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17/03/2003 | SUISSE | N°U.31/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 mars 2003, U.31/02


{T 7}
U 31/02

Arrêt du 17 mars 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Wagner

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

P.________, intimé, représenté par Me Jacopo Rivara, avocat, rue
Robert-Céard
13, 1204 Genève

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 27 novembre 2001)

Faits :

A.

A.a P.________ travaille en qualité de vitrier au service de la
vitrerie
X.________. A ce titre, il est assuré contre le risque d'...

{T 7}
U 31/02

Arrêt du 17 mars 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Wagner

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

P.________, intimé, représenté par Me Jacopo Rivara, avocat, rue
Robert-Céard
13, 1204 Genève

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 27 novembre 2001)

Faits :

A.
A.a P.________ travaille en qualité de vitrier au service de la
vitrerie
X.________. A ce titre, il est assuré contre le risque d'accident
professionnel et non professionnel par la Caisse nationale suisse
d'assurance
en cas d'accidents (CNA).
Le 26 septembre 2000, P.________ s'est gravement blessé dans un
accident de
circulation. Il a été opéré le lendemain par le docteur A.________,
médecin
de la Clinique et Policlinique d'orthopédie et de chirurgie de
l'appareil
moteur de l'Hôpital Y.________, pour une fracture transverse
médio-diaphysaire du fémur gauche. Le cas a été pris en charge par la
CNA.

A.b L'enquête pénale, notamment l'enquête de police et des
témoignages, a
permis d'établir que le 26 septembre 2000, vers 20 heures, P.________
circulait au guidon de sa moto, modèle Ducati 900 Monster, sur la
route de
B.________ en direction de la France. Dans le village de Z.________,
il a
dépassé plusieurs véhicules. Conduisant à une vitesse inadaptée aux
circonstances selon un témoin, et à une vitesse signalée de 45 km/h,
il n'a
pas eu le temps de se rabattre sur le côté droit de la chaussée. Peu
avant le
refuge pour piétons, il a tenté un freinage énergique pour l'éviter.
Toutefois, il a perdu la maîtrise de sa machine et il a chuté. Son
engin et
lui-même ont dérapé et heurté l'îlot.
Dans un jugement du 26 avril 2001, le Tribunal de Police de la
République et
canton de Genève, se fondant sur les propres déclarations de
P.________, a
retenu qu'il n'avait pas regardé sur la droite avant de se rabattre
et qu'il
ne s'était donc pas assuré d'avoir pris une distance suffisante avec
le
véhicule qu'il venait de dépasser. Ce faisant, celui-ci s'était rendu
coupable d'infraction aux art. 35 LCR et 10 OCR. Il n'était par
ailleurs pas
établi qu'il ait roulé à une vitesse inadaptée aux conditions de la
route.
Considérant que P.________ s'était rendu coupable d'une faute légère,
soit
d'un manque d'attention momentané, il l'a reconnu coupable
d'infraction à
l'art. 90 ch. 1 LCR et l'a condamné à une amende de 300 fr.

A.c La CNA, considérant que P.________ avait provoqué l'accident par
une
négligence grave, a prononcé le 6 novembre 2000 la réduction de 10 %
de
l'indemnité journalière, compte tenu du degré de la faute. Par
ailleurs, elle
a opéré une déduction de 10 fr. sur l'indemnité journalière par
journée
d'hospitalisation, à titre de contribution aux frais d'entretien à
l'hôpital.
L'assuré a formé opposition contre cette décision.
Par décision du 18 mai 2001, la CNA a rejeté l'opposition.

B.
P.________ a formé recours contre cette décision devant le Tribunal
administratif de la République et canton de Genève, en concluant à
l'annulation de celle-ci et à l'allocation d'indemnités journalières
pleines
et entières.
Par jugement du 27 novembre 2001, le Tribunal administratif a admis le
recours et dit que les réductions auxquelles la CNA avait procédé
étaient
annulées.

C.
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents interjette
recours
de droit administratif contre ce jugement, en concluant à
l'annulation de
celui-ci.
Sous suite de dépens, P.________ s'en remet à justice s'agissant de la
retenue hospitalière et conclut au rejet du recours en ce qui
concerne la
réduction de l'indemnité journalière pour négligence grave. L'Office
fédéral
des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 Malgré la terminologie utilisée dans le dispositif du jugement
attaqué,
qui annule les « réductions » auxquelles la recourante a procédé, le
litige
concerne la déduction de 10 fr. sur l'indemnité journalière par
journée
d'hospitalisation et la réduction de 10 % des indemnités journalières
pour
négligence grave.

