La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2003 | SUISSE | N°6S.54/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 mars 2003, 6S.54/2003


{T 0/2}
6S.54/2003 /rod

Arrêt du 24 mars 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Karlen.
Greffier M. Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Yves Magnin, avocat, rue de la
Rôtisserie 2,
case postale 3809, 1211 Genève 3,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3.

fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton

de Genève
du 17 janvier 2003.

Faits:

A.
Par arrêt du 11 juin 2002, la Cour d'assises du canton de Genève a
condamné
...

{T 0/2}
6S.54/2003 /rod

Arrêt du 24 mars 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Karlen.
Greffier M. Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Yves Magnin, avocat, rue de la
Rôtisserie 2,
case postale 3809, 1211 Genève 3,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3.

fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton
de Genève
du 17 janvier 2003.

Faits:

A.
Par arrêt du 11 juin 2002, la Cour d'assises du canton de Genève a
condamné
X.________, pour infractions graves à la loi fédérale sur les
stupéfiants
(LStup), à quinze ans de réclusion et à son expulsion du territoire
suisse
pour quinze ans. En particulier, X.________ a été reconnu coupable
des chefs
d'accusations suivants, étant précisé pour la clarté de l'énumération
qu'il a
été libéré de celui sous n° I./7:

ad I./1, d'avoir organisé le transport et l'importation en Suisse
d'une
quantité indéterminée d'héroïne en 1996, en faisant notamment louer
par
Y.________ une chambre à la Josefstrasse à Zurich, se procurant ainsi
un
local où réceptionner et conserver la drogue importée de Turquie, et
en
utilisant Z.________ comme "mule" pour un nombre indéterminé de
transports
d'héroïne de Turquie en Suisse;

ad I./2, d'avoir remis à Y.________ à Zurich en mai 1996 une valise à
coque
dure équipée d'un double fond et contenant au minimum 3.5 kilos
d'héroïne;

ad I./3, d'avoir organisé le transport et l'importation en Suisse
d'une
quantité indéterminée d'héroïne, en utilisant à un nombre indéterminé
de
reprises sa concubine B.________ comme "mule", en lui remettant
notamment en
janvier 1997 une valise à coque dure équipée d'un double fond, qui
contenait
4 kilos d'héroïne;

ad I./4, d'avoir organisé le rapatriement en Turquie d'argent liquide
provenant du trafic d'héroïne, au minimum 233'751 francs en avril et
mai
1996, finançant ainsi à due concurrence un trafic illicite de
stupéfiants;

ad I./5, d'avoir organisé le rapatriement en Turquie d'argent liquide
provenant du trafic d'héroïne, au minimum 42'500 francs entre juin et
décembre 1996, finançant ainsi à due concurrence un trafic illicite de
stupéfiants;

ad I./6, d'avoir procuré à D.________ et à F.________ 5 kilos
d'héroïne en
1998, en vue de leur transport de Turquie en Allemagne;

ad I./8, d'avoir transporté et importé en Suisse depuis la Turquie 5
kilos
d'héroïne dissimulés dans le double fond d'une valise à coque dure le
14
septembre 2000.

X. ________ a admis les chefs d'accusation I./4 et I./8.

En ce qui concerne sa situation personnelle, X.________ est un
ressortissant
turc né en 1951. Il est venu en Suisse à l'âge de vingt ans et y a
travaillé
jusqu'en 1983, époque à laquelle il est retourné dans son pays natal.
Il
affirme qu'il a alors vécu d'un commerce de montres, qu'il a été
escroqué en
1985 et qu'il a perdu son magasin en 1986. Le 16 mai 1989, il a été
condamné
à une peine de six ans de réclusion par un tribunal à La Haye, pour
avoir
violé la législation hollandaise sur les stupéfiants, dans le cadre
d'un
transport de 7 kilos d'héroïne.

B.
Par arrêt du 17 janvier 2003, la Cour de cassation du canton de
Genève a
rejeté le recours de X.________, tout en rectifiant la durée de la
détention
préventive subie.

