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17/03/2003 | SUISSE | N°U.230/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 mars 2003, U.230/01


{T 7}
U 230/01
U 232/01

Arrêt du 17 mars 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Leuzinger, Rüedi et
Ferrari.
Greffier : M. Berthoud

U 230/01
Winterthur Assurances, Société Suisse d'Assurances SA, General Guisan
Strasse
40, 8401 Winterthur, recourante, représentée par Me Michel Bergmann,
avocat,
rue de Hesse 8-10, 1204 Genève,

contre

A.________, intimé, représenté par Me Manuel Mouro, avocat, rue
Toepffer 11
bis, 1206 Genève,

et


U 232/01
A.________, recourant, représenté par Me Manuel Mouro, avocat, rue
Toepffer
11 bis, 1206 Genève,

contre

W...

{T 7}
U 230/01
U 232/01

Arrêt du 17 mars 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Leuzinger, Rüedi et
Ferrari.
Greffier : M. Berthoud

U 230/01
Winterthur Assurances, Société Suisse d'Assurances SA, General Guisan
Strasse
40, 8401 Winterthur, recourante, représentée par Me Michel Bergmann,
avocat,
rue de Hesse 8-10, 1204 Genève,

contre

A.________, intimé, représenté par Me Manuel Mouro, avocat, rue
Toepffer 11
bis, 1206 Genève,

et

U 232/01
A.________, recourant, représenté par Me Manuel Mouro, avocat, rue
Toepffer
11 bis, 1206 Genève,

contre

Winterthur Assurances, Société Suisse d'Assurances SA, General Guisan
Strasse
40, 8401 Winterthur, intimée, représentée par Me Michel Bergmann,
avocat, rue
de Hesse 8-10, 1204 Genève

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 8 mai 2001)

Faits :

A.
A.a A.________, né en 1961, est titulaire d'un baccalauréat de type B,
détenteur d'un brevet de l'Etat français d'aptitude à l'enseignement
de la
culture physique et d'un brevet de moniteur délivré par la fédération
française de culture physique. Par la suite et pendant quelque temps,
il a
fréquenté des cours à l'université X.________ Depuis le mois de mai
1990, le
prénommé a travaillé en qualité de professeur d'éducation physique et
de
natation au centre Y.________. A ce titre, il était assuré contre les
accidents professionnels et non professionnels par la Neuchâteloise,
compagnie reprise plus tard par la Winterthur Assurances.

Le 9 mai 1992, l'assuré est intervenu alors qu'un client faisait des
exercices de flexion-extension des bras avec une charge trop lourde
pour lui.
Au moment où en se tenant en porte-à-faux, il relevait la barre tenue
par le
client, ce dernier l'a lâchée. L'assuré a ressenti une douleur
immédiate avec
un craquement au bas du dos.

Le cas a été annoncé à la Neuchâteloise, de même qu'une rechute en
novembre
1993.

A.b De nombreux médecins ont examiné A.________. De leurs avis, on
retiendra
en particulier celui du docteur B.________, spécialiste en
neurochirurgie,
qui a diagnostiqué une hernie discale L5-S1 para-médiane droite
comprimant la
racine S1 ainsi qu'un très discret canal lombaire étroit congénital
(rapport
du 6 avril 1995).

Pour sa part, le docteur C.________, spécialiste en neurologie, a
admis
l'existence d'un lien entre l'accident et les plaintes du patient. Ce
médecin
a évalué le taux d'incapacité de travail de l'assuré en tant que
moniteur de
sport entre 80 et 100 %. En revanche, dans un travail de naturopathe
ou
d'ostéopathe (dont l'assuré avait entrepris entre-temps une
formation), ou
dans toutes activités raisonnablement exigibles ne nécessitant pas un
engagement physique lourd, le port de charges, de longs déplacements
en
voiture et permettant des changements de position, la capacité de
travail
serait de 75 %. Enfin le docteur C.________ a estimé que le taux de
l'atteinte à l'intégrité était de 15 % (rapport du 18 janvier 1999).

