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27/03/2003 | SUISSE | N°I.476/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 mars 2003, I.476/02


{T 7}
I 476/02

Arrêt du 27 mars 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Gehring

A.________, recourant,

contre

Office de l'AI du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 4 juin 2002)

Faits :

A.
A. ________, marié et père d'un enfant, a exercé depuis 1990, la
profession
de maçon en

Suisse. Le 12 avril 1995, il a été victime d'une chute au
cours
de son travail. Depuis lors, il souffre d'un oedème et de douleurs à
...

{T 7}
I 476/02

Arrêt du 27 mars 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Gehring

A.________, recourant,

contre

Office de l'AI du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 4 juin 2002)

Faits :

A.
A. ________, marié et père d'un enfant, a exercé depuis 1990, la
profession
de maçon en Suisse. Le 12 avril 1995, il a été victime d'une chute au
cours
de son travail. Depuis lors, il souffre d'un oedème et de douleurs à
la
cheville droite et n'exerce plus d'activité lucrative.

Le cas a été pris en charge par la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas
d'accidents jusqu'au 17 novembre 1996. Elle a alors mis un terme au
versement
de ses prestations, motif pris qu'il n'existait plus de lien de
causalité
entre l'accident du 12 avril 1995 et les troubles dont l'assuré
souffrait
encore.

Le 2 septembre 1996, ce dernier a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une mesure d'orientation
professionnelle ou d'une rente. Par décision du 13 novembre 1998,
l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après : l'Office AI) lui
a
alloué une rente entière fondée sur un degré d'invalidité de 100 %,
motif
pris qu'il souffrait de troubles somatoformes douloureux et que, pour
cette
raison, il présentait une incapacité entière de travail dans toute
profession.

Au terme d'une procédure de révision, l'Office AI a supprimé la rente
ainsi
allouée à l'assuré. Il a considéré qu'un changement important des
circonstances s'était produit, étant donné que l'intéressé présentait
désormais une capacité entière de travail dans une activité adaptée à
son
état de santé et qu'il n'existait par conséquent plus d'invalidité
(décision
du 26 octobre 2001).

B.
Se fondant sur les mêmes motifs, le Tribunal cantonal de la
République et
Canton du Jura a rejeté le recours de l'assuré contre cette décision
(jugement du 4 juin 2002).

C.
A.________ interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement
dont il requiert l'annulation, en concluant au maintien d'une rente
fondée
sur un degré d'invalidité de 50 % au moins.

L'Office AI conclut au rejet du recours, ce que propose également la
juridiction cantonale. De son côté, l'Office fédéral des assurances
sociales
a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Le cas d'espèce reste néanmoins régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
En vertu de l'art. 41 LAI, les rentes en cours doivent être, pour
l'avenir,
augmentées, réduites ou supprimées si le degré d'invalidité se
modifie de
manière à influencer le droit à ces prestations. Tout changement
important
des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité et donc
le droit
à la rente, peut motiver une révision. Pour juger si un tel
changement s'est
produit, il faut comparer les faits tels qu'ils se présentaient au
moment de
la décision de rente initiale avec les circonstances régnant à
l'époque de la
décision litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence).

Si les conditions prévues à l'art. 41 LAI font défaut, la décision de
rente
peut être éventuellement modifiée d'après les règles applicables à la
reconsidération de décisions administratives passées en force.
Conformément à
ces règles, l'administration peut en tout temps revenir d'office sur
une
décision formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une
autorité judiciaire ne s'est pas prononcée sous l'angle matériel, à
condition
qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une
importance notable. Le juge peut, le cas échéant, confirmer une
décision de
révision rendue à tort pour le motif substitué que la décision de
rente
initiale était sans nul doute erronée et que sa rectification revêt
une
importance notable (ATF 125 V 369 consid. 2 et les arrêts cités).
L'administration est en outre tenue de revenir sur une décision
formellement
passée en force de chose jugée lorsque des faits nouveaux ou de
nouveaux
moyens de preuve, de nature à conduire à une appréciation juridique
différente, sont découverts (ATF 110 V 178 consid. 2a, 292 consid. 1
et les
arrêts cités).

3.
En l'espèce, l'intimé et la juridiction cantonale ont considéré que
les
conditions d'une révision du droit à la rente du recourant étaient
réunies
dans la mesure où celui-ci ne présentait plus d'invalidité.

3.1 A l'appui de leur point de vue, ils se sont fondés sur une
expertise
établie le 29 janvier 2001 par la clinique X.________, aux termes de
laquelle
le recourant présente un trouble factice avec exclusion fonctionnelle
d'une
extrémité (pied droit) et un status après entorse bénigne de la
cheville
droite. Le trouble factice résulte des suites d'une atteinte mineure
à la
cheville droite à la faveur de motifs psychologiques probablement
liés à une
demande de compensation financière. Il s'agit d'une limitation
fonctionnelle
d'ordre psychologique et non somatique. Ce tableau clinique et le
fait que
l'intéressé est convaincu du bien-fondé de son droit à des prestations
financières de la CNA et de l'AI rendent toute mesure de reclassement
professionnel inefficace. Toutefois, au vu de la trajectoire
professionnelle
de l'intéressé, ce dernier devrait être parfaitement en mesure de
retrouver
par lui-même un emploi dans le cadre d'un travail de manutention
s'effectuant
en position assise et n'exerçant pas de charge sur les jambes. Le
jeune âge
de l'assuré, l'absence de comorbidités psychiatriques, son bon état
de santé
physique et le fait qu'il ne se sente pas complètement incapable
d'exercer
une activité professionnelle fondent un pronostic favorable. Les
experts en
concluent qu'une reprise du travail du recourant dans son ancien
métier
serait contre-indiqué au plan psychologique. En revanche, il présente
une
capacité entière de travail dans une activité adaptée à son état de
santé
(sans port de charge, ni travaux lourds, ni marche continue),
laquelle n'est
toutefois pas susceptible d'amélioration, fût-ce par le biais de
mesures
médicales ou professionnelles.

