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31/03/2003 | SUISSE | N°4P.252/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 mars 2003, 4P.252/2002


{T 0/2}
4P.252/2002 /ech

Arrêt du 31 mars 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Michellod.

A. ________,
X.________ SA,
recourants,
tous les deux représentés par Me Soli Pardo, avocat, case postale
147, 1211
Genève 12,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Marco Ziegler, avocat, boulevard de
Saint-Georges
72, 1205 Genève,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève,
case
postale 368

8, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (procédure civile; appréciation arbitraire des
preuves; droit d'être entendu)

...

{T 0/2}
4P.252/2002 /ech

Arrêt du 31 mars 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Michellod.

A. ________,
X.________ SA,
recourants,
tous les deux représentés par Me Soli Pardo, avocat, case postale
147, 1211
Genève 12,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Marco Ziegler, avocat, boulevard de
Saint-Georges
72, 1205 Genève,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève,
case
postale 3688, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (procédure civile; appréciation arbitraire des
preuves; droit d'être entendu)

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel de la
juridiction
des prud'hommes du canton de Genève du 29 octobre 2002.

Faits:

A.
Par contrat écrit du 5 mars 1997, A.________, qui exploitait à
l'époque une
entreprise individuelle sous la dénomination "Les Promotions
G.________"
(ci-après: PG), a engagé B.________ en qualité d'assistant de
direction,
moyennant un salaire brut de base de 2'500 fr. par mois, auquel venait
s'ajouter une garantie mensuelle de commission d'un même montant,
soit en
tout 5'000 fr. L'art. 5 du contrat accordait pour le surplus à
l'employé le
droit à des commissions de 0,15% sur les "financements effectués pour
les
clients de PG", à partir de décomptes trimestriels établis en
fonction des
encaissements.

Le 7 juillet 1997, les parties ont signé un avenant précisant que les
commissions au taux de 0,15% devaient être calculées sur le chiffre
d'affaires total des bureaux de Genève et de Zoug.

Dès 1998, les activités de PG ont été menées en parallèle avec celles
de
X.________ SA, constituée avec siège à Zoug et une succursale à
Genève en vue
d'une activité voisine de PG. A.________ présidait le conseil
d'administration de la société.

B. ________ a alors travaillé en tant qu'assistant de direction de
A.________, en le secondant à la fois pour les activités de PG et
celles de
X.________ SA.

Le 30 octobre 2000, A.________ a licencié B.________ avec effet
immédiat. Le
terme du contrat de travail a ensuite été fixé d'un commun accord au
30
novembre de la même année.

B.
Le 20 décembre 2000, B.________ a ouvert action devant le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève contre A.________ et X.________ SA,
pris
conjointement et solidairement, en paiement de 176'888,90 fr.,
représentant
le solde de ses commissions selon un décompte arrêté au 23 novembre
précédent.

Les défendeurs, représentés par A.________, se sont opposés à la
demande,
niant que des commissions soient exigibles sur les affaires de
X.________ SA.
Seul un montant de 93'572,05 fr., reconnu par A.________, demeurait
dû.

Par jugement du 25 avril 2001, le Tribunal des prud'hommes a admis la
demande
à l'encontre des deux défendeurs, sous imputation d'une dette de
2'079 fr. de
l'employé.

A. ________ et X.________ SA ont appelé de cette décision, contestant
à
nouveau que des commissions soient dues sur les affaires réalisées
par la
société X.________ SA.

Statuant le 15 octobre 2001, la Cour d'appel a considéré que le
contrat de
travail et l'avenant du 7 juillet 1997 s'appliquaient tant aux
affaires de PG
que de X.________ SA, à Genève comme à Zoug. S'agissant de PG, le
contrat et
son avenant indiquaient explicitement que les commissions portaient
sur les
chiffres d'affaires des deux bureaux. S'agissant de X.________ SA,
cette
société avait implicitement repris les obligations de PG envers
B.________,
puisqu'il avait travaillé pour elle depuis 1998. Le droit aux
commissions
s'étendait aux affaires réalisées par les bureaux genevois et zougois,
puisque X.________ SA n'avait pas modifié l'avenant au contrat de
travail.

Toutefois, vu la contestation par les défendeurs de certains points du
décompte, la Cour d'appel a renvoyé la cause au Tribunal pour
complément
d'instruction "sur l'étendue des commissions réclamées par B.________
tant en
relation avec l'activité des PG à Genève et à Zoug qu'en relation avec
l'activité de X.________ à Genève et à Zoug".

