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28/03/2003 | SUISSE | N°I.376/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2003, I.376/02


{T 7}
I 376/02

Arrêt du 28 mars 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

S.________, recourante, représentée par Me Roland Burkhard, avocat,
boulevard
Georges-Favon 13, 1204 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève,
intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 8 mars 2002)

Faits :

A.
A.a S.________, de nationalité por

tugaise, a travaillé en Suisse en
tant que
femme de ménage auprès d'entreprises et de personnes privées. Elle a
cessé
toute ac...

{T 7}
I 376/02

Arrêt du 28 mars 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

S.________, recourante, représentée par Me Roland Burkhard, avocat,
boulevard
Georges-Favon 13, 1204 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève,
intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 8 mars 2002)

Faits :

A.
A.a S.________, de nationalité portugaise, a travaillé en Suisse en
tant que
femme de ménage auprès d'entreprises et de personnes privées. Elle a
cessé
toute activité en septembre 1992 en raison de douleurs cervicales,
avec
irradiation au niveau du bras droit et de la cage thoracique (rapport
de la
division de rhumatologie de l'Hôpital X.________ du 4 février 1993).

Le 22 juin 1995, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité
(ci-après:
l'office) a rejeté la demande de prestations déposée par la prénommée
le 8
février 1994. Se fondant sur une expertise des docteurs A.________ et
B.________ de la Clinique Y.________ (rapport du 16 février 1995)
selon
laquelle l'assurée était atteinte d'une fibromyalgie et d'une
sinistrose de
rente, mais disposait d'une capacité de travail entière, il a
considéré que
l'assurée ne présentait pas d'invalidité.

A.b Après avoir demandé la réouverture de son dossier, le 9 octobre
1996,
S.________ a été soumise à une expertise pluridisciplinaire auprès du
Centre
d'observation médicale de l'assurance-invalidité (ci-après: COMAI).
Dans leur
rapport d'expertise du 9 novembre 1998, le Professeur C.________ et la
doctoresse D.________, ont posé le diagnostic de troubles somatoformes
douloureux, d'état dépressif d'intensité moyenne, d'une
cervicarthrose C5-C6,
ainsi que d'une discopathie L4-L5. Ils ont conclu à une capacité de
travail
résiduelle de 50 % dans «un environnement plus favorable».

Sur la base de cette expertise, l'office a alloué à l'assurée une
demi-rente
d'invalidité à partir du 1er septembre 1997 (décisions du 10 août
2000).

B.
S.________ a interjeté recours contre ces décisions en produisant des
certificats médicaux du docteur E.________ (des 12 décembre 2000 et 20
janvier 2001) et de la doctoresse F.________ (du 4 juillet 2001). La
Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI du canton de
Genève l'a
déboutée par jugement du 8 mars 2002.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
elle demande l'annulation. Elle conclut en substance, sous suite de
frais et
dépens, principalement à l'allocation d'une rente entière
d'invalidité dès le
1er septembre 1997 et subsidiairement au renvoi de la cause à
l'administration pour la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise
médicale.
Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire
gratuite.

L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de
l'assurance-invalidité, singulièrement à une rente.

1.2 Les premiers juges ont correctement exposé les dispositions
légales
applicables en matière d'évaluation du taux d'invalidité, ainsi que
les
principes jurisprudentiels sur la valeur probante d'un rapport
médical (ATF
125 V 352 consid. 3), de sorte qu'on peut renvoyer à leur jugement.

On ajoutera que la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er
janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, dès lors que le juge
des
assurances sociales n'a pas à prendre en considération les
modifications du
droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la
décision
litigieuse du 30 novembre 2000 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366
consid.
1b).

Par ailleurs, on précisera que selon la jurisprudence, des troubles
somatoformes douloureux peuvent, dans certaines circonstances,
provoquer une
incapacité de travail (ATF 120 V 119 consid. 2c/cc; RSAS 1997 p. 75;
RAMA
1996 n° U 256 p. 217 ss consid. 5 et 6). De tels troubles entrent
dans la
catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise
psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se
prononcer sur
l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner (VSI
2000 p. 160
consid. 4b).

1.3 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou
le
juge, en cas de recours) a besoin de documents que le médecin,
éventuellement
aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin
consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle
mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de
travailler. En
outre, les données médicales constituent un élément utile pour
déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré
(ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158
consid.
1).

2.
Se fondant sur les conclusions du Professeur C.________ et de la
doctoresse
D.________ du 9 novembre 1998, selon lesquelles «avec un
environnement plus
favorable (retour au Portugal, vie de couple retrouvée, milieu
climatique
stimulant), il persiste chez S.________ une capacité de travail de 50
%», les
premiers juges ont retenu que l'intimé avait à juste titre estimé le
taux
d'invalidité de celle-ci à 50 %, ce qui lui ouvrait droit à une
demi-rente.

La recourante fait valoir en substance que l'avis du docteur
G.________,
auquel les experts du COMAI ont fait appel pour une évaluation
psychiatrique
de son état de santé, démontre qu'elle n'est plus capable d'exercer
une
quelconque activité, ce qui justifierait l'allocation d'une rente
entière
d'invalidité.

