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31/03/2003 | SUISSE | N°1P.90/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 mars 2003, 1P.90/2003


{T 0/2}
1P.90/2003 /dxc

Arrêt du 31 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
recourante, représentée par Me Marino Montini, avocat, Moulins 51,
case
postale 10, 2004 Neuchâtel 4,

contre

Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de cassation pénale

,
rue du
Pommier 1, case postale 1161, 2001 Neuchâtel 1.

procédure pénale; relief,

recours de droit public con...

{T 0/2}
1P.90/2003 /dxc

Arrêt du 31 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
recourante, représentée par Me Marino Montini, avocat, Moulins 51,
case
postale 10, 2004 Neuchâtel 4,

contre

Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de cassation pénale,
rue du
Pommier 1, case postale 1161, 2001 Neuchâtel 1.

procédure pénale; relief,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 7
janvier
2003.

Faits:

A.
Par mandat de comparution daté du 27 août 2001, X.________ a été
citée à
l'audience du Tribunal de police du district de Neuchâtel pour le
mardi 9
octobre suivant, à 15h30. Elle était prévenue d'avoir employé une
personne
dépourvue de l'autorisation nécessaire selon la législation sur le
séjour et
l'établissement des étrangers; le Ministère public requérait contre
elle une
amende de 400 fr.

X. ________ ne s'est pas présentée à l'audience. Le Tribunal de
police a
alors rendu un jugement par défaut; il a reconnu la prévenue coupable
de
l'infraction précitée et lui a infligé l'amende requise par le
Ministère
public.

B.
Quelques jours après réception de ce prononcé, la condamnée a écrit au
Tribunal de police pour présenter ses excuses, expliquer que son
absence à
l'audience n'était pas volontaire mais, au contraire, consécutive à
une
erreur de transcription de la date dans son agenda, et demander un
nouveau
jugement. Elle affirmait que la personne étrangère en cause n'avait
jamais
travaillé à son service, de sorte qu'elle contestait toute
culpabilité.

Le Président du Tribunal de police a statué sur cette demande de
relief le 20
novembre 2001. Il l'a rejetée au motif que l'erreur de transcription
invoquée
était entièrement imputable à la condamnée, et qu'elle ne constituait
pas un
empêchement non fautif de se présenter à l'audience.

Sans succès, la condamnée a déféré la décision à la Cour de cassation
pénale
du Tribunal cantonal; cette juridiction a rejeté le recours le 7
janvier
2003.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, avec le concours d'un
avocat, X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de
la Cour
de cassation pénale. Elle se plaint de violation de la garantie d'un
procès
équitable conférée par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, et
d'application arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., du droit
cantonal
de procédure.

Invités à répondre, le Tribunal cantonal et le Ministère public ont
renoncé à
déposer des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou
un
principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière
choquante
le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne
s'écarte de
la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que
si sa
décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation
effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit
certain.
En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient
insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son
résultat.
A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de
celle
retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également
concevable,
ou apparaisse même préférable (ATF 128 II 259 consid. 5 p. 280/281;
127 I 54
consid. 2b p. 56; voir aussi ATF 128 I 177 consid. 2.1 p. 182; 126 I
168
consid. 3a p. 170).

2.
Aux termes de l'art. 217 al. 1 CPP neuch., le condamné qui a été sans
sa
faute empêché de se présenter aux débats peut demander le relief du
jugement
prononcé par défaut contre lui. Selon la jurisprudence cantonale
relative à
cette disposition, à laquelle l'arrêt attaqué se réfère (RJN 1994 p.
124;
1989 p. 125; 1982 p. 88), la notion de faute ainsi déterminante doit
être
interprétée de manière restrictive: il faut considérer que seul le
prévenu
qui renonce délibérément à se présenter aux débats, dont il connaît
le lieu
et la date, ou qui, d'une autre manière, démontre incontestablement
qu'il
n'entend pas y participer, peut être privé du droit d'être jugé en sa
présence.