Lors de la nouvelle audience devant le Tribunal, A.________ a estimé
que la
Cour d'appel avait voulu limiter les commissions du demandeur aux
affaires
des bureaux de Genève et Zoug. Pour la première fois, il a allégué que
certaines affaires figurant au nom de X.________ SA sur le décompte du
demandeur avaient été traitées par des bureaux régionaux, ouverts
dans les
cantons de Neuchâtel, Vaud, Bâle et du Tessin en 1998 et 1999. Si l'on
soustrayait les commissions générées par les affaires de ces bureaux,
le
solde dû au demandeur se réduisait à 8'148,45 fr.

Selon les renseignements communiqués par les parties, les bureaux de
X.________ SA ouverts après 1997 dans les cantons de Neuchâtel, Vaud,
Bâle et
du Tessin ne constituent pas des succursales; aucune comptabilité n'y
est
tenue et les écritures concernant les opérations sont toutes
enregistrées à
Genève ou à Zoug.

Par jugement du 6 mars 2002, le Tribunal a écarté l'objection des
défendeurs
et a confirmé la précédente condamnation.

Par arrêt du 29 octobre 2002, la Cour d'appel a confirmé ce jugement.

C.
Les défendeurs déposent un recours de droit public contre l'arrêt
cantonal.
Invoquant une violation de leur droit d'être entendu et de
l'interdiction de
l'arbitraire, ils concluent à son annulation.

Invités à se déterminer, l'intimé conclut au rejet du recours, tandis
que la
Cour d'appel se réfère à son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que
les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés par
l'acte de
recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279
consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

2.
Dans le cadre de leur exposé des faits, les recourants affirment ne
pas
comprendre comment la Cour d'appel a pu retenir que A.________ avait
reconnu,
en audience, devoir à l'intimé un montant de 93'572,05 fr. à titre de
commissions. Ils n'indiquent toutefois pas quel droit constitutionnel
serait
violé par cette constatation ni en quoi, le cas échéant, elle serait
arbitraire. Faute de motivation conforme aux exigences de l'art. 90
al. 1
let. b OJ, le grief est irrecevable.

3.
3.1Les recourants estiment que la Cour d'appel a violé leur droit
d'être
entendu en leur reprochant d'avoir tardivement invoqué l'argument
selon
lequel l'intimé n'avait droit à aucune commission sur les affaires des
bureaux de Neuchâtel, Vaud, Bâle et du Tessin.

Selon les recourants, les maximes d'office et inquisitoire prévues
par les
art. 29 et 66 de la Loi genevoise sur la juridiction des prud'hommes
(LJP
gen.) permettent aux plaideurs d'alléguer des faits à n'importe quel
stade de
la procédure, en particulier lorsqu'ils excèdent le cadre de l'objet
du
litige soumis jusqu'alors à la juridiction en question; or en
l'espèce,
jusqu'à l'arrêt de renvoi de la Cour d'appel, le litige était limité
à la
question de savoir si l'intimé avait droit à des commissions sur les
affaires
de X.________ SA en sus de celles de PG.

Par ailleurs, en contestant d'emblée tout droit à des commissions sur
les
affaires de X.________ SA, les recourants estiment avoir également
nié le
droit de l'intimé à des commissions sur les affaires des bureaux de
cette
société situés dans les cantons de Vaud, Neuchâtel, Bâle et du Tessin.

Les recourants reprochent encore aux juges cantonaux de "ne pas avoir
invité
les parties à leur fournir des éléments complémentaires sur les
activités
déployées par les bureaux autres que Genève et Zoug" et d'avoir ainsi
violé
arbitrairement la maxime inquisitoire prévue par le droit cantonal.

Enfin, le rejet de leur argumentation serait insuffisamment motivé.

3.2 Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de
caractère
formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision
attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le
fond. Tel
qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend notamment le
droit
pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre
connaissance du
dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, de participer à l'administration des preuves
essentielles ou à
tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de
nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et
les
arrêts cités).

La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu le droit
d'obtenir une décision motivée. La motivation d'une décision est
suffisante
lorsque l'intéressé est en mesure d'en apprécier la portée et de la
déférer à
une instance supérieure en pleine connaissance de cause. Il suffit que
l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée
et sur
lesquels elle a fondé son prononcé, sans qu'elle soit tenue de
répondre à
tous les arguments avancés (ATF 124 V 180 consid. 1a i.f.; 117 Ia 1
consid.
3a p. 3 s.).
3.3 En l'espèce, la Cour d'appel a considéré que la nouvelle
argumentation
des recourants n'était pas compatible avec leurs déclarations
antérieures,
puisqu'ils avaient reconnu devoir à l'intimé un montant de 93'572,05
fr. à
titre de commissions sur les affaires de PG réalisées sur l'ensemble
du
territoire suisse. Il n'était donc plus possible d'affirmer, après
coup, que
le contrat et son avenant ne couvraient que les affaires réalisées
par les
bureaux de X.________ SA situés à Genève et Zoug, à l'exclusion des
bureaux
régionaux.