3.2 En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce
qui est
déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une
étude
circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets,
qu'il
prenne également en considération les plaintes exprimées par la
personne
examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse,
que la
description du contexte médical et l'appréciation de la situation
médicale
soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment
motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante
n'est
ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou
comme
expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a,
122 V 160
consid. 1c et les références).

3.3 En l'occurrence, l'expertise pluridisciplinaire de la clinique
X.________
a été rendue à la suite de plusieurs consultations, notamment
psychiatrique
et rhumatologique, avec le recourant. Elle repose sur une étude
attentive et
complète du dossier, en considération de l'anamnèse médicale et
familiale du
recourant, des plaintes de celui-ci, ainsi que des résultats d'examens
médicaux (densitométrie osseuse calcanéenne et IRM de la cheville
droite). Le
diagnostic posé est clair et motivé. En particulier, les conclusions
selon
lesquelles le recourant présente un trouble factice concordent avec
celles du
rapport du 2 juillet 2001 du docteur B.________, psychiatre et
psychothérapeute. Dans la mesure où celles-ci ne s'écartent de
l'appréciation
de la consultation psychiatrique de la doctoresse C.________ - qui
fait état
de troubles somatoformes ayant valeur de maladie - qu'au terme d'une
discussion détaillée et convaincante, l'expertise de la clinique
X.________
répond en tous points aux critères jurisprudentiels énumérés ci-dessus
(consid. 3.2) et revêt une pleine valeur probante. Dès lors, il y a
lieu de
retenir, à l'instar de l'intimé et des premiers juges, que le
recourant
dispose d'une capacité entière de travail dans une activité adaptée.
Dans la
mesure où à l'époque de la décision initiale de rente, le recourant
présentait une incapacité entière de travail dans toute profession
(expertise
du 25 mars 1997 du docteur D.________, psychiatre et
psychothérapeute), force
est de constater qu'il s'est produit depuis lors une modification
importante
des circonstances qui est de nature à influencer le degré
d'invalidité de
l'assuré, donc son droit à la rente.

4.
Cela étant, il convient d'examiner si cette amélioration de la
capacité de
travail du recourant entraîne une modification de l'invalidité
fondant la
suppression de son droit à la rente.

4.1 Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière
s'il est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50
% au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans
les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une
demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.

Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé
sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail
que
l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est
comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al.
2 LAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en
chiffrant aussi
exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer
le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V
30
consid. 1, 104 V 136 consid. 2a et 2b).

4.2 En l'espèce, il est constant que le recourant n'exerce plus
d'activité
lucrative et ne perçoit plus de salaire. A défaut d'un revenu
effectivement
réalisé, la jurisprudence considère que le revenu d'invalide peut
être évalué
sur la base des données statistiques, telles qu'elles résultent des
enquêtes
sur la structure des salaires de l'Office fédéral de la statistique
(ATF 126
V 76 sv. consid. 3b/aa et bb).

Le salaire statistique de référence est celui auquel peuvent
prétendre les
hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le
secteur privé
en 2001 - année de référence pour la comparaison des revenus (ATF 121
V 366
consid. 1b; cf. également consid. 2.1 ci-dessus) et non pas 1996 comme
l'intimé l'a retenu à tort -, à savoir 4'437 fr. par mois (L'enquête
suisse
sur la structure des salaires 2000, p. 31, tableau TA1; niveau de
qualification 4). Au regard du large éventail d'activités simples et
répétitives que recouvrent les secteurs de la production et des
services, on
doit en effet convenir qu'un certain nombre d'entre elles sont
légères et ne
requièrent pas de charge sur les jambes, et sont donc adaptées aux
problèmes
de cheville du recourant. Comme les salaires bruts standardisés
tiennent
compte d'un horaire de travail de quarante heures, soit une durée
hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en
2000
(41,8 heures; La Vie économique, 3/2001, p. 100, tableau B 9.2), ce
montant
doit être portée à 4'636 fr. (4'437 fr. x 41,8 : 40), ce qui donne un
salaire
annuel de 55'632 fr. Après adaptation de ce chiffre à l'évolution des
salaires de 2000 à 2001 (+ 2,5 %; La Vie économique, 7/2002, p. 89,
tableau B
10.2), on obtient un revenu annuel de 57'022 fr 80.

Selon son ancien employeur, l'assuré aurait réalisé en 2001, un
revenu annuel
sans invalidité de 49'530 fr. (3'810 fr. x 13). Ce revenu n'est pas
contesté.
Si on le compare avec le revenu d'invalide de 57'022 fr. 80, il
apparaît que
le recourant ne subit plus de manque à gagner, et cela même si l'on
tenait
compte, par hypothèse, d'un taux de réduction maximum de 25 % sur le
revenu
d'invalide, de sorte qu'il n'a plus droit à une rente. Par
conséquent, c'est
à juste titre que l'office AI et les premiers juges ont prononcé la
suppression du droit à la rente du recourant.

4.3 Sur le vu de ce qui précède, le jugement attaqué n'est pas
critiquable et
le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera
communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de
la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office
fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 27 mars 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.476/02
Date de la décision : 27/03/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-27;i.476.02 ?
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