A.c Pour évaluer la perte de gain, la Winterthur a considéré que
l'assuré
travaillait comme maître de sport durant 26 heures par semaine et
réalisait
un revenu mensuel de 2'680 fr. à l'époque de l'accident, ce qui
représentait
un gain annualisé de 49'476 fr. Adaptant ce revenu à l'indice des
prix à la
consommation, l'assureur a retenu en conséquence que le revenu sans
invalidité aurait été de l'ordre de 53'000 fr. en 1997. Se fondant
ensuite
sur les recommandations de la Société suisse des employés de commerce
selon
lesquelles un homme âgé de 38 ans et titulaire d'un baccalauréat de
type B
pourrait prétendre un salaire s'échelonnant entre 69'054 fr. et
81'702 fr.,
la Winterthur a considéré que l'assuré serait en mesure de réaliser
un revenu
annuel de 51'790 fr. à 61'276 fr., compte tenu d'une capacité de
travail de
75 %. Le taux d'invalidité de 25 %, qu'elle avait initialement
proposé et sur
lequel elle n'entendait pas revenir, paraissait ainsi généreux.

Par décision du 30 juin 1999, la Winterthur a alloué à l'assuré une
rente
transitoire mensuelle de 1'536 fr. jusqu'au 31 mai 1999, puis une
rente
d'invalidité annuelle de 25 % à partir du 1er juin 1999. Par
ailleurs, elle a
octroyé une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux
de 15 %.

L'assuré s'est opposé à cette décision dans la mesure où elle
concernait son
droit à la rente. Il a allégué que sans atteinte à la santé, il
aurait pu
réaliser un gain annuel de 84'000 fr. en qualité de directeur d'un
centre de
fitness.

Considérant que le taux d'invalidité était en réalité de 8 %, la
Winterthur a
rejeté l'opposition, par décision du 8 novembre 1999.

A.d Par décision du 8 septembre 1997, l'Office de
l'assurance-invalidité du
canton de Genève a rejeté la demande de prestations que A.________
avait
introduite le 27 septembre 1994. Saisie à son tour, la Commission
fédérale de
recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger
a, par
jugement du 6 décembre 1999, rejeté le recours dirigé contre la
décision du 8
septembre 1997, en reconnaissant toutefois à l'assuré un droit à une
aide au
placement; ce jugement n'a pas été déféré au Tribunal fédéral des
assurances.

B.
A.________ a recouru contre la décision sur opposition devant le
Tribunal
administratif du canton de Genève, en concluant au versement de la
rente
transitoire jusqu'au 31 décembre 1999 et, implicitement, à l'octroi
d'une
rente d'invalidité de 43 %.

Par jugement du 8 mai 2001, la juridiction cantonale a pris le
dispositif
suivant :
1.à la forme : déclare recevable le recours interjeté le 9 février
2000 par
M. A.________ contre la décision sur opposition de la Winterthur
société
suisse d'assurances du 8 novembre 1999;
2.au fond : l'admet partiellement;
3.annule la décision rendue par la Winterthur le 30 juin 1999 en tant
qu'elle
concerne la rente d'invalidité octroyée à M. A.________;
4.renvoie la cause à la Winterthur afin qu'elle procède à une enquête
économique et rende une nouvelle décision au sens des considérants;
5.dit que la rente transitoire devra être versée à M. A.________
jusqu'au 31
décembre 1999;
6.réforme la décision attaquée sur ce point;
7.condamne en tant que de besoin l'intimée à effectuer ce paiement;
8.dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;
9.alloue une indemnité de procédure de 1'200 fr. à M. A.________, à
charge de
la Winterthur;
10.(notification et indication des voies de droit).

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant au
versement
d'une rente d'invalidité de 60 %.

De son côté, la Winterthur interjette également recours de droit
administratif contre ce jugement en concluant au rétablissement de sa
décision du 8 novembre 1999.

En qualité d'intimées, les parties concluent au rejet des recours.

D.
A la demande du juge délégué à l'instruction, l'Office fédéral des
assurances
sociales (OFAS) a déposé des observations portant sur la rente
transitoire.

Les parties ont ensuite pu faire usage de la faculté qui leur était
accordée
de déposer des déterminations.