Toutefois, dans une argumentation subsidiaire, la Cour d'appel
considère que
la distinction invoquée par les recourants ne se justifie pas, étant
donné la
centralisation à Genève et à Zoug de la comptabilité des bureaux de
X.________ SA situés à Bâle, Neuchâtel, Lausanne et au Tessin.
L'autorité
cantonale entre donc en matière sur l'argumentation des recourants et
respecte ainsi leur droit d'être entendu. Peu importe dès lors de
rechercher
si les maximes inquisitoire et d'office prévues par les art. 29 et 66
LJP
gen. autorisaient ou non les recourants à développer une nouvelle
argumentation après l'arrêt de renvoi. Peut également rester ouverte
la
question de savoir si la contestation initiale par les recourants de
tout
droit de l'intimé à des commissions sur les affaires de X.________ SA
englobait aussi les bureaux régionaux de Bâle, Neuchâtel, Lausanne et
du
Tessin.

Pour le surplus, on ne voit pas en quoi la maxime inquisitoire aurait
obligé
la Cour d'appel à inviter les parties à lui fournir des éléments
complémentaires sur les activités déployées par les bureaux autres
que Genève
et Zoug, vu les renseignements recueillis à ce sujet lors de
l'audience du 6
mars 2002.

La motivation cantonale, bien que succincte, permet aux recourants de
comprendre pourquoi l'autorité a rejeté leur argumentation. Ils
l'attaquent
d'ailleurs de manière pertinente par un recours détaillé.

Le grief de violation du droit d'être entendu et d'application
arbitraire du
droit cantonal est ainsi dénué de tout fondement.

4.
Les recourants soutiennent que l'interprétation subjective du contrat
et de
son avenant effectuée par la Cour d'appel serait entachée
d'arbitraire. Les
juges cantonaux auraient de manière insoutenable déduit des
circonstances
postérieures à la conclusion du contrat que l'intimé avait droit à des
commissions sur les affaires générées par les bureaux autres que
Genève et
Zoug.

A titre de circonstances postérieures à la conclusion du contrat, les
recourants mentionnent le fait que l'intimé a lui-même établi un
décompte des
commissions auxquelles il prétendait avoir droit sur la base d'une
liste des
affaires de PG et de X.________ SA. On ne voit toutefois pas en quoi
cet
élément serait pertinent pour rechercher la réelle volonté des
parties.

Les recourants citent également le refus de A.________ de clarifier
par écrit
les relations contractuelles lorsque l'intimé a reçu pour la première
fois
son salaire sur un papier à en-tête de X.________ SA et non de PG. Là
encore,
on ne voit pas en quoi ce refus démontrerait que l'intimé n'avait pas
droit à
des commissions sur les activités déployées par les bureaux de
Neuchâtel,
Lausanne, Bâle et du Tessin.

Enfin, les recourants semblent critiquer la pertinence du lieu de
tenue de la
comptabilité des bureaux régionaux de X.________ SA pour interpréter
le
contrat. Toutefois, ils n'exposent pas en quoi il était arbitraire de
déduire
de cet élément un droit de l'intimé à des commissions sur les
affaires des
bureaux régionaux de X.________ SA. Faute de motivation, leur
critique est
irrecevable.

Pour le surplus, les recourants se bornent à répéter que
l'interprétation
cantonale se trouve en contradiction flagrante avec les "déclarations
des
parties en cours de procédure", "l'intégralité des pièces du
dossier", et
"l'attitude de l'intimé", sans autre précision. Une telle
argumentation est
irrecevable, les recourants devant au contraire indiquer les pièces
et les
déclarations sur lesquelles ils se fondent pour démontrer
l'arbitraire d'une
constatation. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de rechercher
dans le
dossier un éventuel fondement aux griefs soulevés (art. 90 al. 1
let.
b OJ;
ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73 et la jurisprudence citée).

Le grief d'appréciation arbitraire des preuves se révèle donc
infondé, dans
la mesure où il est recevable.

5.
Le recours doit être rejeté et il appartiendra aux recourants, qui
succombent, d'assumer les frais judiciaires et les dépens de la
procédure
fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'500 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Les recourants verseront une indemnité de 6'500 fr. à l'intimé à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 31 mars 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.252/2002
Date de la décision : 31/03/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-31;4p.252.2002 ?
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