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17/03/2003 | SUISSE | N°4C.8/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 mars 2003, 4C.8/2003


{T 0/2}
4C.8/2003 /ech

Arrêt du 17 mars 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Marie-Claude de
Rham-Casthélaz,
avocate, rue d'Italie 11, 1204 Genève,

contre

A.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe Neyroud, avocat,
rue de
Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11.

contrat de mandat

recours en réforme contre l'arrêt de la Cham

bre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 15 novembre 2002.

Faits:

A.
X. ________ est devenu client...

{T 0/2}
4C.8/2003 /ech

Arrêt du 17 mars 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Marie-Claude de
Rham-Casthélaz,
avocate, rue d'Italie 11, 1204 Genève,

contre

A.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe Neyroud, avocat,
rue de
Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11.

contrat de mandat

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 15 novembre 2002.

Faits:

A.
X. ________ est devenu client de C.________, absorbée par D.________,
elle-même reprise par E.________, dont la raison sociale actuelle est
A.________ (ci-après: la banque), dans les circonstances énoncées dans
l'arrêt 4C.351/1997 du 27 avril 1998 entre les mêmes parties. Son ami
Z.________, assistant vice- président de la banque, gérait ses
avoirs, avant
d'être convaincu de nombreuses malversations commises au préjudice de
clients, ce qui a amené son arrestation le 23 octobre 1989 et sa
condamnation
le 18 février 1993 par la Cour correctionnelle de Genève.

La banque a alors invité les clients à se déterminer sur les
opérations
enregistrées sur leurs comptes. Le 25 janvier 1990, X.________ a
présenté
devant le Tribunal de première instance du canton de Genève une
demande en
reddition de comptes avant de conclure, le 5 mars 1991, au paiement de
1'995'607,30 US$ pour le remboursement de ses avoirs.
Reconventionnellement,
la banque a demandé la restitution du solde des mêmes comptes, qu'elle
estimait négatif à hauteur de 2'757'796 US$. Par arrêt du 20 juin
1997, la
Cour de justice a condamné la banque à verser à son client les sommes
de
622'106,35 US$ avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 1989, 2'500 US$
avec
intérêts à 5% dès le 5 mars 1991 et 212'756 £ plus 87 £ d'intérêts
quotidiens, ainsi que 165 £ avec intérêts à 5% dès le 4 septembre
1991. Suite
à l'irrecevabilité du recours principal de la banque et du recours
joint de
X.________ (arrêt précité du 27 avril 1998), le prononcé cantonal est
devenu
définitif.

B.
En 1988, X.________, ainsi que son père Y.________ sont devenus
propriétaires
chacun d'un appartement. Le 18 juillet 1989, Y.________ a fait
donation de
son appartement à son fils X.________, qui a accepté et qui a
notamment
assumé la dette hypothécaire à l'égard de la banque F.________,
reprise
ultérieurement par la banque G.________. L'acquisition de ces deux
immeubles
s'est opérée essentiellement grâce aux crédits hypothécaires octroyés
par la
banque G.________.

Dès juin 1990, X.________ a donné l'ordre à la banque de payer à la
banque
G.________ divers montants concernant les deux appartements, en
particulier,
le 27 août 1991, la somme de 86'802 fr. qu'il devait verser
immédiatement
pour obtenir un délai supplémentaire. La banque a refusé, en
invoquant le
défaut de provision. Malgré cela, la banque G.________ a patienté
jusqu'à fin
juillet 1992 avant de demander la réalisation des gages. Le 24
février 1993,
l'office des faillites compétent a estimé les appartements à
respectivement
393'000 fr. et 372'000 fr., soit un total de 765'000 fr. Ils ont été
vendus
aux enchères forcées le 18 mai 1993 pour 400'000 fr. le premier et
380'000
fr. le second, soit au total 780'000 fr. L'adjudicataire était la
banque
G.________, dont X.________ était débiteur de 1'038'457 fr. 40, selon
l'état
des charges au jour de la vente. Au 31 octobre 1989, son passif à
l'égard de
la banque G.________ s 'élevait à 763'919 fr.

C.
Par demande déposée devant le Tribunal de première instance, le 6
octobre
1998, X.________ a réclamé à la banque le paiement de 1'128'405 fr. en
réparation du dommage résultant pour lui de la vente aux enchères
forcées des
deux appartements. Dans son jugement du 10 mai 2001, le Tribunal a
condamné
la banque à payer à X.________ la somme de 348'793 fr. de ce chef.

