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19/03/2003 | SUISSE | N°1P.147/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 mars 2003, 1P.147/2003


{T 1/2}
1P.147/2003 /col

Arrêt du 19 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

May Bittel, 1298 Céligny,
Maly Bittel, 1298 Céligny,
Patrick Vogt, c/o Philippe Kilchoer, avenue d'Echallens 102, 1004
Lausanne,
recourants,
tous trois représentés par Me Henri-Philippe Sambuc, avocat, avenue
Antoinette 11, 1234 Vessy,

contre

Procureur général du canton de Genève, place d

u Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-F...

{T 1/2}
1P.147/2003 /col

Arrêt du 19 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

May Bittel, 1298 Céligny,
Maly Bittel, 1298 Céligny,
Patrick Vogt, c/o Philippe Kilchoer, avenue d'Echallens 102, 1004
Lausanne,
recourants,
tous trois représentés par Me Henri-Philippe Sambuc, avocat, avenue
Antoinette 11, 1234 Vessy,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

plainte pénale; classement

recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du 29
janvier 2003.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
La Fédération suisse de camping et de caravaning, à Bâle, est chargée
de
l'exploitation du camping du Bois-de-Bay à Satigny. Le 31 mai 2002,
elle a
adressé au gérant un fax libellé comme suit:

Nous avons été informés que des gens du voyage étaient installés sur
le
camping. Nous vous rappelons que l'entrée du camping est interdite
aux gens
du voyage. Merci d'en prendre note.

May Bittel, Maly Bittel et Patrick Vogt ont déposé plainte pénale
contre les
membres du comité de la Fédération pour violation de l'art. 261bis
al. 4 et 5
CP, réprimant la discrimination raciale. Par décision du 12 décembre
2002, le
Procureur général du canton de Genève a classé cette plainte au motif
que les
gens du voyage ne peuvent pas être assimilés à une ethnie selon ces
dispositions pénales, de sorte que les faits dénoncés ne paraissaient
pas
constitutifs d'une infraction.
Sans succès, les plaignants ont déféré cette décision à la Chambre
d'accusation du canton de Genève, qui a rejeté leur recours le 29
janvier
2003.

2.
Agissant par la voie du recours de droit public, May Bittel, Maly
Bittel et
Patrick Vogt requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de
la
Chambre d'accusation. A leur avis, ce prononcé refuse arbitrairement
de
reconnaître aux gens du voyage le caractère de groupe ethnique.

Une demande d'assistance judiciaire est jointe au recours.

Les parties et autorités intimées n'ont pas été invitées à déposer des
réponses.

3.
En vertu de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit public n'est
recevable
que dans la mesure où les griefs soulevés ne peuvent pas être
présentés au
Tribunal fédéral par un autre moyen de droit, tel que le pourvoi en
nullité à
la Cour de cassation du Tribunal fédéral. Celui-ci est ouvert contre
les
ordonnances de non-lieu (soit toute décision mettant fin à l'action
pénale et
rendue par une autorité autre que la juridiction de jugement: ATF 122
IV 45
consid. 1; 120 IV 107 consid. 1a) relatives à des infractions de
droit pénal
fédéral (art. 247 al. 1, 268 ch. 2 PPF); il peut être formé pour
violation du
droit fédéral, sauf les droits constitutionnels (art. 269 PPF; ATF
124 IV 137
consid. 2e p. 141).

En l'occurrence, alors même qu'ils se plaignent d'arbitraire et se
réfèrent à
l'art. 9 Cst., les recourants reprochent à la Chambre d'accusation
d'avoir
méconnu la notion d'appartenance ethnique déterminante selon l'art.
261bis
al. 5 CP, et d'avoir ainsi appliqué cette disposition de façon
incorrecte.
Cette critique pouvait être soulevée par la voie du pourvoi en
nullité; elle
est donc irrecevable par celle du recours de droit public.