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le
domaine
de l'assurance-accidents. Ce nonobstant, le cas d'espèce reste régi
par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
2.1La recourante fait valoir que l'intimé, dans son recours devant la
juridiction cantonale, n'a pas remis en cause la déduction de 10 fr.
sur
l'indemnité journalière par journée d'hospitalisation et que, sur ce
point,
la décision sur opposition du 18 mai 2001 a acquis force de chose
jugée.
Aussi, reproche-t-elle aux premiers juges d'être entrés en matière
sur la
retenue hospitalière, qui n'était plus litigieuse.
Cependant, telles que formulées dans son mémoire de recours, les
conclusions
de l'intimé tendaient à l'annulation de la décision sur opposition et
à
l'allocation d'indemnités journalières pleines et entières.
Implicitement,
tout au moins, elles concernaient donc également la retenue
hospitalière. Dès
lors il ne peut être reproché à la juridiction de première instance
d'être
entrée en matière sur ce point.

2.2 Aux termes de l'art. 17 al. 2 LAA (en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002),
une déduction pour les frais d'entretien assumés par l'assurance est
opérée
sur l'indemnité journalière lorsque l'assuré séjourne dans un
établissement
hospitalier. Le Conseil fédéral fixe le montant de cette déduction;
il tient
compte des obligations d'entretien de l'assuré et peut exclure cette
déduction pour les assurés ayant de lourdes charges de famille.
Au titre de la participation aux frais d'entretien dans un
établissement
hospitalier, l'indemnité journalière subit une déduction de 10 %,
mais au
plus 10 francs, pour les assurés mariés et pour les personnes seules
qui ont
des obligations d'entretien ou d'assistance, sous réserve de l'al. 2
(art. 27
al. 1 let. b OLAA).

2.3 L'intimé est marié. Il a été hospitalisé à la Clinique et
Policlinique
d'orthopédie et de chirurgie de l'appareil moteur du 26 septembre au 6
octobre 2000.
En opérant sur l'indemnité journalière une déduction de 10 fr. par
journée
d'hospitalisation, la recourante a appliqué de manière conforme au
droit
fédéral la législation topique applicable au moment déterminant, étant
précisé que l'intimé est père d'un enfant né le 27 mars 2001 et que
l'art. 27
al. 2 OLAA n'entrait pas en considération en ce qui concerne son
séjour
hospitalier durant la période précitée.
Sur ce point, le jugement attaqué est ainsi erroné et doit être
annulé.

3.
Il reste à examiner s'il existe un facteur de réduction des
prestations de
l'assurance-accidents.

3.1 Aux termes de l'art. 37 al. 2 première phrase LAA (dans sa teneur
jusqu'au 31 décembre 2002), si l'assuré a provoqué l'accident par une
négligence grave, les indemnités journalières versées pendant les deux
premières années qui suivent l'accident sont réduites dans
l'assurance des
accidents non professionnels.
Constitue une négligence grave la violation des règles de prudence
élémentaires que tout homme raisonnable eût observées, dans la même
situation
et les mêmes circonstances, pour éviter des conséquences prévisibles
dans le
cours ordinaire des choses (ATF 121 V 45 consid. 3b et les
références; RAMA
1999 n° U 357 p. 576 consid. 3a).

3.2 D'après la jurisprudence, la négligence grave au sens de l'art.
37 al. 2
LAA est, en matière de circulation routière, une notion plus large
que celle
de la «violation grave d'une règle de la circulation» prévue par
l'art. 90
ch. 2 LCR, laquelle suppose un comportement sans scrupules ou
lourdement
contraire aux normes, c'est-à-dire une faute particulièrement
caractérisée.
Pour autant, toute violation de la loi sur la circulation routière ou
de ses
dispositions d'exécution n'implique pas une négligence grave au sens
de
l'art. 37 al. 2 LAA; dans l'assurance-accidents, une négligence grave
est en
général retenue lorsqu'il y a transgression grave - causale dans la
survenance de l'accident - d'une règle élémentaire ou de plusieurs
règles
importantes de la circulation routière. Il convient toutefois de
tenir compte
de toutes les circonstances du cas concret, et ne pas se fonder
uniquement
sur les éléments constitutifs de l'infraction commise (ATF 118 V 307
consid.
2b et les références).