Considérant en droit :

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même
nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre
le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de les réunir et de les liquider
dans un
seul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF
128 V
194 consid. 1).

2.
Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de
prestations
d'assurance, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances
n'est pas
limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus
du
pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la
décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas lié par l'état de fait
constaté par la juridiction inférieure, et il peut s'écarter des
conclusions
des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

3.
Le litige porte d'abord sur le droit à la rente d'invalidité et plus
précisément sur son taux.

Les premiers juges ont rappelé les règles légales et
jurisprudentielles
applicables si bien que sur cette question on peut renvoyer à leur
jugement.
Il convient d'y ajouter que la comparaison des revenus (art. 18 al. 2
LAA)
doit être effectuée en fonction des circonstances existant lors de
l'ouverture du droit à une éventuelle rente (ATF 128 V 174), soit
dans le cas
particulier en l'an 2000 (voir le consid. 4.4 ci-après).
Par ailleurs, il faut préciser que la loi fédérale sur la partie
générale du
droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en
vigueur le
1er janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, le juge des
assurances
sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du droit ou de
l'état
de fait survenues après que la décision litigieuse a été rendue (cf.
ATF 127
V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

3.1 Pour fixer la capacité résiduelle de travail du recourant dans une
activité adaptée à son handicap, on peut se référer à l'avis de
l'expert
C.________, qui ne diffère pas sensiblement de celui de son confrère
B.________. Le taux de 75 % qu'il retient n'est au demeurant pas
remis en
cause par les parties.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de tenir compte des affections
psychiques de
l'assuré, dont rien ne permet de dire qu'elles entraînent des
conséquences
sur sa capacité de travail. De toutes manières, l'événement du 9 mai
1992
doit être classé dans la catégorie des accidents bénins, de sorte que
l'assureur-accidents n'en répond pas (cf. ATF 115 V 408 consid. 5a).

3.2 Pour déterminer le revenu sans invalidité, les premiers juges ont
retenu,
sur la base des preuves administrées, que le recourant aurait été
moniteur de
fitness en 1999. En effet, contrairement aux allégués de l'intéressé,
aucun
élément ne permet d'admettre qu'il aurait bénéficié de possibilités
concrètes
d'avancement professionnel (cf. ATF 96 V 29, RAMA 1993 n° U 168 p. 100
consid. 3b).

En 1992, l'assuré percevait un salaire mensuel de 2'680 fr. pour 26
heures
hebdomadaires de travail. Rapporté à un horaire de 40 heures par
semaine, le
salaire déterminant était donc de 4'123 fr. par mois, soit 49'476 fr.
par an
(4'123 x 12).

Entre 1992 et 1993, l'indice de l'évolution des salaires nominaux a
passé de
1788 à 1836 (cf. Annuaire statistique 1995, T 3.15, p. 108). De 1993
à 1998,
ledit indice est ensuite passé de 100 à 105,3, puis à 106,9 en 2000
(cf.
Annuaire statistique 2002, T 3.4.3.1, p. 218). Il s'ensuit que selon
cet
indice, le revenu sans invalidité doit être fixé à 54'309 fr. pour
l'année
2000.

3.3 Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont estimé que l'enquête
économique était lacunaire et qu'un complément d'instruction
s'imposait,
cette tâche devant être dévolue à la Winterthur. C'est toutefois à
tort que
la juridiction cantonale a renvoyé le dossier à l'assureur-accidents
à cette
fin. En effet, pour effectuer la comparaison des revenus, les juges
cantonaux
pouvaient fort bien fixer le revenu d'invalide en se fondant sur les
salaires
statistiques figurant dans l'enquête suisse sur la structure des
salaires
(cf. ATF 126 V 75, 124 V 321; arrêt C. du 8 mai 2001, U 402/99).

