de fondement
juridique.

3.1 La loi fédérale sur le contrat d'assurance établit une distinction
bipartite de l'assurance, entre l'assurance contre les dommages
(régie par
les art. 48 à 72 LCA) d'une part, et l'assurance de personnes (qui
relève des
art. 73 à 96 LCA) d'autre part, sans toutefois définir ces deux
notions
(Christian Boll, Basler Kommentar, Bundesgesetz über den
Versicherungsvertrag, 2001, n. 1 des remarques préliminaires à l'art.
48 LCA;
Bernard Viret, Droit des assurances privées, 3e éd. 1991, p. 155).
L'assurance de personnes est celle qui a pour objet une personne
physique, et
où la prestation de l'assureur dépend généralement d'un événement qui
atteint
la personne de l'assuré, tel que maladie, accident, lésion corporelle,
invalidité, décès (Viret, op. cit., p. 158; Moritz Kuhn/Pascal
Montavon,
Droit des assurances privées, 1994, p. 85; cf. Alfred Maurer,
Schweizerisches
Privatversicherungsrecht, 3e éd. 1995, p. 168 et 271).

L'assurance de personnes se caractérise, par rapport à l'assurance
contre les
dommages, par sa nature non indemnitaire: elle est une promesse de
capital,
indépendante du montant effectif du préjudice subi par le preneur ou
l'ayant
droit (Viret, op. cit., p. 153 et 158; Kuhn/Montavon, op. cit., p. 85
s.; ATF
49 II 364 consid. 3 p. 370). Ainsi, même dans le cas d'une assurance
qui,
comme celle contre les accidents, a pour objet une personne physique,
on est
en présence d'une assurance de personnes uniquement lorsque les
parties au
contrat d'assurance n'ont subordonné la prestation de l'assureur ¿
dont elles
ont fixé le montant lors de la conclusion du contrat ¿ qu'à la
survenance de
l'événement assuré, sans égard à ses conséquences pécuniaires; on est
en
revanche en présence d'une assurance contre les dommages lorsque les
parties
au contrat d'assurance ont fait de la perte patrimoniale effective une
condition autonome du droit aux prestations (ATF 119 II 361 consid. 4;
Kuhn/Montavon, op. cit., p. 85 s.).

3.2 En l'espèce, la qualification du contrat d'assurance litigieux
comme
assurance de personnes ou comme assurance contre les dommages
n'apparaît
toutefois pas décisive pour trancher la question de l'application de
l'art.
87 LCA (cf. Maurer, op. cit., p. 272 s. et note 1289 p. 495, pour qui
l'art.
87 LCA est applicable également aux assurances contre les accidents
qui sont
stipulées sous la forme d'une assurance contre les dommages). Ce qui
est
déterminant, c'est qu'un contrat d'assurance tel que celui qui a été
conclu
en l'espèce entre le Lausanne-Sports et A.________, dans le but
décrit par la
cour cantonale (cf. lettre G.b supra), n'entre pas dans les
prévisions de
l'art. 87 LCA, comme on va le voir.

3.3 Aux termes de l'art. 87 LCA ¿ qui présente un caractère impératif
en ce
sens qu'il ne peut être modifié au détriment de l'ayant droit (art.
98 LCA)
¿, l'assurance collective contre les accidents ou la maladie donne au
bénéficiaire, dès qu'un accident ou une maladie est survenu, un droit
propre
contre l'assureur. Ainsi que l'a indiqué l'auteur de la loi, Hans
Roelli,
dans son exposé des motifs, cette disposition visait à écarter le
risque que
l'employeur qui concluait une assurance collective contre les
accidents ¿
l'art. 87 LCA ayant par la suite été étendu à l'assurance collective
contre
la maladie (cf. FF 1967 II 249 ss, 437 s.) ¿ au bénéfice ou en faveur
("zu
Gunsten", expression utilisée dans le texte allemand de l'art. 87
LCA) de ses
employés, autrement dit pour le bien ou dans l'intérêt des
travailleurs ("zum
Besten der Arbeiter", selon l'expression utilisée dans l'exposé des
motifs),
ne s'enrichisse à la suite des accidents de ces derniers (Hans Roelli,
Entwurf zu einem Schweizerischen Bundesgesetze über den
Versicherungsvertrag,
mit den Motiven, 1896, p. 188), en gardant tout ou partie de
l'indemnité pour
lui-même (Hans Kessler, Die Rechtsstellung des Versicherten in der
privaten
Kollektivunfall- und Kollektivlebensversicherung, thèse Zurich 1947,
p. 40;
Johann Anton Caflisch, Die Anspruchsberechtigung in der
Kollektivunfallversicherung, thèse Berne 1947, p. 35; Peter Stein,
Basler
Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n. 1 ad
art. 87
LCA).