4.
A cela s'ajoute que selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ,
celui qui
se prétend lésé par une infraction n'a en principe pas qualité pour
former un
recours de droit public contre les ordonnances refusant d'inculper
l'auteur
présumé, ou prononçant un classement ou un non-lieu en sa faveur. En
effet,
l'action pénale appartient exclusivement à la collectivité publique
et, en
règle générale, le plaignant n'a qu'un simple intérêt de fait à
obtenir que
cette action soit effectivement mise en oeuvre. Un intérêt
juridiquement
protégé, propre à conférer la qualité pour recourir, est reconnu
seulement à
la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou
psychique, au
sens de l'art. 2 de la loi fédérale sur l'aide aux victimes
d'infractions
(LAVI), lorsque la décision de classement ou de non-lieu peut avoir
des
effets sur le jugement de ses prétentions civiles contre le prévenu
(ATF 128
I 218 consid. 1.1 p. 219; 121 IV 317 consid. 3 p. 323, 120 Ia 101
consid. 2f
p. 109).

Le plaignant ou la plaignante ne peut prétendre agir à titre de
victime que
si, d'après les faits de la cause, il a subi une atteinte d'une
certaine
gravité (ATF 128 I 218 consid. 1.2 p. 220; 125 II 265 consid. 2a/aa
p. 268).
Or, même commise au préjudice d'une personne déterminée, la
discrimination
raciale ne cause une atteinte notable à l'intégrité psychique du lésé
que
dans des cas exceptionnels ou particulièrement graves, ou encore,
éventuellement, lorsqu'elle est perpétrée en concours avec d'autres
infractions telles que des lésions corporelles ou des voies de faits
(ATF 128
I 218 consid. 1.5 et 1.6 p. 223). En l'espèce, les plaignants ne se
prétendent pas personnellement visés par l'injonction adressée au
gérant du
camping du Bois-de-Bay et, de toute manière, celle-ci ne saurait
avoir causé
une atteinte profonde ou prolongée à leur bien-être. Dans ces
conditions, ils
n'ont pas qualité pour agir à titre de victimes selon l'art. 2 LAVI.

Si le plaignant ou la plaignante ne procède pas à titre de victime,
ou si la
décision qu'il conteste ne peut pas avoir d'effets sur le jugement de
ses
prétentions civiles contre le prévenu (cf. ATF 123 IV 184 consid. 1b
p. 187,
190 consid. 1 p. 191), ce plaideur n'a pas qualité pour recourir sur
le fond
et peut seulement se plaindre, le cas échéant, d'une violation de ses
droits
de partie à la procédure, quand cette violation équivaut à un déni de
justice
formel (ATF 128 I 218 consid. 1.1 p. 219; 120 Ia 157 consid. 2; voir
aussi
ATF 121 IV 317 consid. 3b). En l'occurrence, les recourants n'élèvent
aucune
critique contre la procédure qui a abouti à l'ordonnance attaquée.
Contrairement à leur opinion, le classement de leur plainte ne
constitue pas
un déni de justice formel propre à leur conférer la qualité pour
recourir; il
s'agit d'une décision prise sur le fond de la cause pénale. Le
recours de
droit public se révèle ainsi irrecevable aussi au regard de l'art. 88
OJ.

5.
Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance
judiciaire à une partie à condition que celle-ci soit dans le besoin
et que
ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec. Il n'est
pas
nécessaire de vérifier si les recourants peuvent se prétendre
dépourvus de
ressources, car la procédure entreprise devant le Tribunal fédéral
n'avait de
toute manière aucune chance de succès. La demande d'assistance
judiciaire
doit dès lors être rejetée, et l'émolument judiciaire mis à la charge
de ses
auteurs.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les recourants acquitteront un émolument judiciaire de 1'000 fr.,
solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, au
Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.

Lausanne, le 19 mars 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.147/2003
Date de la décision : 19/03/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-19;1p.147.2003 ?
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