En l'occurrence, l'expert C.________ indique que les professions
exigibles de
la part du recourant sont des activités commerciales et
administratives. Eu
égard à la formation de l'assuré, il convient de prendre en
considération le
niveau 3 et la moyenne du Secteur 3 Services de la table TA1. Le
salaire
mensuel s'élève à 5'276 fr., selon la table TA1 de l'enquête de 2000
(p. 31).
Ce salaire mensuel hypothétique correspond à celui qui est versé à
des hommes
pour 40 heures de travail par semaine. Comme il se base sur une durée
hebdomadaire de travail inférieure à la moyenne usuelle dans les
entreprises,
il doit être ajusté à 41,8 heures par semaine (cf. Annuaire
statistique 2002,
T 3.2.3.5, p. 207), de sorte qu'il faut retenir un salaire mensuel de
5'513
fr., soit 66'161 fr. l'an. Ce montant doit ensuite être adapté au
taux de la
capacité résiduelle de travail de l'intéressé (75 %), si bien qu'on
obtient
un revenu annuel de 49'620 fr.

3.4 Selon la jurisprudence, lorsque le revenu d'invalide est évalué
sur la
base des statistiques sur les salaires moyens, certains empêchements
propres
à la personne de l'invalide exigent que l'on réduise le montant des
salaires
ressortant des statistiques. De telles déductions ne doivent pas être
effectuées de manière schématique, mais tenir compte de l'ensemble des
circonstances du cas particulier, et cela dans le but de déterminer,
à partir
de données statistiques, un revenu d'invalide qui représente au mieux
la mise
en valeur économique exigible des activités compatibles avec la
capacité de
travail résiduelle de l'intéressé.

Cette déduction doit être opérée seulement lorsqu'il existe des
indices qu'en
raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'assuré ne peut mettre en
valeur sa
capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu'avec un
résultat
économique inférieur à la moyenne. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de
procéder à des déductions distinctes
pour chacun des facteurs entrant
en
considération comme les limitations liées au handicap, l'âge, les
années de
service, la nationalité ou la catégorie de permis de séjour, ou
encore le
taux d'occupation. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation
globale,
dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces
facteurs sur le
revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas
concret. Enfin, on ne peut procéder à une déduction globale
supérieure à 25 %
(ATF 126 V 79 80 consid. 5b/aa-cc).

En l'espèce, compte tenu des circonstances du cas particulier,
notamment de
l'âge, de la nationalité et du taux d'occupation, une réduction
globale de 15
% peut se justifier. Le revenu d'invalide sera ainsi arrêté à 42'177
fr.

3.5 De la comparaison des revenus (art. 18 al. 2 LAA), il apparaît que
A.________ subit une perte de gain de 22,3 % (42'177 / 54'309),
inférieure au
taux de 25 % que la Winterthur avait retenu dans sa décision
administrative
litigieuse. Il ne se justifie toutefois pas, dans ce cas particulier,
de
procéder à une reformatio au détriment de l'assuré de la décision de
l'assureur-accidents (qui ne le demande pas), vu la faible différence
entre
ces taux (cf. ATF 119 V 249 consid. 5).

4.
Dans son recours, la Winterthur soutient aussi que la rente
transitoire ne
doit être versée que jusqu'au moment où l'AI rend sa décision sur les
mesures
de réadaptation d'ordre professionnel, et non pas jusqu'à la date à
laquelle
la décision de l'AI entre effectivement en force. A défaut, l'assuré
pourrait
prolonger son droit à la rente transitoire de l'assureur-accidents,
notamment
en usant abusivement de son droit de recours contre la décision de
l'AI.

4.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 OLAA (dans sa teneur en vigueur
depuis le
1er janvier 1998), édicté par le Conseil fédéral en application de
l'art. 19
al. 3 LAA, lorsqu'on ne peut plus attendre de la continuation du
traitement
médical une sensible amélioration de l'état de santé de l'assuré,
mais que la
décision de l'AI concernant la réadaptation professionnelle
n'interviendra
que plus tard, une rente sera provisoirement allouée dès la fin du
traitement
médical; cette rente est calculée sur la base de l'incapacité de gain
existant à ce moment. Le droit s'éteint avec la décision négative de
l'AI
concernant la réadaptation professionnelle (let. b) ou avec la
fixation de la
rente définitive (let. c).