A l'appui de sa demande de relief, puis de ses recours subséquents, la
recourante explique son défaut à l'audience du 9 octobre 2001 par une
erreur
lors de la transcription, dans son agenda, de la date qui lui était
indiquée
par le mandat de comparution. Aucune circonstance particulière et
exceptionnelle n'étant alléguée quant à sa situation personnelle ou au
contexte dans lequel ce mandat lui est parvenu, et compte tenu de
l'importance que chacun doit reconnaître à une citation en justice,
cette
erreur peut être considérée comme la conséquence d'une attention
insuffisante
de la prévenue, donc comme une faute commise par négligence.
Cependant, selon
la jurisprudence cantonale précitée, que, semble-t-il, la Cour de
cassation
n'entend pas abandonner à l'occasion de la présente affaire, une
simple
négligence du défaillant n'est pas assez grave pour justifier le
refus du
relief; il faut au contraire, de sa part, une omission intentionnelle
de se
présenter aux débats. Il en résulte que si l'erreur devait être tenue
pour
établie conformément aux affirmations de la recourante, il
s'imposerait de
donner suite à sa demande de relief.

3.
Selon l'arrêt attaqué, la recourante n'a, précisément, pas "rendu
crédible"
les faits allégués à l'appui de sa demande, c'est-à-dire qu'elle se
soit
trouvée sous l'influence d'une erreur au moment où elle aurait dû se
rendre à
l'audience. Les précédents juges fondent leur appréciation sur deux
indices:
d'une part, le relief n'a été demandé que plusieurs jours après
réception du
jugement par défaut; d'autre part, dans l'enquête pénale, la prévenue
avait
catégoriquement refusé de s'expliquer à la police, "alors qu'elle
clamait
déjà son innocence et qu'elle aurait été en mesure, le cas échéant,
d'en
faire la démonstration".

A réception du jugement par défaut, le jour et l'heure de l'audience
étaient
irrémédiablement passés. Il était désormais impossible à la
recourante de
déférer au mandat de comparution, et même une démarche immédiate de
sa part
n'y aurait rien changé. Par conséquent, du fait qu'elle a attendu
quelques
jours pour écrire au Tribunal de police, on ne peut tirer aucune
conclusion
valable sur le point de savoir si, au moment de l'audience, elle
était, ou
non, consciente de faire défaut.

L'autre élément d'appréciation n'est pas non plus concluant sur ce
point, car
il est tout à fait possible que le prévenue, alors même qu'elle avait
refusé
de collaborer à l'enquête, se soit par la suite réellement trouvée
dans
l'erreur au sujet de la date de l'audience.

4.
L'arrêt attaqué ne repose ainsi que sur des éléments dépourvus de
pertinence
au regard du droit cantonal déterminant, de sorte que la recourante
est
fondée à ce plaindre d'une application arbitraire de ce droit.

Compte tenu qu'il appartient essentiellement à la juridiction
cantonale
d'interpréter une disposition telle que l'art. 217 al. 1 CPP neuch.,
il n'y a
pas lieu d'examiner si une conception différente de la faute, plus
sévère que
celle consacrée par la jurisprudence actuelle, pourrait aussi être
retenue
d'une façon exempte d'arbitraire, avec ce résultat que l'erreur
invoquée par
la recourante serait d'emblée impropre à justifier la demande de
relief. Il
n'est pas non plus nécessaire de contrôler l'arrêt attaqué au regard
des art.
29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, puisque ce prononcé doit de toute
manière
être annulé pour violation de l'art. 9 Cst.

5.
La recourante obtenant gain de cause, il n'est pas perçu d'émolument
judiciaire et des dépens lui sont alloués.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le canton de Neuchâtel versera une indemnité de 1'000 fr. à la
recourante, à
titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, au
Ministère public et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 31 mars 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.90/2003
Date de la décision : 31/03/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-31;1p.90.2003 ?
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