3.3 Dans la décision du 6 novembre 2000, la recourante avait retenu
que
l'intimé circulait à une vitesse inadaptée aux conditions de la route
et
qu'en dépassant plusieurs véhicules, il n'avait pas eu le temps de se
rabattre sur le côté droit de la chaussée. Ce faisant, dans
l'impossibilité
de freiner, il avait perdu la maîtrise de son véhicule et il avait
chuté, en
heurtant l'îlot (refuge pour piétons).
Se fondant sur le résultat de l'enquête de police et des témoignages,
ainsi
que sur l'audience du 26 avril 2001 devant le Tribunal de Police, la
CNA,
dans la décision sur opposition du 18 mai 2001, a retenu que l'assuré
avait
eu une attitude particulièrement négligente, consistant dans le fait
de
n'avoir pas regardé dans son rétroviseur au moment où il entendait se
rabattre sur la droite afin de s'assurer qu'il ne gênait pas le
véhicule
qu'il venait de dépasser, en particulier qu'il n'entravait pas sa
course.
Elle a considéré qu'il s'était rendu coupable d'un refus de priorité
en
raison de son inattention et que son comportement était en relation de
causalité avec le dommage subi. Elle a conclu qu'il avait provoqué
l'accident
par une négligence grave, la transgression du droit de priorité
constituant
une violation des règles élémentaires de la circulation routière (ATF
114 V
318 consid. 5c).

3.4 Pour leur part, les premiers juges ont retenu une faute légère.
Selon
eux, la seule omission pouvant être reprochée à l'intimé est de
n'avoir pas
regardé sur sa droite après avoir effectué le dépassement et de
n'avoir ainsi
pas remarqué que la voiture qu'il avait dépassée le rattrapait. Ils
n'ont pas
admis de négligence grave.

3.5 La recourante reproche à la juridiction de première instance
d'avoir
suivi aveuglément l'appréciation du juge pénal. Elle fait valoir que
dans le
droit de l'assurance-accidents, le fait qu'un motocycliste, après
avoir
dépassé d'autres véhicules et alors qu'il lui était possible de
réintégrer
tout de suite sa droite, poursuit sa route en roulant à l'extrême
gauche de
la chaussée dans son sens de marche et n'amorce une manoeuvre de
rabattement
qu'à l'approche d'un obstacle et qui plus est sans regarder sur sa
droite,
constitue une violation grossière d'une règle élémentaire de prudence,
justifiant une réduction de l'indemnité journalière.

3.6 En l'occurrence, il y a eu dépassement d'une file de voitures sans
pouvoir s'y réintégrer. L'intimé s'est ainsi rendu coupable
d'infraction aux
art. 35 LCR et 10 OCR. Le Tribunal de Police dans le jugement du 26
avril
2001 et le Tribunal administratif dans un arrêt du 2 octobre 2001 ont
retenu
une infraction à l'art. 90 ch. 1 LCR, le manque d'attention momentané
étant
qualifié de faute légère.
Pour autant, on ne saurait nier toute négligence grave au sens de
l'art. 37
al. 2 LAA. En effet, dans sa manoeuvre de dépassement, l'intimé a
continué sa
route tout droit, en restant sur la ligne centrale de la chaussée
(rapport de
police du 20 octobre 2000). Interpellé sur ce point, il n'a pas pu
expliquer
pourquoi il circulait suffisamment à gauche de la voie de circulation
pour
qu'une voiture puisse le remonter par la droite. Objectivement, le
fait qu'il
n'a pas eu le temps de se rabattre sur le côté droit de la chaussée
constitue
dès lors une négligence grave (Alexandra Rumo-Jungo, Die
Leistungskürzung
oder -verweigerung gemäss Art. 37-39 UVG, diss. Fribourg 1993, p.
137, 151 et
154). La recourante était donc tenue de procéder à une réduction des
indemnités journalières.

3.7 Les conditions d'une réduction des prestations étant réunies, il
appartenait en premier lieu à la recourante d'en fixer l'ampleur en
tenant
compte des circonstances du cas concret. Il s'agit d'une question
d'appréciation que le juge des assurances contrôle quant à
l'application du
droit; s'agissant de la quotité en revanche, il s'impose une certaine
retenue
dans ce domaine et n'a pas à substituer sa propre appréciation sans
motifs
valables (ATF 126 V 362 consid. 5d et la référence).
Dans le cas particulier, la réduction de 10 %, non critiquée par
l'intimé,
entre manifestement dans le pouvoir d'appréciation de
l'assureur-accidents eu
égard à l'ensemble des circonstances et à la faute de l'assuré. Au
regard de
la jurisprudence rappelée notamment par Alexandra Rumo-Jungo (op.
cit., p.
214
s.; Rechtsprechung des Bundesgerichts zum
Sozialversicherungsrecht,
Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 3ème édition, ad art. 37
LAA, p.
203 s.), elle ne saurait apparaître comme disproportionnée.

4.
L'intimé, qui succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens
pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève, du 27 novembre 2001, est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif de la
République et Canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 17 mars 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.31/02
Date de la décision : 17/03/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-17;u.31.02 ?
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