Selon le commentaire de l'art. 30 al. 1 OLAA - nouvelle teneur -
donné par
l'OFAS, la rente transitoire pouvant faire naître de faux espoirs
quant au
montant de la rente «définitive», il s'est avéré nécessaire de mieux
faire
ressortir, aussi bien dans le titre que dans le texte, qu'il ne
s'agit en
fait que d'une prestation temporaire, qui est fixée provisoirement.
L'ancienne réglementation ne déterminait pas le moment à partir
duquel la
rente transitoire est remplacée par la rente définitive, lorsque, par
exemple, l'AI considère, après examen du cas, que des mesures de
réadaptation
sont inutiles. C'est la raison pour laquelle on précise expressément
quand
s'éteint la rente transitoire (RAMA 1998 p. 130; cf. aussi au sujet du
caractère temporaire Maurer, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, p.
371).

En réalité et comme le montre le présent litige, la précision
souhaitée fait
défaut dès lors que le texte de l'ordonnance (qui reprend celui de
l'art. 19
al. 3 LAA) ne permet pas de dire - dans aucune des trois versions
linguistiques - ce qu'il en est lorsque les mesures de reclassement
ont été
refusées par l'AI mais que sa décision est portée par la voie du
recours
devant les instances judiciaires.

4.2 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Selon la
jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte
clair par
voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent
de penser
que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en
cause. De
tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du
sens de
la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte
n'est pas
absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont
possibles, il
convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en
la
dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des
travaux
préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des
valeurs sur
lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres
dispositions
légales (ATF 128 II 347 consid. 3.5, 128 V 105 consid. 5, 207 consid.
5b et
les références).
Dans son message à l'appui d'un projet de loi fédérale sur
l'assurance-accidents du 18 août 1976, le Conseil fédéral n'avait
prévu
l'allocation de rentes qu'à partir du moment où les mesures de
réadaptation
auraient été menées à chef (FF 1976 III 193-194, ad art. 19). Lors de
la
lecture de l'art. 19 al. 3 du projet de loi, le rapporteur de la
commission
du Conseil national a relevé qu'il fallait souvent attendre plusieurs
mois
avant que les organes de l'assurance-invalidité fixent le montant des
rentes
ou statuent sur les mesures de réadaptation. Aussi a-t-il paru
nécessaire à
la commission de donner mandat au Conseil fédéral d'édicter des
prescriptions
afin que l'assureur puisse verser les rentes entre le moment où l'on
constate
qu'on ne peut plus attendre de la poursuite du traitement médical une
sensible amélioration de l'état de santé de l'assuré et le moment où
la
décision est prise par l'assurance-invalidité (BO CN 1979 pp.
180-181).

Si le législateur n'a pas réglé expressis verbis la question du droit
à une
rente transitoire de l'assureur-accidents durant une éventuelle
procédure de
recours concernant les mesures de réadaptation de
l'assurance-invalidité, il
a néanmoins manifesté clairement son intention de garantir le
versement de
telles rentes aussi bien pendant le déroulement desdites mesures de
réadaptation que pendant la période qui va de la fin du traitement
médical
jusqu'au moment où décision est prise quant à d'éventuelles mesures de
réadaptation, cas échéant à la mise en oeuvre de celles-ci. Par
ailleurs, on
sait que l'obligation de l'assureur-accidents d'allouer ses
prestations
dépend indubitablement de la décision de l'AI portant sur le droit de
l'assuré aux mesures de réadaptation d'ordre professionnel (art. 19
al. 1
LAA; Omlin, Die Invalidität in der obligatorischen
Unfallversicherung, p.
199).

Dans ces conditions, le point de vue que défend la Winterthur
n'apparaît pas
conciliable avec l'intention du législateur et va à l'encontre de la
systématique de la loi. En effet, on ne voit pas que la rente
transitoire
allouée pendant la durée de la procédure menant à la décision de l'AI
ne
puisse pas concerner la durée totale de cette procédure, y compris
lorsqu'il
y a recours, faute de quoi l'intention du législateur d'assurer le
versement
de prestations pendant cette période temporaire et transitoire ne
serait pas
respectée. On peut relever aussi qu'une telle interprétation peut se
fonder
en partie sur le texte de la loi dès lors que par décision de l'AI il
y a
lieu de comprendre décision de l'assurance-invalidité en général et
non
exclusivement décision de l'office AI, organe particulier de cette
assurance.