C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Il
conclut à son annulation et sollicite par ailleurs l'assistance
judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait
définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis
al. 1
PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des
faits
retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut
aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Les
conclusions
devant être interprétées à la lumière de leur motivation (ATF 127 IV
101
consid. 1 p. 103), le recourant a circonscrit les points litigieux. En
l'espèce, le pourvoi porte uniquement sur la peine infligée.

2.
2.1 Aux termes de l'article 63 CP, le juge fixera la peine d'après la
culpabilité du délinquant, en tenant compte des mobiles, des
antécédents et
de la situation personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est
celui de
la gravité de la faute; le juge doit prendre en considération, en
premier
lieu, les éléments qui portent sur l'acte lui-même, à savoir sur le
résultat
de l'activité illicite, sur le mode et l'exécution et, du point de vue
subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse ainsi que sur les
mobiles. L'importance de la faute dépend aussi de la liberté de
décision dont
disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter la
norme qu'il
a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée
et
partant sa faute (ATF 127 IV 101 consid. 2a p. 103).

L'art. 63 CP n'énonce pas de manière détaillée et exhaustive les
éléments qui
doivent être pris en considération, ni les conséquences exactes qu'il
faut en
tirer quant à la fixation de la peine; il confère donc au juge un
large
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral, qui n'interroge pas
lui-même les
accusés ou les témoins et qui n'établit pas les faits, est mal placé
pour
apprécier l'ensemble des paramètres pertinents pour individualiser la
peine;
son rôle est au contraire d'interpréter le droit fédéral et de
dégager des
critères et des notions qui ont une valeur générale. Il n'a donc pas à
substituer sa propre appréciation à celle du juge de répression ni à
ramener
à une sorte de moyenne toute peine qui s'en écarterait. Il ne peut
intervenir, en considérant le droit fédéral comme violé, que si ce
dernier a
fait un usage vraiment insoutenable de la marge de manoeuvre que lui
accorde
le droit fédéral (ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 104).

Dans sa décision, le juge doit exposer les éléments essentiels
relatifs à
l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on
puisse
constater que tous les aspects pertinents ont été pris en
considération et
comment ils ont été appréciés; il peut passer sous silence les
éléments qui,
sans abus du pouvoir d'appréciation, lui paraissent non pertinents ou
d'une
importance mineure. La motivation doit justifier la peine prononcée,
en
permettant de suivre le raisonnement adopté; mais le juge n'est
nullement
tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il
accorde à
chacun des éléments qu'il cite. Plus la peine est élevée, plus la
motivation
doit être complète; cela vaut surtout lorsque la peine, dans le cadre
légal,
apparaît comparativement très élevée. Un pourvoi ne saurait toutefois
être
admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la
décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 127 IV 101 consid. 2c
p.
104/105).

2.2 Selon le recourant, la Cour d'assises ne pouvait parler d'un
trafic
portant sur une quantité minimale proche de 20 kilos d'héroïne, alors
qu'il
s'agit de 17,5 kilos.

Le recourant ergote. Il n'y a aucun abus de langage à considérer 17,5
kilos
comme étant proche de 20 kilos. Au demeurant, la quantité exacte perd
de
l'importance lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, on s'éloigne
sensiblement de la limite inférieure pour admettre qu'est réalisé le
cas
grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup (ATF 121 IV 193 consid.
2b/aa
p. 196).

2.3 Le recourant soutient qu'il serait tombé dans la criminalité en
raison de
ses difficultés commerciales; il aurait repris un commerce de montres
après
1993, ce qui n'aurait arbitrairement pas été retenu. Une telle
argumentation,
qui porte sur l'établissement des faits, est irrecevable dans un
pourvoi (cf.
supra, consid. 1).

