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28/03/2003 | SUISSE | N°5C.251/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2003, 5C.251/2002


{T 0/2}
5C.251/2002 /frs

Arrêt du 28 mars 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

M.________,
recourant, représenté par Me Pierre-Alain Killias, avocat, rue du
Grand-Chêne
8, case postale 3648,
1002 Lausanne,

contre

L.________,
intimée, représentée par Me Pierre-Alain Recordon, avocat, boulevard
des
Philosophes 9, 1205 Genève,
P.________ et
A.________,
intimés, tous les deux représentés par Me Jean-Fr

ançois Ducrest,
avocat, rue
Toepffer 11bis, case postale 178, 1211 Genève 12.

art. 68 OJ (administration d'office d'une ...

{T 0/2}
5C.251/2002 /frs

Arrêt du 28 mars 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

M.________,
recourant, représenté par Me Pierre-Alain Killias, avocat, rue du
Grand-Chêne
8, case postale 3648,
1002 Lausanne,

contre

L.________,
intimée, représentée par Me Pierre-Alain Recordon, avocat, boulevard
des
Philosophes 9, 1205 Genève,
P.________ et
A.________,
intimés, tous les deux représentés par Me Jean-François Ducrest,
avocat, rue
Toepffer 11bis, case postale 178, 1211 Genève 12.

art. 68 OJ (administration d'office d'une succession; compétence du
juge
suisse),

recours en nullité contre la décision de la Cour de justice du canton
de
Genève du 15 juillet 2002

Faits:

A.
D. ________, née le 17 janvier 1905, ressortissante française
légalement
domiciliée à Genève, est décédée le 7 avril 1999 à Paris (France).

Le 13 août 1999, la Justice de Paix du canton de Genève a notamment
ordonné
l'administration d'office de la succession D.________, en application
des
art. 551 al. 1 aCC et 554 al. 1 ch. 3 CC et nommé en qualité
d'administrateurs B._______ et M.________, lesquels officiaient par
ailleurs
en qualité d'exécuteurs testamentaires, respectivement selon un
testament
olographe du 15 octobre 1990 et un codicille du 20 février 1994.

Par décision du 27 juin 2000, la Justice de paix de Genève a levé
cette
mesure, réservé l'approbation des rapports et comptes - à produire
pour le 31
août 2000 - des administrateurs officiels, débouté les parties de
toutes
autres conclusions et mis un émolument de 10'000 fr. à la charge de la
succession. En bref, elle a considéré que, le dernier domicile de la
de cujus
étant en France (Paris), les autorités judiciaires genevoises
n'étaient pas
compétentes pour ordonner l'administration d'office de la succession
selon
l'art. 86 al. 1 LDIP.

Statuant le 2 mai 2001, la Cour de justice du canton de Genève a, à
la forme,
déclaré recevable le recours interjeté par M.________ et admis
l'intervention
de P.________ et de A.________, lesquels se prétendaient héritiers
légaux de
la défunte; au fond, l'autorité cantonale a, en particulier, annulé la
décision de la Justice de paix, ordonné le maintien de
l'administration
d'office de la succession et condamné B.________ et L.________ - cette
dernière agissant en qualité d'administrateur officiel nommé par les
autorités françaises saisies du litige successoral - à payer,
solidairement
entre eux, les dépens du recourant et des intervenants ainsi que
l'émolument
de décision. Elle a en résumé jugé qu'il n'appartenait pas à
l'autorité de
première instance de statuer de manière définitive sur le lieu du
dernier
domicile de la défunte, que sa compétence était donnée prima facie
puisqu'au
moment de son décès, la de cujus était administrativement domiciliée à
Genève. Le juge de paix devait s'en tenir à cette apparence, et cela
d'autant
plus que la question dudit domicile était débattue, apparemment en
procédure
ordinaire, devant le juge compétent du lieu du décès. Au demeurant,
même si
la défunte avait eu son dernier domicile à l'étranger, le juge de
paix était
compétent, selon l'art. 89 LDIP, pour ordonner les mesures
conservatoires
relatives aux biens situés à Genève et pour veiller à l'exécution de
la
mesure de sûreté ainsi ordonnée, celle-ci n'étant pas destinée à
assurer la
dévolution de la succession.