Saisie d'un appel de la banque et d'un appel incident de X.________,
la Cour
de justice a annulé le jugement entrepris et débouté le demandeur de
toutes
ses conclusions. Elle a relevé que la banque ne pouvait se prévaloir
d'un
solde insuffisant sur les comptes de X.________, ni de son ignorance
à ce
sujet, dans la mesure où, si la situation de ses comptes n'était pas
claire
au moment d'exécuter les ordres de paiement, cet état de choses était
imputable aux malversations de son gérant, dont elle répondait à
teneur des
art. 55 CC et 55 CO. Par contre, X.________ n'avait pas prouvé son
dommage,
puisque la vente forcée s'était réalisée aux conditions du marché et
que les
appartements vendus n'auraient pas eu plus de valeur dans le
patrimoine de
leur ancien propriétaire, s'ils n'avaient pas été aliénés. De plus, le
rapport de causalité entre le refus de la banque d'exécuter l'ordre de
virement pour les charges hypothécaires, en faveur de la banque
G.________,
et le préjudice allégué, soit la réalisation des deux appartements
lors des
enchères forcées, n'était pas davantage établi.

D.
X. ________ interjette en temps utile un recours en réforme contre
l'arrêt
cantonal. Invoquant les art. 55 al. 1 let. d, 63 al. 2 et 64 al. 2
OJ, il
demande au Tribunal fédéral de compléter l'état de fait sur certains
points.
Le recourant voit une violation des art. 41, 97 et 99 al. 3 CO dans
le refus
de considérer comme un dommage la perte de ses investissements et de
la
donation reçue de son père. Il dit avoir prouvé le rapport de
causalité entre
la violation des obligations contractuelles par la banque et le
dommage subi
par lui-même, car si les ordres de paiement avaient été effectués, la
banque
G.________ n'aurait pas dénoncé au remboursement les prêts
hypothécaires
concernant les deux appartements. Le recourant se plaint également
d'une
appréciation arbitraire des preuves.

La banque, défenderesse et intimée, conclut à l'irrecevabilité du
recours de
droit public et au rejet du recours en réforme, dans la mesure où il
est
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Se référant à "la jurisprudence ATF 111 II 384 c. 1 p. 386", le
recourant
soutient qu'il "est possible au Tribunal fédéral de traiter le
recours en
réforme comme un recours de droit public si l'acte satisfait aux
exigences
légales du recours de droit public".

La référence à cet arrêt n'est d'aucun secours pour le recourant
puisqu'il
s'agissait, dans ce précédent, de traiter comme un recours en
réforme, pour
violation du droit fédéral, un recours de droit public dont
l'irrecevabilité
avait été prononcée en application de l'art. 84 al. 2 OJ. En
principe, le
recours en réforme et le recours de droit public doivent faire
l'objet de
deux mémoires séparés et ne peuvent être présentés dans un seul acte
(Poudret, COJ, n. 2.3 ad art. 43, p. 146). Toutefois, la réunion en
un seul
acte comportant deux parties nettement distinctes peut à la rigueur
être
admise (ATF 120 III 64 consid. 2 et les références), pour autant que
les
conditions de recevabilité de chacun des deux moyens de droit soient
réalisées.

1.2 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le recours de droit public doit
contenir
un exposé essentiel des faits et un exposé succinct des droits
constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi
consiste la violation. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs
admissibles qui ont été invoqués et suffisamment motivés dans l'acte
de
recours. Il n'entre pas en matière sur des moyens insuffisamment
exposés et
sur des critiques purement appellatoires. En particulier,
l'allégation toute
générale du caractère prétendument arbitraire de la décision attaquée
ne
suffit pas. Le recourant doit au contraire démontrer de façon
circonstanciée
en quoi la décision entreprise violerait le principe invoqué, ou,
s'agissant
de l'appréciation des preuves, en quoi cette dernière serait
manifestement
insoutenable, en grossière contradiction avec la situation de fait ou
porterait une atteinte grave à une norme ou à un principe juridique
indiscuté, ou encore heurterait de manière choquante le sentiment de
la
justice (ATF 128 III 50 consid. 1c; 125 I 492 consid. 1b p. 495,
chacun avec
les arrêts cités).

