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26/03/2003 | SUISSE | N°1P.139/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 mars 2003, 1P.139/2003


{T 0/2}
1P.139/2003/col

Arrêt du 26 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

H. ________,
recourant, représenté par Me Yves Bertossa, avocat, boulevard des
Philosophes
17, 1205 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1

,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

détention préventive,

recours de droit public contre l'ordonnance de la Ch...

{T 0/2}
1P.139/2003/col

Arrêt du 26 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

H. ________,
recourant, représenté par Me Yves Bertossa, avocat, boulevard des
Philosophes
17, 1205 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

détention préventive,

recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du
canton de Genève du
11 février 2003.

Faits:

A.
H. ________, originaire d'Algérie, né le 21 février 1942 à Cachan en
France,
a été arrêté en France le 13 octobre 1999 et condamné en comparution
immédiate par le Tribunal de Grande instance de Fontainebleau pour
détention
sans autorisation d'arme ou de munitions et détention frauduleuse de
plusieurs faux documents administratifs à une peine de cinq mois
d'emprisonnement, qu'il a purgée jusqu'au 26 janvier 2000. Il a
ensuite été
détenu à titre extraditionnel jusqu'au 29 novembre 2000, puis à
partir du 11
septembre 2001, en vertu d'un mandat d'arrêt décerné contre lui le 12
novembre 1999 par le Juge d'instruction du canton de Genève Isabelle
Cuendet
(ci-après: le Juge d'instruction) pour extorsion et chantage avec
circonstances aggravantes. Il lui était reproché d'avoir, dans le
courant du
mois d'octobre 1999, de concert avec N.________, J.________,
M.________ et
B.________, décédé dans l'intervalle, pris contact par téléphone avec
P.________ en vue de le contraindre à verser cinq millions de francs
suisses
contre la restitution de documents qui lui avaient été volés le 25
septembre
1999 dans son bureau, en le déterminant à suivre les ordres qui lui
étaient
donnés sous des menaces de mort et des révélations quant à sa vie
privée et
professionnelle. Entre le 29 novembre 2000 et le 11 septembre 2001,
H.________ a été écroué en France, dans le cadre du même complexe de
faits,
en vertu d'un mandat de dépôt décerné contre lui des chefs
d'association de
malfaiteurs, de vol en bande organisée avec violences sur autrui et
avec
usage ou menace d'une arme, et de tentative d'extorsion en bande
organisée.
Au terme d'un arrêt rendu le 22 septembre 2001, la Cour d'assises du
canton
de Genève a condamné N.________ et J.________ à des peines de six ans
de
réclusion et à quinze ans d'expulsion du territoire suisse pour délit
manqué
d'assassinat, délit manqué d'extorsion aggravée et mise en danger de
la vie
d'autrui. Elle a notamment retenu que N.________ et J.________ avaient
accepté que H.________ négocie, sous la menace, la restitution de
divers
documents dérobés dans le coffre de la société dirigée par P.________
contre
le paiement de cinq millions de francs, puis la remise d'une partie
de ces
documents contre un premier versement de 600'000 fr., avant d'être
arrêtés.
Elle les a libérés des accusations de crime manqué d'assassinat, de
brigandage aggravé ainsi que de séquestration et d'enlèvement au
motif qu'il
n'était pas établi qu'ils aient effectivement été les auteurs du vol
des
documents dans les bureaux de la société dirigée par P.________ et de
l'agression dont les époux P.________ et leur chauffeur ont été les
victimes
dans la nuit du 24 au 25 septembre 1999. Elle a en outre condamné
M.________
à la peine de vingt mois d'emprisonnement pour complicité d'extorsion
aggravée.
Après s'être opposé sans succès à son extradition, H.________ a été
remis aux
autorités suisses le 21 mai 2002 et placé en détention préventive à
la Prison
de Champ-Dollon, à Thônex. Par décision du 28 mai 2002, la Chambre
d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation
ou la
cour cantonale) a prolongé la détention du prévenu jusqu'au 28 août
2002 en
raison des besoins de l'instruction et des risques de réitération et
de
fuite. Le 20 juin 2002, H.________ a été inculpé à titre
complémentaire de
brigandage aggravé, d'extorsion et chantage aggravés, de crime manqué
d'assassinat, de séquestration et enlèvement, ainsi que de mise en
danger de
la vie d'autrui. Le Juge d'instruction a sollicité des autorités
françaises
l'extension de l'extradition de H.________ pour ces chefs
d'accusation en
date du 28 juin 2002.