B.
Le 19 mars 2002, la IIe Cour civile du Tribunal fédéral a admis le
recours en
nullité exercé par B.________ et L.________, annulé la décision du 2
mai 2001
et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision
dans le
sens des considérants. Elle a en outre mis les frais et dépens à la
charge
des intimés, solidairement entre eux. Elle a en bref considéré que la
compétence des autorités genevoises pour ordonner l'administration
d'office
sur l'ensemble des biens de la succession ne pouvait être donnée que
si le
dernier domicile de la de cujus était à Genève, question qu'il
convenait donc
d'examiner en premier lieu, au regard des art. 23 ss CC (arrêt
5C.171/2001).

C.
Dans ses écritures postérieures au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale,
le conseil de B.________ et de L.________ a, principalement,
sollicité la
suspension de l'instance en raison du décès du premier nommé;
subsidiairement, il a maintenu ses précédentes conclusions. Dans ses
observations du 31 mai 2002, M.________ a préalablement demandé que
des
enquêtes soient ordonnées le cas échéant et qu'un délai
supplémentaire lui
soit accordé pour compléter ses écritures et produire des pièces
complémentaires. Principalement, il a conclu à l'annulation de la
décision de
la Justice de paix du 27 juin 2000, à ce qu'il soit constaté que le
domicile
de feue D.________ au moment de son décès était à Genève, à ce que
soit
reconnu le droit des héritiers légaux de la prénommée, à ce qu'il soit
constaté que la Fondation X.________, domiciliée à Monaco, n'a que la
qualité
de légataire instituée et à ce que l'administration d'office de la
succession
soit ordonnée.
Statuant sur renvoi le 15 juillet 2002, la Cour de justice a notamment
confirmé la décision du 27 juin 2000 de la Justice de paix, compensé
les
dépens, mis à la charge de la succession un émolument de décision de
5'000
fr., à verser à l'Etat de Genève, et débouté les parties de toutes
autres
conclusions. Elle a en bref considéré que le dernier domicile de la
défunte
était à Paris. Dans ses considérants, elle a refusé de donner suite à
la
requête de suspension de l'instance motivée par le décès de
B.________.

D.
M.________ exerce un recours en nullité au Tribunal fédéral. Il
conclut,
principalement, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de
l'arrêt
cantonal et au renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens
des
considérants. Subsidiairement, il demande l'annulation de l'arrêt en
tant
qu'il réserve l'approbation par la Justice de paix des rapports et
comptes
que les administrateurs officiels sont invités à produire.

Les intimés n'ont pas été invités à répondre.

E.
Le 20 novembre 2002, le Président de la IIe Cour civile du Tribunal
fédéral a
refusé l'effet suspensif au recours.

F.
Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité, le recours de droit public connexe (5P.326/2002) formé
par
M.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 A l'instar de la décision qui ordonne, en dernière instance
cantonale,
l'administration d'office d'une succession, la décision qui la lève
ressortit
à la juridiction gracieuse. Elle n'est donc pas susceptible d'un
recours en
réforme (cf. ATF 98 II 272 et les arrêts cités; J.-F. Poudret,
Commentaire de
la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 1.2.39 ad
Titre II, p.
17), mais d'un recours en nullité (Poudret, op. cit., n. 1.2 ad art.
68, p.
633; cf. ATF 57 II 400 ss).