3.
3.1En l'occurrence, le docteur G.________ estime que la recourante
présente
de nombreux facteurs de risque pour le développement d'un trouble
somatoforme
et est atteinte d'un syndrome dépressif d'intensité moyenne à sévère.
Il
indique, au terme de son observation, qu'«au vu de cette situation
complexe,
évoluant depuis plusieurs années, une reprise du travail ou une
réadaptation
nous semblent illusoires». Si le psychiatre émet ainsi l'opinion
succincte
que toute reprise de travail serait vouée à l'échec, il ne précise
toutefois
pas concrètement si l'on peut raisonnablement attendre de la
recourante
qu'elle reprenne un travail en dépit de ses troubles psychiques -
sans qu'il
soit déterminant à cet égard de savoir si elle est disposée ou non à
fournir
l'effort nécessaire pour ce faire. Or, à partir du moment où il est
établi
qu'il y a atteinte psychique ayant valeur de maladie, il est décisif
de
savoir si et dans quelle mesure, l'assuré peut, malgré son infirmité
mentale,
mettre à profit sa capacité de travail et de gain en exerçant
l'activité qui
peut raisonnablement être exigée dans son cas (ATF 102 V 165; VSI
2001 p. 224
consid. 2b et les références; cf. Plädoyer 2002 n° 4 p. 64 consid. 2b
et les
références). Peu importe pour l'évaluation de l'invalidité que
l'assuré mette
effectivement à profit sa capacité de travail (résiduelle)
(Meyer-Blaser,
Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], ad art. 28 p. 202).

Par ailleurs, le Professeur C.________ et la doctoresse D.________
reconnaissent à la recourante une capacité de travail de 50 % en
quelque
sorte «conditionnelle» puisqu'ils en subordonnent l'existence à une
modification de l'environnement social dans lequel elle vit. Dans un
courrier
au médecin-conseil de l'intimé du 8 janvier 1999, le Professeur
C.________
précise encore que «dans un autre environnement, avec un entourage
affectif
de meilleure qualité et, peut-être moins d'investigations
médicales(...) la
patiente pourrait aller mieux et, de ce fait, trouver une place dans
le
marché du travail». Comme le relève la recourante l'avis des experts
quant à
sa capacité de travail repose sur une pure hypothèse et non pas sur
des
constatations objectives. En effet, les médecins ne se sont pas
prononcés
concrètement sur une diminution de la capacité de travail en raison de
problèmes d'ordre psychique, au moment déterminant, mais se sont
bornés à
décrire quelles pourraient être les conséquences d'un changement
d'environnement social sur l'aptitude de la recourante à exercer une
activité. Leur avis ne saurait dès lors emporter la conviction.

A la lecture de l'expertise litigieuse, on constate donc que les
conclusions
des différents médecins impliqués dans l'examen de la recourante
laissent
subsister des divergences quant aux conséquences des affections
psychiques
sur sa capacité de travail et ne permettent pas non plus de se
déterminer de
manière convaincante sur ce point.

3.2 Pour autant, on ne saurait s'en remettre, comme le voudrait la
recourante, à l'appréciation de la capacité de travail donnée par son
médecin
traitant, le docteur H.________, ni aux certificats médicaux du
docteur
E.________ qu'elle a produits en cours de procédure cantonale. D'une
part en
effet, le rapport du médecin traitant du 19 mars 1998 ne remplit à
l'évidence
pas les conditions posées par la jurisprudence sur le caractère
probant d'une
pièce médicale, dès lors que les diagnostics et l'évaluation de
l'incapacité
de travail dont il fait état ne reposent sur aucune motivation ou
explication. D'autre part, les certificats du docteur E.________
établis les
12 décembre 2000 et 20 janvier 2001 - comme du reste le rapport de la
doctoresse F.________ du 4 juillet 2001 - portent sur des faits
survenus
postérieurement à la décision litigieuse. Ils n'ont dès lors pas à
être pris
en compte - ce que la recourante reconnaît au demeurant -, seul étant
déterminant en l'occurrence l'état de fait existant au moment où
celle-ci a
été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et la référence). Cas échéant,
l'évolution défavorable de l'état de santé de la recourante sur le
plan
physique devra être prise en considération par l'office intimé
lorsqu'il se
prononcera sur la demande de prestations que la recourante allègue
avoir
déposé.

3.3 En l'absence d'une appréciation médicale convaincante sur le
point de
savoir si et dans quelle mesure, au moment déterminant, la recourante
subissait une diminution de sa capacité de travail en raison de
problèmes
d'ordre psychique, il se justifie de renvoyer la cause à l'office
intimé pour
qu'il procède à une instruction complémentaire sous la forme d'une
expertise
psychiatrique. A cette occasion, le caractère éventuellement
invalidant des
troubles somatoformes douloureux devrait être examiné à la lumière des
critères développés dans l'arrêt publié à la Pratique VSI 2000 p. 154.

4.
S'agissant d'un litige qui concerne l'octroi ou le refus de
prestations
d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). En outre, la
partie qui
obtient gain de cause a droit à des dépens (art. 135 en corrélation
avec
l'art. 159 OJ). La demande d'assistance judiciaire est dès lors sans
objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement de la Commission
cantonale de
recours en matière d'AVS/AI du canton de Genève du 8 mars 2002 et les
décisions du 10 août 2000 sont annulés, la cause étant renvoyée à
l'intimé
pour complément d'instruction au sens des considérants et nouvelle
décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'500 fr. (y compris la
taxe sur
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
La Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI du canton de
Genève
statuera sur les dépens pour la procédure de première instance, au
regard de
l'issue du procès de dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
du canton
de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 mars 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.376/02
Date de la décision : 28/03/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-28;i.376.02 ?
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