1.3 L'argumentation du recourant en p. 16, ch. III, ne satisfait pas
à ces
exigences. Le caractère adéquat du lien de causalité entre le dommage
prétendument subi et la violation de ses obligations par la banque
est une
question de droit, relevant de la procédure de recours en réforme,
que le
recourant a d'ailleurs soumise au Tribunal fédéral par cette voie. Il
en va
de même de la notion juridique du dommage, alors que l'existence et
l'ampleur
de celui-ci sont des questions de fait que le recourant peut
soumettre à
l'examen du Tribunal fédéral par le biais du recours de droit public
(ATF 129
III 18 consid. 2.4 p. 23 et les arrêts cités).

Dans le cas présent, la Cour de justice a considéré que la vente aux
enchères, comme mesure d'exécution forcée, n'avait causé aucun
préjudice au
propriétaire, puisque le prix d'adjudication total était de 780'000
fr.,
alors que la valeur du marché de ses biens-fonds s'élevait en 1993 à
765'000
fr., étant non contesté que le recourant et son père avaient acquis
chacun un
appartement en 1988 pour la somme de 475'000 fr., soit au total
950'000 fr.

Le recourant ne s'attache pas à démontrer en quoi l'appréciation des
faits et
des preuves serait contraire à l'art. 9 Cst., dans le sens de la
jurisprudence mentionnée ci-dessus, mais il reproche à la cour
cantonale de
n'avoir pas admis que le dommage consistait pour lui en la perte de
ses
investissements et de la donation reçue de son père. Au demeurant,
dans
l'appréciation des preuves, la Cour de justice a retenu, comme le
recourant
le lui demandait, que ses comptes présentaient un solde positif et
que la
banque aurait dû exécuter les ordres de virement en faveur de la
banque
G.________. En réalité, le recourant fait grief à la juridiction
cantonale
d'avoir estimé le dommage au moment de la vente aux enchères forcées
(18 mai
1993) et non pas en fonction de ses investissements et de sa qualité
de
donataire en 1988 et 1989. Or, le choix de la date déterminante pour
apprécier la survenance d'un dommage, dans le contexte de la présente
cause,
relève de la notion du dommage et non pas de celle des éléments de
fait le
constituant.

Le recours de droit public est ainsi irrecevable.

2.
2.1Interjeté par la partie dont les conclusions condamnatoires ont été
écartées en totalité, et dirigé contre un jugement final rendu en
dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), sur
une
contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de
8'000 fr.
(art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable
puisqu'il a été
déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises
(art. 55
OJ).

2.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2ème phrase OJ) ou la
violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 161 consid.
2b, 189
consid. 2a, 370 consid. 5; 125 III 305 consid. 2e).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
consid. 2c). Dans la mesure où le recourant présente un état de fait
qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir
avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'y a pas
lieu d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 127 III 543
consid. 2c
p. 547; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).
Si le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des
parties, qui
ne peuvent prendre de conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in
fine
OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent, ni par ceux
de la
décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc p.
29; 127
III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

3.
Le recourant fait valoir, sans distinguer les deux moyens, des
inadvertances
manifestes et la nécessité de compléter l'état de fait en application
des
art. 63 al. 2 et 64 OJ.

3.1 Le Tribunal fédéral peut rectifier d'office une inadvertance
manifeste en
cas d'erreur évidente dans la constatation des faits, lorsque le juge
n'a pas
examiné une pièce, même implicitement, de sorte qu'il n'en a pas pris
connaissance ou l'a simplement laissée de côté. L'inadvertance
manifeste ne
saurait être confondue avec l'appréciation des preuves. Dès l'instant
où une
constatation de fait repose sur l'appréciation,
même insoutenable,
d'une
preuve, d'un ensemble de preuves ou d'indices, l'inadvertance est
exclue et
il ne peut être remédié à une mauvaise appréciation des preuves par
la voie
prévue à l'art. 55 al. 1 let. d OJ (arrêt 4C.149/1995 du 5 décembre
1995,
consid. 3a, publié in SJ 1996 p. 353/354).

