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27/03/2003 | SUISSE | N°1P.50/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 mars 2003, 1P.50/2003


{T 0/2}
1P.50/2003 /col

Arrêt du 27 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

la société N.________,
recourante, représentée par Me Soli Pardo, avocat,
case postale 147, 1211 Genève 12,

contre

Ville d'Onex, 1213 Onex, représentée par Me Bernard Dorsaz, avocat,
rue
Toepffer 11, 1206 Genève,
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la

©publique
et canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève
8,
Tribunal administratif de la Républiqu...

{T 0/2}
1P.50/2003 /col

Arrêt du 27 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

la société N.________,
recourante, représentée par Me Soli Pardo, avocat,
case postale 147, 1211 Genève 12,

contre

Ville d'Onex, 1213 Onex, représentée par Me Bernard Dorsaz, avocat,
rue
Toepffer 11, 1206 Genève,
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la
République
et canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève
8,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue des
Chaudronniers 3, 1204 Genève.

art. 9 Cst. (autorisation de construire, densification en zone villa),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal adminis-tratif de
la
République et canton de Genève du 3 décembre 2002.

Faits:

A.
Le 13 mars 1997, la société N.________, agissant pour l'hoirie
B.________, a
déposé une demande d'autorisation de construire vingt-quatre villas
jumelées
sur les parcelles n° 313 et 724 de la commune d'Onex, sises en
cinquième zone
à bâtir (zone résidentielle de villas). Le 9 octobre 1997, malgré le
préavis
négatif de la commune (qui s'opposait à un taux d'occupation de 0,25
en
dérogation au taux de 0,20 dans un secteur comprenant une zone
protégée et un
site classé), le Département des travaux publics genevois (devenu par
la
suite Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement,
ci-après
le département) a accordé l'autorisation: la densification
correspondait à
une volonté du Grand Conseil genevois de tirer un meilleur parti des
zones à
bâtir.
Dans le cadre d'une procédure de recours, l'hoirie s'est ensuite
engagée à
respecter le coefficient de 0,20, ce qui impliquait la renonciation à
la
construction de quatre villas. Vingt villas ont ainsi été
construites, selon
demande complémentaire du 9 juillet 1998.

B.
Le 16 juin 1999, le département a accordé une nouvelle autorisation de
construire, portant sur les quatre villas prévues dans le plan
initial, en
dépit du préavis de la commune d'Onex, qui recommandait que l'espace
libéré
par la suppression des quatre villas fût affecté à la détente ou aux
jeux.
Un recours formé par la commune a été rejeté par la commission
cantonale de
recours en matière de constructions, mais admis, le 30 janvier 2001,
par le
Tribunal administratif genevois: le projet litigieux ne correspondait
à
aucune réflexion d'ensemble sur l'occupation de l'espace; la
densification
projetée était incompatible avec le développement du quartier et le
maintien
d'une qualité de vie acceptable en zone de villas.
Par arrêt du 31 mai 2001, le Tribunal fédéral a admis le recours
formé par
N.________: le Tribunal administratif avait omis de se prononcer sur
l'argument tiré de l'égalité de traitement, alors qu'il avait
précédemment
autorisé la construction de quatre villas sur une parcelle voisine,
en se
fondant sur ce même principe.

C.
Statuant à nouveau le 3 décembre 2002, après avoir ordonné la
production du
dossier relatif à la construction des quatre villas voisines, et
permis aux
parties de se déterminer, le Tribunal administratif a derechef annulé
la
décision de la commission, ainsi que l'autorisation de construire.
Dans son
arrêt du 4 mars 1998 relatif à quatre villas au chemin de
Montesquiou, il
avait admis un taux d'occupation de 0,25 à titre dérogatoire, au
motif que
l'environnement était essentiellement bâti. A la différence du cas
d'espèce,
le projet n'avait suscité aucune réserve d'ordre esthétique; en
l'occurrence
le secteur, proche d'un complexe de maisons mitoyennes d'une densité
déjà
supérieure à 0,20, avait en outre récemment fait l'objet d'une
densification
par la construction de vingt villas; l'intérêt public au maintien
d'une
qualité de vie acceptable devait de toute façon l'emporter sur le
principe
d'égalité.

D.
N.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt,
dont
elle requiert l'annulation.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le département s'en
rapporte
à justice et la commune d'Onex conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La recourante ne s'en prend pas directement aux considérants de
l'arrêt
attaqué relatifs au principe d'égalité de traitement. Reprenant les
griefs
formulés contre l'arrêt précédent du 30 janvier 2001, elle reproche au
Tribunal administratif d'avoir substitué son appréciation à celle du
département, en dépit notamment du préavis favorable de la Commission
d'architecture, alors que son pouvoir d'examen ne s'étend pas aux
questions
d'opportunité, comme celle de l'esthétique. Le Tribunal administratif
se
serait en outre fondé sur des considérations relevant de la
planification de
secteur, alors que l'octroi d'une dérogation dépendrait uniquement des
circonstances particulières.
Admettant le précédent recours pour une raison formelle, le Tribunal
fédéral
n'avait pas examiné cet argument, qui peut donc être repris à l'appui
du
présent recours.