Au demeurant, et si l'on suivait le raisonnement de la Winterthur,
l'octroi
d'une rente de l'assureur-accidents sitôt que l'office AI a statué
négativement sur la question de la réadaptation professionnelle
pourrait dans
certains cas aboutir à des résultats guère soutenables au regard de
la loi,
en particulier lorsque la juridiction de recours ordonne des mesures
de
réadaptation. D'une part, l'assureur-accidents se trouverait alors
avoir
statué et fixé la rente, contrairement aux exigences de l'art. 19 al.
1 LAA,
soit avant que les mesures de réadaptation n'aient été menées à terme;
d'autre part, la suppression d'une rente octroyée prématurément
serait pour
le moins délicate dès lors que les conditions d'une reconsidération ne
seraient que difficilement réunies (cf. ATF 127 V 469 consid. 2c et
les
arrêts cités). Aboutir à un tel résultat s'avérerait contraire à la
volonté
du législateur.

4.3 A l'appui de son recours, la Winterthur invoque encore le risque
d'abus
résultant de l'utilisation des voies de recours aux fins de
bénéficier d'une
rente transitoire de l'assureur-accidents pendant une période
relativement
longue.

Selon l'art. 30 al. 1 OLAA, cette prestation est fixée pratiquement
sur les
mêmes bases que la rente d'invalidité, soit en fonction de
l'incapacité de
gain qui est déterminée à la suite d'une comparaison de revenus. La
différence réside dans le fait qu'est prise en considération
l'activité qui
peut raisonnablement être exigée de la part d'un assuré non encore
réadapté,
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail (ATF 116
V 246).
Dans ces conditions, le risque d'abus qui apparaît comme faible voire
inexistant, ne saurait au demeurant justifier une interprétation
différente
de la loi.

4.4 Il s'ensuit que par décision négative de l'AI concernant la
réadaptation
professionnelle, au sens de l'art. 30 al. 1 let. b OLAA, il faut
comprendre
une décision exécutoire. Le droit de l'assuré à la rente transitoire
s'est
donc éteint lorsque le jugement de la Commission fédérale de recours
en
matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger du 6
décembre 1999
est entré en force, soit à l'échéance d'un délai de trente jours après
notification (Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, p. 233; Kölz/Häner,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd.
n° 714;
Kölz/Bosshart/Röhl, Kommentar zum Verwaltungsrechtspflegegesetz des
Kantons
Zürich, 2e éd., p. 750).

En l'occurrence, ce jugement a été notifié le 23 décembre 1999 au
mandataire
de l'assuré, de sorte qu'il est devenu exécutoire le 2 février 2000
(ATF 122
V 60). En conséquence, la rente transitoire sera versée jusqu'à fin
février
2000 (art. 19 al. 2 LAA). Le jugement attaqué sera, sur ce point,
réformé à
l'avantage de A.________ (art. 132 let. c OJ).

5.
Dans la mesure où elle succombe partiellement, la Winterthur est
redevable
d'une indemnité de dépens réduite à A.________ (art. 159 al. 1 et 2
in fine
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Les causes U 230/01 et U 232/01 sont jointes.

2.
Les recours sont partiellement admis. Les ch. 3, 4 et 5 du dispositif
du
jugement du Tribunal administratif du canton de Genève du 8 mai 2001
sont
réformés en ce sens que A.________ a droit à une rente transitoire
jusqu'au
29 février 2000 puis à une rente d'invalidité de 25 % à partir du 1er
mars
2000. Les recours sont rejetés pour le surplus.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
La Winterthur Assurances versera à A.________ la somme de 800 fr. à
titre de
dépens pour la procédure fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif de la
République et Canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 17 mars 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.230/01
Date de la décision : 17/03/2003
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 19 al. 3 LAA; art. 30 al. 1 let. b OLAA. Par décision négative de l'AI concernant la réadaptation professionnelle, il faut comprendre une décision exécutoire. In casu, le droit à la rente transitoire s'est éteint lors de l'entrée en force du jugement statuant sur la question desdites mesures de réadaptation.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-17;u.230.01 ?
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