En quelque sorte, en se plaignant de l'absence de prise en compte des
raisons
qui l'ont fait basculer dans la criminalité, le recourant se prévaut
de
l'arrêt 6S.21/2002 du 17 avril 2002, auquel la Cour d'assises s'est
référée à
propos des critères pertinents pour fixer la peine. Cet arrêt
traitait du cas
d'un accusé condamné à vingt ans de réclusion pour infraction grave à
la
LStup, soit le maximum prévu par la loi (cf. art. 19 ch. 1 in fine
LStup et
art. 35 CP); l'accusé vivait en Suisse depuis dix ans, avait acquis la
nationalité de ce pays et ne s'était jamais fait remarquer
négativement; le
Tribunal fédéral a notamment reproché à l'autorité cantonale de
n'avoir pas
examiné si l'activité criminelle de cet accusé pouvait être mise en
relation
avec le fait qu'il s'était retrouvé au chômage et qu'il avait
consécutivement
subi divers troubles psychiques. Le cas du recourant ne saurait être
comparé
à celui examiné dans l'arrêt précité. Aucun élément constaté dans
l'arrêt
attaqué n'impose une investigation complémentaire quant aux mobiles du
recourant.

2.4 Le recourant prétend que la peine prononcée est insuffisamment
motivée et
qu'elle est excessive.

En l'espèce, la motivation de la peine est clairement suffisante.
Elle permet
de discerner quels sont les éléments essentiels qui ont été pris en
compte et
s'ils l'ont été dans un sens aggravant ou atténuant. On comprend sans
difficulté ce qui a guidé les juges cantonaux dans leur solution.

La peine a incontestablement été fixée dans le cadre légal, en tenant
compte
des éléments pertinents à prendre en compte relativement à l'art. 63
CP et
sans se laisser guider par des considérations étrangères à cette
disposition.
Il ne reste plus qu'à examiner si, au vu des faits retenus, la peine
infligée
apparaît exagérément sévère au point de constituer un abus du pouvoir
d'appréciation.

Le comportement du recourant réalise les trois cas graves prévus aux
lettres
a, b et c de l'art. 19 ch. 2 LStup. Le recourant a agi dans le cadre
d'un
vaste réseau de trafiquants. Il occupait une position dirigeante dans
l'organisation, basée en Turquie et possédant des ramifications dans
plusieurs pays d'Europe. Il a recruté plusieurs convoyeurs de drogue
et a
utilisé un homme de paille pour louer un logement à Zurich servant de
lieu de
réception de la drogue. Il a reçu en Suisse les stupéfiants et permis
leur
écoulement sur le marché local. Son activité consistait également à
rapatrier
en Turquie le produit du trafic, soit par des virements bancaires,
soit par
des convoyeurs de fonds. Il apparaît donc que le recourant a joué un
rôle de
premier plan dans un réseau international de trafiquants. Il s'agit
là d'un
critère déterminant pour apprécier la faute (cf. ATF 121 IV 202
consid. 2d/cc
p. 206). Les différents actes reprochés s'étalent sur près de quatre
ans. Une
telle persévérance est révélatrice d'une volonté délictuelle
particulièrement
aiguë. Le trafic a au minimum porté sur 17,5 kilos d'héroïne et a
généré un
bénéfice très important. Le recourant n'est lui-même pas toxicomane
et a été
poussé par l'appât du gain. Ses antécédents sont mauvais puisqu'il a
déjà été
condamné en 1989 pour trafic de drogue à une peine privative de
liberté de
six ans.

Au vu de ces éléments, la faute du recourant apparaît comme
extrêmement
lourde. Elle implique une peine élevée. La peine infligée de quinze
ans de
réclusion n'apparaît pas sévère au point de constituer un abus du
pouvoir
d'appréciation. Elle ne viole donc pas le droit fédéral.

3.
Le pourvoi paraissant d'emblée voué à l'échec, la requête d'assistance
judiciaire est rejetée (art. 152 al. 1 OJ). Le recourant, qui
succombe,
supporte les frais de la cause (art. 278 al. 1 PPF), lesquels sont
fixés de
manière réduite pour tenir compte de sa mauvaise situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du
recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Procureur général et à la Cour de cassation du canton de Genève.

Lausanne, le 24 mars 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.54/2003
Date de la décision : 24/03/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-24;6s.54.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award