En l'espèce, l'arrêt attaqué ne mentionne pas que la banque
G.________ avait
accepté de patienter jusqu'à fin juillet 1992 avant de demander la
réalisation des gages. Toutefois, la décision de la Cour de justice
précise
les démarches faites par le recourant auprès de la banque, et les
refus
réitérés de celle-ci d'exécuter les virements en faveur de la banque
G.________. Ensuite, l'arrêt attaqué indique (let. M, p. 5) les
étapes de la
procédure en réalisation de gage, qui s'est déroulée en 1993, pour
aboutir à
la vente aux enchères du 18 mai 1993, soit après fin juillet 1992.
Dans la
mesure où le recourant se plaint de ce que la cour cantonale n'aurait
pas
tenu compte de ses pièces nos 26, 30, 31 et 33, il ressort de la
lecture de
la décision querellée que les précédents juges les ont implicitement
prises
en considération. Par contre, lorsqu'il soutient qu'avec un paiement
de
86'802 fr. en août 1991, il aurait pu éviter la vente de ses
appartements, en
référence à sa pièce 23 selon laquelle la banque G.________ avait
déclaré
qu'elle n'accepterait d'accorder un délai supplémentaire qu'en cas de
paiement immédiat de cette somme, le recourant met en cause
l'appréciation
des preuves d'une manière inadmissible sous l'angle de l'art. 63 al.
2 OJ. Il
en va de même des développements figurant en p. 6 à 8 du recours, où
le
demandeur explique que le montant de la donation reçue de son père
n'était
pas de 240'000 fr., selon l'acte notarié d'un notaire vaudois faisant
l'objet
de la pièce n° 41, mais bien plutôt de 88'143 fr. 30. En retenant la
somme
indiquée dans un acte notarié, et faisant l'objet d'une pièce
déterminée, la
Cour de justice n'a en tout cas pas commis une inadvertance
manifeste. Savoir
quel était le montant de la donation, pour contribuer à déterminer
l'ampleur
d'un dommage éventuel, est une question d'appréciation des preuves,
qui
exclut l'inadvertance manifeste (Poudret, op. cit., n. 5.4 ad art. 63
OJ).

3.2 Les constatations de fait de l'autorité cantonale sont
suffisantes, de
sorte qu'il n'y a pas matière à appliquer l'art. 64 OJ. S'agissant de
l'exigence de la banque G.________ de recevoir immédiatement en août
1991 la
somme de 86'802 fr., pour accorder un délai supplémentaire, et de la
mise en
demeure adressée par le recourant à la banque pour exécuter ce
versement, que
cette dernière a refusé d'opérer, la cause est suffisamment
instruite. En
effet, il ressort implicitement de l'arrêt cantonal et de
l'allégation non
contestée du recourant que la banque G.________ n'a pas demandé la
réalisation forcée des gages avant fin juillet 1992, soit près d'un
an plus
tard. Quant à la détermination du montant de la donation acceptée en
1989, la
cour cantonale l'a opérée à partir de l'acte notarié et du témoignage
d'un
employé de l'administration fiscale cantonale vaudoise, soit au terme
d'une
appréciation des preuves dont le recourant n'a pas réussi à démontrer
le
caractère arbitraire, dans son recours de droit public non motivé sur
ce
point au sens de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, et dont l'irrecevabilité
a été
prononcée.

En conséquence, il n'y a pas matière, en l'espèce, à rectifier ou à
compléter
l'état de fait retenu par la cour cantonale.

4.
Le recourant critique la Cour de justice en ce qu'elle a nié
l'existence d'un
dommage, alors qu'il soutient avoir perdu ses investissements et la
donation
reçue de son père en raison du refus injustifié de la banque de payer
à la
banque G.________ la somme susmentionnée de 86'802 fr.

4.1 Conformément à la jurisprudence, le dommage juridique reconnu
réside dans
la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la
différence
entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant qu'aurait
ce même
patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas produit; le
dommage peut
se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une
augmentation du
passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du
passif
(ATF 129 III 18 consid. 2.4 p. 23 et les arrêts cités).