1.2 Le recours en nullité ne peut être formé que pour l'un des motifs
énumérés à l'art. 68 al. 1 OJ.

Autant que le recourant se plaint de la violation d'une prescription
de droit
fédéral quant à la compétence territoriale internationale de
l'autorité (art.
86 al. 1 LDIP), le recours est recevable selon l'art. 68 al. 1 let. e
OJ. Il
ne l'est en revanche pas dans la mesure où le recourant reproche à
l'autorité
cantonale d'avoir violé le droit fédéral, en l'occurrence l'art. 8
CC, en
refusant d'administrer des preuves propres à établir des faits
pertinents et
contestés.

1.3 Le recours a par ailleurs été déposé en temps utile (art. 34 al.
1 let. b
et 69 al. 1 OJ) et dans la forme prévue par la loi (art. 71 OJ).

1.4 En tant qu'administrateur officiel de la succession, le recourant
a par
ailleurs qualité pour agir par la voie du recours en nullité (sur ce
point:
arrêt 5C.171/2001 du 19 mars 2001 rendu entre les mêmes parties,
consid. 2b
non publié in SJ 2002 I 366).

1.5 En instance cantonale, le recourant n'a pas pris de chef de
conclusions
subsidiaire limité à l'annulation de la décision en tant qu'elle
réserve
l'approbation des rapports et comptes des administrateurs officiels.
Nouveau,
il est irrecevable (art. 55 al. 1 let. b OJ applicable en vertu du
renvoi de
l'art. 74 OJ; J.-F. Poudret, op. cit., n. 2 ad art. 74 OJ et n. 1.4.3
ad art.
55 OJ). Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner - pour
autant qu'il
soit en outre recevable dans un recours en nullité - le grief selon
lequel il
serait contradictoire - et constitutif d'une violation de l'art. 86
al. 1
LDIP - de lever, d'une part, l'administration d'office pour défaut de
compétence de la Justice de paix et de réserver, d'autre part,
l'approbation
des rapports et comptes des administrateurs officiels par cette même
autorité.

1.6 Selon l'art. 63 al. 2 OJ, applicable en vertu du renvoi de l'art.
74 OJ
(ATF 127 III 390 consid. 1f p. 393), le Tribunal fédéral fonde son
arrêt sur
les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité
cantonale, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées
ou que des constatations de fait ne reposent sur une inadvertance
manifeste.
Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait -
ou
l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité
cantonale (ATF
126 III 59 consid. 2a p. 65; 125 III 368 consid. 3 p. 372) - et les
faits
nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Dans la mesure où le recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui
contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir de l'une des
exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte.
Il en va
notamment ainsi de son affirmation selon laquelle le couple
D.________ a été
successivement domicilié à Montana et Lausanne.

2.
Se prévalant de l'application analogique de l'art. 51 al. 1 let. c
OJ, le
recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir indiqué les
dispositions légales qu'elle a appliquées pour nier la compétence de
la
justice de paix, mais de s'être bornée à statuer sur la base de
l'art. 23 CC,
disposition qui "n'attribue en soi aucune compétence
juridictionnelle".