3.4 L'art. 87 LCA vise ainsi les contrats qui sont conclus d'abord
dans
l'intérêt du tiers assuré et qui présentent par là le caractère d'une
stipulation pour autrui au sens de l'art. 112 al. 2 CO (cf. ATF 72 II
58 p.
61; Hans Roelli/Carl Jaeger, Kommentar zum Schweizerischen
Bundesgesetz über
den Versicherungsvertrag, Band III, 1933, n. 26 et 27 ad art. 87/88
LCA;
Roland Brehm, L'assurance privée contre les accidents, 2001, n. 24 p.
46). Or
lorsqu'un club de football, dans le but de se prémunir contre les
conséquences qu'aurait sur son propre patrimoine l'invalidité d'un
joueur en
raison de l'impossibilité de le "revendre" à un autre club ou de la
nécessité
d'"acquérir" un joueur de remplacement afin d'assurer le maintien de
sa
compétitivité (cf. JeanBaptiste Zufferey, Les contrats du sport
professionnel
face aux bonnes moeurs, RSJ 1990 p. 113 ss, 115; Jacques Bondallaz, La
responsabilité pour les préjudices causés dans les stades lors de
compétitions sportives, thèse Fribourg 1996, n. 1472), conclut sur la
personne de son joueur un contrat d'assurance qui prévoit
expressément que
l'indemnité doit être versée au preneur d'assurance, une stipulation
pour
autrui est clairement exclue. L'assurance n'est pas conclue au
bénéfice ou
dans l'intérêt du joueur, mais dans le seul intérêt du club preneur
d'assurance, qui possède un intérêt patrimonial propre ¿ et
indépendant de
ses propres obligations envers son joueur ¿ à obtenir le versement de
la
prestation convenue en cas d'invalidité du joueur, de sorte qu'il ne
s'agit
pas pour le club de s'enrichir aux dépens de ce dernier. En pareil
cas, l'on
doit admettre que le preneur d'assurance est le seul ayant droit, et
que le
joueur dans la personne duquel doit se réaliser l'événement assuré ne
peut se
prévaloir de l'art. 87 LCA (cf. Roelli/Jaeger, op. cit., n. 27 ad
art. 87/88
LCA, qui envisagent un droit propre du preneur d'assurance lorsque
cela a été
expressément stipulé et que, dans le cas où la prestation est
subordonnée au
décès de la personne assurée, celle-ci a donné son consentement écrit
avant
la conclusion du contrat, conformément à l'art. 74 LCA; dans le même
sens,
Ronald Ganz, Die Fremdversicherung in der Schadens-, Lebens- und
Unfallversicherung, thèse Berne 1972, p. 155 s.).
3.5 En l'espèce, il résulte des constatations de fait du jugement
attaqué,
qui lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), que A.________ et le
Lausanne-Sports ont entendu assurer le dommage patrimonial
qu'entraînerait
pour le club lui-même l'invalidité du demandeur, le contrat litigieux
prévoyant en outre expressément que les prestations d'assurance
doivent être
versées au Lausanne-Sports; parallèlement, A.________ et le club ont
conclu
d'autres contrats couvrant le risque d'une invalidité du joueur
personnellement, qui devaient profiter au demandeur et dont celui-ci
a du
reste effectivement bénéficié. Dans ces conditions, une stipulation
pour
autrui apparaît clairement exclue et le demandeur ne saurait invoquer
l'art.
87 LCA (cf. consid. 3.4 supra), indépendamment de la question ¿ qu'il
n'est
pas nécessaire de trancher ici ¿ de l'application de cette
disposition à
l'assurance individuelle (cf. sur ce point ATF 53 III 162;
Roelli/Jaeger, op.
cit., n. 26 ad art. 87/88 LCA p. 307 s.; Maurer, op. cit., p. 316 s.;
Ganz,
op. cit., p. 157; Brehm, op. cit., n. 24 p. 46 et les auteurs cités).
Il n'y
a pas lieu non plus de se prononcer sur la validité du contrat
litigieux au
regard de l'art. 20 CO (cf. sur ce point Zufferey, op. cit., p. 122
s.), dès
lors qu'une éventuelle nullité dudit contrat ne pourrait profiter qu'à
l'assureur (cf. Zufferey, op. cit., p. 124) et qu'elle ne fonderait
aucune
prétention du demandeur à l'encontre des défendeurs.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être
rejeté. Le
recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156
al. 1
OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que
les
intimés n'ont pas été invités à procéder et n'ont en conséquence pas
assumé
de frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral
(art. 159
al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 31 mars 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.3/2003
Date de la décision : 31/03/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-31;5c.3.2003 ?
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