B.
Par ordonnance du 9 juillet 2002, la Chambre d'accusation a rejeté la
demande
de mise en liberté provisoire déposée la veille par H.________. Elle
a estimé
que les motifs retenus à l'appui de sa décision de prolongation du 28
mai
2002 étaient toujours valables et s'opposaient à la relaxe immédiate
du
prévenu; elle a en outre retenu que la détention subie n'était pas
excessive,
eu égard à la peine encourue pour les infractions d'extorsion et de
chantage
aggravés. Par arrêt du 4 septembre 2002, le Tribunal fédéral a rejeté
le
recours formé contre cette décision. Il a confirmé l'existence d'un
risque de
fuite propre à justifier le maintien en détention et constaté que la
durée de
la détention préventive subie restait encore en-deçà de la peine à
laquelle
le prévenu s'exposait, même s'il devait être tenu compte de la durée
de la
détention subie à titre extraditionnel et fait abstraction des
infractions
ayant donné lieu à la décision d'inculpation complémentaire du 20
juin 2002.
Le 7 février 2003, H.________ a présenté une nouvelle demande de mise
en
liberté provisoire en invoquant la disproportion de la durée de la
détention
préventive au regard de l'unique infraction à l'égard de laquelle des
charges
suffisantes pouvaient être retenues, à savoir le délit manqué
d'extorsion
aggravé. La Chambre d'accusation a rejeté la requête au terme d'une
ordonnance rendue le 11 février 2003. Examinant la cause au regard
des seuls
faits ayant motivé l'extradition du requérant, elle a tenu pour
réalisée
l'existence d'un risque concret de récidive et de fuite; elle a en
outre
considéré qu'au vu de la gravité des charges imputées à H.________ et
des
peines infligées aux autres protagonistes, la détention préventive
subie
était proportionnée à la peine menace et à la peine susceptible d'être
encourue, non sans relever que la majeure partie de la détention à
titre
extraditionnel purgée par le prévenu était due à son opposition à
l'extradition, de sorte qu'une durée inférieure de cette détention à
celle
effectivement subie sera vraisemblablement déduite de la peine
prononcée à
son encontre.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, H.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner sa mise en
liberté
immédiate, le cas échéant de renvoyer la cause à la Chambre
d'accusation pour
nouvelle décision. Il reproche à la cour cantonale d'avoir violé les
art. 5 §
3 CEDH et 31 al. 3 Cst. en refusant sa mise en liberté provisoire au
motif
erroné que la durée de sa détention préventive était proportionnée en
regard
de la peine à laquelle il s'expose. Il requiert l'assistance
judiciaire.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le
Procureur général du canton de Genève conclut au rejet du recours.

H. ________ a répliqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant est personnellement touché par la décision attaquée qui
refuse
sa mise en liberté provisoire; il a un intérêt personnel, actuel et
juridiquement protégé à ce que cette décision soit annulée et a,
partant,
qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre
une
décision prise en dernière instance cantonale, le recours répond aux
exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient
d'entrer
en matière. Les conclusions du recourant tendant à sa libération
immédiate
sont par ailleurs recevables (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).

2.
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour
autant
qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt
public et
qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et
36 al.
1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le
cas, la
privation de liberté doit être justifiée par les besoins de
l'instruction, un
risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération.
Préalablement à
ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges
suffisantes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144). Cette dernière exigence
coïncide avec la règle de l'art. 5 § 1 let. c CEDH, qui autorise
l'arrestation d'une personne s'il y a des raisons plausibles de
soupçonner
qu'elle a commis une infraction.
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le
Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de
l'arbitraire (ATF
123 I 268 consid. 2d p. 271).

3.
Le recourant prétend que la durée de la détention préventive serait
disproportionnée en regard de la peine qui pourrait être prononcée à
son
encontre. Il invoque à cet égard une violation des art. 31 al. 3 Cst.
et 5 §
3 CEDH.