Si l'auteur cité par le recourant (A. Thouvenin, Die
bundesgerichtliche
Nichtigkeitsbeschwerde in Zivilsachen, thèse Zurich 1978, p. 94 s.)
est
d'avis que l'art. 51 al. 1 let. c OJ s'applique dans le cadre du
recours en
nullité conformément au renvoi de l'art. 74 OJ, d'autres commentateurs
rejettent cette opinion (J.-F. Poudret, op. cit., n. 3 ad art. 74 OJ,
qui
cite W. Birchmeier, Handbuch des Bundesgesetzes über die Organisation
des
Bundesrechtspflege, Zurich, 1950, p. 266 ad art. 74). Cette question
peut
toutefois demeurer indécise, le grief tombant de toute façon à faux.
Le
recourant ne saurait limiter sa compréhension de la cause à la seule
lecture
du dernier arrêt cantonal. Il semble en effet oublier que la Cour de
justice
a statué sur renvoi et que, partant, elle était tenue de fonder sa
nouvelle
décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral
(art.
66 al. 1 OJ applicable en vertu de l'art. 74 OJ). Or, le juge auquel
la cause
est renvoyée voit sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de
renvoi,
en ce sens qu'il est lié par ce qui a déjà été tranché définitivement
par le
Tribunal fédéral. Dans un tel contexte, il peut se passer de
reprendre in
extenso les points qui ont reçu une réponse définitive. En l'espèce,
comme
l'a relevé la cour cantonale, le Tribunal fédéral a définitivement
jugé les
questions de droit international privé. Il a en effet considéré dans
son
arrêt du 19 mars 2002 que les mesures contestées n'ont pas été prises
en
application de l'art. 89 LDIP, disposition qui conférerait une
compétence des
autorités genevoises pour prendre des mesures conservatoires sur les
biens
situés en Suisse en dépit d'un domicile à l'étranger, mais sur la
base de
l'art. 86 al. 1 LDIP. Dans ce contexte devait être résolue non la
question -
controversée - de savoir si l'administration d'office de la
succession peut
constituer une mesure conservatoire au sens de l'art. 89 LDIP pour
les biens
situés en Suisse, mais celle de savoir si les autorités genevoises
sont
compétentes pour ordonner l'administration d'office sur l'ensemble
des biens
de la succession. Or, cette compétence ne pouvait être donnée que si
le
dernier domicile de la de cujus était à Genève, point qu'il convenait
d'examiner au regard des art. 23 ss CC, le dernier domicile du défunt
au sens
de l'art. 86 al. 1 LDIP étant défini selon les critères prévus à ces
articles.

3.
Le recourant se plaint ensuite d'une violation de l'art. 86 al. 1
LDIP. Il
soutient qu'en vertu de l'arrêt du Tribunal fédéral, la Cour de
justice
devait se livrer à un examen exhaustif de la question du dernier
domicile de
la défunte. En particulier, il appartenait à l'autorité cantonale
d'examiner
dans quelles circonstances s'est opéré le déplacement à Paris et la
mise en
place du suivi médicalisé dans l'appartement parisien. Lui-même avait
allégué
que les raisons du séjour de la de cujus à Paris tenaient à la santé
physique
de l'intéressée et au fait que celle-ci pouvait bénéficier d'un cadre
médicalisé dans sa résidence secondaire parisienne. La défunte avait

en outre
de tout temps exprimé son voeu de retourner habiter à Genève. En
conséquence,
son déplacement dans la capitale française ne pouvait être considéré
comme un
changement de domicile. Par ailleurs, au vu de la jurisprudence
cantonale
(GVP ZG 1987/88 p. 205-206; SJ 1965 p. 145 ss), selon laquelle le
placement
peut également être le fait de personnes privées lorsqu'elles sont en
charge
de l'entretien de la personne placée, et dès lors que l'arrêt cantonal
constate que le mari de la défunte avait demandé au recourant et aux
autres
exécuteurs testamentaires de prendre toutes les mesures propres à
assurer à
son épouse une fin de vie convenable et que la défunte avait besoin
d'un
encadrement de soins important, les juges cantonaux auraient refusé à
tort
d'assimiler la situation de la de cujus à celle d'une personne
résidant dans
un hospice ou un hôpital selon l'art. 26 CC.

Ce faisant, le recourant propose une appréciation juridique de la
situation
qui se fonde toutefois sur des faits qui s'écartent des constatations
souveraines de l'autorité cantonale (art. 63 al. 2 OJ). Une telle
critique
est dès lors irrecevable. Si le recourant entendait s'en prendre à la
constatation des faits - respectivement à l'appréciation des preuves
- par
l'autorité cantonale, il lui appartenait de former un recours de
droit public
pour arbitraire (art. 84 al. 1 let. a OJ), ce qu'il a précisément
échoué à
faire.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la
procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens
aux
intimés qui n'ont pas été invités à répondre (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en nullité est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 28 mars 2003,

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.251/2002
Date de la décision : 28/03/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-28;5c.251.2002 ?
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