2.
La recourante se plaint ainsi d'une application arbitraire des art.
59 al. 4
de la loi genevoise sur les constructions et les installations
diverses
(LCI), et 61 al. 2 de la loi sur la procédure administrative (LPA),
dispositions dont la teneur est la suivante:
Art. 59 LCI (rapport des surfaces en cinquième zone)
...
4Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est
compatible
avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le
département:
a) peut autoriser, après consultation de la commune et de la
commission
d'architecture, un projet de construction en ordre contigu dont la
surface de
plancher n'excède pas 25% de la surface du terrain;
...
Art. 61 LPA motifs du recours

1Le recours peut être formé:
a) pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation;
b) pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

2Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier
l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la
loi.

2.1 L'autorité de recours qui étend indûment, ou au contraire
restreint son
pouvoir d'appréciation commet un déni de justice prohibé par l'art.
29 al. 2
Cst. (ATF 117 Ia 5 consid. 1a p. 7 et la jurisprudence citée). En
dehors des
cas où le pouvoir d'examen est déterminé par le droit fédéral (cf.
art. 98a
al. 2 OJ), le Tribunal fédéral examine sous l'angle de l'arbitraire
les
dispositions du droit cantonal d'organisation et de procédure (ATF
127 I 128
consid. 3c p. 130). Il recherche ensuite librement si l'application
par
hypothèse non arbitraire de ces dispositions est conforme au droit
d'être
entendu (ATF 126 I 68 consid. 3b p. 73, 123 I 49 consid. 2b p. 51,
117 Ia 116
consid. 3a et les arrêts cités).

2.2 La faculté de statuer en opportunité implique la possibilité
d'opter
entre plusieurs solutions dans l'application de la loi, pour choisir
en
définitive la solution la plus adéquate (cf. André Grisel, Traité de
droit
administratif, Neuchâtel 1984, vol. I p. 329 ss). En revanche,
lorsque la loi
pose des conditions à l'octroi d'une décision administrative, en
faisant
appel à des critères précis ou en recourant à des notions juridiques
indéterminées, elle ne permet pas de statuer en pure opportunité.
Contrairement à ce que soutient la recourante, l'octroi d'un certain
pouvoir
d'appréciation et la faculté de décider en opportunité ne sont donc
pas
synonymes, dans la mesure où le droit cantonal fait de la pure
opportunité un
motif de recours distinct (Grisel, op. cit. vol. 2 p. 911, qui
affirme que
les questions d'opportunité se confondent avec celles d'appréciation,
mais
les distingue néanmoins en tant que motifs de recours).

2.3 L'art. 59 al. 4 LCI permet de déroger au rapport des surfaces
lorsque
"les circonstances le justifient" et que cela se révèle "compatible
avec le
caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier". Si la première
expression paraît relever de l'opportunité, il en va différemment de
la
seconde par laquelle la loi pose explicitement des critères relatifs à
l'esthétique et à l'aménagement du territoire. Elle confère certes un
large
pouvoir d'appréciation à l'autorité chargée de les appliquer, mais ce
pouvoir
doit s'exercer dans le cadre légal. Il ne s'agit donc pas
d'opportunité, mais
d'exercice d'un pouvoir d'appréciation, dont le Tribunal
administratif est
habilité, selon l'art. 61 al. 1 let. a LPA, à sanctionner l'excès ou
l'abus
(cf. Valérie Montani/Olivier Bindschedler, La jurisprudence rendue en
1999
par le Tribunal administratif genevois, SJ 2000 p. 443 s'agissant de
l'opportunité). Telle est d'ailleurs l'opinion exprimée par le
Tribunal
administratif dans son arrêt du 30 janvier 2001. Celui-ci rappelle
que les
notions juridiques indéterminées font l'objet d'un libre examen par la
juridiction de recours, sous réserve des notions faisant appel à des
connaissances spécialisées. En matière d'esthétique, le Tribunal
administratif avait d'autant moins de raison de restreindre son
pouvoir
d'examen qu'il s'agissait d'une notion subjective, qu'il avait
procédé à une
inspection locale et que les préavis n'étaient pas unanimes, en
particulier
de la part des deux autorités dont l'art. 59 al. 4 LCI impose la
consultation. Cela correspond à la pratique constante de la
juridiction
intimée, que la recourante ne critique d'ailleurs pas.

2.4 La recourante prétend également que l'expression "lorsque les
circonstances le justifient", contenue à l'art. 59 al. 4 LCI,
impliquerait
que l'examen de l'esthétique devrait être limité au projet concret. La
recourante perd de vue, là aussi, que cette disposition fait également
référence au caractère, à l'harmonie et à l'aménagement du quartier,
ce qui
impose manifestement une vision plus large. Le Tribunal administratif
n'a
donc pas non plus arbitrairement étendu son pouvoir d'examen en
tenant compte
des circonstances relevant de la planification au niveau de
l'ensemble du
quartier.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être
rejeté,
dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1
OJ, un
émolument judiciaire est mis à la charge de la recourante. Selon
l'art. 159
al. 2 OJ, il n'est pas alloué de dépens aux autorités qui obtiennent
gain de
cause.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la
recourante et
de la Ville d'Onex, au Département de l'aménagement, de l'équipement
et du
logement et au Tribunal administratif de la République et canton de
Genève.

Lausanne, le 27 mars 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.50/2003
Date de la décision : 27/03/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-27;1p.50.2003 ?
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