3.1 Ces dispositions reconnaissent à toute personne arrêtée ou
détenue le
droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée
pendant la
phase d'instruction préparatoire. Selon la jurisprudence, ce droit est
notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse
celle de
la peine privative de liberté qui pourrait, le cas échéant, être
prononcée
(ATF 126 I 172 consid. 5a p. 176/177 et les arrêts cités). Celle-ci
doit être
évaluée avec la plus grande prudence, car il faut éviter que le juge
de
l'action pénale ne soit incité à prononcer une peine excessive pour
la faire
coïncider avec la détention préventive à imputer (ATF 116 Ia 143
consid. 5a
p. 147). Cette question doit être examinée au regard de l'ensemble des
circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 126 I 172 consid. 5a p.
177; 124
I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273; 116 Ia 143
consid. 5a p.
147; 107 Ia 256 consid. 1b p.257; cf. arrêts de la Cour européenne
des droits
de l'homme dans les causes Muller contre France du 17 mars 1997,
Recueil
CourEDH 1997-II p. 374, par. 35 et W. contre Suisse du 26 janvier
1993, Série
A, vol. 254, par. 30).

3.2 Le recourant est d'avis que la durée de la détention provisoire
subie en
France du 29 novembre 2000 au 11 septembre 2001 dans le cadre de la
procédure
ouverte contre lui dans ce pays pour des infractions commises en
relation
avec le même complexe de faits que ceux pour lesquels il est
poursuivi en
Suisse devrait être prise en considération dans l'appréciation de la
proportionnalité de la détention préventive subie en Suisse. Il se
réfère à
ce propos à un jugement rendu le 30 avril 1982 par la Cour de
cassation et de
révision pénale du canton du Tessin et reproduit au Rep. 1984 p. 415.
Cette
jurisprudence ne correspond pas à la pratique actuelle de la
jurisprudence du
Tribunal fédéral (arrêt 1P.534/2000 du 22 septembre 2000, consid.
3d). On
ignore au demeurant l'état de la procédure pénale ouverte en France
contre le
recourant et si celle-ci s'étend aux mêmes infractions que celles qui
lui
sont reprochées en Suisse; il n'est donc pas d'emblée exclu que la
procédure
pénale française aboutisse à un jugement de condamnation duquel la
détention
préventive subie serait imputée, ce qui exclurait une imputation de la
détention purgée à l'étranger sur la peine infligée en Suisse (arrêt
non
publié 1P.269/1991 du 29 juillet 1991, consid. 3b; voir aussi, SJ
1999 I 81).
Dans ces circonstances, il ne saurait être question de prendre en
compte la
durée de la détention provisoire exécutée en France du 29 novembre
2000 au 11
septembre 2001 dans l'appréciation de la proportionnalité de la durée
de la
détention préventive subie à ce jour.
Pour le surplus, on peut laisser ouverte la question de savoir si la
détention à titre extraditionnel subie à l'étranger doit ou non être
prise en
considération dans cette appréciation. En effet, à supposer que tel
soit le
cas, la durée de la détention préventive subie à ce jour serait encore
conforme aux exigences déduites des art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH.
H.________ a reconnu les faits qui lui sont reprochés en relation
avec les
accusations d'extorsion et de chantage aggravés pour lesquelles son
extradition a été accordée. Ses antécédents sont largement
défavorables. Par
ailleurs, son rôle exact dans la tentative d'extorsion et de chantage
commise
à l'encontre de P.________ doit encore être déterminé, mais il
apparaît
d'ores et déjà plus important que celui joué par M.________, lequel a
été
condamné à vingt mois d'emprisonnement. En définitive, la durée de la
détention préventive subie à ce jour par H.________ reste en l'état
encore
en-deçà de la peine à laquelle il s'expose, même si l'on devait tenir
compte
de la durée de la détention subie à titre extraditionnel et faire
abstraction
des infractions pour lesquelles il a fait l'objet d'une inculpation
complémentaire.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions de l'art.
152 al.
1 OJ étant réunies, il convient de faire droit à la demande
d'assistance
judiciaire et de statuer sans frais. Me Yves Bertossa est désigné
comme
avocat d'office du recourant pour la présente procédure
et une
indemnité lui
sera versée (art. 152 al. 2 OJ). Il n'y a pas lieu d'octroyer des
dépens
(art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.

4.
Me Yves Bertossa est désigné comme avocat d'office du recourant et une
indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer
par la
Caisse du Tribunal fédéral.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
ainsi
qu'au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de
Genève.

Lausanne, le 26 mars 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.139/2003
Date de la décision : 26/03/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-26;1p.139.2003 ?
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