4.2 En l'espèce, la Cour de justice a retenu que le dommage allégué
consistait dans la différence entre l'état du patrimoine du recourant
après
la vente aux enchères, par rapport à ce qu'il aurait été si cette
dernière
n'avait pas eu lieu, puisque le fait dommageable invoqué est la
survenance de
cette vente. A cet égard, constatant que l'office des faillites avait
procédé
à l'estimation des deux appartements en février 1993 et était arrivé
à un
montant total de 765'000 fr., la cour cantonale a considéré qu'il n'y
avait
aucun dommage, dans la mesure où l'adjudication des biens avait été
faite
pour le prix total de 780'000 fr., supérieur à l'estimation et à la
valeur du
marché immobilier au début 1993. Dans ces conditions, comme la vente
forcée
s'est réalisée pour un prix supérieur à la valeur des deux
appartements s'ils
étaient restés à l'époque dans le patrimoine du recourant, aucun
préjudice
n'est né pour celui-ci de l'aliénation forcée.

De son côté, le recourant soutient que la vente aux enchères est la
conséquence de la non-exécution de l'ordre de virement donné par lui
à la
banque, en faveur de la banque G.________, en août 1991, et que cette
circonstance permet de tenir compte, au titre du dommage, de la perte
de ses
investissements et de la donation reçue de son père, soit divers
montants
s'échelonnant d'octobre 1988 à août 1993. Sans la mesure d'exécution
forcée,
il aurait pu maintenir les deux appartements dans son patrimoine
jusqu'à la
vente d'un bien-fonds en Angleterre ou jusqu'à la levée du contrôle
des
changes en Grèce, en juin 1994.

Le recourant fait ainsi valoir que la vente aux enchères lui a
supprimé la
possibilité de maintenir les deux appartements dans sa fortune.
Lorsque,
comme en l'espèce, le manquement consiste en une omission, soit le
refus de
la banque d'exécuter un ordre de paiement, l'établissement du lien de
causalité revient à se demander si l'accomplissement de l'acte omis
aurait
empêché la survenance du résultat dommageable (Honsell,
Schweizerisches
Haftpflichtrecht, 3e éd. n. 35 ad § 3; Gauch/Schluep/Schmid/Rey,
Schweizerisches Obligationenrecht, Allg. Teil, vol. II, 7e éd., n.
2716).
Selon la jurisprudence, les considérations du juge en matière de
causalité
hypothétique reposent sur l'appréciation des preuves et, à l'instar de
l'établissement de la causalité naturelle, ne peuvent être revues en
instance
de réforme. Le Tribunal fédéral ne peut revoir que les déductions
relevant
exclusivement de l'expérience générale de la vie (ATF 115 II 440
consid. 5b;
ATF 116 II 480 consid. 3a p. 486). Dans ce cas, le juge procède non
pas par
un raisonnement logique, mais par un jugement de valeur (Kramer, Die
Kausalität im Haftpflichtrecht: neue Tendenzen in Theorie und Praxis,
in RJB
123/1987 p. 289 ss). Ces divers principes ont encore été récemment
confirmés
(ATF 126 III 10 consid. 2b p. 12).

Or, à cet égard, la cour cantonale a relevé, en se référant non pas à
des
données générales tirées de l'expérience de la vie, mais au montant
total des
dettes du recourant envers la banque G.________ (1'038'457 fr. 40 au
jour de
la vente aux enchères, 763'919 fr. au 31 octobre 1989), que rien ne
prouvait
"que l'exécution de ces ordres de virement aurait été de nature à
empêcher la
réalisation forcée des deux immeubles. En effet, le montant total des
dettes
(...), au moment de la réalisation forcée, était suffisamment
important, pour
qu'on ne puisse écarter avec une certitude suffisante que la banque
n'aurait
pas dû faire réaliser néanmoins ses gages immobiliers, même si les
ordres de
virement contestés avaient été exécutés". Il en résulte que même si
l'acte
omis avait été exécuté, soit le virement de 86'802 fr. en faveur de
la banque
G.________, il n'est pas certain que cette dernière n'aurait pas
requis la
réalisation forcée des immeubles, en considération de l'importance du
montant
total des dettes et du découvert ne cessant de s'accroître. La cour
cantonale
a ainsi rejeté le processus causal en se fondant sur une libre
appréciation
des preuves, qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme.

En conséquence, le recours en réforme doit être rejeté dans la mesure
où il
est recevable.

5.
Vu l'issue du litige, le recourant devra payer l'émolument judiciaire
(art.
156 al.1 OJ) et verser des dépens à l'intimée (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est irrecevable.

2.
Le recours en réforme est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Un émolument judiciaire de 9'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 10'000 fr. à titre
de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 17 mars 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.8/2003
Date de la décision : 17/03/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-17;4c.8.2003 ?
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